HomeCorps en relations en interethniques : migrations, identifications et hiérarchisations
Corps en relations en interethniques : migrations, identifications et hiérarchisations
Corps. Revue interdisciplinaire
Published on Tuesday, March 17, 2009
Abstract
Announcement
Appel à contributions (2010)
Numéro coordonné par Chantal Crenn et Simona Tersigni
Dans l’excursus sur l’étranger Simmel [1908] n’évoque pas directement le corps de l’étranger, ses pratiques et ses représentations (corps proche/exotique, corps sain/malade, corps dominé/en rupture, corps racisé/marqué). Toutefois son approche fondée sur les relations complexes entre distance et proximité, attraction et répulsion, permet de rappeler que l'étranger sociologique n'est pas un voyageur de passage. S’ils servent d’intermédiaires avec l’extériorité et, par là, avec les diverses formes de l’altérité, l’étranger et l’étrange dans sa dimension sensible, finissent par devenir des parties intégrantes du groupe lui-même (positivement ou en tant que repoussoir). A partir de cette dialectique proximité/distance, Simmel a principalement développé ces relations d'échange et de réciprocité avec l'extérieur sans théoriser directement les pratiques sociales et culturelles des étrangers par, sur et avec le corps. C’est pourquoi l’étranger pour lui apparaît dans l'histoire économique d'abord sous les traits du commerçant.
C’est par une réflexion portant sur le corps du travailleur migrant que les travaux de Sayad ont permis d’avancer l’analyse sociologique. Dans cette approche l’émigré est conçu comme un individu « dont la seule raison d’être est le travail et dont la présence n’est légale, autorisée, légitime que subordonnée au travail ». Ainsi, le migrant « fait-il la double expérience d’une existence réduite au corps qui la matérialise et qui en est aussi l’instrument et, par suite, d’une existence ou, ce qui revient au même, d’un corps, tous deux placés totalement sous l’entière dépendance du travail». En anthropologie sociale, le corps des migrant(e)s a été analysé en fonction d’une alimentation fonctionnelle, donnant de « l’énergie » adaptée au rythme de la vie professionnelle uniquement [Crenn, 2005]. Toutefois, l’accent a été mis davantage sur a dimension symbolique, conduisant à privilégier les dimensions allégoriques et allusives dans le discours sur le corps mais aussi dans son entretien, dans sa transformation. Les recherches d’anthropologie sociale sur ce sujet en font un indicateur de hiérarchies, de domination mais aussi un « emblème » revendiqué comme signe de ralliement ou au contraire d’invisibilité. En bref, le corps en migration participe à la construction identitaire d’une personne, d’un genre, d’un âge, d’une classe sociale. Il peut être subi, rejeté, manipulé, exposé ou ignoré. Il renvoie au dialogue avec soi-même mais aussi avec autrui, dans les espaces-temps des circulations entre pays (de départ, de transit, d’installation et éventuellement zones de rétention) comme en cas de retour dans le pays d’origine. Du côté des majoritaires (au sens sociologique Pietrantonio, 2002), en ce qui concerne l’Etranger, la différence semble d’autant plus « naturelle » qu’elle s’exprime dans et par l’apparence du corps. Au sujet de cette évidence de la différence physique, les anthropologues ont insisté sur la nécessité de la dépasser pour rétablir la dialectique de l’universel et du particulier. Des recherches au sujet des consultations d’ethnopsychiatrie ou consultations pour migrant(e)s à l’hôpital [Crenn, 2002] ont traité des enjeux politiques propres à la santé des travailleurs migrants et des demandeurs d’asile [Fassin, 2000]. La citoyenneté des « immigrés » est alors apparue comme problématique dans le traitement de corps et de « l’âme » à l’hôpital (reflet de la société civile). Aujourd’hui sont également pris en compte les effets des transformations de la division sexuelle du travail sur la mobilisation de main d’œuvre migrante, jusqu’au domaine du care, dans le soin et dans le souci du corps des non-migrant(e)s.
Si le corps en migration peut participer aux modes de production et être corps-outil en même temps que corps-sueur exprimant son activité ou corps invisible (migrations d’élite), il peut aussi faire partie intégrante des modalités de transmission et être corps ethnicisé, voire nationalisé et racisé. Il peut être aussi corps soigné au quotidien, ritualisé, ludique, érotique, hédonique. L’étudier sur le plan sociologique ainsi qu’anthropologique, géographique, psychologique, revient à considérer les fonctions sociales propres aux migrant(e)s et à leurs descendant(e)s sans exclure les aspects symboliques. La façon de porter la barbe, la coiffure, le vêtement, à savoir des pratiques que Weber [1971/1922] nomme des « reflets extérieurs » qui se prêtent à l’ « affichage public d’une identité revendiquée », car ils sont « manipulables à loisir et aisément déchiffrables comme symbole d’appartenance ». Selon Fredrik Barth [1969] les références culturelles des groupes qui établissent une frontière se réfèrent à deux registres engageant, directement ou indirectement, le corps. Dans le sillage de Weber, il évoque les caractères diacritiques, à savoir les signaux que les sujets exhibent pour afficher directement leurs identifications par le corps, tels l'habillement, le langage, la forme des habitations ou le style de vie en général. Qui plus est, Barth traite des orientations de valeur lesquelles peuvent indirectement concerner le corps, puisque l’enjeu est celui des standards de moralité et des mérites selon lesquels un acte est jugé. Les normes de minceur étudiées par Annie Hubert [2004] sont en effet largement porteuses de morale et s’imposent aussi sur ceux et celles qui tombent sous la catégorisation de « jeunes issus de l’immigration ». Inscrits dans ce mouvement les étrangers sociologiques doivent également répondre à l’obligation de jeunesse du corps. Dans ce contexte le corps vieillissant des « immigrés » sera-t-il plus « illégitime » encore comme le montre certains auteurs [Témine, 2001] ou au contraire « intégré » [Attias Donfut, 2005] ?
Par delà la topique corporelle de l’indignation (immolation par le feu et pendaison de demandeurs d’asile déboutés, de sans-papiers et de leurs proches) en tant que recours extrême et désespéré, il s’agira de saisir le système d’imputations croisées qui caractérise l’ethnicité et dont la spatialisation est particulièrement axée autour du corps [Tersigni, 2008]. En conclusion il s’agira d’analyser des logiques et des pratiques d’acteurs sociaux pris dans la dynamique d’être réduits à leur corps. Les articles retenus interrogeront aussi leur inscription dans ce réductionnisme par le recours à des mobilisations axées sur le corps et susceptibles cependant d’ouvrir des marges d’action.
Merci de nous adresser une déclaration d'intention avec un résumé et un titre provisoire par retour de mail avant le 30 avril 2009.
Les articles (25 000 signes et blancs maximum), devront nous parvenir, avec les illustrations éventuelles, sous format numérique, à ces deux adresses : crenn.girerd@wanadoo.fr et simona.tersigni@uhb.fr avant le 1er Octobre.
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Claudine Attias-Donfut, Le vieillissement des immigrés, Retraite et société, Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV)(n.44 janvier 2005)
Fredrik Barth, « Introduction », in Barth F., (sous la direction de), Ethnic Groups and Boundaries. The Social Organization of Cultural Difference. Bergen-Oslo, Universitet Forlaget ; Londres, George Allen et Unwin, 1969 [trad. franç. « Les groupes ethniques et leurs frontières », in POUTIGNAT Ph., STREIFF-FENART J. (1995). Théories de l’ethnicité. Paris, PUF, coll. Le sociologue, pp. 203 -249]
Chantal Crenn et Jean-Claude Hinnewinckel, «Les nouvelles territorialités de la vigne en pays foyen, entre distinction et précarité», Sud-Ouest Européen, les territoires émergeants (sousla direction de Guy Di Méo), décembre 2005, pp. 39-48.
Chantal Crenn, « Citoyenneté et prise en compte de la diversité sociale et culturelle des malades à l’hôpital», in Cultures, insertions et santé (sous la direction d’Olivier Douville et Colette Sabatier), Paris, L’Harmattan, Coll. espaces interculturels, novembre 2002, pp. 141-164
Didier Fassin (sous la direction de), Hommes et Migrations, numéro spécial;Santé : le traitement de la différence, n° 1225, mai-juin 2000, pp. 39-46.
Annie Hubert (sous la direction), Les Cahiers de l’Ocha, Corps de femmes sous influence : interroger les normes, avril 2004, pp.96-112.
Linda Pietrantonio, « Une dissymétrie sociale : rapports sociaux majoritaires/minoritaires », Bastidiana, Racisme et relations raciales, n° 29-30 janvier-juin 2000, pp. 151-176
Georg Simmel, « Excursus sur l’étranger » (1908), in Y. Grafmeyer et de I. Joseph (sous la direction de), L’Ecole de Chicago. Naissance de l’écologie urbaine, Paris, Editions du Champ urbain, 1979 OU in G. Simmel, Sociologie, Paris, PUF, 1999
Abdelmalek Sayad, La double absence, Paris, Seuil, 1999
Émile Temime, Nathalie Deguigne, Le camp du Grand Arénas, Marseille 1944-1966, Autrement, Paris, 2001
Simona Tersigni, « ‘Pour quelques gouttes de sang’. Conflits de normes et déontologie médicale face à la circoncision et à l’hyménorraphie », Revue des Sciences Sociales, 2008, n°39, « Ethique et santé », pp. 104-113.
Max Weber, Economie et société, Paris, Plon, 1971 (1ère éd. en allemand 1922).
Subjects
Date(s)
- Thursday, April 30, 2009
Keywords
- corps, relations interethniques, migrations, hiérarchies sociales, identifications
Contact(s)
- Crenn Chantal
courriel : crenn [dot] girerd [at] wanadoo [dot] fr
Information source
- Chantal Crenn et Simona Tersigni ~
courriel : crenn [dot] girerd [at] wanadoo [dot] fr
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To cite this announcement
« Corps en relations en interethniques : migrations, identifications et hiérarchisations », Call for papers, Calenda, Published on Tuesday, March 17, 2009, https://doi.org/10.58079/dt7