AccueilEntre plaisir et contrainte : nouvelles questions sur la sexualité des femmes

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Publié le vendredi 05 décembre 2008

Résumé

Appel à contributions de la revue "Nouvelles Questions Féministes"

Annonce

Le droit à une sexualité épanouie et libérée des risques de grossesse a constitué une dimension fondamentale des luttes féministes dans la deuxième moitié du vingtième siècle. NQF souhaite à travers cet appel à propositions explorer comment les inégalités d’accès des hommes et des femmes à la « sexualité plaisir » se construisent.

Autour de la notion de libération sexuelle, les femmes ont revendiqué le droit à refuser le mariage, à maîtriser leur fécondité et à vivre leur sexualité hors des carcans hétéronormatifs. La dissociation de la sexualité et de la reproduction a été un puissant levier de leur émancipation. Cependant, la constitution de cette sphère de « sexualité pour elle-même » n’a pas forcément opéré une déconnection totale de la sexualité et de l’objectif reproductif. Ainsi la définition même de ce qu’est un « vrai rapport sexuel » ou un « rapport sexuel accompli » reste étroitement associée à la pénétration vaginale. En cela, on peut dire que la sexualité reste « domestiquée », comme le soulignait Paola Tabet, par l’objectif reproductif et que cet objectif continue de déterminer fortement les définitions sociales de la sexualité-plaisir autrement dit des pratiques socialement définies comme étant celles procurant du plaisir aux hommes d’une part et aux femmes d’autre part. Cette nouvelle situation n’a pas manqué de soulever de nouveaux enjeux dans les rapports sociaux de sexe. Le milieu des années 1980 marque une rupture dans les revendications sur la sexualité : l’avènement de l’épidémie du VIH/sida a impulsé un retour symbolique et matériel de la place du risque dans l’expérience de la sexualité - d’autant qu’il s’agit d’un risque mortel. Cet enjeu sanitaire majeur a fortement participé à la construction de nouveaux discours sur la sexualité. La notion de sexualité-plaisir s’est trouvée concurrencée par une importante perspective de prévention de la transmission du virus. La confrontation à l’épidémie a même produit dans certains contextes nationaux un retour à une morale sexuelle promouvant la virginité au mariage et l’abstinence. La question de la gestion des risques sexuels est alors redevenue centrale ; la place respective des femmes et des hommes dans la gestion de ces risques n’est toutefois pas identique. Quel a été l’impact de ce contexte sur l’accès des femmes à la « sexualité-plaisir » ?

Actuellement, le contexte déjà ancien de médicalisation de la sexualité et une certaine banalisation de l’épidémie dans les pays les plus riches génèrent d’autres autres types de discours sur la sexualité. Celle-ci est appréhendée sous l’angle de la santé et du bien-être, dans une tentative de dépassement de la sexualité-risque. Une part du discours social est même porteuse d’injonctions à une vie sexuelle conçue comme élément fondateur de la personnalité. L’idéal de réalisation de soi par le plaisir sexuel devient alors un impératif social. Les femmes sont comme les hommes soumises à cette injonction au plaisir, mais celle-ci semble toujours cadrée par des attentes masculines. Quel est le sens de cette injonction pour les femmes ? Comment se matérialise-t-elle et constitue-t-elle une forme cachée de contrôle de la sexualité des femmes ?

Dans ces approches contemporaines de la sexualité se réinvestissent les rapports de genre alors même que l’on aurait pu s’attendre à ce qu’un droit à une sexualité épanouie, de surcroît conçue comme relevant d’un état de bonne santé, se serait décliné de manière identique pour les femmes et les hommes. Or la naturalisation des différences entre femmes et hommes persiste (notamment, la vision d’une sexualité masculine plus « pulsionnelle » que la sexualité féminine, perçue comme plus « affective », s’est peu atténuée) et la sexualité des femmes reste soumise à un contrôle social plus fort que la sexualité des hommes.

A toutes les étapes de la vie sexuelle, le rapport au plaisir s’inscrit dans les rapports de domination, tels que les rapports sociaux de sexe, de classe, de « race », d’âge... qui exercent des effets symboliques et matériels et conditionnent la manière dont les personnes vivent leur sexualité. Ces rapports sociaux jouent dès la socialisation à la sexualité dans la période de jeunesse, mais également tout au long du parcours de vie. Quelles formes prennent-ils dans les nouveaux espaces de discussion sur la sexualité (par exemple Internet), dans la production culturelle ? Qu’est-ce qui est montré vs caché de la sexualité, du plaisir, notamment de celui des femmes ? Quels sont les enjeux de la sexualité-plaisir aux différents âges, tels qu’ils apparaissent par exemple dans l’éducation sexuelle, dans le conseil conjugal ou dans la gestion des « dysfonctions sexuelles » ?

Ce numéro souhaite encore explorer les rhétoriques et les cadres normatifs des discours sur le rapport ou le droit des femmes à la sexualité-plaisir, par le passé et aujourd’hui. L’oppression des femmes se trouve-t-elle réactualisée par les normes sexuelles qui définissent d’une part quel doit être le rapport des femmes et des hommes au plaisir sexuel et d’autre part les pratiques qui procurent le plaisir ? De quelles revendications ces discours sont-ils porteurs ? De qui émanent-ils ? Par quelles formes de (dé/re-) naturalisation sont-ils structurés ? Comment circulent-ils ? Quel potentiel d’émancipation ou d’oppression contiennent-ils ? Existe-t-il de fortes correspondances entre les discours médiatiques, fictionnels (la production littéraire, cinématographique ou télévisuelle), religieux, médicaux sur le plaisir des femmes ? Dans le champ de la médecine en particulier, comment les différentes spécialités et les acteurs des divers domaines d’intervention (santé publique, gynécologie, psychiatrie, sexologie ...) se situent-elles par rapport à la sexualité-plaisir ? Comment ces positions ont-elles évolué et quels ont été leurs liens (de concordance, de concurrence) avec la gestion des risques sexuels (grossesse, infections et maladies...) ?

Ce numéro s’intéresse également aux pratiques, analysées en tenant compte de leur inscription dans l’espace social. Que dire de la quête d’accomplissement et d’épanouissement sexuel dans une perspective de genre ? Les pratiques sexuelles se sont diversifiées au cours des dernières décennies, ce qui ne manque pas de modifier les scénarios des interactions sexuelles : comment ces pratiques sont-elles alors négociées ? Comment les femmes parlent-elles, négocient-elles avec leurs partenaires de l’un ou l’autre sexe, obtiennent-elles (ou non) ce qui leur procure du plaisir ? Quelle est la place de l’orgasme, des pratiques pénétratives et non pénétratives, de la masturbation, des jouets et des jeux sexuels, etc. dans leur vie sexuelle ? De quels espaces disposent-elles pour découvrir leur corps, définir leurs désirs en fonction de ce qui pourrait leur faire plaisir à elles ? Quelle est la place des mouvements féministes dans ces espaces ? Les pratiques sexuelles s’inscrivent aussi dans des rapports de classe : peut-on considérer les valeurs du plaisir et de l’épanouissement personnel à travers la sexualité comme celles d’un milieu social spécifique (e.g. les nouvelles couches moyennes) qui s’imposerait à d’autres milieux sociaux ? Quels sont les effets spécifiques de ce modèle de la sexualité-plaisir sur des femmes d’origines sociale, culturelle et nationale diverses ? La définition de ce qu’est la sexualité-plaisir varie d’un contexte social à un autre. Que nous apprennent ces variations sur la construction sociale du plaisir et sur le rôle des femmes dans la construction des normes sexuelles ?

Nous attendons des contributions de disciplines variées (histoire, sociologie, philosophie, études littéraires et filmiques, psychologie, démographie...) portant sur divers matériaux relatifs au lesbianisme, à l’hétérosexualité, à la bisexualité, à la sexualité solitaire, etc.

Les propositions d'articles de deux pages doivent être envoyées {{pour le 1er mars 2009}} en format Word par courriel à Laurence Bachmann ({{Laurence.Bachmann@unige.ch}}). Les articles acceptés sur propositions devront êtres fournis (maximum de 40'000 signes, espaces inclus) pour le 15 novembre 2009, accompagnés d'un résumé en français et en anglais et d'une notice biographique. Ils seront évalués par deux rapporteur•e•s avant acceptation définitive.


Dates

  • dimanche 01 mars 2009

Mots-clés

  • corps, genre, sexualité

URLS de référence

Source de l'information

  • Liens socio
    courriel : Pierre [dot] Merckle [at] ens-lsh [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Entre plaisir et contrainte : nouvelles questions sur la sexualité des femmes », Appel à contribution, Calenda, Publié le vendredi 05 décembre 2008, https://doi.org/10.58079/euj

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