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La maison de l'artiste
Construction d'un espace de représentations entre réalité et imaginaire (XVIIe-XXe siècles)
Published on Saturday, May 15, 2004
Summary
Announcement
La demeure d'écrivain, dont l'importance en tant que modèle est bien connue, ne sera abordée qu'à titre comparatif.
La réflexion s'ordonnera selon trois axes de recherche :
I. Lieu architectural
Au cœur de la sphère privée, la maison d'artiste s'ouvre à la sphère publique lorsqu'elle devient un lieu de création, d'échanges et de culture.
La demeure de prestige qui accueille les artistes peut être, par le biais de la commande officielle, le reflet de la politique culturelle d'un État. Dès l'époque moderne, la création de logements et d'ateliers dans la galerie du Louvre révèle de la part des autorités une prise de conscience des conditions de vie particulières d'une catégorie sociale. Aux XIXe et XXe siècles surtout, les cités et résidences d'artistes présupposent un véritable engagement des mécènes (La Ruche) et des responsables politiques par l'intermédiaire de contrats et subventions. Confrontés à la réhabilitation de bâtiments anciens, ou travaillant ex nihilo, les architectes ont dû s'adapter aux normes de l'urbanisme et aux contraintes de leur cahier des charges. L'idéal de vie communautaire peut parfois s'effacer au profit de la fonction publiúque de l'édifice. C'est ainsi que le théâtre et le conservatoire présentent des spécificités architecturales liées à l'enseignement, à la diffusion et à la représentation. Espaces clos, ils sont néanmoins des lieux d'accueil pour un public en constante évolution. Le kiosque à musique, en revanche, représente l'ouverture symbolique de la maison vers l'extérieur au sein du tissu social. La fonction muséale peut aussi être une forme d'extension de la maison (Le Corbusier : Villa La Roche, Cité de la Musique à Paris).
Dans le domaine privé, ce type d'habitat, de la chambre à la riche demeure, de la résiúdence principale à la villégiature, pose la question de la véritable identité sociale du commanditaire (marginalité, insertion, réussite).
L'architecte peut alors l'envisager sous un double rapport : comme modèle d'une profession dans un souci d'élaborer des mises en œuvre spécifiques (loft ou hangar pour l'époque contemporaine) et des aménagements singuliers, mais aussi, dans un jeu d'allusions comme le paradigme d'un style architectural ou du style de l'architecte. Objet de création, elle est aussi œuvre en elle-même (hôtels « témoins » des architectes moderúnes : Le Vau, Boffrand, Ledoux, de Wailly, Boullée).
Il s'agit dès lors de témoigner des relations de dépendance qu'entretiennent, dans le vécu du quotidien et dans l'inconscient, l'artiste et sa maison, l'architecte et son œuvre.
II. Foyer artistique
Lieu de vie, la maison de l'artiste facilite des rencontres multiples.
Lieu de travail et de négoce
L'atelier, l'agence d'architecture, la boutique (livres, gravures, tableaux, instruments de musique), jouxtant ou non les pièces d'habitation, sont les extensions naturelles de la maison. Plus ou moins ouverts sur l'extérieur, ils peuvent être intégrés à des réseaux économiques variés et étendus (agence des frères Perret). Sur le plan social, la représenútation iconographique de l'atelier a parfois une valeur signifiante (thème du pauvre peintre, de l'artiste bohème ou officiel).
Lieu de sociabilité et d'échanges culturels
Les artistes en résidence contribuent volontiers au rayonnement culturel des institutions en France ou à l'étranger (Académie royale de peinture et de sculpture, Gobelins, Savonnerie, Académie de France à Rome, Villa Médicis, Casa Vélasquez, Académie des Beaux-Arts de Londres, Villa Abd-el-Tif à Alger).
Lieu de passage et de rencontre entre l'artiste et le public, l'atelier se métamorphose à l'époque moderne en salle d'exposition, en galerie (Rubens, Reynolds, Greuze, David) voire en cabinet (Le Brun, Aved, Mariette, Girardon).
A partir du XIXe siècle, on y tient salon. Compositeurs et écrivains se rendent volonútiers chez leurs amis peintres (Debussy, Satie, Roussel, Fauré, Hahn). L'atelier est à l'occasion théâtre de spectacles. Plus généralement, à l'instar de la demeure d'écrivain hébergeant des cénacles littéraires, la maison de l'artiste constitue un pôle de ralliement pour la jeunesse d'avant-garde (groupe de Puteaux), un refuge où les artistes partageant les mêmes convictions et les mêmes affinités aiment en toute convivialité se retrouver et discuter (maison de Maurice Denis à Saint-Germain-en-Laye, demeure de Francis Poulenc à Noizay).
III. Lieu fantasmé et projection de l'imaginaire
En tant que reflet et support de l'imaginaire, la maison d'artiste est indispensable à la création. La vie quotidienne peut alors revêtir un aspect théâtral. L'invitation « chez soi », la fête, sont occasions de mise en scène auxquelles les convives sont amenés à participer (souper à la grecque dans un décor à la grecque chez Madame Vigée Lebrun). Au XIXe siècle, des écrivains comme George Sand, Victor Hugo, les Goncourt ou Pierre Loti donnent le ton en proposant éventuellement la théâtralisation des intérieurs de leurs demeures.
En outre, la vie de famille devient un sujet de composition musicale (Schumann : Kinderszenen ; Bizet : Jeux d'enfants ; Fauré : Dolly ; Debussy : Children's corner ; Ravel : L'enfant et les sortilèges), en écho aux tableaux de genre et des intimités de Vuillard. Les compositeurs n'hésitent pas non plus à s'inspirer de leur vie domestique pour des œuvres de grande envergure comme le poème symphonique (Strauss : Ein Heldenleben, Symphonia domestica) ou l'opéra (Strauss : Intermezzo ; Schönberg : Von Heute auf Morgen).
Microcosme de l'univers mental de l'artiste (Facteur Cheval), la maison parachève éventuellement l'itinéraire d'une vie (maisons de Dali ou de Gorin). Enfin, la maison peut être identifiée à la démarche de l'artiste contemporain (Ben, Jean-Pierre Raynaud, Niki de Saint-Phalle). Lorsqu'il s'agit d'un lieu privé livré à la curiosité du public, la maison pose des problèmes spécifiques dans le domaine de la muséographie auxquels la volonté de l'artiste, le désir de postérité et l'évolution du goût ne sont pas étrangers (atelier de Brancusi).
L'enjeu de ce colloque sera donc d'évaluer la pertinence de l'existence du concept de la maison de l'artiste et d'effectuer le lien entre la sphère des relations sociales et le domaine de la création pure. À cet égard les sources les plus diverses seront analysées, de l'inventaire après décès aux traités, mémoires, correspondances, peintures, photographies, jusqu'à l'œuvre elle-même, la maison, l'atelier et, au-delà, la demeure musée.
Comité scientifique :
Luce Barlangue (université Toulouse II), Myriam Chimènes (CNRS), Patrick Michel (université Bordeaux III), Jean Mongrédien (université Paris IV), Nabila Oulebsir (université de Poitiers), Christine Peltre (université Strasbourg II), Anne Piéjus (CNRS), Marie-Luce Pujalte (université de Poitiers), Alain Quella-Villéger (écrivain, Poitiers), Daniel Rabreau (université Paris I), Marie-Reine Renon (université de Poitiers), Herbert Schneider (université de Sarrebruck), Jean-Roger Soubiran (université de Poitiers), Patrice Veit (CNRS).
Subjects
- Representation (Main subject)
- Mind and language > Representation > History of art
- Society > History > Social history
Places
- Poitiers, France
Date(s)
- Sunday, October 31, 2004
Contact(s)
- Solange Vernois
courriel : solange [dot] vernois [at] univ-poitiers [dot] fr - Véronique Meyer
courriel : vero-meyer [at] wanadoo [dot] fr - Jean Gribenski
courriel : jean [dot] gribenski [at] univ-poitiers [dot] fr - Cécile Auzolle
courriel : cecile [dot] auzolle [at] univ-poitiers [dot] fr
Information source
- Jean Gribenski
courriel : jean [dot] gribenski [at] univ-poitiers [dot] fr
License
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To cite this announcement
« La maison de l'artiste », Call for papers, Calenda, Published on Saturday, May 15, 2004, https://calenda.org/189135