Página inicial« Le tournant délibératif » : bilan, critiques, perspectives

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« Le tournant délibératif » : bilan, critiques, perspectives

"The Deliberative Watershed": Assessment, Criticism, Perspectives

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Publicado segunda, 12 de julho de 2010

Resumo

Ce colloque se propose de faire un premier bilan des recherches suscitées en sciences sociales et en théorie politique depuis le milieu des années 1980 par l’idée de « démocratie délibérative ». Cet intérêt pour la délibération, parti de la philosophie politique normative, a progressivement touché d’autres disciplines, où se sont multipliés les recherches de terrain et les questionnements, souvent critiques, des cadres théoriques initiaux. Comment rendre compte, rétrospectivement, de ce « tournant délibératif » des sciences sociales ? Quelles en ont été les principales avancées et les principales limites ? Quels programmes de recherche originaux a-t-il inspiré ? Telles sont les questions qui sous-tendent et justifient l’organisation de ce colloque résolument interdisciplinaire, le premier du genre dans un contexte de recherche francophone.

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Colloque international – Paris, EHESS, 16-17 juin 2011

Organisateurs

  • Loïc Blondiaux, Professeur de science politique, Université Paris 1, CESSP.
  • Charles Girard, Doctorant en philosophie, Université Paris 1, Nosophi.
  • Florence Haegel, Directrice de recherche en science politique, Centre d'Etudes Européennes de Sciences-Po.
  • Stéphane Haber, Professeur de philosophie, Université Paris Ouest, Sophiapol.
  • Samuel Hayat, Doctorant en science politique, Université Paris 8 – Saint-Denis, LabTop.
  • Alice Le Goff, Maître de conférences en sociologie, Université Paris V, Sophiapol.
  • Bernard Manin, Directeur d’études à l’EHESS, CESPRA.
  • Philippe Urfalino, Directeur de recherches au CNRS et directeur d’études à EHESS, CESPRA.
  • Yves Sintomer, Professeur de science politique, Université Paris 8 – Saint-Denis, CRESPPA.
  • Julien Talpin, Post-doctorant, CRESPPA, CESSP.

Objectif du colloque

Ce colloque se propose de faire un premier bilan des recherches suscitées en sciences sociales et en théorie politique depuis le milieu des années 1980 par l’idée de « démocratie délibérative ». Cet intérêt pour la délibération, parti de la philosophie politique normative, a progressivement touché d’autres disciplines (sociologie des institutions politiques, sociologie de l’action collective, sciences de l’information et de la communication, sociologie des sciences et des techniques, sciences de l’argumentation, sociologie de l’action publique…) où se sont multipliés les recherches de terrain et les questionnements, souvent critiques, des cadres théoriques initiaux. Comment rendre compte, rétrospectivement, de ce « tournant délibératif » des sciences sociales ? Quelles en ont été les principales avancées et les principales limites ? Quels programmes de recherche originaux a-t-il inspiré ? De quels décloisonnements disciplinaires est-il porteur ? La réflexion sur la délibération démocratique peut-elle encore se projeter dans des directions nouvelles ou bien est-on arrivé à saturation d’un programme de recherche ? Telles sont les questions qui sous-tendent et justifient l’organisation de ce colloque résolument interdisciplinaire, le premier du genre dans un contexte de recherche francophone.

Problématique du colloque

Le « tournant délibératif » désigne le développement, à partir des années 1980, de théories normatives de la légitimité démocratique. En rupture avec les modèles agrégatifs comme avec les modèles fusionnels de la légitimité démocratique, les théories de la démocratie délibérative ont proposé de faire de la délibération publique le pivot d’une nouvelle articulation entre bien commun, justification et légitimité. La démocratie délibérative a d’emblée suscité l’intérêt des philosophes et des théoriciens du politique. Elle a donné lieu à un ensemble de débats portant sur la formulation de l’idéal délibératif et confrontant diverses déclinaisons de la démocratie délibérative. Ces débats ont fait apparaître de nouvelles lignes de partage, entre procéduralistes et substantialistes, puis entre les défenseurs d’un procéduralisme épistémique et les tenants d’un procéduralisme de l’équité, entre les partisans d’une approche fondationnaliste et ceux qui adoptent une optique plus pragmatiste, etc.

Parallèlement, des problématiques mettant en cause le cadre même de la démocratie délibératives se sont imposées. Dans une optique critique, certains théoriciens, s’appuyant notamment sur des travaux historiques ou de sciences sociales, ont pointé la dimension intellectualiste voire irréaliste des modèles délibératifs rationalistes « standard ». L’étroitesse des normes délibératives et le primat accordé à l’argumentation ont même pu être perçus comme des vecteurs potentiels d’exclusion, tandis que des travaux sociologiques inspirés du pragmatisme mettaient en avant une autre manière de thématiser la constitution d’arènes publiques dialogiques. De façon plus radicale encore, d’autres critiques ont dénoncé le consensualisme des optiques délibératives pour leur substituer une conception agonistique de la démocratie. Les débats se sont dès lors notamment concentrés sur la possibilité et les modalités d’un éventuel élargissement des normes de la délibération ainsi que d’une articulation plus satisfaisante entre délibération et contestation. Corrélativement, il s’est agi de développer une réflexion sur les frontières entre délibération et conversation ordinaire et sur l’opportunité du développement d’optiques concevant la délibération de façon moins formelle et institutionnelle. Il s’est également agi dès lors d’aborder à nouveaux frais la question des « lieux » de la délibération (quels rapports entre Etat et société civile ? pluralité versus unité de l’espace public ?).

Ces débats ont permis de multiplier les interactions entre la théorie de la démocratie délibérative et de nombreux autres aspects de la théorie politique et des sciences sociales. Les débats sur la démocratie délibérative ont ainsi pu voir se creuser un certain fossé entre une réflexion philosophique centrée sur les modèles délibératifs et les études sociologiques ou historiques fondées sur des processus délibératifs concrets. Cependant, les théories de la démocratie délibérative ont également suscité, dans une optique plus pragmatique, des débats mettant en question la possibilité et les conditions de réalisation de l’idéal délibératif dans le contexte de sociétés complexes et pluralistes. Ces débats sont allés de pair avec le développement croissant d’approches plus descriptives que normatives, centrées sur les enjeux institutionnels de mise en œuvre des dispositifs et des processus délibératifs, avec la volonté d’en apporter un éclairage réaliste et pragmatique Cela est notamment allé de pair avec une montée en puissance de réflexions sur l’ « ingénierie délibérative ».

L’objectif de ce colloque est de prendre en compte l’ensemble de ces débats afin de s’atteler à l’établissement d’un bilan critique du « tournant délibératif », dont il s’agira d’étudier les enjeux et d’évaluer l’apport dans une optique pluridisciplinaire. Cet événement étant le premier du genre en France, il s’agira aussi d’interroger les parallèles et les différences entre les théories anglo-saxonnes de la démocratie délibérative et les problématiques proches développées dans d’autres pays. Un premier ensemble de questions, qui ne saurait être limitatif, peut permettre de définir les points cruciaux que nous voudrions voir abordés, à travers les contributions de philosophes, de sociologues, d’historiens, de chercheurs en science politique ou en psychologie :
  • L’épistémologie empirique de la délibération. Il s’agira notamment de s’interroger sur les modalités d’étude de la démocratie délibérative sur un plan empirique. Des approches divergentes se sont développées sur ce point. S’opposent notamment les orientations de la psychologie sociale et cognitive et celles de la sociologie empirique. D'un côté, la psychologie sociale et cognitive analyse la délibération à partir d'études expérimentales ou quasi-expérimentales. D’autres recherches, s’inscrivant dans une perspective sociologique ou socio-historique, se concentrent sur la définition de protocoles d'observation située. Nous souhaiterions confronter ces divers types d’approches afin de mettre en question les soubassements épistémologiques des recherches sur la délibération.
  • La démocratie délibérative et la « démocratie technique ». Parallèlement au développement de la thématique de la démocratie délibérative, l’histoire et la sociologie des sciences et des techniques ont bouleversé la conception que l’on pouvait avoir de celles-ci, en insistant sur le fait qu’elles constituaient des pratiques sociales profondément ancrées dans des interactions plus larges. Cette insistance sur l’ancrage matériel et social de la dynamique de la découverte scientifique et de « la mise en public » des sciences et des techniques a des enjeux épistémologiques fondamentaux. De plus, certains courants ont insisté sur les discussions publiques qui s’instaurent ou devraient s’instaurer autour des enjeux scientifiques et techniques. Dans quelle mesure la thématique de la démocratie délibérative converge-t-elle avec celle d’une « démocratie technique » fondée sur des « forums hybrides » et une dynamique dialogique ? Dans quelle mesure s’en démarque-t-elle au contraire ?
  • Les rapports entre théorie et sciences sociales. La question de la démocratie délibérative confronte trois « mondes » intellectuels, celui de la théorie politique, celui des études comportementalistes et celui des sociologues, historiens et anthropologues de la délibération. Certaines contributions pourraient interroger les rapports entre ces divers mondes, posant, par exemple, la question de savoir si le « monde » de la théorie normative doit prendre appui plutôt sur le deuxième ou sur le troisième « monde ». Il serait également intéressant de mettre en dialogue des contributions interrogeant les apports respectifs des diverses déclinaisons de l’approche sociologique (sociologie pragmatique, sociologie de la domination, sociologie de la justification, ethnométhodologie) dès lors qu’il s’agit d’étudier les processus délibératifs. La réflexion sur l’articulation entre point de vue empirique et point de vue normatif pourrait également constituer une  orientation possible de certaines contributions.
  • La généalogie de la notion de démocratie délibérative. Dans quel contexte intellectuel cette thématique apparaît-elle et quelles sont en sont les sources philosophiques, européennes et américaines ? Comment s’inscrit-elle dans une histoire plus longue de la pensée politique ? Dans quelle mesure les deux filiations les plus souvent citées, habermassienne et rawlsienne, suffisent-elles à rendre compte des origines et des développements récents de ce courant ? Jusqu’à quel point peut-on en particulier tracer une filiation avec les thématiques de l’espace public ? Comment expliquer la réussite spectaculaire de la notion de démocratie délibérative dans la pensée politique anglo-saxonne au cours des années récentes, et pourquoi le succès a-t-il été jusqu’ici plus restreint dans d’autres pays ? Les significations du terme de délibération, qui varient d’une langue à l’autre, ont-elles de ce point de vue un impact majeur ? Comment expliquer la situation particulière de la France ?
  • La question de la mise en forme expérimentale de l’idéal délibératif. Comment penser la multiplication des dispositifs expérimentaux associés à l’idée de démocratie délibérative ? Cet idéal peut-il même être pensé sans s’appuyer sur la notion de dispositif, qui a connu une vague importante dans les sciences sociales contemporaines, ou sans la référence à la question des procédures, qui était fondamentale dans la perspective habermassienne ? Qu’il s’agisse de procédures issues directement d’une réflexion théorique sur la délibération (sondages délibératifs) ou d’expériences focalisant l’intérêt des chercheurs de ce domaine (jurys de citoyens, conférences de consensus, assemblée de citoyens de Colombie Britannique…), ces dispositifs sont souvent présentés comme une mise à l’épreuve des attendus de la théorie de la délibération et relèvent de ce que l’on pourrait appeler une forme d’« ingénierie délibérative ». Quelle signification politique donner à ces expériences qui cherchent à approcher artificiellement une situation de délibération idéale ? L’intérêt pour ces procédures ne détourne-t-il pas d’une réflexion sur l’influence de la délibération à l’échelle de la société démocratique dans son ensemble ?
  • Les « échelles » de la démocratie délibérative. Les contributions sur la démocratie délibérative ont eu tendance à se concentrer sur un niveau « micro », laissant de côté les enjeux relatifs à l’extension du périmètre politique de la délibération. Est-il possible de prendre le niveau « macro » en compte tout en refusant l’idée selon laquelle la démocratie « de masse » serait par nature non délibérative ? Une telle interrogation s’inscrit dans le prolongement d’un ensemble de travaux ayant revalorisé le rôle de la rhétorique, mais s’en démarque en visant à cerner les contours d’une « rhétorique délibérative » qui constituerait un idéal et un outil critique. La proposition d’étendre le paradigme délibératif au débat médiatisé soulève de nombreuses difficultés. L’enjeu est pourtant fondamental si la démocratie délibérative doit être autre chose qu’une politique de niche, réservée à des dispositifs se différenciant du cœur de la dynamique politique contemporaine. Le défi est dès lors d’initier une réflexion sur l’impact de la délibération au niveau macro, en se concentrant sur la question de l’échelle de la délibération, et sur ses rapports à la démocratie directe et à la démocratie représentative.
  • La question de la demande sociale de délibération. L’essor de l’ingénierie délibérative soulève la question d’éventuels décalages entre les dispositifs expérimentaux, mis en place par les autorités publiques et les chercheurs, et les initiatives portées par les citoyens. Il s’agira donc d’interroger la réalité et l’ampleur de la demande sociale de délibération, mais aussi de s’interroger sur ses sources, ses vecteurs et son objet effectif : de quels groupes sociaux la demande sociale de délibération émane-t-elle ? Quelles formes et quels types de délibération sont effectivement en faveur ? L’enjeu sera ici de discuter si l’idéal délibératif peut être autre chose qu’un idéal « académique » plus ou moins instrumentalisé par les pouvoirs en place.
  • Les rapports entre démocratie délibérative et démocratie participative. Un des enjeux du colloque sera de revenir sur la question complexe des rapports entre démocratie participative et démocratie délibérative. Le tournant délibératif de la théorie démocratique s’est défini à la fois dans le prolongement et dans un écart par rapport aux optiques et aux expériences participatives. Les théories de la démocratie délibérative ont en particulier nuancé la critique des principes du gouvernement représentatif que porte la notion de démocratie participative, avec le souci de dégager une voie moyenne. L’impératif délibératif est souvent compris comme une « correction » de la démocratie représentative, et les dispositifs délibératifs sont parfois tournés contre la « société civile organisée » qui constituait le point de référence des théories de la démocratie associative. Cependant, si les optiques délibératives se démarquent des optiques participatives sur de nombreux points, elles les rejoignent dans une commune insatisfaction par rapport à la démocratie du vote et à tout modèle démocratique de type agrégatif. Comment analyser ces tensions et ces parallèles ?
  • La question des rapports entre délibération et décision. Quel est l’impact politique des dispositifs délibératifs ? Cette question recouvre en particulier celle des rapports entre délibération et décision, que les optiques théoriques ont eu quelque peu tendance à dissocier et qu’il s’agira de réinterroger sur un plan descriptif ou de façon plus normative. Que pourraient nous enseigner, de ce point de vue, des expériences comme l'Assemblée Citoyenne de Colombie Britannique ? Les décisions politiques sont-elles différentes, et si oui dans quel sens, mieux acceptées ou moins contestées à l'issue d'une procédure délibérative ?
  • Les effets pratiques de la délibération et la question de l’empowerment. Les théories de la démocratie délibérative insistent en particulier sur l’idée selon laquelle la participation à la délibération peut transformer les préférences individuelles, un tel mécanisme de transformation étant censé avoir un impact sur les décisions prises et participer d’une promotion de la justice sociale. Ce mécanisme a notamment été analysé en termes d’empowerment, en tentant renouer avec une tradition ayant développé le thème de l’éducation par la participation politique. C’est à ce prisme que l’on a tenté d’évaluer les effets pratiques de la délibération, ce qui soulève de nombreuses questions : quelles sont les modalités d’une éventuelle transformation des préférences ? Comment appréhender celle-ci sans tomber dans une forme problématique de psychologisme ? Quel est le rapport au pouvoir qui se joue réellement dans l’empowerment ? Seraient bienvenues des contributions proposant un bilan critique de ce type de travaux et posant les bases d’une réflexion sur les rapports entre délibération, transformation des préférences et empowerment.
  • La fonction critique de la démocratie délibérative. Certaines contributions pourraient dès lors proposer un examen et une évaluation des approches qui tentent d’impulser une revitalisation de la veine « critique » des théories de la démocratie délibérative. Il pourrait s’agir d’interroger les propositions sur lesquelles elles ont débouché en matière d’élargissement et d’assouplissement des normes délibératives, de s’interroger sur la pertinence d’un « brouillage » des frontières entre délibération formelle et conceptions plus informelles et extra-institutionnelles de la délibération (qu’elles défendent parfois) ou encore de questionner la tension entre activisme et citoyenneté délibérative ou contestation et délibération qu’elles ont mise en exergue.
Nous encourageons les communications qui s'inscriront dans un des axes esquissés ici, ou à l'intersection de plusieurs d'entre eux. Les papiers peuvent avoir pour objet tant la présentation de travaux théoriques ou empiriques spécifiques, que l'interrogation de certaines recherches à l'aune des problématiques dégagées ici.

Renseignements pratiques

  • Propositions de communication d’une page maximum à envoyer accompagnées d’un CV avant le 1er octobre 2010 à samuel.hayat@club-internet.fr
  • Réponse du comité scientifique le 1er décembre 2010
  • Papier à transmettre le 1er mai 2011
Les communications peuvent être soumises en français ou en anglais.

Locais

  • EHESS, 105 bd Raspail
    Paris, França

Datas

  • sexta, 01 de outubro de 2010

Ficheiros anexos

Palavras-chave

  • démocratie, délibératif, délibération, politique, épistémologie, participation, décision, empowerment, critique

Contactos

  • Samuel Hayat
    courriel : samuel [dot] hayat [at] cnrs [dot] fr

Fonte da informação

  • Samuel Hayat
    courriel : samuel [dot] hayat [at] cnrs [dot] fr

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Para citar este anúncio

« « Le tournant délibératif » : bilan, critiques, perspectives », Chamada de trabalhos, Calenda, Publicado segunda, 12 de julho de 2010, https://doi.org/10.58079/gpl

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