Le rapport au savoir dans les discours professionnels
Appel à contribution pour le numéro 43 de la revue LIDIL
Published on Tuesday, March 10, 2009
Abstract
Announcement
Coordonné par A. Rabatel, N. Blanc, ICAR, Université de Lyon 1 (Iufm)
- Alain.Rabatel@iufm.univ-lyon1.fr
- nathalie.blanc@iufm.univ-lyon1.fr
Les discours professionnels
Les discours professionnels englobent, au-delà des écrits scientifiques (qui seront analysés dans Lidil 41), des discours de formation. Ces discours de formation professionnelle, qui se positionnent sous des formes variables par rapport aux écrits académiques de recherche, sont très divers, selon les cursus, les publics et les métiers (enseignants, techniciens, ingénieurs, personnels de santé, etc.), et pourront être envisagés du point de vue des futurs professionnels ou du point de vue de leurs formateurs. Ce sont ces discours professionnels qui feront l’objet des contributions de Lidil 43.Leurs pratiques discursives reposent souvent sur des usages conjoints de l’écrit et de l’oral : les mémoires font l’objet d’une présentation et d’une soutenance, les rapports sont évalués, les notes, exposés, planifications, manuels, sont lus, commentés, discutés. Ils côtoient d’autres pratiques discursives auxquelles l’essor des nouvelles technologies numériques donne une importance croissante (powerpoint, textes en ligne, hypertextes, banques de données, etc.). Les interactions entre l’écrit et l’oral, la nature écrite de certaines productions orales (cours magistral), ou inversement, les traces de l’oral dans l’écrit, sont nombreuses ; en outre, les plans, schémas et états intermédiaires font l’objet d’ajustements oralo-graphiques incessants.
Des discours complexes
Ces discours représentent des espaces de réflexion essentiels : lieu de consignation du savoir, ils sont aussi le lieu de la construction des connaissances, de la confrontation entre des savoirs et des expériences concrètes, bref, à divers titres, ce sont des lieux où se dressent des constats, où se vérifient des hypothèses, des analyses savantes, où s’étayent des argumentations, des démonstrations. La maitrise de l’écriture de ces différents genres professionnels requiert non seulement celle des connaissances disciplinaires, mais aussi celle de stratégies d’argumentation appropriées et des techniques énonciatives pertinentes qui favorisent le positionnement de soi, la gestion des consensus ou des dissensus. Ce positionnement nécessite la prise en compte d’un certain nombre de spécificités, notamment celles de l’épistémologie des savoirs enseignés, celles des contextes socio-historico-culturels dans lesquels s’organisent les enseignements et les apprentissages et celles des conditions matérielles qui créent des contraintes sur ces discours « situés » (ex : auxiliaires pédagogiques actuels, amphithéâtre, enseignement à distance...).Dans l’enseignement supérieur , la situation interdiscursive est complexe dans la mesure où il existe un continuum entre discours de formation et discours de recherche. Des ouvrages d’initiation où l’auteur, plus enseignant que chercheur, présente des notions et des concepts sans les référer à leurs sources, et sans indiquer explicitement son propre point de vue par rapport à la doxa disciplinaire côtoient des discours plus engagés : dès les cours magistraux de première année dans certaines disciplines, l’enseignant-chercheur oppose divers courants internes à la discipline et indique par là même son propre positionnement. D’une manière générale, le problème de l’étudiant futur spécialiste est à son tour de construire sa position scientifique en connaissance de cause c’est-à-dire en ayant su repérer dans les discours neutralisés comme dans les discours engagés les diverses « écoles » qui constituent le champ disciplinaire. D’ailleurs en sciences humaines ou sociales, on exige très vite des étudiants, dans des activités de routine comme les dissertations ou les exposés, de savoir situer les théories les unes par rapport aux autres, voire de prendre explicitement position sur diverses questions du domaine. Ajoutons que ces disciplines sont souvent proches de questions sociales vives et propices à des engagements citoyens.
Des questions vives à investiguer
L’objectif de ce numéro est ainsi d’analyser comment les écrits scientifiques et institutionnels s’inscrivent dans les discours professionnels, et, réciproquement, comment le locuteur/énonciateur se constitue en agent doté d’une autorité intellectuelle. Le titre de l’appel à contribution invite à s’interroger sur le « rapport au savoir », ce qui engage une réflexion sur les conceptions du savoir, de sa transmission, de sa construction, sur la posture de l’auteur du discours professionnel. Ce questionnement peut se décliner de diverses façons :− Comment référer aux savoirs savants, aux savoirs institutionnalisés ? Y a-t-il des domaines objectifs et d’autres qui sont réservés à l’expression de la subjectivité ?
− Comment référer à l’expérience en ne se contentant pas de constater, mais en la problématisant ?
− Quel rapport entre des savoirs communs et des expériences singulières ou intersubjectives, notamment dans les cas, de plus en plus fréquents, de co-production des discours professionnels ?
− Comment faire acte de citation, comment gérer la polyphonie énonciative et la diversité des points de vue, dans l’optique de la construction d’une identité socio-discursive professionnelle ?
− D’une façon plus générale, comment argumenter, quelles fonctions argumentatives accorde-t-on aux comptes rendus d’expériences, aux faits, aux données scientifiques, etc. Cette dimension argumentative sera au cœur des questionnements précédents, afin de montrer l’emprise directe ou indirecte (Amossy 2006) des mécanismes argumentatifs dans la construction de l’identité socio-discursive d’un professionnel à la charnière de la production du savoir et de sa transmission. Certes, il est impossible de faire l’impasse sur les questions énonciatives ; mais dans la mesure où celles-ci ont fait (ou feront) l’objet de plusieurs livraisons de Lidil, et notamment dans les n° 35 (et 41), on ne retiendra ici que ce qui est en lien avec les stratégies argumentatives.
• On s’appuiera sur une conception large de l’énonciation, qui ne porte pas seulement sur les marques de l’appareil formel (marques de personnes ou effacement énonciatif, cf. Vion 2001, Rabatel 2001), mais intègre l’ensemble du mode de référenciation des objets du discours (Benveniste, Culioli, Desclés, Ducrot, Authier-Revuz).
• On pourra notamment analyser les tensions entre objectivité et subjectivité autour des reformulations, gloses, paraphrases, reprises, des citations et autres modes de référence aux discours et travaux scientifiques (Grossmann, Boch, Rinck, Tuomarla, Fløttum), mais aussi autour de l’exploitation des images, schémas, dessins (Rabatel 2009), autour de la référenciation des expériences : s’impose-t-elle d’elle-même, en tant que description objective, transparente aux objets ou au contraire renvoie-t-elle à des choix explicites qui font l’objet d’une discussion ? Ce sont là quelques pistes à investiguer, sans aucune prétention à l’exhaustivité.
• Si toutes les approches de l’argumentation sont bienvenues, on se demandera toutefois si les discours professionnels n’invitent pas à revenir sur la conception dominante d’une argumentation rationnelle qui vise à convaincre, et si l’on n’est pas plutôt confronté ici à des pratiques de justification (Angenot 2008) qui sont d’autant plus solidement établies qu’elles reposent sur la construction de références, de citations, de cautions et de discussions qui visent davantage à fortifier un point de vue qu’à en discuter la pertinence par rapport à d’autres cadres d’analyses, l’argumentation n’étant pas seulement un outil de démonstration, elle peut être considérée comme un « mode de construction du discours visant à le rendre plus résistant à la contestation » (Doury 2003 : 13).
Méthodologie
On privilégiera la collecte de corpus écrits, audio ou vidéo, à toutes les étapes du cursus de formation (école pré-élémentaire, école élémentaire, collège, lycée, université, formation pour adultes), et à différents moments de la formation d’enseignants ou à différentes étapes du processus d’écriture de textes professionnels. Les enregistrements oraux (cours, soutenances, exposés, etc.) seront transcrits, aux fins d’analyse, notamment dans la perspective de comparer versions oralisées ou discours oraux et supports écrits. On fait l’hypothèse de liens entre le positionnement énonciatif dans les discours professionnels, son évolution dans les écrits tout au long de la formation (ou dans un même écrit long comme le mémoire professionnel), et la construction de l’identité professionnelle du stagiaire : il sera intéressant de croiser ces données à différents stades de la formation.Calendrier
- 1er mars 2009 : lancement appel à contribution- 1er juillet 2009 : date de réception des résumés de proposition de contribution (1 page A4 + 1 bibliographie)
- 1er septembre : retour des évaluations des résumés
- 1er juillet 2010 : remise des articles aux coordinateurs
- 1er octobre 2010 : remise des articles à Lidil pour évaluations externes
- 1er novembre – 1er février 2011 : navette de corrections entre Lidil et les auteurs
- Publication en juin 2011
Subjects
- Language (Main category)
- Society > Sociology > Sociology of work
- Mind and language > Language > Linguistics
Places
- Grenoble, France
Date(s)
- Wednesday, July 01, 2009
Attached files
Keywords
- discours professionnel, enseignant, savoir
Contact(s)
- Alain Rabatel
courriel : alain [dot] rabatel [at] univ-lyon1 [dot] fr
Information source
- Elisabeth Greslou
courriel : elisabeth [dot] greslou [at] univ-grenoble-alpes [dot] fr
License
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To cite this announcement
« Le rapport au savoir dans les discours professionnels », Call for papers, Calenda, Published on Tuesday, March 10, 2009, https://doi.org/10.58079/dsg