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André Leroi-Gourhan, André Georges Haudricourt et Charles Parain
Matérialité, concrétudes et élaborations théoriques
Published on Tuesday, November 13, 2007
Abstract
Announcement
André Leroi-Gourhan, André Georges Haudricourt et Charles Parain
Matérialité, concrétudes et élaborations théoriques
L’objet de ces trois journées d’études est de contribuer à la connaissance des apports de Charles Parain (1893-1984), André Leroi-Gourhan (1911-1986) et André Georges Haudricourt (1911-1996) à la construction et à l’institutionnalisation de l’ethnologie comme discipline, places qui n’ont pas été pleinement explorées.
Quelques pistes peuvent être d’ores et déjà appréhendées :
- Une définition de l’ethnologie appréhendée du côté du matériel. Ici, un intérêt pour l’observation des outillages, la description des processus technologiques, ou encore l’analyse des processus d’évolution des forces productives dans le prolongement des interrogations et des postures d’historiens portant leur regard, tel Marc Bloch, sur la " civilisation matérielle ", critiquant des ouvrages d’histoire où " les vicissitudes de l’équipement technique " sont réduites " au silence " et appelant de ses vœux " une science mieux agrippée au réel ". Ce trio va contribuer à ancrer une partie de la recherche ethnologique vers l’étude de cet équipement, l’histoire des techniques et les modalités de leur mise en œuvre, les phénomènes d’innovation…
- Une pratique de l’ethnologie marquée par l’investigation empirique, se déclinant tout à la fois par la configuration de leur enseignement et leur ancrage dans des interrogations qu’ils veulent ou semblent concrètes.
- Pour autant, des pratiques théoriques et de synthèse requérant non seulement " le local " mais aussi des échelles importantes de temps et d’espace, collaborant ou s’annexant d’autres disciplines comme la géographie humaine, les disciplines historiques. Eux-mêmes de ce point de vue sont parfois qualifiés de " passe-muraille ", ainsi André Leroi-Gourhan et André Georges Haudricourt. Tous les trois, aussi, participeront à des entreprises de recherche " pluri-disciplinaires " telle la RCP28 (recherche coopérative sur programme) du CNRS sur l’Aubrac dont Charles Parain rédige l’un des volumes de résultats. De plus, dans cette perspective, ils font aussi appel à certains critères et niveaux de généralisation — par exemple la classification ou la lignée, la distribution dans l’espace — autant de corps d’hypothèses sur ce que doit être l’anthropologie et les caractéristiques de son objet d’étude.
Ce colloque sera l’occasion de porter un regard sur les pratiques de la recherche en ethnologie en essayant de mettre en perspective ces trois pensées qui, au premier chef, concernent les ethnologues mais qui s’adressent aussi bien aux philosophes, aux historiens, aux sociologues, aux linguistes…
Ces journées pourraient s’articuler autour de plusieurs axes de réflexion.
A. Réception / Relecture
Cette relecture paraît d’autant plus importante pour l’histoire de l’ethnologie française qu’elle est un bon indicateur de l’évolution des thèmes de recherche et des méthodes d’enquêtes utilisées (observation participante, description, enquête de terrain, comparatisme...)
Trop souvent, encore, l’histoire de l’ethnologie se réduit à une histoire de la pensée ethnologique et non de ses institutions, de ses animateurs grands ou plus petits, et de ses réseaux (…). Histoire certainement plus mouvementée et fragmentée que celle des concepts ou des outils analytiques, mais histoire qui permettrait de comprendre l’évolution formelle des écrits ainsi que les orientations successives des travaux des chercheurs. Il s’agira là donc de s’intéresser à la portée des travaux du trio dans leur contemporanéité, soit leur réception.
Il s’agira, par ailleurs, de mettre à l’épreuve du monde d’aujourd’hui les principales analyses et outils forgés par ces trois auteurs. En quoi peuvent-ils encore nous aider à comprendre notre modernité ? Comment lire — et utiliser — aujourd’hui des travaux fortement marqués par l’idée d’une appropriation de la nature alors que l’anthropologie de la nature (Ph. Descola) ou des sciences et des techniques (B. Latour) ré-historicise l’idée de nature par exemple ? Des interrogations similaires pourraient être conduites en matière d’anthropologie des techniques, ou des configurations politiques d’allocation des ressources — rappelons le débat opposant les tenants des " communautés rurales " et ceux des " collectivités rurales ", la question des rapports au féodalisme et à l’étatisme.
Nous proposons de situer cette mise à l’épreuve dans une relecture et un réexamen de trois ouvrages qui ont, chacun à leur manière, marqué un domaine de recherche émargeant ou non à la configuration contemporaine de l’ethnologie : L’homme et la charrue pour Haudricourt et Mariel Jean Bruhnes Delamare ; Le geste et la parole pour Leroi-Gourhan et La Méditerranée, les hommes et leurs travaux pour Charles Parain.
Cette première entreprise est capitale pour essayer de comprendre à la fois la construction des domaines d’étude, les reprises de thèmes, et plus simplement la pertinence de leurs intérêts scientifiques, par exemple une attention portée à la question du rapport entre l’homme et son milieu par le biais de la technique, ou entre les hommes par la langue considérée comme une technique (Haudricourt).
B. Discipline (s)
André Georges Haudricourt a une formation plurielle : agronome, géographe, botaniste, linguiste. Il sera l’un des fondateurs de l’ethnobotanique en France, rédacteur de l’article " ethnominéralogie " du volume Ethnologie générale dirigé par Jean Poirier. Dans Le geste et la parole, Leroi-Gourhan pratique tour à tour une approche biologique et une analyse en termes de culture. Rappelons si besoin est que son auteur est titulaire d’un doctorat ès sciences et qu’il est aussi l’inventeur de l’ethnologie préhistorique. Charles Parain est quand à lui agrégé de grammaire, pratique des fouilles en Égypte, contribue en 1941 à la demande de Bloch à The cambridge economic history of Europe pour ce qui est des techniques agricoles. Il contribue enfin aux recherches du musée national des Arts et traditions populaires et se veut ethnohistorien.
Les illustrations du caractère trans-disciplinaire du trio pourraient être multipliées et précisées. L’un des apports les plus importants de ses travaux est de constater que pour interpréter les activités humaines dans leur diversité (techniques, langages, modes de vie, sciences de la nature…), le sociologue, l’ethnologue ou le linguiste doit pouvoir faire concourir différents points de vue sur un même objet.
Ces trois œuvres nous confrontent de ce fait à toute une série de questions :
- La hiérarchie des disciplines historiques et de leur rapport. Elle peut se traduire par celle de l’auxilariat. Comment s’organise par exemple l’articulation entre recherches historique et ethnologique ? Pour ces trois auteurs, il semble que la réalité sociale ne soit jamais totalement intelligible par le seul présent. Il ne suffit pas d’observer les outils en train de fonctionner. De la même manière, ethnologie et linguistique sont deux mondes que ces trois auteurs n’ont eu de cesse de croiser, convertissant les plus farouches ethnologues aux vertus de la linguistique et obligeant le linguiste, pour comprendre la manière dont fonctionne une langue, à tenir compte du milieu dans lequel celle-ci est ou a été utilisée.
- Les rapports entre des sciences de la nature et des sciences historiques (au sens de Jean-Claude Passeron) avec par exemple la catégorie d’ethnoscience et la confrontation des savoirs qu’elle suscite.
- Les modalités d’existence d’une telle posture dans un monde scientifique plus ou moins fragmenté disciplinairement que ce soit dans les lieux de publication, de validation des recherches, de formation d’une école, de paradigmes ou de postures de recherches.
- celles aussi de l’objet de recherche dont on voit ici qu’il n’est pas découpé disciplinairement mais dont la définition convoque des processus de recherche intégrée.
C. Science et politique
Chacun de ces auteurs a entretenu des relations, de diverses natures, avec le marxisme, du point de vue d’une entrée par les pratiques techniques et économiques — beaucoup plus que par des questions de pratiques politiques même si elles sont présentes.
On peut voir là, à l’œuvre, la notion marxienne d’infrastructure, tout comme la notion de communauté rurale est redevable à Marx, ou celles de rapports sociaux de production et forces productives. Ou bien encore une parenté entre les programmes de travail de Parain et de Marx, l’attention portée à l’histoire, etc.
Il s’agira ici de s’interroger tout à la fois aux relations entre les concepts et centres d’intérêts marxiens et ceux de notre trio — cette question de la consonance est à l’œuvre chez Parain à propos de l’école des Annales si l’on en croit Febvre : " Tout de même, dans ces milieux-là, on nous lit, on nous suit "—, entre les opérations de connaissance qu’il met en œuvre et l’action politique qu’elle leur soit ou non propre, son rôle dans la constitution d’une anthropologie marxiste en France qu’elle soit métropolitaine ou africaniste, sa participation à des entreprises marxistes de publication et de discussion (le numéro thématique de La Pensée sur ethnologie et marxisme, ou les publications du CERM (centre d’études et de recherches marxistes) sur les sociétés précapitalistes, le féodalisme ou le mode de production asiatique…)
D. Institutions
Ce colloque, enfin, pourrait être l’occasion d’un retour sur l’histoire et le fonctionnement des institutions de l’ethnologie entre les années 1950 et 1970. L’EFEO (école française d’Extrême-Orient) où Haudricourt réside en 1948-49, le CRFE (centre de formation aux recherches ethnologiques) fondé en 1946 par Leroi-Gourhan et auquel participe Haudricourt, le Muséum d’histoire naturelle, le CNRS dont il faut rappeler qu’il a joint/disjoint plusieurs disciplines avec l’anthropologie au sein d’une même section, Le mois d’ethnographie française dont sont administrateurs Leroi-Gourhan et Parain, mais aussi les grandes enquêtes pluridisciplinaires comme celle de L’Aubrac à partir de 1964 dans laquelle Parain a eu un rôle important.
Une attention particulière sera portée aux situations et relations à l’œuvre au sein des configurations ainsi dessinées et dans la visée d’éventuelles reconfigurations.
Les fonds d’archives de A.G. Haudricourt et de Leroi-Gourhan, disponibles à l’IMEC (institut mémoire de l’édition contemporaine), comprennent de nombreux documents administratifs ainsi que de la correspondance liée au fonctionnement général de ces institutions.
Nous vous prions d’envoyer vos résumés (entre 5000 et 10000 signes) pour le 15 Février 2008 au plus tard.
La publication des Actes est envisagée sur la base d’une sélection des communications.
Subjects
Places
- IMEC (Institut mémoire de l’édition contemporaine), abbaye d’Ardennes.
Caen, France
Date(s)
- Friday, February 15, 2008
Keywords
- ethnologie, Parain, Haudricourt, Leroi-Gourhan
Contact(s)
- Noël Barbe
courriel : noel [dot] barbe [at] cnrs [dot] fr - Jean François Bert
courriel : jeanfrbert [at] hotmail [dot] com
Information source
- Noël Barbe
courriel : noel [dot] barbe [at] cnrs [dot] fr
License
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To cite this announcement
« André Leroi-Gourhan, André Georges Haudricourt et Charles Parain », Call for papers, Calenda, Published on Tuesday, November 13, 2007, https://calenda.org/193884