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Savoir et sagesse
Leçons faites par le Professeur Adriaan Peperzak (Université de Chicago) dans le cadre de la chaire « Etienne Gilson »
Published on Friday, December 11, 2009
Abstract
Announcement
En tant que désir de la sagesse, la philosophie doit parcourir plusieurs étapes d’une aventure aussi bien existentielle que conceptuelle. Chaque transition entre étapes comporte une conversion appropriée. En s’inspirant de traces laissées par des explorateurs comme Platon, Augustin et Bonaventure, et en discussion avec Hegel et Levinas, on peut se concentrer sur deux transitions particulièrement révélatrices: (1) la découverte de la différence entre l’univers (comme unité totale des étants) et l’Infini; et (2) la découverte de la différence entre l’unicité d’autrui et l’universalité de l’être des étants. Comment peut-on parler de l’Un et de l’autre ?
Pour redevenir amour de la sagesse, la philosophie doit cultiver l’allocution et le dialogue. Ainsi elle deviendra plus charitable.
1ère Leçon : 11 janvier 2010
La sagesse fait partie d’une vie humaine réussie et heureuse. Le désir de l’acquérir (ou de la recevoir) accompagne la quête du bonheur. Dans quelle mesure et en quel sens le savoir philosophique peut-il jouer un rôle dans la réalisation de ce désir ? Platon, Plotin, Grégoire de Nysa, Augustin, Bonaventure, Jean de la Croix et d’autres héros de la sagesse nous offrent des réponses à cette question, mais leurs conceptions de philosophie sont différentes de celle qui a dominé la modernité. Est-ce que leurs conseils sauraient nous être utiles pour transformer notre pratique philosophique ?
2ème leçon : 12 janvier 2010
Analysons l’intentionnalité caractéristique du Désir le plus radical qui habite et meut toute vie humaine et demandons-nous (1) comment le désir (ou l’amour) de la sagesse (philo-sophia) et le savoir philosophique en sont des éléments constitutifs ; (2) quel est le Désirable qui, depuis toujours, est Désiré sans que nous sachons comment il est. Ce qui nous attire plus que n’importe quoi, semble se retirer, se cacher ou s’absenter, dès que nous nous éveillons à sa Désidérabilité (ou Amabilité). Comment peut-on aimer sans connaissance de l’Aimé ? Quelques classiques de la philosophia nous aideront à esquisser une phénoménologie du Désir et de ses exigences à l’égard d’une approche théorétique qui joint la recherche existentielle de l’Aimable. L’horizon d’une recherche qui suit l’orientation du Désir se révèle infini. Quelle pensée première est suggérée par cet horizon ?
Depuis Platon, la recherche philosophique du Désirable ultime et premier en puissance et dignité s’est développée comme une montée ou un exode, qui comporte plusieurs étapes pour atteindre la révélation du but. Est-ce que Platon, Augustin, Bonaventure et d’autres amis de la sagesse sauraient nous aider à déterminer un itinéraire pour notre pratique philosophique en quête du Désirable absolu ?
Une confrontation entre l’Itinerarium mentis in Deum bonaventurien et la Phénoménologie de l’Esprit hégélienne nous invite à prendre position par rapport à la question du meilleur chemin vers la sagesse.
Troisième leçon : 13 janvier 2010
La confrontation entre Bonaventure et Hegel s’élargit par la confrontation du système hégélien avec l’emphase lévinasienne sur l’absoluité d’autrui, pour autant que celle-ci s’oppose à toute intégration systématique ou spéculative. En suivant la route proposée par Bonaventure, on découvre (1) que l’existence de l’Aimé ne saurait se confondre avec le tout (la totalité de l’être, l’univers, ou le monde) et (2) que l’émergence d’autrui, comme absolu, ne se laisse pas enfermer (ou singulariser) dans une logique du syllogisme conclusif. Autrui représente – mais comment ? – l’Aimé absolu. La rencontre avec l’autre est un événement décisif de l’itinéraire, parce qu’elle demande une conversion radicale de l’orientation de l’explorateur. La découverte de l’absoluité unique d’autrui exige une réflexion approfondie sur les relations entre l’univers de l’être (ou le tout), l’absolu, l’infini, et l’Aimé, en tant que, dès le début, celui-ci habite et motive le cœur du moi.
Quatrième leçon : 18 janvier 2010
La différence entre l’être et « le bien au-delà de l’être », qui a dominé toute la tradition platonicienne de Platon à Bonaventure, nous permet de comparer les horizons différents de Bonaventure, de Hegel et de Lévinas. Il nous faut cependant réfléchir sur la justification de la différence platonicienne. On peut tenter de le faire à partir de la distinction entre le Dit et le Dire, proposée par Lévinas, une distinction que j’aimerais reprendre dans la forme du contraste entre parler de (quelque chose, un événement ou une personne) et parler à (quelqu’un ou, métaphoriquement, quelque chose).
La thèse que je défendrai dit que tout discours sur une chose ou personne se constitue nécessairement comme fragment d’une philosophie de la totalité de l’être, tandis que le Bien (le Désiré ou l’Aimé) ne se donne comme pensable qu’en étant écouté et cherché par quelqu’un qui lui adresse la parole (parler à). Une philosophie de l’être – métaphysique ou ontologie – est l’inévitable résultat de tout savoir qui réfléchit, explique et parle de tout ce qui est donné. Elle n’a rien de méprisable, si elle ne restreint pas l’être comme tel à « l’être commun » de tous les êtres. Cependant, une philosophie du Bien, en tant qu’absolu et infini, perdrait sa supériorité dès qu’elle ne serait plus fidèle à la distinction abyssale entre le Bien absolument unique et l’idée du bien qui se répète comme ousia en tous les biens (agatha) qui composent l’univers en tant que bon, très bon.
5ème leçon : 19 janvier 2010
Si ni Dieu ni autrui se laissent réduire à un étant duquel on parle, comment peut-on justifier la tradition théologique pour autant qu’elle inclut une partie dogmatique ? Et comment justifier des évaluations d’autrui ? Toute pensée sur Dieu ou le prochain dépasse, et par conséquent manque, l’unicité de celui de qui on parle, à moins que le penseur en même temps parle à l’autre pour lui dire ce qu’il pense. En lui offrant ce qu’il pense de l’autre, le penseur s’incline alors devant la personne reconnue en pliant son dit au face-à-face qui lui fait honneur. Ainsi le Dit se joint, en tant qu’un commentaire marginal, à l’allocution, qui le rédime et justifie. L’intention qui s’exprime en des locutions telles que « je t’aime » ou « je vous admire, adore, loue, remercie » etc., transforme l’orgueil d’explications évaluatives ou savantes qui réclameraient le dernier mot, en l’humilité de quelqu’un qui respecte et admire la singularité indépassable de Dieu ou d’Autrui.
Sixième leçon : 20 janvier 2010
Les étapes parcourues de l’itinéraire choisi représentent quelques fragments d’un chemin qui mène d’une philosophie concupiscente et conquérante à une philosophie charitable (ou une charité philosophique). Au lieu d’être un savoir dont l’horizon ultime est panoramique et totalitaire, la sagesse se laisse illuminer par l’amour de l’incompréhensible et unique.
Subjects
- Thought (Main category)
- Mind and language > Thought > Philosophy
Places
- Institut Catholique de Paris, Faculté de Philosophie, 21 rue d'Assas
Paris, France
Date(s)
- Monday, January 11, 2010
- Tuesday, January 12, 2010
- Wednesday, January 13, 2010
- Monday, January 18, 2010
- Tuesday, January 19, 2010
- Wednesday, January 20, 2010
Keywords
- savoir, sagesse
Contact(s)
- Valérie Delobel
courriel : philosophie [at] icp [dot] fr
Information source
- Valérie Delobel
courriel : philosophie [at] icp [dot] fr
License
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To cite this announcement
« Savoir et sagesse », Lecture series, Calenda, Published on Friday, December 11, 2009, https://doi.org/10.58079/fk7