Les termes tessera, tabella et sors désignaient dans le monde romain des petits objets, plats ou en volume, de forme carrée, rectangulaire, sphérique ou cubique, qui pouvaient être confectionnés à partir de pierre, d’os, d’ivoire, de bronze, de plomb, d’ambre, de cristal ou de terre cuite. Dès l’Antiquité, ces trois termes furent attribués dans la documentation littéraire à toutes sortes d’artefacts qui remplissaient en réalité des fonctions différentes. Ce workshop se donne plusieurs objectifs dont recenser les différents types de tabellae, tesserae et sortes attestés dans le monde romain et établir une typologie générale du « petit matériel » en forme de tablette.

Argumentaire

Les termes tessera, tabella et sors désignaient dans le monde romain des petits objets, plats ou en volume, de forme carrée, rectangulaire, sphérique ou cubique, qui pouvaient être confectionnés à partir de pierre, d’os, d’ivoire, de bronze, de plomb, d’ambre, de cristal ou de terre cuite. Ces objets pouvaient avoir des fonctions fort diverses, du dé ou carreau de carrelage au support d’écriture. Dès l’Antiquité, les termes de tessera, tabella et sors furent ainsi attribués dans la documentation littéraire à toutes sortes d’artefacts, aux formes diverses et qui remplissaient en réalité des fonctions différentes. 

L’examen de la documentation suggère que ces objets ressemblaient souvent à des « tablettes » et étaient des supports d’écriture fréquents et communs. Bien souvent négligés, du fait de leur petite taille, à la fois dans les études scientifiques et dans l’exposition des collections patrimoniales, malgré les travaux récents menés pour les mondes grec et romain par C. Rowan et son équipe sur les jetons monétiformes (« Tokens in the Ancient Mediterranean », https://coins.warwick.ac.uk/token-types/), ces petites « tablettes » jouèrent un rôle important, sur la longue durée, dans le fonctionnement quotidien de la communauté civique romaine et dans la diffusion d’une culture commune, fondée sur l’écrit et un répertoire iconographique cohérent. En contexte civique, ce petit matériel servait par exemple en effet à exprimer un vote (que l’on songe ici aux tabellae, qui portaient des informations diverses selon que le vote fût électoral, législatif ou judiciaire), à tirer au sort des noms ou des numéros qui renvoyaient à des individus, des biens ou des oracles (sors civique ou oraculaire, sorticola [sic]), à identifier des personnes et à commémorer des événements, ou encore de monnaie d’échange (tessera frumentaria, hospitalis, nummularia, militaris ou lusoria). 

L’étude de ce petit matériel en forme de « tablette » se heurte à plusieurs difficultés. La première d’entre elles est matérielle. Au-delà des difficultés liées à la conservation de ces documents et à la dispersion des corpus, l’aspect (taille, matériau, type d’inscriptions) de ces objets put aussi évoluer en fonction des époques et des transformations de la législation qui en encadrait l’usage, ce qui renforce les difficultés liées à leur identification et à l’élaboration d’une typologie cohérente. 

Une deuxième série de difficultés tient au lexique employé pour désigner ces objets dans les sources littéraires ou épigraphiques. Les auteurs anciens emploient parfois les termes de tabellae, tesserae ou sortes de façon vague ou métaphorique (la sors pouvant par exemple renvoyer au destin), en particulier dans les sources poétiques. Il arrive à l’inverse qu’au sein d’un même texte, telle la Tabula Bembina (RS, 1, n°1), on trouve mention de sortes pour désigner des tablettes de vote, le choix de ce terme étant cette fois-ci fonction de l’utilisation spécifique qui était faite de ces objets (les tablettes étaient tirées au sort). Le vocabulaire qu’emploient aujourd’hui les archéologues et les historiens pour qualifier le « petit matériel » mis au jour a hérité de l’ambiguïté des sources anciennes dans la mesure où ces vocables sont parfois utilisés indifféremment et par défaut pour désigner des objets d’usages et de formes différents. Cette difficulté est redoublée par celle du lexique que nous employons aujourd’hui pour traduire les termes sortes, tabellae ou tesserae, tour à tour identifiés à des tablettes, des jetons, des pions, des lamelles, des bulletins, des plaques, des contremarques, etc., ainsi que par le problème des équivalences linguistiques entre le latin et le grec.

Ce workshop se donne ainsi quatre objectifs : 

1) recenser les différents types de tabellae, tesserae et sortes attestés dans le monde romain, en croisant la documentation matérielle et les références littéraires, épigraphiques ou juridiques relatives à ces objets ; 

2) établir une typologie générale du « petit matériel » en forme de tablette, qui reposerait sur des critères lexicaux, morphologiques et fonctionnels, afin de faciliter l’identification d’objets souvent mal classés dans les fonds des musées et les collections ; 

3) réfléchir aux traductions proposées pour rendre ces termes et aux équivalences linguistiques latingrec, afin de les clarifier et de les homogénéiser ;

4) poser les bases d’un travail collectif d’édition du « petit matériel » antique en forme de tablette, qui permettrait de rassembler, classer et analyser des corpus dispersés et de ce fait souvent négligés dans leur dimension matérielle et fonctionnelle.

Organisation

Julie Bothorel, maîtresse de conférences en histoire romaine à l’université Paris 8 Vincennes – SaintDenis, ArScAn (équipe Espri). Julie.bothorel@univ-paris8.fr

Programme

• 9h45-10h15 Accueil des participant.e.s.
• 10h15 Julie Bothorel, Maîtresse de conférences en histoire romaine, Université Paris 8  Introduction. Le petit matériel en forme de tablette, du lexique à la diversité matérielle.

Session 1. Identifier le petit matériel en forme de tablette : les difficultés soulevées par la documentation

• 10h30-11h Laura Favreau et Florence Specque, Service d’études et de documentation du Département des Antiquités grecques, étrusques et romaines, Musée du Louvre.  Tessères, jetons, tablettes dans les collections du DAGER : documenter et faire connaître des objets mal identifiés.

11h-11h30

• Oksana Ruschynska, Professeure associée de l’Université nationale V. N. Karazine de Kharkiv (Ukraine) et chercheuse senior à l’Université de Fribourg, Suisse (Grant Scholar at Risk, SNSF).  Un cas d’étude. Une plaque romaine en os de Chersonèse Taurique.

Discussions.

Déjeuner (12h30)

Session 2.  Sortes, tabellae, tabulae 

• 14h-14h30 Loredana Lancini, Post-doctorante en archéologie romaine à l’Université catholique de Louvain.  Divination, jeu, offrande : réflexions autour des « tablettes oraculaires » en contextes sacrés dans l’Italie romaine.
• 14h30-15h Louis Autin, Maître de conférences en langue et littérature latines, Sorbonne Université.  Occest vivere : les tabulae lusoriae et l’histoire culturelle par le bas. 
• 15h-15h30 Gwenaëlle Deborde, Docteure et ATER en histoire romaine à l’Université Bordeaux 3.  Tabellae judiciaires. Du vote à la sentence : évolution des usages et du contenu du petit matériel judiciaire.

Discussions et pause.

Session 3. Tesserae et tabulae

• 16h30-17h Clément Chillet, Maître de conférences en histoire ancienne, Université Grenoble Alpes. Le corpus des tesserae nummulariae.
• 17h-17h30 Marie-Adeline Le Guennec, Professeure d’histoire romaine, Université du Québec à Montréal (Canada) (en visioconférence). Tessères et tables d’hospitalité : problèmes d’identification et de typologie.

Discussions et conclusions.

Dîner (19h30)