"The Ethnomusicologist-Practioner". Questions of Objectivity?
« L’ethnomusicologue-praticien ». Questions d’objectivité ?
Published on Monday, October 18, 2010
Abstract
Announcement
Appel à communication journée d'étude ethnomusiKa
“L’ethnomusicologue-praticien” Questions d’objectivité ?
La recherche en ethnomusicologie implique un investissement émotionnel. C’est d’ailleurs par là que commence bien souvent le « terrain » de l’ethnomusicologue, séduit par une culture, une musique, un instrument, un répertoire, une pratique, un lieu, un environnement. Le chercheur se construit dans cet intense investissement avec les personnes avec lesquelles il travaille. Il apprend leur langue, leur histoire, les tenants et aboutissants de leurs pratiques culturelles, leur musique (sa théorie mais aussi souvent sa pratique) et il est bien souvent confronté aux conflits et tensions qui parcourent leur société.
Cette relation, souvent désignée par le terme plus académique de « rapport au terrain », a contribué depuis les années 1960 aux nombreux débats épistémologiques questionnant l’objectivité des sciences sociales et plus particulièrement de l’anthropologie. L’immersion dans une autre société et la réflexivité du discours académique y sont présentées comme antagonistes et le discours du chercheur comme une lecture ancrée dans la subjectivité du langage.
Quelle place cette subjectivité du chercheur ethnographe (et, dans notre cas, bien souvent musicien) doit-elle occuper dans nos travaux ? Notre gestion du rapport au terrain dépend-elle uniquement de nos réactions face à des situations singulières (renvoyant au scepticisme des postmodernes) ou peut-elle être traitée à partir d’une ligne de conduite plus générale ?
L’objectif de cette journée d’étude est de poursuivre la réflexion sur les influences que peuvent avoir les rapports de l’ethnomusicologue à son terrain et à la musique étudiée sur la production d’un travail de recherche, de la collecte des données à leur analyse. Nous souhaitons que ces rencontres et débats s’inscrivent dans une perspective historique et viennent confronter, enrichir le débat à la lumière de la réflexion théorique déjà existante à ce sujet.
Thématiques suggérées (liste non exhaustive)
Ethnomusicologie et objectivité
Les réflexions sur l’objectivité des sciences humaines ont, pour une bonne part, reposé sur les travaux de Jean-François Lyotard et Jacques Derrida, quand le premier dénonçait les « métarécits » historiques et le second mettait en avant la subjectivité du langage et des points de vue ; ces débats ont amené à considérer que tout travail de recherche constituait une narration subjective, au même titre que la littérature.
Mais faire ainsi de l’anthropologie et de l’ethnomusicologique un « simple » récit égocentré de l’autre ne nous semble pas constituer une proposition épistémologiquement tenable ni résoudre la question du rapport au terrain.
Quelle relation l’ethnomusicologie peut-elle entretenir avec les idées postmodernes et la question de l’objectivité ? Est-ce que la discipline peut/doit revendiquer le statut de science et à partir de quels postulats ? Le rapport aux autres et à leurs pratiques artistiques peut-il ainsi se défaire d’une forme de subjectivité ?
Propositions pour une épistémologie de la discipline
Au XIXe siècle, on parlait de “sciences morales” pour distinguer l’esprit humain de l’ordre de la nature. Les sciences sociales qui émergeaient à la même époque, de par la nature de leur objet, durent assumer, en quelque sorte, une « prise de position ». Cette « prise de position » s’inspira cependant de l’avènement des sciences expérimentales et d’un travail de mise en lumière des « lois » de la nature qui ont largement contribué à l’établissement des critères de l’objectivation scientifique. Ces derniers ont constitué une base épistémologique importante pour de nombreux courants de la psychologie ainsi que de la sociologie (bien souvent quantitative) de Emile Durkheim à Pierre Bourdieu.
Aristote disait qu’il n’y a de science que du général et non du particulier. Est-ce que l’ethnomusicologie doit se limiter à l’étude des particularismes ou plutôt s’ancrer dans une orientation disciplinaire collective ? Cette question est aujourd’hui au premier plan des débats ethnomusicologiques comme en atteste « l’appel aux armes » de Thimothy Rice (Ethnomusicology, vol. 54 No. 2, spring/summer 2010, p. 318). Il incite les ethnomusicologues à consolider la discipline autour d’un cadre théorique basé sur des concepts communément définis. La spécificité de l’expérience et du travail de chacun doit servir à l’établissement de perspectives transversales et permettre d’appréhender la richesse du phénomène musical dans son ensemble.
Comme le souligne implicitement l’auteur, beaucoup de travail reste à faire quant à la place du travail d’équipe en ethnomusicologie. On pourra également s’interroger sur les raisons pratiques et méthodologiques de ce manque.
L’ethnomusicologue musicien de son terrain
La « bi-musicalité » constitue une des bases fondamentales de la discipline. Elle implique le développement d’une connaissance ainsi que d’une pratique de la musique qui permettent une compréhension accrue des processus d’apprentissage, de création et de performance. De quelle manière le travail de l’ethnomusicologue est-il influencé (encouragé, soutenu) par cette relation à la musique étudiée ? Quels rapports au terrain peut-elle entraîner ?Souvent considérée de facto comme positive, la « bi-musicalité » peut également impliquer l’établissement de relations de nature à complexifier certains aspects du travail de recherche. Dans le cas où le maître de musique est également l’informateur privilégié, un écueil consisterait à reproduire son seul point de vue au dépend de celui d’autres musiciens. Un autre risque serait de ne pouvoir aborder certaines questions considérées comme sensibles (en particulier économiques, politiques et religieuses), souvent pour la simple raison qu’elles n’ont pas leur place dans une relation d’enseignement.
L’ethnomusicologue croyant : théologien ou anthropologue des religions ?
L’ethnomusicologue choisit souvent d’investir son terrain de recherche par la pratique de la musique. Cependant, quand le sujet y est lié (dans le cas de musiques associées à des pratiques rituelles, et plus généralement, tout répertoire religieux), il peut être amené à prendre position vis à vis de croyances religieuses. Certains choisissent de rester en dehors et d’autres de vivre l’expérience de l’intérieur souvent par le biais d’une initiation qui peut aussi bien ouvrir certaines portes qu’en fermer d’autres et rendre difficile une réflexion distanciée.Ainsi, comment peut-on conserver une forme de réflexivité lorsque le regard vient de l’intérieur ou être suffisamment informé si le regard reste extérieur?
Des écueils ? Mariage, engagement politique, conflits, etc.
Comment gérer des situations dans lesquelles son investissement sur le terrain touche à des points sensibles et qui, a priori, ne sont pas directement liés à la recherche elle-même ? Comment gérer les conflits autour de la paternité d’un répertoire, l’antagonisme des discours, les charlatans et les intéressés, tous ces petits maux sensibles du terrain souvent gérés dans la solitude et dont les ethnomusicologues parlent peu ?Enfin, quelle place donner dans l’écriture à ces écueils ? Choisir de se marier sur son terrain de recherche peut modifier considérablement sa position et celles de ses interlocuteurs. Est-ce que ces choix de vie du chercheur (quand ils influent sur son rapport au terrain) doivent être pris en compte dans son travail et l’amener à une auto-analyse ?
Bibliographie sélective
BARTZ, Gregory et COOLEY, Timothy J. (dir.), Shadows in the Field : New Perspectives for Fieldwork in Ethnomusicology, Oxford & New York : Oxford
University Press, 1997 (2nde édition : 2008).
BOURDIEU, Pierre, Science de la science et réflexivité, Paris : Raisons d’agir, 2001.
CLIFFORD, James et MARCUS, George E. (dir.), Writing Cultures : The Poetics and Politics of Anthropology, Berkley & Los Angeles : The University of
California Press, 1986.
D’ARRIPE, Agnès, « Construction d’un dispositif méthodologique et de ses outils: savoir commun et savoir scientifique, de l’induction aux hypothèses »,
Etudes de communication, Vol. 1 No. 32, 2009, pp. 97-108.
GIURIATI, Giovanni, « La voie du gamelan : entretien avec Ki Mantle Hood » Cahiers de musiques traditionnelles, 8, 1995, pp. 193-214.
MULLER, Séverin, « Le rapport idéologique au terrain : La normalisation du travail par la règle sanitaire », in Observer le travail : Histoire, ethnographie,
approches combinées, Paris : La Découverte, 2008.
MUSSO, Sandrine, « A propos du “malaise éthique” du chercheur : les leçons d’un terrain sur les objets « sida » et « immigration » en France ». ethnographiques.org, 17 [en ligne], 2008 (article accessible ici: http://www.ethnographiques.org/2008/Musso)
PICARD, François, « L’hypothèse ethnomusicologique », article en ligne, http://www.plm.paris-sorbonne.fr/Textes/FPHypothese.pdf, 2005.
RICE, Timothy, May It Fill Your Soul : Experiencing Bulgarian Music, University of Chicago Press, 1994 (en aperçu limité sur
http://books.google.fr/books?id=ECtMhZ226FYC&lpg=PP1&dq=may%20it%20fill%20your%20soul&pg=PP1#v=onepage&q&f=false).
« Forum : A Conversation between Two Disciplines : What Do We Learn When We Learn Music from Our « Informants » ? », The Journal of American Folklore,
Vol. 108, No. 429, Summer, 1995, pp. 265-327.
« Questions d’éthique », Cahiers d’ethnomusicologie, 24, 2011 (à paraître)
Quelques journées d’études qui ont récemment traité ou vont traiter de sujets similaires
Nouveaux terrains et nouveaux enjeux de l’ethnologie : colloque de Metz, 24 février 2004, http://lapirogue.free.fr/enjeux.htm
Intervention d’Antoine Hennion au Colloque “ethnomusicologie de la France” à l’Université de Nice Sophia-Antipolis, 15-18 novembre 2006. « A la recherche de l’objet perdu”, 15-18 novembre 2006 (lien vers le compte rendu ethnomusiKa ici).
“L’anthropologie politique et l’engagement : de l’observation à l’action” 15 juin 2007 (LAIOS - EHESS) http://doctorants.mshparisnord.org/actualite/article.php3?id_article=494
Journée d’étude EPHE, “réflexions sur les méthodes et expériences de terrain”, 7 juin 2008, http://www.ajei.org/?q=node/480
“Le sexe et l’orientation sexuelle du chercheur sur son terrain”. 15 avril 2010, EHESS. http://lettre.ehess.fr/544?file=1
“British Forum for Ethnomusicology Annual One-Day Conference: The Impact of Ethnomusicology”, 4 décembre 2010 (à venir), http://www.bfe.org.uk/one-
dayconference.html
“Journées d’étude 2011 de la Société Française d’Ethnomusicologie: « Ethnomusicologie, partenariats et coopérations internationales » (titre provisoire)”, 2011 (à venir).
Calendrier et modalités
Pour proposer une intervention : Envoyez un titre et un résumé de 2000 caractères (soit 300 mots environ) avant la date limite du 30 novembre 2010 par courrier électronique à l’adresse suivante : rechercheethnomusika.org
Equipe ethnomusiKa :
Elise HEINISCH, Coordinatrice du pôle Recherche et co-organisatrice de la journée d’étude.
Julien JUGAND, membre d’ethnomusiKa et co-organisateur de la journée d’étude.
Subjects
- Ethnology, anthropology (Main category)
Places
- EHESS, 105 boulevard Raspail
Paris, France
Date(s)
- Tuesday, November 30, 2010
Keywords
- journée d'étude, ethnomusiKa, ethnomusicologie, objectivité, éthique, ethnomusicologue praticien
Contact(s)
- Elise Heinisch
courriel : recherche [at] ethnomusika [dot] org
Reference Urls
Information source
- Elise Heinisch
courriel : recherche [at] ethnomusika [dot] org
License
This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.
To cite this announcement
« "The Ethnomusicologist-Practioner". Questions of Objectivity? », Call for papers, Calenda, Published on Monday, October 18, 2010, https://doi.org/10.58079/h2c