Published on Wednesday, August 30, 2006
Abstract
Announcement
Tout historien de l’art confronté à un ensemble figuré ou architectural
complexe se sent tenu de lui trouver un sens. Ce défi est du reste propre à
toute démarche historique : le chercheur s’efforce d’» exhumer »
ou de « mettre au jour » la ou les signification(s) qu’il suppose
avoir été évidente(s) pour les contemporains du document ou de l’œuvre étudiée.
Cependant, dans nos pratiques professionnelles, ce désir procède sans doute
aussi d’une certaine angoisse de l’observateur devant son objet d’étude :
il s’agit non seulement d’avoir prise sur cet objet, mais aussi de légitimer le
travail de celui qui l’étudie, voire l’existence des institutions auxquelles il
appartient.
Pour ce qui concerne l’art médiéval, l’absence fréquente de sources textuelles
éclairant le pourquoi et le comment de l’œuvre ou de l’ensemble étudié
(vitraux, sculptures, peintures murales, manuscrit enluminé, etc.), conduit
souvent le chercheur à solliciter d’autres indices et, ce faisant, à supposer
l’existence préalable d’un « programme » qui non seulement
précéderait la création, mais aussi conditionnerait sa réalisation et, ensuite,
aiderait à la comprendre. L’usage de plus en plus fréquent du terme « programme »
dans les titres de publications témoigne amplement de l’acceptation d’une telle
notion par l’ensemble de la communauté scientifique.
Or, à y regarder de près, cette notion reste très floue. Qu’est-ce au juste
qu’un « programme » ? En donner une définition univoque est un
exercice impossible, du moins pour ce qui concerne l’art et de l’architecture
du Moyen Age. Par là même, il est permis de se demander si cette notion est
pertinente. N’est-elle pas au contraire anachronique? Ne conduit-elle pas à des
surlectures et à des constructions fragiles ou chimériques, sans rapport avec
les conditions, les enjeux et les réalités de la création artistique médiévale.
Y-a-t-il vraiment une « pensée programmatique » chez les artistes et
les commanditaires ?
Si c’est le cas, par quels mots s’exprime-t-elle ? Le terme « programme »
n’existe pas en latin médiéval et n’apparaît dans les langues vernaculaires
qu’au XVIIe siècle. Sous quelles dénominations médiévales
pouvons-nous donc déceler un tel concept ? Peut-il avoir existé sans avoir
été explicitement formulé ? Ou bien, n’est-ce qu’un outil – commode mais
dangereux - créé par les historiens ? Du point de vue historiographique,
du reste, il faudrait chercher à cerner quand, où et pour quels domaines le
terme « programme » a fait son apparition ? Est-ce en histoire
de l’art ? En histoire littéraire ? Ailleurs ? Dans quelle
mesure ces questionnements concernent-t-ils de la même façon d’autres domaines
de la médiévistique ?
Pour nous, chercheurs d’aujourd’hui en histoire de l’art, la question
essentielle est probablement celle des « garde-fous »
épistémologiques et méthodologiques que nous devons nous imposer lorsque nous
tentons de retrouver un éventuel « programme » derrière un ensemble
figuré ou monumental. Pour ce faire, il nous faut réfléchir aux conditions
(politiques, idéologiques, financières, artistiques, matérielles, etc.) qui doivent
avoir été réunies – pas nécessairement toutes ensemble – pour que nous
puissions réellement supposer l’existence de ce « programme » :
une volonté, une actualité, une idéologie, des moyens, un système, des réseaux,
des échos, des significations. Un programme n’est pas un « cycle »
(autre mot-outil commode mais qu’il faudrait également définir…). Il est
beaucoup plus que cela. Mais quoi exactement ?
Nous vous proposons de réfléchir ensemble à ces questions - et sans doute à
beaucoup d’autres que suscitera certainement la synergie collective - au cours
d’une première journée d’études. Celle-ci sera articulée autour d’un nombre
limité de dossiers afin de privilégier le temps de la discussion. Nous ne
pourrons pas répondre à toutes les questions ici posées mais peut-être au moins
à celle-ci : pourquoi nous tous, historiens de l’art médiéval,
ressentons-nous aujourd’hui, en 2006, le besoin de débattre d’un tel problème ?
Modalités du travail :
La journée d’étude sera organisée le 25 novembre 2006 et se tiendra à l’Institut national d’histoire de l’art à Paris. La question du « programme » ne se posant pas dans les mêmes termes aux différentes périodes du Moyen Âge, il nous a semblé judicieux de limiter cette première enquête à l’étude de cas concernant l’époque gothique. Le désir de susciter une discussion fructueuse et une réflexion collective nous a conduit à ne proposer qu’un nombre réduit d’interventions pour cette journée. Une attention particulière sera portée aux enjeux historiographiques et méthodologiques. Ils aideront à mieux comprendre les mécanismes de la démarche de l’historien de l’art médiéviste qui postule l’existence d’un éventuel « programme », déterminant la création ou la signification de l’œuvre étudiée.
Si cette première journée remporte quelque succès – succès que l’intérêt initial, manifesté spontanément par tous nos interlocuteurs, nous permet d’espérer - nous vous proposerons de nous rencontrer de nouveau à l’automne 2007. Lors de cette seconde journée nous tâcherons de centrer notre problématique autour de dossiers appartenant au haut Moyen Âge et à l’époque romane : comment, par exemple, ne pas s’interroger sur la réalité d’un programme centralisé, sous-tendant les différentes initiatives de Charlemagne visant à la renovatio imperii ?
Organisation de la journée :
Les intitulés exacts des communications attendent encore confirmation des intervenants. En l’état, cette journée d’étude sera organisée de la manière suivante :
Samedi 25 novembre 2006 – Institut National d’Histoire de l’Art
(salle Perrot)
Matin (9h – 13h)
Introduction (Claudia Rabel et Jean-Marie Guillouët)
- Michel Pastoureau : « Programme » : histoire d’un mot, histoire d’un concept
- Pierre-Yves Le Pogam : Les commandes architecturales des papes au XIIIe siècle : une politique discontinue face à une idéologie de la continuité
- Marie Lionnet : Cycles et programmes dans la peinture murale : définition et concepts à partir de l'exemple hongrois
- Michele Tomasi : « Programmes » encyclopédiques dans la sculpture monumentale à Florence et à Venise au milieu du XIVe siècle : conception, enjeux, réception
Après-midi (14h30 – 17h30)
- Danièle Bohler : Peut-on parler de « programme » dans le domaine de la création littéraire ?
- Chrystèle Blondeau : Manuscrits et tapisseries de commande sous le principat de Philippe le Bon
- Claudine Lautier : Reliques et programmes iconographiques des vitraux dans les cathédrales gothiques : l'exemple de Chartres
Conclusions (Michel Pastoureau)
La durée des interventions ne devra pas dépasser une demi-heure afin de réserver au moins une demi-heure de discussion à l’issue de chacune d’entre-elles. Une publication des interventions, ainsi que des discussions qui suivront, est envisagée. Elle devra être assez rapide pour nourrir la réflexion de la seconde journée d’étude, prévue pour se tenir à Nantes ou à Paris à l’automne 2007.
Cette journée d'étude est organisée avec le soutien de L'Institut de Recherche sur l'Histoire des Textes (CNRS) et de l'équipe Art Public Patrimoine Institutions de l'université de Nantes.
Subjects
Places
- Paris, France
Date(s)
- Saturday, November 25, 2006
Contact(s)
- Claudia Rabel
courriel : claudia [dot] rabel [at] cnrs-orleans [dot] fr - Jean-Marie Guillouët
courriel : jmguillouet [at] gmail [dot] com
Information source
- Claudia Rabel et Jean-Marie Guillouët ~
courriel : jmguillouet [at] gmail [dot] com
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To cite this announcement
« Demandez le programme ! La notion de programme est-elle pertinente pour l’étude de l’art médiéval ? », Study days, Calenda, Published on Wednesday, August 30, 2006, https://doi.org/10.58079/au5