Barrettes, soutanes et souliers mignons
Portraits d'hommes d'église dans les campagnes françaises (XVe-XIXe siècles)
Published on Monday, May 11, 2009
Abstract
Announcement
Le 23 septembre 2008 s’est tenue à l’Université de Toulouse II une journée d’études consacrée à La culture artistique des prêtres en milieu rural (XVe-XIXe siècle). Cette manifestation a permis de mieux comprendre quel était alors le rôle du clergé séculier dans la commande des œuvres d’art destinées aux paroisses de campagne. Les différents intervenants, impliqués dans l’étude ou la conservation du patrimoine religieux, ont montré que la commande pouvait être à la fois affaire de goûts personnels, d’usages dictés par la hiérarchie, ou encore liée aux réseaux familiaux ou personnels des prêtres. Ces facteurs influencèrent non seulement le choix des exécutants, mais aussi des sujets, voire le style des oeuvres.
Il s’agit à présent d’explorer une seconde piste : celle de l’image du prêtre dans le cadre de la paroisse rurale. Il conviendra de faire cette fois-ci appel aux représentations, au sens propre du terme. Si l’on considère le patrimoine religieux en prenant en compte tous les supports disponibles (peintures murales, retables, sculptures, ouvrages imprimés…), il est d’ores et déjà possible d’établir un corpus assez riche. Les curés de campagne ont été figurés par le biais de portraits, ils apparaissent aussi au sein de scènes narratives, ou encore d’images plus emblématiques telles que sceaux, plates-tombes ou estampes. Face à ce patrimoine, et au-delà de la simple énumération, nous tenterons de faire ressortir les lignes forces de la représentation du prêtre au sein de son église, entre les XVe et XIXe siècle.
En laissant de côté l’approche strictement descriptive, plusieurs questions peuvent être soulevées : comment les prêtres se sont-ils fait représenter ? Dans quels contextes ? La construction de l’image du prêtre dans l’art, depuis le bas Moyen Âge, documente à la fois la perception que ces hommes avaient d’eux-mêmes (de leur statut et de leur fonction au sein de la paroisse), et le regard que les artisans et les fidèles portaient sur leur personne. Du guide de cortèges processionnels au faiseur de miracles, du célébrant de l’autel au « notable » en soutane… les représentations sont autant de clichés qui questionnent les échanges avec la culture du temps. Ces images sont-elles le reflet des indications que textes et traditions orales nous ont transmises ? De même que le saint terrassant le mal, le prêtre est-il montré comme un symbole de la proclamation ou de la réaffirmation des dogmes chrétiens, du Moyen Âge au Renouveau religieux du XIXe siècle ? Le métier de prêtre, réalisé dans la pratique des sacrements, l’exercice de la parole ou l’assistance aux personnes a-t-il été valorisé par le biais de l’image ? Quelle signification accorder à l’émergence du portrait individuel ? Entre restitution réaliste et idéalisation, comment distinguer avec justesse les choix de l’artisan des exigences du sujet peint ?
Les difficultés de l’interprétation sont parfois accrues par les poncifs hérités des siècles passés, mais toujours vivaces : l’image du prêtre-pasteur, pourtant censé être un modèle au sein de la paroisse, est souvent teintée d’ironie, de moquerie voire de déni. De l’aimable portrait à la caricature…. que penser des substrats de l’imaginaire très critique qui s’est bâti au fil des siècles autour de la figure du curé, de son emprise sur les fidèles, du pouvoir exercé au sein de la paroisse ?
Pour mieux comprendre le rôle du prêtre dans la société d’Ancien Régime, son « intelligence » des images, de la production artistique et de la représentation de sa propre condition, une réflexion à partir des objets conservés s’impose. La constitution d’un corpus des représentations paraît donc essentielle pour la confrontation des angles d’approche et des points de vue, tant historiques qu’artistiques.12 MAI – UTM 2
8h30 Accueil des participants
9h Présidence de séance, Sophie DUHEM, Maître de Conférences d’Histoire de l’Art moderne, Université de Toulouse 2.
Présentation de la journée : « Barrettes, soutanes et souliers mignons, Portraits d’hommes d’Eglise dans les campagnes françaises ».
9h20 Nelly POUSTHOMIS-DALLE, Professeur d’Histoire de l’Art Médiéval, Université Toulouse 2
Une oeuvre originale : l'épitaphe émaillée d'un archiprêtre du Lavedan (1294).
Cette modeste contribution souhaite attirer l'attention sur l'épitaphe d'un archiprêtre du Lavedan, mort en 1294, aujourd'hui encastrée dans la façade de l'église de Sassis, en vallée de Barèges (Hautes-Pyrénées). L'inscription, assez détaillée, est accompagnée du "portrait" de ce prêtre en vêtements sacerdotaux et tenant un calice. L'originalité de cet élément, entre épitaphe et dalle funéraire, qui associe les frères et la famille du défunt, nous a paru mériter une brève présentation
9h40 Marc SALVAN-GUILLOTIN, Docteur en Histoire de l’Art Moderne, Université Toulouse 2
Prêtre échaudé craint l’eau froide : une scène de sauvetage sur le retable de Saint-Savin en Lavedan.
Les deux panneaux de bois peints auxquels est consacrée cette étude sont conservés dans l’église abbatiale de Saint-Savin en Lavedan (Hautes-Pyrénées). Réalisés à la charnière du XVe et du XVIe siècle, ils relatent en dix-huit scènes la vie et les miracles du saint éponyme, un anachorète ayant vécu en ces montagnes entre le Ve et le VIIIe siècle. La tradition relate qu’à sa mort ses restes furent abrités dans l’abbaye, où ils furent l’objet d’un intense pèlerinage. Les deux panneaux peints s’inscrivaient donc dans la mise en valeur de ces reliques, explicitant leur importance et leurs pouvoirs. L’objet de l’étude sera double : il s’agira d’une part de mettre en lumière ce retable exceptionnel, notamment parce qu’il va bientôt bénéficier d’une restauration ; en relation avec la problématique qui est la nôtre dans le cadre de cette journée d’études, nous nous intéresserons par ailleurs plus particulièrement à l’une des scènes dans laquelle saint Savin sauve un prêtre de la noyade.
10h00 Julien LUGAND, Maître de Conférences d’Histoire de l’Art moderne, Université Toulouse 2
« Saint » Lleonard Claus et le retable majeur de Nostra Senyora del Socors (1589)
En commandant la peinture du retable majeur de Nostra Senyora del Socors au peintre Antoni Toreno en 1589, l'ermite Lleonart Claus fait plus qu'intervenir dans le programme décoratif du sanctuaire. Il demande en effet au peintre de représenter un Saint Léonard sous ses traits. Ce qui ne sera pas du goût de l'Evêque qui lui demandera de modifier l'image.
10h20 Discussion et pause.
10h45 Maud HAMOURY, Docteur en Histoire de l’Art Moderne, Université de Rennes 2.
L'image du prêtre dans la peinture religieuse bretonne aux XVIIe et XVIIIe siècles.
On connaît en Bretagne l'importance du rôle du prêtre dans la commande paroissiale, mais l'on connaît moins la place qu'il occupe dans l'image religieuse bretonne du XVIIe et XVIIIe siècles. Cette communication tente de montrer à quels types de sujets l'image du prêtre est associée. Dans une région où l’idée de la mort est très présente, le prêtre apparaît avant tout comme l’accompagnateur des mourants vers l’au-delà, mais également comme le principal acteur de la célébration des sacrements. Figuré en adoration devant une scène religieuse, c’est en qualité de spectateur que le prêtre prenait place au côté d'un panthéon royal et ecclésiastique. C’est également à travers trois célèbres personnages qu’on le trouve représenté : saint Mathurin, saint Yves et Michel Le Nobletz, célèbre missionnaire.
11h05 Pascale MOULIER, Auteur et Archiviste du diocèse de Saint-Flour
L’image du prêtre dans l’iconographie paroissiale de la « Bonne Mort », XVIIe-XIXe siècles
Dans ses « Exercices spirituels », Ignace de Loyola recommande tout particulièrement la méditation sur la mort, pratique très ancienne qui va prendre une nouvelle dimension avec l’émergence des confréries de la Bonne Mort tout au long du XVIIe siècle. Ces confréries seront fréquemment placées sous le patronage de la Vierge ou encore de saint Joseph, qui par sa mort privilégiée et exemplaire est présenté comme un modèle édifiant aux confrères. Un grand nombre de tableaux et de vitraux figurant la mort de saint Joseph personnalisent les chapelles réservées aux confréries de la Bonne Mort, mais quelques œuvres représentent de façon plus prosaïque le mourant entouré de sa famille et assisté du prêtre. Au travers de quelques exemples nous tenterons de montrer comment cette mise en scène, qui place le prêtre au centre de la composition, est également un « instantané sociologique » très instructif.
11h25 Discussions, Repas.
14h Accueil des participants.
14h15 Présidence de séance, Marc SALVAN-GUILLOTIN, Docteur en Histoire de l’Art Moderne, Université Toulouse 2
14h30 Périg BOUJU, Doctorant en Histoire de l’Art Contemporain, Université Rennes 2
Un saint en sabot sous les ors du chancel : image et perception du curé d’Ars en terre de christianisme bleu
La présence de la figure du curé d'Ars dans les églises bretonnes, qui atteint son apogée avec la béatification, ne saurait être limitée à sa seule valeur catéchétique. En effet, alors que l'Eglise doit faire face au processus de laïcisation de l'Etat qui aboutira à la Séparation en 1905, le modèle d'édification exalté par le saint apparaît comme un ultime recours aux dérives de la société moderne dénoncées par le Syllabus. Le cas de Coësmes, dans le diocèse de Rennes, est sur ce point significatif : en terre de christianisme bleu, le recteur apparaît comme le gardien de la foi et de la communauté. La présence du saint au cœur même du retable du 17e s. n'est pas importune : elle marque le rôle civilisateur et universel de l'Eglise, et bannit toute voie alternative et laïque. La présente contribution a pour ambition de replacer dans son contexte historique et artistique la présence du saint au cœur du retable lavallois de Coësmes (1652), et d'en traduire le nouveau discours eschatologique qui en résulte.
14h50 Nicole ANDRIEU-HAUTREUX, CAOA Déléguée de la Haute-Garonne
Un tableau offert à l’église de Blagnac en 1720 par la Table des Âmes du Purgatoire
Avant la Révolution, beaucoup d’églises d’une certaine importance disposaient d’une consorce ou société de prêtres surnuméraires, qui, ne pouvant prétendre à aucun bénéfice, mettaient en commun les ressources tirées des messes célébrées pour les morts. Ils pouvaient être aussi bailes du Purgatoire, et donc chargés de dire les messes hautes et basses pour les âmes du Purgatoire, et plus généralement pour tous les morts pour lesquels avait été fondé un obit. Le tableau conservé dans l’église de Blagnac montrant trois prêtres célébrant une messe pour les âmes du Purgatoire peut avoir été offert par ces prêtres ou par les laïcs qui les soutenaient.
15h10 Jean-Pierre SUAU, Maître de Conférences d’Histoire de l’Art Médiéval, Université de Montpellier III
Représentations et mentions de prêtres dans l’art religieux de la Haute-Normandie. L’exemple des églises paroissiales de l’Eure (milieu XIIIe-fin XIXe siècle). Essai d’inventaire.
À partir d’une cinquantaine d’exemples (dont une vingtaine dans le vitrail) empruntés aux quelque 600 églises de l’actuel département de l’Eure et échelonnés entre le milieu du XIIIe et la fin du XIXe siècle, ce premier essai d’inventaire tente de regrouper et de classer non seulement les représentations de prêtres dispensateurs des sacrements (une dizaine d’exemples), mais aussi participant aux cortèges religieux (une douzaine d’exemples) : lors de la Fête-Dieu et surtout dans les processions organisées par les confréries des corps de métiers ou de Charité, si caractéristiques de cette région normande. Pour la fin du Moyen Âge, les dalles funéraires et les inscriptions funéraires ou commémoratives, figurant ou mentionnant le curé de la paroisse, apportent elles aussi leurs lots d’exemples (une douzaine), entre la fin du XIIIe et le premier quart du XVIe siècle. À l’époque moderne, on note l’apparition de portraits bien individualisés, mais curieusement peu d’exemples sont conservés dans ces églises normandes pour les XVIIe et XVIIIe siècles (changements de supports et de mentalités ?). En revanche, à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, avec le retour du vitrail figuratif et le renouveau des ateliers locaux, ces portraits de prêtres deviennent de plus en plus réalistes et nombreux (sept exemples repérés) au bas des verrières de leurs églises.
15h30 Christophe MARQUEZ, Président de la Société du Patrimoine du Muretain
Une galerie de portraits de prêtres à Muret (Haute-Garonne)
Afin de glorifier l'histoire de l'église dont il fut le vicaire, l'abbé Lestrade, prêtre historien bien connu dans notre région, fit exécuter en 1896 plusieurs portraits pour la paroisse de Muret. Ces six portraits individuels et réalistes de prêtres, dont le sacerdoce s'étend de 1742 à 1904, réalisés à partir de toiles existantes, mais détériorées ou perdues, furent confiés à un peintre toulousain. Nous verrons que était l'objectif exact de l'abbé Lestrade, qui fut en toutes occasions l'ardent promoteur de l'histoire religieuse méridionale. Nous examinerons qui étaient ces prêtres, et succinctement leur importance pour la paroisse. Nous mènerons une réflexion et une comparaison sur la représentation de ces prêtres (influence picturale, contexte, attitude, costume). Nous préciserons enfin quel a été le destin de cette galerie depuis sa création.
15h50 Nicole ANDRIEU-HAUTREUX, CAOA Déléguée de la Haute-Garonne
Un portrait d’un abbé des Feuillants daté de 1767
Cette évocation permettra de faire un point rapide sur un portrait d’une grande finesse contrastant avec la règle très austère des Feuillants.
16h00 Dominique WATIN-GRANDCHAMP, Chargée d'études, Conservation Régionale des Monuments Historiques, D.R.A.C
81 Alban. Un curé et ses ouailles dans leurs murs pour l'éternité.
Entre 1938 et 1972, la reconstruction de l'église d'Alban lie de façon indéfectible un curé et sa communauté. Le curé Roussel orchestre un chantier, chaotique et brouillon, qui participe au mouvement du renouveau de l'Art sacré mais il fait surtout inscrire dans les murs de son église l'histoire de plus de trente ans de vie commune avec ses ouailles. Le décor peint par Greschny, les vitraux et le mobilier en restituent des épisodes savoureux dont on retrouve le détail dans un étonnant "livre de raison" tenu par Roussel.
16h20 Françoise MERLET-BAGNERIS, Professeur à l’Ecole des Beaux-Arts de Toulouse
Avec la disparition des " barrettes, soutanes et souliers mignons", quelle serait l'image du prêtre contemporain?
Les clichés commodes attachés aux vêtements et signes extérieurs d'une " mise à part ", d'une fonction religieuse et sociale ayant disparu, comme beaucoup de vêtements très codés, nous ont amené à redécouvrir l'origine récente de la soutane, et le contexte de son apparition. Une enquête menée auprès de prêtres nous a montré quelle était son importance dans nos campagnes jusqu'au milieu du XXe siècle, et en quoi elle donnait respectabilité, signe, repère mais suscitait également une attirance liée à des valeurs "de proximité". Enfin, comment ces mêmes valeurs se transmettent-elles actuellement, en l'absence de la soutane, dans nos campagnes ?
16h40 Table ronde conclusive.
Subjects
- Representation (Main category)
- Mind and language > Representation > History of art
Places
- Maison de la recherche, salle D 31, campus du Mirail, Université de Toulouse II, 5 all. antonio Machado
Toulouse, France
Date(s)
- Tuesday, May 12, 2009
Keywords
- images, prêtre, production artistique, paroisses rurales
Contact(s)
- Sophie Duhem
courriel : sduhem [at] wanadoo [dot] fr - Marc Salvan Guillotin
courriel : marc [dot] salvanguillotin [at] neuf [dot] fr
Information source
- Sophie Duhem
courriel : sduhem [at] wanadoo [dot] fr
License
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To cite this announcement
« Barrettes, soutanes et souliers mignons », Study days, Calenda, Published on Monday, May 11, 2009, https://doi.org/10.58079/e0o