Hybridation des imaginaires religieux et politiques
Sous la direction d’Ariane Zambiras et Jean-François Bayart
Published on Tuesday, May 26, 2009
Abstract
Announcement
Avec la présence de Fariba Adelkhah (Sciences Po - CERI) - Jean-François Bayart (Sciences Po & CNRS - CERI) - Yves Déloye (Paris I, AFSP) - Denis Lacorne (Sciences Po - CERI) - Kathy Rousselet (Sciences Po - CERI) - Céline THIRIOT (IEP Bordeaux - CEAN) (liste complète des participants sur le programme téléchargeable depuis l’annonce)
Cette Journée d’Étude, organisée avec le concours du GRESCOP de l’AFSP, du FASOPO, et du LaSSP - IEP de Toulouse.
Une autre lecture, plus mécaniste et souvent quantitative, cherche à mesurer l’impact des variables supposées mesurer la religiosité des personnes (la fréquentation des lieux de culte, le type de confession) sur leur comportement politique (le vote et l’affiliation partisane par exemple). En langage autochtone, le facteur religieux est recodé en une série de « variables indépendantes » dont on calcule l’impact statistique sur les « variables dépendantes » (le comportement politique des personnes). Ce second type d’approche, qui peut être utile dans une perspective de stratégie électorale, fait à quelques exceptions près (Hout et Fischer 2002, 181), porter l’analyse de manière unidimensionnelle sur l’influence que la pratique religieuse exerce sur le comportement politique, mais ne permet pas de penser la réciproque, c’est-à-dire comment les convictions politiques peuvent guider les pratiques religieuses.
Un troisième type d’approche prend pour point de départ l’enchevêtrement des socialisations civique et religieuse. Yves Déloye analyse ainsi la socialisation religieuse et la socialisation civique comme des « matrices cognitives et identitaires » (2002) imbriquées l’une dans l’autre. Plutôt que de rechercher une modélisation simplificatrice des pratiques qui isolerait deux ensembles de variables (religieuses et politiques), cette approche saisit dans un mouvement englobant les processus d’hybridation entre les deux régimes[1]. Que l’on parle « d’hybridation » (Bayart 1996) ou de « tissage » (Hervieu-Léger 2003) entre les deux régimes (celui du politique et celui du religieux), ce qui nous intéresse ici est de « comparer par le bas » (Bayart 2008) ces processus d’emprunts et d’échanges de motifs dans des sociétés politiques variées. Le terme « motif » est ici à comprendre dans sa pleine polysémie : le motif est la raison d’agir, ce qui pousse à l’action ; mais c’est aussi, dans une acception plus esthétique, un ornement remarquable, une entité particulière, dont la structure pourra être dupliquée, pas forcément à l’identique. Pour ne donner qu’un exemple, on peut citer l’ouvrage de Danièle Hervieu-Léger qui analyse la manière dont « la transposition laïque du modèle ecclésiastique d’encadrement de la société (dont l’Etat lui-même et l’Ecole républicaine sont les indissociables pivots) a permis que l’armature régulatrice issue du catholicisme puisse continuer à fonctionner – de façon ‘invisible’ » (Hervieu-Léger 2003, 95).
C’est cette piste que nous souhaitons creuser ici, pour dépasser la simple considération d’une instrumentalisation réciproque entre deux types de discours (un personnel politique qui utilise une rhétorique religieuse pour légitimer son action, un personnel ecclésiastique qui utilise la société contemporaine comme repoussoir contre lequel promouvoir ses idées). La focale est ainsi déplacée vers un questionnement sur la nature des « affinités électives » entre les deux régimes, affinités qui s’inscrivent dans les discours mais aussi dans les pratiques et leur matérialité.
De ce déplacement de perspective naissent trois axes qui pourront guider la réflexion. Le premier a trait à l’utilisation de la notion « d’imaginaire » définie par Cornelius Castoriadis comme « la capacité élémentaire et irréductible d’évoquer une image » (1975, 178). Quels sont les gains apportés par un déplacement d’une lecture en termes de « causalité » et « d’instrumentalisation » entre les deux sphères vers une lecture privilégiant l’hybridation des « significations sociales imaginaires » ? En quoi les notions de « tissage » ou « d’hybridation » nous aident-elles à penser le renouvellement des imaginaires politiques et religieux ?
Le deuxième axe s’intéresse aux outils utilisés pour appréhender ces « significations imaginaires ». Loin de nous en tenir à l’ordre du discours, nous prêterons attention à l’inscription des imaginaires dans la matérialité des dispositifs, des institutions qui les portent, et des politiques publiques qu’elles mettent en place – on pensera à ce prêtre dans une paroisse catholique aux Etats-Unis qui invite ses paroissiens à réfléchir sur l’image paradoxale de la Croix comme symbole de rédemption, et qui ajoute en fin d’analyse que « si Jésus avait été électrocuté sur la chaise électrique, nous aurions tous des petites chaises autour du cou ». On voit bien ici la combinaison du fonctionnel (gestion de la criminalité) et de l’imaginaire (rédemption), caractéristique de l’institution selon Castoriadis (1975, 184).
Enfin, le dernier axe de réflexion vient mettre en relief les deux autres, en proposant l’étude des zones d’ombre, c’est-à-dire l’étude des situations dans lesquelles le tissage ne se fait pas ou plus, où un imaginaire a perdu sa capacité instituante, sa capacité d’agir social, soit parce qu’il n’existe plus qu’à l’état de trace, soit parce qu’un autre imaginaire plus puissant le laisse dans l’ombre.
[1] Nous préférons utiliser le terme « régime » plutôt que celui de « sphère » pour exprimer des manières d’être dans l’action plutôt que des univers hermétiquement clos sur eux-mêmes. Cf. Mart Bax, "Religious Regimes and State-formation: Toward a Research Perspective," Anthropological Quarterly 60, no. 1 (1987) et Laurent Thévenot, "L'action comme engagement," in L'analyse de la singularité de l'action, ed. Jean-Marie Barbier (Paris: Presses Universitaires de France, 1999).
PROGRAMME :
Jeudi 11 juin 2009
14h15 Introduction de la journée
Ouverture :Laure Ortiz, Directrice de l’IEP de Toulouse
Introduction générale : Ariane Zambiras (LaSSP - EHESS)
15h - 17h15 Session 1 : Religion et modernité politique
Président : Eric Darras (IEP Toulouse – LaSSP)
Discutant : Jean-Pierre Warnier (CEAF, EHESS)
Ramon Sarró (Instituto de Ciências Sociais, Universidade de Lisboa) Le Pape en Afrique, Kimbangu en Europe : quelques réflexions sur la reterritorialisation et l’extraversion religieuse
Jean-François Havard (Université de Haute Alsace) « Un Chef doublé d’un Cheikh ! » L’hybridation problématique des légitimités et des imaginaires religieux et politiques au Sénégal
Fariba Adelkhah (Sciences Po - CERI) Les madrasas chiites en Afghanistan : dépendance religieuse et affirmation nationale
17h30 - 18h30 Keynote Speaker : Yves Déloye (Paris I, Secrétaire général de l’AFSP)
Vendredi 12 juin 2009
9h15 - 12h Session 2 : Radicalisation et sécularisation (vendredi 12 juin, 9h15 - 12h)
Président : Yves Déloye (Paris I, AFSP)
Discutant : Denis Lacorne (Sciences Po - CERI)
Claire Judde de Larivière (Université de Toulouse II) Religion civique et ordre social : la place du petit peuple dans les célébrations publiques vénitiennes (XVe-XVIe siècles)
Camille Froidevaux-Metterie (Paris II) De la participation des fondamentalismes religieux à la socialisation politique démocratique
Mohamed Tozy (IEP Aix-en-Provence) La réinvention politique de la religion par les Etats séculiers au défi du silence des oulémas - Le cas du Maroc
14h15 - 16h45 Session 3 : L’(in)efficacité politique de la religion
Président : Céline Thiriot (IEP Bordeaux - CEAN)
Discutantes : Antonela Capelle Pogacean (Sciences Po - CERI) et Nadège Ragaru (Sciences Po & CNRS - CERI)
Didier Péclard (Swisspeace, Berne) : L’imaginaire missionnaire de la nation en armes : nationalisme, religieux et construction de l’Etat en Angola
Kathy Rousselet (Sciences Po - CERI) Le religieux dans l'imaginaire patriotique en Russie post-soviétique
Hervé Maupeu (Université de Pau et des Pays de l’Adour) Le néo-traditionalisme dans le Kenya contemporain
17h - 17h30 Remarques conclusives : Jean-François Bayart (Sciences Po & CNRS - CERI)
Subjects
- Political studies (Main category)
- Zones and regions > Africa
- Mind and language > Religion
- Zones and regions > America
- Periods > Early modern
- Periods > Modern
- Zones and regions > Europe
- Society > Political studies > Political sociology
Places
- IEP de Toulouse - 2 ter rue des puits creusés, 31685 toulouse - salle 49 (étage3)
Toulouse, France
Date(s)
- Thursday, June 11, 2009
- Friday, June 12, 2009
Attached files
Keywords
- religions, politique, représentation, démocratie, nationalismes
Contact(s)
- Sophie Régnier
courriel : sophie [dot] regnier [at] sciencespo-toulouse [dot] fr - Ariane Zambiras (co-organisatrice) ~
courriel : ariane [dot] zambiras [at] sciencespo-toulouse [dot] fr
Reference Urls
Information source
- Sophie Régnier
courriel : sophie [dot] regnier [at] sciencespo-toulouse [dot] fr
License
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To cite this announcement
« Hybridation des imaginaires religieux et politiques », Study days, Calenda, Published on Tuesday, May 26, 2009, https://doi.org/10.58079/e43