Violence et conciliation en Europe au XIXe siècle
Une histoire de la résolution des conflits socio-politiques
Published on Tuesday, November 29, 2005
Abstract
Announcement
SOCIETE D’HISTOIRE DE LA REVOLUTION DE 1848 ET DES REVOLUTIONS DU XIXe SIECLE
Colloque international, Paris – 25-26-27 janvier 2007
VIOLENCE ET CONCILIATION EN EUROPE AU XIXe SIECLE
Une histoire de la résolution des conflits socio-politiques.
I. L’intitulé de ce projet de colloque s’inscrit dans une continuité thématique avec les colloques de 1998 et de 2001, tout en rompant avec l’aspect commémoratif qui était la raison d’être de ces deux rendez-vous majeurs organisés par notre Société. En effet, commémorer 1848 et 1851, c’est aussi et peut-être d’abord interroger de notre point de vue, en cette première décennie du XXIe siècle, la place de la violence dans l’histoire, une violence qui a pour cadre l’espace public et qui a pour objet et pour finalité le champ socio-politique. Mais, au delà du constat d’un surgissement récurrent de la violence dans l’histoire de la France au XIXe siècle – et, de ce point de vue, février 1848, juin 1848 et décembre1851 en incarnent trois des pics et trois des formes les plus marquants -, au delà des causalités qui, suivant l’événement, en expliqueraient à la fois les points communs et les points spécifiques, se pose la question plus rarement traitée de la position des contemporains face à cette violence acceptée, revendiquée, prévisible sinon prévue, et sur les manières de résoudre le conflit socio-politique dont elle témoigne. Le contexte mémoriel apparaît essentiel : l’expérience des violences de la période révolutionnaire et napoléonienne (quelles qu’en soient les formes) affleure en permanence, tel un référent qui sert déjà, à l’occasion, d’étalon. Ce colloque a donc pour objet de replacer les acteurs du conflit socio-politique et de sa résolution au cœur de l’analyse historique.
La violence socio-politique n’est pas que le révélateur des tensions qui affectent la société française dans sa quête d’une solution politique viable et durable organisant les pouvoirs publics d’une part, les rapports sociaux de l’autre – étant entendu que dans les systèmes de réorganisation de la Cité qui s’opposent alors les deux points sont étroitement liés. Au reste, c’est la formulation même de cette réorganisation et de son historicité qui mérite d’être débattue : par qui et pourquoi est-elle émise ? Parmi d’autres options, la violence est au cœur de la pensée politique : qu’elle soit appelée ou rejetée, elle est intégréede facto à une pensée politique qui semble en définitive toujours décalée – c’est-à-dire en retard – par rapport au champ du social. Faut-il dès lors prendre au pied de la lettre le discours récurrent brodant autour de l’effet de surprise que provoquerait la soudaine irruption de la violence, tel un événement inattendu et donc intempestif, comme en témoigne l’exemple de la révolte des canuts lyonnais de 1831 ? Ce discours ne s’inscrit-il pas davantage dans une idéologie qui, intégrant nolens volens le concept de lutte entre les classes comme moteur de l’enracinement souhaité ou contesté des valeurs de la Révolution (elles-mêmes étant l’objet de multiples variantes), a besoin de se placer en position défensive pour mieux justifier sa gestion du conflit ? Résoudre le conflit, (ré)concilier les points de vue, réprimer l’intolérable, c’est d’abord penser le conflit et donc la violence comme une potentialité dont le risque, le souhait, voire l’annonce permanente de surgissement sont évoqués par toutes les familles de pensée.
II. Les précisions que comporte le titre visent à délimiter le champ d’étude en excluant volontairement la guerre entre Etats et la masse des conflits entre individus ou entre communautés, relevant du judiciaire ou de l’infra-judiciaire. Précisons toutefois que les emprunts ou les références à ces types de conflits seront d’autant moins absents qu’ils constituent des points de comparaison essentiels. A cet égard, il serait intéressant de vérifier, lorsque cela est possible, quel est le degré de capillarité entre le local et le national : ainsi, par exemple, du lien entre des violences qualifiées de « privées » et l’enjeu politique ou social d’envergure nationale qui les sous-tend. Il n’est pas question non plus de régulation des conflits, mais de résolution, incluant donc une séquence temporelle, avec un amont et un aval, et n’excluant évidemment pas le recours à la force. L’idée est de réfléchir sur la diversité des modes de résolution des conflits, que ce soit par la conciliation ou par la violence (ou par la combinaison des deux, comme le suggère l’étude de nombreux conflits), par la concession ou par l’intransigeance, par la négociation ou par le massacre, mais aussi par l’amnésie ou par l’amnistie. Il ne s’agit pas de récrire l’histoire des insurrections, des révolutions, des soulèvements populaires, des protestations collectives en général, mais plutôt :
a) de comprendre quels sont les motifs qui ont amené au conflit : comment et pourquoi on passe d’une situation de paix politique et/ou sociale (statu quo, silence, acceptation, soumission) à l’affrontement comme seul espace de débat ; de comprendre également les positions (de retrait comme d’engagement, à des retraits divers) face à des pratiques anomiques temporaires ; de saisir les différents modes de confrontation que ces affrontements génèrent en relation avec la nature du conflit initial et de ses acteurs, à partir, peut-être, d’une tradition protestataire transmise et héritée; d’étudier les positions convergentes ou divergentes qui se complètent ou s’affrontent dans le choix des procédés de résolution du conflit : à partir de quel argumentaire, relevant de quel discours (politique, moral, religieux, social, économique, etc.) ; d’analyser la gamme des procédés qui résolvent, temporairement ou définitivement, le conflit et de mettre en évidence l’existence ou non d’une évolution de la gestion mise en œuvre pour tenter d’apaiser le conflit ou de la technologie répressive pour le résoudre par la force ;
b) d’analyser quelles sont les séquences qui, même dans le temps généralement court de ce type d’événement, se succèdent dans la résolution de ces conflits, depuis leur déclenchement jusqu’à leur solution, avec comme scansions les appels à se positionner et la propagande en faveur d’un comportement (se soumettre ou résister), les prises de position sur l’inéluctabilité ou non de l’affrontement, mais encore les impasses, les rebondissements et les tentatives abouties ou non de médiation, les positions face au conflit d’éléments extérieurs (amis ou ennemis déclarés, neutres ou silencieux, mais aussi volontaires pour la médiation ou pour la répression), la place des représentants d’institutions (clergé, armée, police), de représentants de la nation (députés, pairs ou sénateurs) ou de la cité (maires, adjoints ou conseillers), de membres d’associations (« partis », syndicats) ou des milieux intellectuels (universitaires, journalistes ou publicistes). De ce second point, émerge in fine la question centrale du degré d’intégration au conflit de ces différents protagonistes. La place des acteurs et plus encore des médiateurs offre également l’occasion de réfléchir à la place du genre (hommes/femmes) ou à la distribution des « rôles » selon l’appartenance générationnelle dans la résolution du conflit ;
c) d’observer sur le court, moyen et long termes l’analyse qui est faite du conflit et de sa résolution, dans la construction d’un discours critique ou justificatif, et dans une perspective politique ou sociale, mais aussi historique. Comment les analystes d’un conflit inscrivent-ils celui-ci dans une logique politique ou sociale, avec quels référents sociaux, politiques, culturels, historiques ? Comment jugent-ils l’économie répressive qui a permis sa résolution ou l’économie négociative qui a empêché son avènement ? Mais comment, aussi, ces références aux conflits résolus et aux moyens de brider l’éclosion des prochains se traduisent-elles dans le cadre de l’élaboration de la loi, du discours parlementaire, des professions de foi électorales ? La question de l’arbitrage est également posée. Dans le prolongement de celle-ci, la question centrale de la nécessaire réconciliation surgit au lendemain d’un conflit : est-elle immédiatement formulée ou existe-t-il un décalage avec l’événement, des conditions à son avènement comme en témoignent les mécanismes de la récompense, du pardon, de la grâce, de l’amnistie ? A terme quelles mémoires du conflit se construisent-elles et au service de quelles idéologies ? La question ne se limite pas aux contemporains de l’événement : l’historien reste confronté à la nécessaire déprise du regard des « vainqueurs », du sens qu’ils donnent au conflit et de la légitimité qu’ils attribuent au mode de sa résolution ;
d) de prendre en compte la voix, les gestes, la posture des acteurs du conflit, quelle que soit leur position, à toutes les étapes de celui-ci ; d’être sensible, en particulier, aux mots produits par ceux qui sont habituellement exclus du champ de la production discursive ; de comprendre comment le conflit et sa résolution deviennent des éléments majeurs de la construction des identités socio-politiques, voire, plus simplement, du destin ou des trajectoires individuelles des acteurs du conflit. Pourquoi ne pas prolonger ces approches par les représentations littéraires et artistiques de la question ? Celles-ci abondent, sous des formes variées, produites dans la proximité de l’événement ou avec un décalage plus ou moins important. Il serait en particulier intéressant de s’interroger sur les conditions de production et de réception de ces différentes formes de représentation, et du sens qui les anime face à la mise en mots ou en images de l’événement (valorisation/dévalorisation, célébration/condamnation).
III. La conception initiale du projet repose sur son caractère comparatif à la fois séculaire et européen. L’aspect séculaire permet d’inscrire le projet dans la longue durée. Mais il permet aussi de confronter des périodes, et de vérifier s’il existe, par exemple, une spécificité monarchique ou républicaine, face à la résolution du conflit socio-politique. Quant à l’aspect européen, loin d’être factice, il relève d’autant plus de l’évidence que, à l’occasion, des formes de solidarité émergent dans le conflit et à l’issue de sa résolution, violente ou non. L’Europe dont il est question ici est l’Europe géopolitique telle que comprise au XIXe siècle, à l’exclusion des colonies. S’il paraît difficile de faire la liste des types de conflits qui affectent le continent tout au long de la période envisagée, on pourrait se demander :
- s’il existe une conflictuosité spécifique à certains types de pays, en fonction de leur propre histoire : socio-politique, dynastique, idéologique, nationalitaire, etc.
- dans quelle mesure l’existence de cultures politiques nationales affecte la résolution du conflit.
Il convient d’insister également sur la mise en œuvre de regards pluridisciplinaires (on songe en particulier au regard des politistes sur les sorties de crise) et sur la perspective offerte d’une relecture d’une histoire des conflits socio-politiques apparemment bien balisée, mais encore peu abordée de ce point de vue.
Les projets de communication (un titre et un développement de quinze à trente lignes) sont à adresser par voie postale ou par courriel avant le 30 janvier 2006 à :
Sylvie Aprile, 86, boulevard des Batignolles – 75017 Paris – France – Courriel : saprile@noos.fr ou à :
Jean-Claude Caron, 57, Grande Rue – Charles de Gaulle – 94130 Nogent-sur-Marne – France – Courriel : jccaron@club-internet.fr
Subjects
- Modern (Main category)
- Society > Political studies
Places
- Paris, France
Date(s)
- Monday, January 30, 2006
Contact(s)
- sylvie aprile
courriel : sylvie [dot] aprile [at] univ-lille3 [dot] fr - Jean-Claude Caron
courriel : jean-claude [dot] caron75 [at] orange [dot] fr
Information source
- Jean-Claude Caron
courriel : jean-claude [dot] caron75 [at] orange [dot] fr
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To cite this announcement
« Violence et conciliation en Europe au XIXe siècle », Call for papers, Calenda, Published on Tuesday, November 29, 2005, https://doi.org/10.58079/a90