Published on Wednesday, October 29, 2025
Abstract
Nostalgie, postmodernité, culture vintage, esthétique rétro et films patrimoniaux : depuis toujours, le cinéma et l’audiovisuel rejouent sans cesse le plaisir de la répétition et le goût du passé recomposé. Remakes, reboots, adaptations, récits autobiographiques, biopics et reprises d’univers fictionnels révèlent un rapport privilégié entre le médium et la mémoire, oscillant entre souvenir intime et mémoire collective. Or, ces dernières années, on observe une accélération de ces phénomènes, faisant de cette question – entre regrets technologiques (comme la perte de la pellicule), nostalgies récentes (reconstitution des années 1990), univers revisités (remakes en prises de vues réelles chez Disney) et patrimonialisation des corpus – l’un des enjeux brûlants de la fabrique cinématographique contemporaine.
Announcement
« La nostalgie n’est plus ce qu’elle était » : Fabrique et usages de la nostalgie en cinéma et audiovisuel - Colloque international – Université Bordeaux Montaigne, ARTES, 30 mars-1er avril 2026 - CFP in English below
Argumentaire
Nostalgie, post-modernité, culture vintage, esthétique rétro et films patrimoniaux : depuis toujours le cinéma et l’audiovisuel rejouent sans cesse le plaisir de la répétition et le goût du passé recomposé. Remakes, reboots, adaptations, récits autobiographiques, biopics et reprises d’univers fictionnels révèlent un rapport privilégié entre le médium et la mémoire, oscillant entre souvenir intime et mémoire collective. Ces pratiques participent à une véritable fabrique de la nostalgie, qui façonne à la fois les récits, les esthétiques, les stratégies de l’industrie et les expériences spectatorielles. La nostalgie ne se réduit pas à une simple mélancolie du passé : elle relève d’un rapport construit au temps, où le présent regarde en arrière pour retravailler, sélectionner et styliser ce qui a été vécu. Initialement pensée comme le « mal du retour » associé à l’exil ou au déracinement, elle constitue un véritable opérateur esthétique et narratif, façonnant des récits, des images, des dispositifs et des imaginaires collectifs ambivalents. Solaire ou songeuse, la nostalgie cinématographique façonne tour à tour passé idéalisé faisant office de sas refuge au présent, flash-back réflexif et critique, moteur de reconnaissance générationnelle ou levier de patrimonialisation.
Svetlana Boym, dans The Future of Nostalgia (2001), distingue deux formes majeures de nostalgie dans la fiction littéraire : la nostalgie restaurative, qui vise à reconstruire et à idéaliser un passé perdu, et la nostalgie réfléchie, qui valorise la distance critique au passé, questionnant les mécanismes mêmes du souvenir. Pour Boym, la nostalgie n’est pas une simple rêverie du passé, mais une expérience ambivalente, mêlant désir de continuité et conscience de l’irréversibilité du temps. Elle observe que la nostalgie se déploie souvent en réponse aux accélérations sociales, historiques et technologiques, jouant un rôle de défense affective face aux pertes identitaires et aux changements.
Dans les études cinématographiques et audiovisuelles, la nostalgie est aujourd’hui analysée comme un phénomène complexe qui façonne simultanément les récits, les formes esthétiques et les modalités de réception. À côté des travaux classiques (Powrie, 1997 ; Vincendeau, 2001 ; Cook, 2005 ; Hodgin, 2011), des recherches plus récentes insistent sur la multidimensionnalité de la nostalgie, notamment son rôle dans la patrimonialisation, la construction identitaire et la critique culturelle (Sperb, 2016). Simon Reynolds (2011) étudie cette tendance à la « rétromanie » dans les industries culturelles, tandis que Fantin, Févry et Niemeyer (2021) proposent une approche interdisciplinaire qui lie nostalgie, médias et technologies, soulignant la médiatisation croissante des souvenirs et l’incidence de la culture numérique. Parmi les contributions récentes notables, Kathryn Pallister (2019) explore la nostalgie à l’ère du streaming et des plateformes, où le répertoire patrimonial devient un actif central des stratégies de programmation. Ces travaux soulignent la plasticité du concept et son rôle clé dans les formes contemporaines d’interactions entre passé, présent et technologies médiatiques.
Le colloque se propose d’explorer cette dynamique contemporaine dans toutes ces dimensions (nouvelles approches, réception, esthétique, technique, équipes et fabrique) à travers quatre axes complémentaires, sans limitations chronologiques ou géographiques dans les corpus, où la nostalgie est étudiée à la fois comme construction esthétique, phénomène culturel et enjeu idéologique.
Récits et personnages
Un premier axe s’intéressera aux récits et aux personnages marqués par la nostalgie (Guy, 2018 ; La Belle Époque, 2019 ; Nostalgia, 2022). Il inclut les univers revisités (Disney, Harry Potter, Star Wars, Marvel), les remakes (La Fille du puisatier, 2011 ; La vita davanti a sé/La Vie devant soi, 2020) ; suites (Les Bronzés 3 : amis pour la vie, 2006 ; Indiana Jones and the Dial of Destiny/Indiana Jones et le Cadran de la destinée, 2023), films patrimoniaux (Le Comte de Monte-Cristo, 2024) ou biopics (The Crown, 2016- 2023 ; Barbara, 2017 ; Moi qui t’aimais, 2025) qui interrogent la mémoire. La nostalgie se manifeste aussi dans les représentations du vieillissement et le recours au de-aging numérique, tout en se croisant avec des questions de genre et de classes sociales.
Du nostalgique récent
Le deuxième axe abordera la construction du nostalgique dans la temporalité récente : comment comprendre la nostalgie des années 1980, 1990 ou 2000 ? On peut citer, pêle- mêle, les séries Stranger Things, That ’90s Show ou How I Met Your Father, ainsi que les films Atomic Blonde (2017), Captain Marvel (2019), Turning Red (Alerte Rouge 2022), L’Amour ouf (2024). L’objectif est de s’interroger sur le phénomène d’un raccourcissement apparent du délai nostalgique, qui semble s’activer aujourd’hui beaucoup plus rapidement qu’auparavant.
Mémoire collective et Histoire
Le troisième axe privilégiera la mémoire collective, en s’intéressant aux pratiques spectatorielles telles que la cinéphilie collectionneuse et la patrimonialisation des corpus (Carlotta Films et sa politique de nouvelle identité visuelle des films), qui permettent de conserver et de réactiver des souvenirs culturels partagés. Il examinera également la manière dont l’Histoire s’écrit, par exemple, à travers le film/la série de guerre pour ce qui relève de la fiction, ou encore dans les formes audiovisuelles documentaires historiques, dévoilant la manière dont ces œuvres sélectionnent, organisent et mettent en scène des événements passés qui nourrissent une nostalgie collective et une mémoire commune.
Industries et nostalgie
Enfin, le quatrième axe se penchera sur la manière dont les industries s’articulent avec la notion de nostalgie. Cela concerne d’abord la production, avec des circulations et des exils de professionnels, le maintien de la pellicule comme support pour certains projets, et l’émergence d’un vocabulaire hybride, comme le terme « tradigital » dans le champ du cinéma d’animation. Les mêmes tendances se retrouvent dans la diffusion, via l’apparition de festivals (Cannes Classics, Il Cinema Ritrovato, Cinema Rediscovered), revues (Schnock), la constitution de catalogues (notamment sur les plateformes), ou encore l’utilisation de stratégies marketing fondées sur l’esthétique du vintage.
Modalités de soumission
Les propositions (titre + résumé de 300 mots en français ou en anglais, accompagné d’une courte notice biobibliographique) sont à envoyer aux quatre adresses suivantes: eve.benhamou@u-bordeaux-montaigne.fr; berenice.bonhomme@u-bordeaux- montaigne.fr; gwenlegras@wanadoo.fr; loick.massonnaud@u-bordeaux-montaigne.fr,
avant le 19 décembre 2025.
Les communications pourront être données en français ou en anglais. Une publication des actes est prévue à l’issue du colloque.
Comité d’organisation
- Eve Benhamou
- Bérénice Bonhomme
- Gwénaëlle Le Gras
- Loïck Massonnaud
Comité scientifique
Membres internes (Université Bordeaux Montaigne) :
- Eve Benhamou
- Pierre Beylot
- Bérénice Bonhomme
- Camille Gendrault
- Gwénaëlle Le Gras
- Clément Puget
- Marguerite Vappererau
Membres externes :
- Sébastien Févry (Université catholique de Louvain)
- Mary Harrod (Université de Warwick)
- Hélène Laurichesse (Université de Toulouse-Jean Jaurès)
- Raphaëlle Moine (Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3)
- Camille Pierre (Université Toulouse 2-Jean Jaurès)
- Katalin Pór (Université Paris 8)
- Delphine Robic-Diaz (Université de Tours)
- Ginette Vincendeau (King’s College London)
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Subjects
- Representation (Main category)
Places
- Université Bordeaux Montaigne
Bordeaux, France (33)
Date(s)
- Friday, December 19, 2025
Attached files
Keywords
- cinéma, audiovisuel, nostalgie, représentation, industrie, mémoire, récit, personnage
Contact(s)
- Eve Benhamou
courriel : eve [dot] benhamou [at] u-bordeaux-montaigne [dot] fr - Bérénice Bonhomme
courriel : berenice [dot] bonhomme [at] u-bordeaux-montaigne [dot] fr
Information source
- Gwénaëlle Le Gras
courriel : gwenlegras [at] wanadoo [dot] fr
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To cite this announcement
« « La nostalgie n’est plus ce qu’elle était : Fabrique et usages de la nostalgie en cinéma et audiovisuel » », Call for papers, Calenda, Published on Wednesday, October 29, 2025, https://doi.org/10.58079/1527w

