HomeVoyager en Europe du Consulat aux Restaurations
Voyager en Europe du Consulat aux Restaurations
Contraintes nationales et tentations cosmopolites
Published on Monday, December 12, 2005
Abstract
Announcement
VOYAGER EN EUROPE DU CONSULAT AUX RESTAURATIONS
CONTRAINTES NATIONALES ET TENTATIONS COSMOPOLITES
Journées organisées par l’équipe « Mobilités, échanges, transferts » de l’université Marc Bloch, l’Institut Universitaire de France, et le Centre d’histoire du XIXe siècle des université de Paris I et Paris IV
STRASBOURG,
27 ET 28 JANVIER 2006
Rappel de l'appel à communication :
Si le voyage est à la mode, il n’est pas habituel de le mettre en relation avec un cadre politique en mouvement. C’est la perspective de réflexion que nous suggérons ici, pour plusieurs raisons qui serviront d’exposé des motifs et à la fois des pistes d’investigations proposées aux travaux que nous espérons réunir à Strasbourg en janvier 2006.
Daniel Roche a souligné, dans son récent essai intituléHumeurs vagabondes, que les perspectives géographiques qui définissent la plupart des travaux sur le voyage et les voyageurs (le séjour « dans » tel pays ou contrée, le séjour « de » telle nationalité ou catégorie d’individus voyageant) ont un caractère limitatif et surtout, peut-être, artificiel. Le choix de la longue période et la définition la plus large possible des mobilités aident au contraire à resituer l’expérience du voyageur dans le substrat de pratiques (démarches administratives, étape, transport, contacts, hospitalité), d’attitudes (inventaire, curiosité, investigations, découverte) et d’usages du temps qui lui donnent sa couleur originale, son caractère d’époque. Tout en retenant cette leçon, nous suggérons d’en inverser une partie des prémisses et de recentrer l’attention à la fois sur les déplacements les plus proches du voyage dans sa définition traditionnelle et sur une période plus ramassée.
Non qu’il soit fructueux d’exclure par principe tel ou tel groupe : mais par souci de cohérence du corpus d’objets à constituer et de sources à utiliser, on invitera à privilégier ceux qui proposent des sources à la première personne (épistolaires, mémorialistes, diaristes ou directement narratives, sans qu’ils se revendiquent nécessairement du « genre » du récit de voyage). Mais évitons toute définition catégorielle par l’objet du voyage (les rapprochements familiaux, les séjours de formation, d’exploration, d’affaires et de loisir) ou par ses conditions matérielles et ses contraintes. Car c’est la manière de vivre et de penser la mobilité, d’introduire l’observation à travers la sécheresse des étapes et des faits qui est déterminante. L’errance et la fuite n’empêchent forcément pas l’émigré d’avoir la sensibilité d’un voyageur, et si bien souvent le premier objectif qu’il poursuit est de se sédentariser hors de France, cela peut être, une fois ce but atteint, pour voyager de nouveau. Si les militaires se déplacent, et sur de longues distances, ils ne voyagent pas tous : mais beaucoup écrivent des lettres, celui-ci se fait diariste ou aquarelliste, et celui-là est rejoint par sa famille, ce qui fait beaucoup de matériaux à mettre en perspective pour une réflexion sur le voyage (ainsi le père de George Sand qui fait venir les siens à Madrid en 1808 laisse-t-il une correspondance importante, tandis que l’Histoire de ma vie fait de ce voyage bien aventureux un récit autobiographique d’enfance).
Expliquons-nous à présent sur la période choisie. Les débuts du Consulat et la signature du traité d’Amiens (et de Lunéville), d’un côté, semblent ouvrir une phase de paix en Europe, après les conflits nés autour de la France révolutionnaire et des républiques sœurs. Nul n’ignore que ce moment fut mis à profit par de nombreux voyageurs coupés de la France en révolution et de ses satellites depuis près d’une décennie pour partir en découverte, appréhender le changement, observer les mœurs et les institutions rénovées, tout spécialement par des Anglais. Il s’agit d’y mettre la légende (noire ou démocratique) à l’épreuve de la vérité, de faire la part de la tradition et du moderne à l’échelle d’une société aussi décriée qu’admirée pour avoir prétendu faire table rase du passé. Bref il s’agit de relations construites non seulement sur l’épreuve vécue de l’altérité de civilisation mais aussi sur l’écart du temps, mettant à distance un corpus préalable de voyages et de témoignages.
Par la suite, entre l’hégémonie continentale de la France napoléonienne et l’Europe des restaurations, le « moment » 1814-1815 fournit à de nombreux Britanniques l’occasion de nouveaux travels de curiosité ou de d’inventaire raisonné : visite des champs de bataille des derniers soubresauts de l’Empire, dûment balisés par des guides, reprise du Grand Tour vers l’Italie, renaissance des circuits commerciaux vers la Hollande ou la Rhénanie… Le compte rendu de l'altérité s’attache ici moins aux institutions, dont le nouveau visage est encore mal saisissable qu’à celle des mœurs civiles et des coutumes (de la conversation à la cuisine, de la place des femmes à l'état d'esprit du bas peuple). Les Anglais ne sont pas les seuls à déléguer à Paris et dans le reste de l'Europe beaucoup de voyageurs et de curieux. Il y a le cas des Russes et des Prussiens que l’occupation militaire confronte à la « modernité » de la société politique et des mœurs françaises. Il y a également le cas des Français eux-mêmes, comme le rappelle l’entreprise des « commissaires extraordinaires », ou envoyés spéciaux de Louis XVIII et ensuite de Napoléon qui avaient pour mission de prendre le pouls du pays en 1814 et 1815. C'est à une nouvelle cartographie imaginaire des tempéraments et des civilités qu'aboutit la rupture de l’édifice napoléonien, ce qui rejoint la question des rapports entre voyage et identités nationales.
Car la confrontation des différents Etats avec la France révolutionnaire et impériale puis le règlement d’inspiration providentialiste de l’équilibre européen post-1815 par la Sainte-Alliance fait des premières décennies du XIXe siècle une phase essentielle de formation des nationalismes modernes. Or le témoignage des voyageurs y a sa part, surtout si on l’augmente des récits laissés par les différentes mobilités « contraintes » de la période, qui contribuent à fournir en images concrètes de l’altérité le magasin des stéréotypes nationaux. Le culte du territoire et l’ancrage idéalisé au sol qui sont propres au nationalisme français héritent des récits des vétérans et des demi-soldes dont le parcours contient des épisodes de mobilité peu étudiés (licenciements et rappels, voyage de retour vers les foyers). Le retour des prisonniers de guerre, après 1815, peut aussi être sollicité dans ce sens. La France a ainsi libéré beaucoup d’Espagnols et d’Anglais pris dans la guerre navale, dans le débarquement hollandais manqué de 1809, dans la guerre péninsulaire, dont certains étaient tout de même retenus depuis la rupture de la paix d'Amiens, donc depuis plus de dix ans. Elle a également recouvré les soldats qu'elle avait laissés en Russie, et ceux que les Anglais et les Espagnols gardaient sur leurs «sépulcres flottants». Les récits de captivité, parfois cocasses, parfois atroces, suivis de considérations sur le retour au pays, contribuent à former le regard sur l'étranger et, par contrecoup, les consciences nationales. Le retour d’émigration, enfin, peut constituer un terrain d’étude, en tant que rêve devenu réalité mais demeurant transmuté par l’écriture épistolaire ou par le travail du mémorialiste (on se souviendra qu’il y a des émigrés qui ne sont pas français mais piémontais, romains ou toscans). L’Europe des restaurations a aussi jeté sur les routes de nouveaux exilés, ceux qui ont été accueillis en France (patriotes italiens, officiers polonais, libéraux espagnols) étant moins connus que ces Français proscrits par Louis XVIII et dispersés en Europe, à la fois surveillés et protégés par la police de Metternich. Le contrôle de ces agitateurs potentiels, itinérants plus que sédentaires, a laissé de nombreuses traces archivistiques en sus des témoignages directs des intéressés. La condition des voyageurs y a également sa part, car les obligations juridiques et administratives qui l’encadrent ont reçu une grande partie de leur visage moderne avec la Révolution et ses suites, les exigences d’identification et de contrôle des déplacements et des franchissements de frontières étant renforcées en France puis ailleurs.
De part et
d’autre de la charnière de 1815 (et des faux-semblants du
retour à l’ordre qu’elle annonce pour l’Europe), s’opère
la transition entre le récit de voyage des Lumières et
celui du romantisme. Du premier, qui est traversé, on le sait,
de tensions contradictoires, l’ère napoléonienne a
perpétué certaines exigences scientifiques
(description, classement, exhaustivité), de sorte que les
voyages dans les départements réunis ou des nouveaux
Etats virent souvent aux mémoires descriptifs et statistiques
proches de ceux que les préfets de l’ « administration
rationnelle » avaient confectionnés pour Chaptal,
et qu’on n’est pas toujours loin d’un regard ethnographique de
type impérialiste, réordonnant la diversité de
l’Europe conquise par rapport à la figure obligée du
progrès qu’incarne la civilisation française. Le
problème des « confins » de l’Europe
et le dilemme relativité/gradation des civilisations demeurent
évidemment posés par les voyageurs, ainsi à
propos de l’Italie du Sud (Calabre notamment), de l’Illyrie ou
des avant-postes ottomans, et naturellement de la Russie. Mais cette
même ère napoléonienne a aussi rouvert les voies
du voyage subjectif et sensible, soit qu’il se soit fait une place
en résistance à l’uniformisation politique des
institutions et des mœurs, soit qu’il ait pris plaisir à
subvertir les règles d’un genre établi comme l’a
fait Chateaubriand pour le voyage en Terre sainte. Le voyage comme
expérience du moi plutôt que comme éducation du
jugement, comme aventure et hasard plutôt que parcours balisé,
comme exaltation des sens (harmonies de la nature, notamment de la
montagne, ou spectacle des ruines) plutôt qu’austère
somme de connaissances, c’est un déplacement de perspectives
en cours depuis Rousseau et achevé seulement dans l’Europe
de l’ordre rigide du traité de Vienne. Dans quelle mesure
l’affirmation de cette voie, au début du XIXe
siècle, bénéficie-t-elle de l’empreinte que
les cadres politiques de l’époque (avec une police des
étrangers et une police de l’esprit public plus présentes
et mieux outillées que sous l’Ancien Régime) ont
donnée au voyage ? Dans quelle mesure la clé de
cette transition tient-elle à la suspension relative de la
perspective cosmopolitique qu’impliquait l’échec de
Napoléon, et à un retour à une problématique
« hiérarchique et concentrique » (F.
Wolfzettel) de nations européennes s’affirmant et
s’historisant les unes face aux autres ? Telles sont
quelques-unes des questions attachées à ce projet de
colloque .
Strasbourg, vendredi 27 janvier 2006
8H30
Nicolas
Bourguinat (Université Marc Bloch, IUF)
Présentation
Des Lumières au romantisme, le voyage entre science et expérience
Présidence : Rebecca Rogers (Université Marc Bloch)
Daniel
Mollenhauer (Universität Erfurt),
« L’impénétrable
mystère du caractère national » : les
voyages à Paris et au Pays basque de Wilhelm von Humboldt et
son projet d’une anthropologie comparée
Sharif
Gemie (University of Glamorgan),
Un
tournant dans la littérature du voyage : le Voyage
dans le Finistère de Jacques Cambry (1794)
10H30 : Pause
Michael
Broers (Oxford University),
Les
Français au-delà des Alpes : le Laagerfrançais en Italie
Isabelle
Laboulais (Université Marc Bloch),
L’administration
des ressources naturelles à l’épreuve du terrain :
les voyages des ingénieurs des mines pendant le premier XIXe
siècle
14H
Anciens points d’attraction et nouveaux carrefours
Présidence : Gilles Bertrand (Université Pierre Mendès France, Grenoble)
Bernhard
Struck (Freie Universität Berlin),
Du
Sud à l’Ouest : la France sur la carte imaginaire des
voyageurs allemands autour de 1815
Michael
Rowe (University of Keele),
La
« redécouverte » du Rhin par les princes
prussiens après 1815
16H : Pause
Silvia
Marzagalli (Université de Nice),
Voyageurs
étrangers à Bordeaux du Consulat au début de la
Restauration
David
Laven (University of Manchester),
La Vénétie, Venise et
les Anglais, des Révolutions aux Restaurations
Patricia
Marcoz (doctorante, Université de Paris IV),
L’identité
de Capri dans la culture du voyage européen du premier tiers
du XIXe siècle
samedi 28 janvier 2006
8H30
Types de voyageurs et styles de mobilités
Présidence : Marie-Noëlle Bourguet (Université de Paris VII)
Jacques-Olivier
Boudon (Université de Paris IV),
Les
cardinaux italiens sur les routes pendant le Premier Empire
Natalie
Petiteau (Université d’Avignon),
Les
voyages des hommes de la grande Armée : de la vie
militaire aux pratiques de la mobilité géographique
Marie
Thoral (Université Pierre Mendès France, Grenoble),
Sur
les routes avec les hommes de Wellington : le « voyage »
des militaires anglais en France en 1814 et 1815
10H30 :
Pause
Ian
Coller (doctorant, University of Melbourne),
Pratiques
de voyage et mobilités arabes dans la France de l’Empire et
de la Restauration
Stella
Ghervas (Université de Genève),
Voyage
au pays des mystiques : Roxandre Stourdza dans les cours
allemandes de la Restauration
14H
Voyage, écriture et mémoire
Présidence : Friedrich Wolfzettel (Université de Francfort/Main)
Karine
Rance (University of York),
Voyages
en terre d’exil : les émigrés français en
Europe
Philippe
Boutry (Université de Paris I),
La
Rome pontificale de Stendhal
Marco
Meriggi (Université de Naples),
« La
vie s’est retirée d’Italie avec Napoléon » :
Stendhal entre amertume et désenchantement dans le Milan de la
Restauration
16H : Pause
Nicolas
Bourguinat (Université Marc Bloch, IUF),
Le
voyage d’enfance de George Sand en Espagne et ses réécritures
Sylvain
Venayre (Université de Paris I),
Du
mal du pays aux souvenirs de l’histoire : les sens du
voyage selon Edgar Quinet (1814-1830)
Emanuele
Kanceff (Université de Turin / Cirvi)
Voyager
dans le souvenir de Napoléon : un inédit de 1828
Lieux :
Université Marc Bloch, Palais
Universitaire, 9 place de l’Université 67084 Strasbourg
Cedex, Salle Fustel de Coulanges (27 et 28 janvier)
Responsables
scientifiques : N. Bourguinat
Contact : nicolas.bourguinat@free.fr
Informations/inscriptions : C. Ertz (caroline.ERTZ@wanadoo.fr)
Subjects
- Modern (Main category)
Places
- Strasbourg, France
Date(s)
- Friday, January 27, 2006
Attached files
Contact(s)
- Bourguinat Nicolas
courriel : nicolas [dot] bourguinat [at] free [dot] fr - Venayre Sylvain
courriel : sylvain [dot] venayre [at] noos [dot] fr - Ertz Caroline (Informations / Inscriptions) ~
courriel : caroline [dot] ERTZ [at] wanadoo [dot] fr
Information source
- Nicolas Bourguinat
courriel : bourguin [at] unistra [dot] fr
License
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To cite this announcement
« Voyager en Europe du Consulat aux Restaurations », Conference, symposium, Calenda, Published on Monday, December 12, 2005, https://doi.org/10.58079/a9x