HomeÉlaborations et mises en œuvre des politiques du travail : le ministère du Travail et la société française au XXe siècle
Published on Thursday, April 15, 2004
Abstract
Announcement
le ministère du Travail et la société française au XXe siècle.
APPEL À PROJETS DE RECHERCHES ET APPEL À COMMUNICATIONS
Dans la perspective du centenaire du ministère du Travail et de la Prévoyance sociale en 2006, le Comité d’Histoire des Administrations du Travail (CHAT) et la Direction de l’Animation de la Recherche, des Études, des Statistiques (DARES) du ministère des Affaires Sociales, du Travail et de la Solidarité ont décidé d’encourager les recherches sur l’histoire des administrations du travail et de la protection sociale. Il est prévu, à cet effet, de lancer deux appels en direction des chercheurs :
- d’une part, un appel à projets de recherches, accompagné d’un dossier administratif et financier. Le dossier complet devra être remis avant le 1er juin 2004, le cachet de La Poste faisant foi ;
- d’autre part, un appel à communications pour le colloque du centenaire du ministère qui aura lieu en 2006. Les réponses devront parvenir au Comité avant le 1er juin 2004, le cachet de La Poste faisant foi.
Il est possible de répondre à l’un des deux appels uniquement ou aux deux simultanément.
Merci de bien spécifier l’objet (« proposition de communication » ou « projet de recherche ») lors du renvoi des documents. Afin d’assurer la réussite du colloque, les propositions de communications pourront s’appuyer soit sur des travaux déjà en cours, soit sur les recherches sélectionnées par l’appel d’offre si ces dernières sont suffisamment abouties à la date du colloque.
Les réponses à l’appel à projet de recherche et les propositions de communication doivent parvenir par courrier et par mail à l’adresse suivante :
Ministère des Affaires Sociales, du Travail et de la Solidarité
Comité d’histoire des administrations du travail (CHAT)
Pièce 2257. 8 avenue de Ségur 75350 Paris 07 SP
mèl : comite.histoire@travail.gouv.fr
Pour tout renseignement concernant les thèmes et le montage des projets, s’adresser à :
dom.guyot@com-hist.travail.gouv.fr
elie-jean.vergnes@com-hist.travail.gouv.fr
APPEL À PROJETS DE RECHERCHES
Élaborations et mises en œuvre des politiques du travail :
le ministère du Travail et la société française au XXe siècle.
I. Champ de l’appel à projets de recherche
Dans la perspective du centenaire du ministère du Travail et de la Prévoyance sociale qui se déroulera en 2006, le Comité d’histoire des administrations du Travail, de l’emploi et de la formation professionnelle a décidé de lancer un programme de recherche.
Ce programme s’inscrit dans le développement d’une histoire sociale de l’État renouvelée par de récents travaux, intégrant à la fois les apports des autres disciplines et ceux de la comparaison internationale. Les études menées par les sciences humaines et sociales insistent désormais sur les différents acteurs d'un État en mutation au XXe siècle : hommes politiques, hauts fonctionnaires, syndicats, agents, usagers et citoyens. L’élaboration et la mise en œuvre des politiques ministérielles ne relèvent pas seulement d’un processus décisionnel qui émanerait du sommet de l’État et se déclinerait sur le « terrain », mais d’un entrelacs d’institutions, d’acteurs, de savoirs et de pratiques en interaction constante ou discontinue, et qui peuvent être appréhendés en construisant un corpus attentif aux échelles spatio-temporelles et aux groupes sociaux. La connaissance de l’État est attentive aux réseaux, aux acteurs et aux pratiques de l’État, et non plus seulement aux discours ou aux actions normatives portés sur le fonctionnement des administrations et de l’action publique. Elle s’attache enfin aux déplacements des frontières entre les secteurs public et privé, ou encore à la répartition des fonctions assumées ou co-assumées par le ministère du Travail tant sur le plan national que local (l’État « local » et les acteurs locaux constituent un champ de recherche trop négligé jusqu’à une période récente).
Si l’histoire sociale de l’État est en mutation, les ministères sociaux et plus particulièrement le ministère du Travail restent soustraits à ses investigations. Alors que des politiques européennes incitent à une certaine harmonisation des pratiques étatiques, la place et le rôle respectifs des États européens dans les relations du travail restent, dans le passé, mal connus. S’il existe par ailleurs des comparaisons internationales régulièrement actualisées sur la protection sociale proprement dite et des études sur l’intervention sociale des États – qui se sont mutuellement observés et jaugés dans ce domaine – peu de travaux portent sur la création et le développement des ministères du travail étrangers, leur compétence, leur mode d’action et leur culture propre. De telles comparaisons seraient pourtant de nature à faire ressortir des formes d’intervention ou de régulation distinctes, des conceptions différenciées du droit et, plus généralement, des compétences dont l’agencement et le contenu ont pu varier d’un ministère du travail à l’autre au cours du temps (poids relatif des attributions en matière d’emploi, de formation professionnelle, de relations industrielles, etc.).
De même, alors qu’on s’interroge régulièrement sur les liens entre les politiques du ministère et les autres politiques publiques, la façon dont le domaine propre d’intervention du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle s’est constitué et s’est recomposé au cours du XXe siècle par ajout de nouvelles compétences, démembrement ou réorganisation de l’action des autres ministères, voire par « sous-traitance » dans le domaine public d’une partie de son action, n’a guère été éclairée. C’est ainsi que les politiques du ministère en temps de guerres et de crises ont été très peu étudiées. Il n’existe pas non plus de travaux d’ensemble sur l’évolution, dans la durée, des politiques de main-d’œuvre et de placement, sur leur exacerbation durant les deux guerres mondiales et sur leur transformation ultérieures en politiques de l’emploi. Certaines périodes, comme la Première Guerre mondiale, l’entre-deux-guerres et les « Trente Glorieuses » recèlent encore bien des zones d’ombre s’agissant des politiques du travail, de d’emploi et, dans une moindre mesure, de la formation professionnelle. Il faut enfin rappeler que le ministère du Travail s’est construit tout autant à partir de son pôle « prévoyance sociale ». Les politiques sociales qu’il a pu mettre en œuvre à cet égard participent, autant que l’affirmation d’un droit du travail protecteur, de la constitution d’un État dont les composantes protectrices, liées ou non entre elles, ont évolué selon des rythmes différents.
Pour tenter de répondre à ces lacunes, le présent appel entend susciter des recherches pluridisciplinaires, comparatives ou non, qui situent le ministère français du Travail dans ses interactions avec son environnement national et international, qu’il s’agisse des autres ministères français, des homologues étrangers, des partenaires sociaux et des rapports avec la fonction publique et les entreprises publiques.
Dans la mesure où il existe déjà, pour la période qui s’ouvre après 1981, une série de recherches portant sur l’évolution des politiques de travail et d’emploi, des relations professionnelles, du syndicalisme et des relations sociales ou du droit de la formation professionnelle, le présent appel a retenu comme période de référence celle qui s’étend du début du siècle jusqu’aux lois Auroux (1981). Les disciplines visées – droit, science politique, histoire, sociologie, économie, géographie et gestion – sont invitées à développer des approches novatrices tout en tenant compte des connaissances déjà acquises.
II. Problématique générale
Il s’agit d’éclairer précisément l’élaboration et la mise en œuvre des politiques dont le ministère a eu ou a encore la charge dans les champs du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle, de la prévoyance sociale et, jusqu’en 1930, du logement social. Comment un domaine propre d’intervention doté de moyens d’action se constitue-t-il et se recompose-t-il au cours du XXe siècle, en liaison avec des partenaires privilégiés, par démembrement de l’action de certains ministères, par création de compétences ex nihilo ou par imitation des réalisations étrangères ?
Les recherches pourraient utilement tester l’hypothèse trop classique d’une spécificité française, celle du comblement par l’État d’un vide de relations sociales qui aurait été engendré, depuis la Révolution française, par la faiblesse des corps intermédiaires. Il s’agirait d’interroger l’idée selon laquelle les organisations patronales et ouvrières en France auraient été incapables de constituer à elles seules un tissu conventionnel, juridique et institutionnel suffisamment solide dans le champ du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, apte notamment à réguler les rapports entre employeurs et salariés. L’État, par la loi, la réglementation et les services de son ministère, a-t-il été contraint d’intervenir de façon permanente et importante, et a-t-il constitué au fil du temps un cas unique en Europe ? L’interventionnisme législatif et administratif de l’Etat, incarné par le ministère, a-t-il permis de compenser, d’atténuer ou de contourner le déficit français des organisations patronales et ouvrières et des relations professionnelles ?
III. Axes de recherche
Les chercheurs ou les équipes de recherche pourront faire des propositions s’inscrivant dans un ou plusieurs des axes proposés.
1) Les relations avec les autres ministères et les organisations périphériques
L’action du ministère se constitue et se recompose au cours du XXe siècle en interaction constante avec d’autres ministères et avec les évolutions de la société française. Ces recompositions liées à des modifications du contexte économique, social et politique se traduisent par des créations organisationnelles qui, en retour, constituent l’instrument de leur renforcement : formation du ministère, extension des bureaux spécialisés en charge de l’élaboration des textes, formation d’un corps de contrôle (Inspection du travail), création d’organes ad hoc (de l’Office du travail à l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail) et de services territoriaux, démembrement de l’action d’autres ministères ou, au contraire, délégation dans le domaine public d’une partie du domaine d’intervention du ministère. Ces processus peuvent notamment être abordés sous l’angle de la sociologie des organisations. Une première approche permet de repérer dans la politique contemporaine du travail une dualité opposant deux finalités : le travail et l’emploi qui, à partir de 1963, prend le pas sur la notion de « main-d’œuvre ».
Sont ici plus largement visées les relations avec l’ensemble des autres ministères : Commerce, Agriculture, Anciens combattants, Industrie, Économie, Aménagement du territoire, Éducation nationale, Santé et Affaires sociales, ainsi que le Commissariat général au Plan et le Conseil économique et social. Il s’agit notamment de la mise en œuvre et du contrôle de l’application des lois sociales, de la formation professionnelle, des politiques d’emploi et d’aménagement du territoire, de l’hygiène et de la sécurité, des politiques de soutien du revenu des travailleurs sans emploi ou disposant de très faibles revenus, etc. Avant même la création du ministère en 1906, les trois pôles Hygiène publique, Prévoyance sociale et Travail (dont les relations avec les syndicats professionnels) existaient, dispersés, au ministère de l’Intérieur et du Commerce, les pôles Prévoyance sociale et Hygiène publique étant toutefois antérieurs à la création d’une Direction du Travail et de l’Industrie en 1895.
L’impact de la création des assurances sociales et du développement des politiques sociales sur la création et le développement du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle mériterait donc d’être étudié. Avec l’apparition, en 1928-1930, des assurances sociales, le ministère du Travail apparaît comme un interlocuteur privilégié des milieux professionnels, syndicaux et mutualistes. Son activité gestionnaire l’emporte-t-elle alors, comme on l’a dit parfois, sur sa capacité à innover sur le plan juridique ou même sur le plan des pratiques sociales ?
Durant quelles périodes le ministère a-t-il, en outre, fait preuve d’initiative et d’inventivité ? A quels moments s’est-il trouvé en retrait – ou contraint – par rapport à la politique gouvernementale et à l’action des autres ministères ? Pour traiter ce sujet, on pourrait retenir des périodes précises, par exemple la période des deux guerres mondiales (durant la Seconde Guerre mondiale, la loi du 11 juillet 1938 sur l’organisation de la nation en temps de guerre confère au ministère un rôle central de coordination en matière d’emploi qu’il va exercer sous l’Occupation de manière coercitive ; signe de l’importance des questions d’emploi, une direction de la main-d’œuvre apparaît en 1943, distincte de l’ancienne Direction générale du Travail et de la main-d’œuvre créée en 1937). Autres exemples, la période de la création du Fonds national de l’emploi en 1963 (qui reprend les attributions antérieurement dévolues au Fonds de développement économique et social dépendant de la DATAR), ou encore la période correspondant à la première création en 1966 du service des études et prévisions au ministère (qui reprend pour partie des attributions des services d’études classiquement dévolues au ministère de l’Économie et des Finances). S’agissant des politiques d’emploi dans les années 1960-1970, l’examen des interactions et influences réciproques entre les travaux du Commissariat Général au Plan, les positions des syndicats et celle du ministère du Travail pourrait être approfondi.
Il est clair que les établissements publics, les associations, les organes consultatifs et autres « collectifs » gravitant autour de l’administration du Travail constituent des terrains d’études possibles. S’agissant des relations avec des organismes comme l’AFPA ou l’ANPE par exemple, qu’est-ce qui reste du domaine d’intervention propre de l’État ou au contraire fait l’objet de « sous-traitance » dans le domaine public ? Comment le ministère remplit-il son rôle de tutelle ?
Ces éclairages pourraient être complétés par l’étude des très nombreux corps de fonctionnaires qui se sont diversifiés au fil du temps et dont les origines sociales, les aspirations et les traditions marquent les comportements professionnels : quels rapports originaux les agents du ministère au contact quotidien du « terrain » et de la hiérarchie ont-ils entretenus avec les « usagers » et avec l’État ? De quels appuis ont-ils bénéficié pour faire entendre leur point de vue tant sur l’organisation de leur corps que sur celle du service ? Dans quelle mesure ont-ils accompagné les transformations du ministère ? Quelles étaient leurs origines sociales, géographiques et professionnelles ? Comment leurs activités ont-elles évolué ? L’étude des associations qui se sont intéressées ou s’intéressent encore aux questions du travail et d’emploi, ainsi que l’analyse du rôle des experts ou des conseillers sociaux seraient également éclairantes. Une autre entrée possible est fournie par l’action des personnalités politiques ayant marqué le ministère et le monde du travail (par exemple A. Millerand, R. Viviani ou A. Thomas), de directeurs de l’administration centrale et des services déconcentrés (C. Picquenard, G. Cahen Salvador, H. Hauck ou G. Oheix par exemple). Le rôle des préfets dans l’établissement, la conclusion des conventions collectives ou dans l’arbitrage ou le règlement des conflits collectifs du travail mériterait par ailleurs d’être évalué et clarifié. Enfin, le rôle des chambres – Assemblée Nationale comme Sénat – ne devrait pas non plus être oublié (processus de « fabrication » d’une loi, rôle des commissions et des groupes parlementaires).
2) Le ministère et les organisations syndicales et professionnelles
L’administration publique du Travail, originellement chargée de veiller à la surveillance de l’application des lois sur le travail et de protéger les travailleurs liés par un contrat de travail envers d’autres personnes, s’est tôt préoccupée de prévenir et de régler, avec ou sans l’aide de la loi, les conflits collectifs du travail. Elle a par ailleurs contribué à l’élaboration des textes des conventions collectives. Pourtant, les travaux font défaut sur les variations fréquentes qu’a connues le ministère depuis 1950-1958, surtout si l’on prend en compte non seulement la régulation juridique mais aussi les politiques en matière de conditions et relations de travail (accord de 1975) et encore plus celles en matière d’emploi et de formation professionnelle.
Surtout, il existe très peu de travaux historiques sur l’appréhension de la politique travail par le patronat : face au droit du travail, le patronat est sans doute moins homogène qu’il n’est souvent présenté. Une attention particulière pourrait donc être portée aux relations entre le ministère et les organisations patronales, nationales ou locales, qui constituent un terrain de recherche quasi vierge.
Plus généralement, quelle doctrine a inspiré le ministère à l’égard des organisations ouvrières et patronales, et quelle a été sa pratique ? Les modes d’intervention du ministère du Travail dans les relations sociales ont-ils permis de contourner le déficit français de relations professionnelles ? Cela pourrait par exemple être étudié à partir de recherches sur la Commission supérieure des conventions collectives dans les années 1950, qui permettraient de préciser les différences, de part et d’autre, entre les stratégies proclamées et les stratégies réelles), ou encore à partir de l’analyse du rôle du ministère dans certains conflits du travail, etc. Ce sujet pourrait aussi être abordé grâce à des monographies.
3) Les régulations juridiques, administratives et judiciaires
L’évolution du droit du travail est marquée par ses origines sous la Troisième République : se constitue un droit du travail protecteur d’origine presque exclusivement étatique, où l’Etat, en partie par défaut et dans un souci de protection des travailleurs, se substitue prudemment aux acteurs patronaux et ouvriers.
Le droit du travail français présente des traits caractéristiques quant à l’intervention du juge – place faite à la sanction pénale et quasi absence de sanctions administratives, confinement du juge civil dans l’application des règles relatives au contrat individuel de travail, éclatement du contentieux entre juridictions pénale, civile et administrative – qui ne se rencontrent pas dans les autres pays de l’Union européenne : ces derniers accordent une place plus grande aux sanctions administratives et ne connaissent pas la même dispersion du contentieux individuel ou collectif. Les chercheurs pourraient notamment se pencher sur les modifications apportées au système judiciaire (création de la chambre sociale de la Cour de Cassation, qui a dessaisi les chambres civiles et commerciales, généralisation des conseils des prud’hommes, chambres sociales dans les cours d’appel) qui n’ont pas été sans influence sur la jurisprudence, mais celle-ci reste à préciser. De même, au Conseil d’État, une loi remplace en août 1940 la section du Travail, créée en 1934 pour suivre les questions sociales, par une section de législation chargée d’examiner les projets de lois préparés par les services de la présidence du Conseil et dont le rôle n’a guère été étudié.
Un bilan du droit du travail – législatif, réglementaire et conventionnel – pourrait être réalisé sur certaines périodes significatives. En outre, les sources et les modalités d’influence entre le droit public et le droit privé constituent un objet de recherche relativement inexploré. Les acteurs des secteurs public et privé ont parfois des stratégies globales qui ne sont pas nettement séparées et qui concourent à l’élaboration de ces droits respectifs. Pourraient être effectuées, par exemple, une synthèse des travaux sur les réglementations comparées de l’hygiène et de la sécurité du travail dans les entreprises publiques et privées, ainsi qu’une étude de l’influence, dans les prises de positions syndicales, des comparaisons faites dans les deux sens pour obtenir des modifications dans la législation ou le contrôle des dispositions protectrices des travailleurs.
4) « L’État local » et les acteurs locaux
La création de services extérieurs a précédé celle d’une administration centrale, avec la constitution de l’Inspection du travail. Toutefois, même si celle-ci est établie dans le cadre des circonscriptions territoriales, elle demeure un service fonctionnel, orienté sur le contrôle de la régulation et non sur la gestion, en marge du système administratif départemental. La faiblesse de l’insertion des services du travail dans cette tradition d’organisation déconcentrée perdure au-delà de la création, en 1946, des directions départementales. Les services déconcentrés qui ne disposaient ni de locaux ni de personnels subalternes avant la Seconde Guerre mondiale, s’en trouvent dotés abondamment à partir de la loi de 1938 sur l’organisation de la nation en temps de guerre. Ils connaîtront à la Libération une réforme organisationnelle rendue nécessaire par cette mutation quantitative et fonctionnelle. Le processus d’implantation de ces organes s’affirme par la suite, du fait de l’accentuation de l’importance de la dimension sociale de l’emploi, avec le développement progressif des politiques d’emploi à partir de 1963 et celui des politiques de formation et d’insertion professionnelles.
L’étude des services déconcentrés et les particularités territoriales qui ont marqué le développement des pratiques et de l’effectivité du droit mérite une attention particulière. Il y a quelques travaux, notamment sur les services de main-d’œuvre et l’immigration, l’Inspection du travail ou le ministère de la Santé et des affaires sociales. Cependant, en ce qui concerne le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle, le terrain peut être considéré comme encore vierge sur les rapports aux territoires, y compris ceux des territoires anciennement sous colonisation française et des DOM TOM. L’Alsace-Moselle mériterait aussi une attention particulière en raison des particularismes dont elle a hérité de l’ancienne administration allemande.
Des monographies pourraient ainsi s’intéresser à la mise en œuvre locale et à l’évolution des politiques du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, en prenant en compte l’action des services déconcentrés, de l’ANPE, de l’AFPA, en se montrant attentives aux interactions entre les politiques, les hommes, les réseaux et les pratiques locales, faisant ainsi apparaître des chronologies propres.
L’étude approfondie d’une région permettrait d’aborder l’écart – avancement ou retard – par rapport aux normes édictées par le ministère. Elle permettrait également d’étudier des corps comme ceux des rédacteurs, des contrôleurs du travail et des agents de catégories C et D qui ont peu été étudiés par rapport à ceux d’inspecteurs et inspectrices du travail.
5) La contribution du ministère du Travail à la formation de « l’Etat-providence »
Le ministère du Travail s’est affirmé comme un ministère des salariés et des prévoyants non salariés. C’est à ce double titre qu’il a hérité de la Direction de la Mutualité créée en 1903 au ministère de l’Intérieur. En revanche, ce dernier a conservé jusqu’en 1920 l’assistance concernant les non travailleurs salariés et non prévoyants. Une séparation nette existe jusqu’à cette date entre l’assistance, apanage du ministère de l’Intérieur, et la prévoyance dévolue au ministère du Travail. Les chercheurs pourraient s’interroger sur l’instabilité ou l’éclatement qui a caractérisé le champ de la protection sociale jusqu’à la division de 1945 entre un ministère du Travail et de la Sécurité sociale et un ministère de la Santé publique et de la Population. Quel rôle le ministère du Travail a-t-il joué dans la construction d’une protection sociale assise sur le contrat de travail ? Quel a été l’impact de l’extension de la protection sociale sur le développement du ministère du Travail (corps de contrôle, masses budgétaires, etc. ) ? Que signifie le regroupement de 1924 à 1930 de toutes les composantes de la protection sociale dans un grand ministère du Travail, de l’Hygiène, de l’Assistance et de la Prévoyance sociales ?
6) Regards internationaux et expériences étrangères
L’étude des influences mutuelles entre pays pourrait être abordée de différentes façons, en prenant un objet commun de comparaison (la durée du travail par exemple), en s’appuyant sur les données et l’action des organisations internationales (telles que l’OIT, le BIT, l’Union européenne, la Commission européenne mais aussi les organisations syndicales internationales), ou en étudiant les échanges informels, les observations réciproques entre pays ou les débats internationaux à l’occasion d’une loi, comme ce fut le cas par exemple dans les années 1930 pour l’adoption de la réduction du temps hebdomadaire de travail à 40 heures. Il existe à cet égard des fonds d’archives inexplorés au ministère. Les recherches pourraient par exemple préciser les sources et les modalités d’influence entre les pays, voire les contresens ou les malentendus de part et d’autre. On pourrait développer ici, moins qu’une comparaison ou une étude des transferts, une histoire croisée attentive à la mesure des écarts, des phénomènes d’acculturation ou de résistance à l’acculturation entre les pays, ainsi qu’aux entités, personnes ou pratiques affectées par le croisement des regards entre pays en matière de politique d’emploi, de travail et de formation professionnelle.
Des études pourraient envisager le ministère comme lieu important d’élaboration des politiques nationales en matière d’emploi, de travail et de formation professionnelle, en observant l’évolution de 1906 à aujourd’hui. Il serait éclairant de susciter dans ce cadre des analyses des politiques élaborées et mises en œuvre dans des pays comme le Royaume-Uni ou l’Allemagne.
MODALITÉS DE CANDIDATURE
Date limite de réception des réponses : 1er juin 2004
Obligatoirement par courrier électronique et par courrier postal avant cette date.
La réponse devra comporter un projet de recherche d’une dizaine de pages, un résumé du projet ainsi qu’une estimation de son coût (se reporter à l’annexe scientifique et financière)
ANNEXE SCIENTIFIQUE
Joindre un projet de recherche d’une dizaine de pages.
Durée de l’étude ou de la recherche :
Calendrier de réalisation :
PRESENTATION RESUME DU PROJET
(Il est possible de suivre le plan de cette présentation en dehors du support de ce formulaire.
Il est demandé de rédiger cette partie avec le plus grand soin).
Titre du projet :
Objet de l’étude ou de la recherche :
Hypothèses, méthodes et moyens :
ANNEXE FINANCIERE
Trame indicative
COUT DU PROJET d’ETUDE OU DE RECHERCHE
I - REMUNERATIONS (Rémunérations liées aux travaux induits par la recherche, objet de la Convention)
Sont à indiquer :
- les catégories de rémunération : indemnités de recherche, vacations, stagiaire, etc…
- les types de travaux rémunérés : réalisation d’entretien ,d’enquête, exploitation d’enquêtes, transcription d’entretien, travaux statistiques, bibliographiques etc….
- coût horaire charges comprises
- temps de travail rémunéré : nombre d’heures /mois, nombre de mois
Coût total des rémunérations : coût /horaire x nombre d’heures x nombre de personnes
II – FRAIS DE MISSION
Sont à indiquer :
- frais de déplacement : lieux x nombre de déplacements x coût unitaire
- frais d’hébergement : nombre de nuitées x coût unitaire
- frais de restauration : nombre de repas x coût unitaire
Coût total des frais de mission :
III - FRAIS DE FONCTIONNEMENT (ne peuvent être supérieur à 50% du coût total de la recherche)
Peuvent être pris en compte :
- frais de secrétariat (si non inclus dans les salaires ou frais de gestion)
- frais de reprographie
- frais de publication ou de traduction,
- frais de documentation
- frais d’expédition
- frais d’acquisition de petit matériel d’enregistrement,
- autres…..
Coût total frais de fonctionnement :
Total des coûts (I+II+III)
IV FRAIS GENERAUX (non supérieurs à 10 % des coûts I +II+III )
TOTAL Hors taxe (I+II+III+IV)
TVA : (19,6 %)
TOTAL TTC
QUESTIONNAIRE RESUME
IDENTIFICATION DU PROJET :
Titre de l’étude ou de la recherche :
Objet de l’étude :
Intitulé, adresse, téléphone, mail du laboratoire de recherche :
Nom du directeur du laboratoire
Nom du responsable scientifique de l’étude
ORGANISME COCONTRACTANT :
Nom, adresse, téléphone de l’organisme cocontractant :
Nom et qualité du signataire :
Coordonnées bancaires complètes :
Numéro SIRET :
Code APE :
Forme juridique :
APPEL À COMMUNICATIONS
Élaborations et mises en œuvre des politiques du travail :
le ministère du Travail et la société française au XXe siècle.
Colloque de recherches lié à la célébration du centenaire
du ministère du Travail et de la Prévoyance sociale
octobre 2006
Dans la perspective du centenaire du ministère du Travail et de la Prévoyance sociale qui se déroulera en 2006, le Comité d’histoire des administrations du Travail (CHAT) organise un colloque de recherches. Ce colloque s’inscrit dans le développement d’une histoire sociale de l’Etat renouvelée par de récents travaux, intégrant à la fois les apports de l’ensemble des sciences sociales et de la comparaison internationale.
La façon dont le domaine propre d’intervention du ministère du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle se constitue et se recompose au cours du XXe siècle par ajout de nouvelles compétences, par démembrement ou réorganisation de l’action des autres ministères, voire par « sous-traitance » dans le domaine public d’une partie de son action, n’a guère été éclairée jusqu’à présent. Répondant à cette lacune, le présent appel entend susciter des recherches pluridisciplinaires, comparatives ou non, qui situent le ministère dans ses interactions avec son environnement, qu’il s’agisse des autres ministères français, des homologues étrangers, des partenaires sociaux ou même de la fonction publique et des entreprises publiques. Les travaux pourraient notamment interroger l’hypothèse commune d’une spécificité française, celle du comblement par l’État d’un vide qui aurait été engendré par la faiblesse des corps intermédiaires. Le champ chronologique retenu – du début du siècle jusqu’aux lois Auroux (1981) – doit permettre à l’ensemble des disciplines (droit, science politique, histoire, sociologie, économie, géographie et gestion) de confronter des approches novatrices qui tiennent compte des connaissances acquises. Pour cela, le colloque propose de privilégier six directions de recherche.
Un premier axe concerne les relations du ministère du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle avec l’ensemble des autres ministères : Santé et Affaires sociales, bien sûr, mais aussi Commerce, Agriculture, Anciens combattants, Industrie, Économie, Aménagement du territoire, Éducation nationale, ainsi que le Commissariat général au Plan et le Conseil économique et social.
Un second axe porte sur l’appréhension de la politique du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle par les organisations syndicales et patronales et, en sens inverse, la doctrine et les pratiques du ministère à leur égard.
Un troisième axe a trait aux régulations juridiques, administratives et judiciaires. Une attention particulière pourrait être portée aux modifications du système judiciaire.
L’étude des services déconcentrés et les particularités territoriales qui ont marqué le développement des pratiques et de l’effectivité du droit méritent, en quatrième lieu, une attention particulière.
Les rapports aux territoires, y compris ceux des territoires anciennement sous colonisation française, des DOM-TOM et le cas de l’Alsace-Moselle, constituent des champs de recherche à étudier. Dans ce cadre, l’étude du rôle des corps de fonctionnaires et de leurs itinéraires sociaux et professionnels serait particulièrement utile.
Un cinquième axe s’ordonne autour du rôle joué par le ministère du Travail dans la construction d’une protection sociale assise sur le contrat de travail. Quel a été l’impact de l’extension de la protection sociale en France sur le développement du ministère du Travail ?
Enfin, les regards internationaux et les expériences étrangères constituent un dernier axe de recherche. L’étude des influences mutuelles entre pays pourra être abordée de différentes façons, en prenant un objet commun de comparaison (la durée du travail par exemple), en s’appuyant sur les données et l’action des organisations internationales (telles que l’OIT, le BIT, l’Union européenne, la Commission européenne mais aussi les organisations syndicales internationales), en encore en étudiant les échanges informels, les observations réciproques entre pays ou les débats internationaux à l’occasion de l’élaboration et du vote d’une loi.
MODALITÉS DE SOUMISSION
Date limite de réception des réponses : 1er juin 2004
Obligatoirement par courrier électronique et par courrier postal avant cette date.
Réponse sur une à deux pages maximum, incluant, dans l’ordre suivant :
- le titre de la communication ;
- 20 lignes de descriptif scientifique ;
- renseignements administratifs sur l’(les) auteur(s) (titre, adresse et mail pour vous joindre) ;
- les communicants dont les propositions auront été retenues devront envoyer leur article pour le 2 septembre 2006 au plus tard.
Subjects
- Modern (Main category)
Date(s)
- Tuesday, June 01, 2004
Contact(s)
- Comité d'histoire des Administrations chargées du Travail
courriel : comite [dot] histoire [at] travail [dot] gouv [dot] fr
Information source
- Alain Chatriot
courriel : chatriot [at] ehess [dot] fr
License
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To cite this announcement
« Élaborations et mises en œuvre des politiques du travail : le ministère du Travail et la société française au XXe siècle », Call for papers, Calenda, Published on Thursday, April 15, 2004, https://doi.org/10.58079/92t