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Apprendre de l'ennemi : transferts d'expérience d'occupation en Europe, 1914-1968

To learn from the enemy: transfers of experiences of occupation in Europe, 1941-1968

Journée d'études doctorales du Centre Marc Bloch, Berlin

Graduate workshop, Centre Marc Bloch, Berlin

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Publié le vendredi 04 février 2011

Résumé

Nous invitons des jeunes chercheurs européens à participer à une journée d'études consacrée aux transferts d'expérience d'occupation en Europe de 1941 à 1968. Partant de la constatation que l'occupation par des puissances étrangères est une expérience partagée par l'écrasante majorité des pays d'Europe au cours du premier vingtième siècle, il s'agit d'explorer les transferts qui permettraient de l'envisager véritablement comme une expérience européenne.

Annonce

« Apprendre de l’ennemi » : transferts d’expérience d’occupation en Europe (1914-1968). Journée d’études doctorales du Centre Marc Bloch,  avec le soutien de la Humboldt Universität

Date, lieu : 30 juin 2011, Centre Marc Bloch, Berlin

Deadline pour l'envoi des propositions :

28 février 2011

Argumentaire

En septembre 2004, un colloque international s’était déjà tenu au Centre Marc Bloch sur les expériences d’occupation en Europe de 1914 à 1945. Concluant ce colloque, Bernhard Struck avait souligné les pistes qui restaient ouvertes à la recherche, notamment autour de la problématique des transferts ; il avait alors attiré l’attention sur trois formes de transferts dont l’analyse semblait particulièrement prometteuse pour le chercheur : « l'intégration du discours et des pratiques coloniales dans les pratiques d'occupation, les transferts entre les différentes situations d'occupation (d'Est en Ouest, de la Première à la Deuxième Guerre mondiale entre autres), et enfin, les transferts entre occupants et occupés »[1]. Sept ans plus tard, la journée d’études aujourd’hui proposée veut donner à des jeunes chercheurs la possibilité de répondre à l’invitation à la recherche qu’il avait alors lancée.

Dépassement et approfondissement de l’approche comparatiste, le concept de transfert est né du renouvellement de l’histoire culturelle franco-allemande et se trouve au cœur des tentatives, au cours des quinze dernières années au moins, d’écrire une histoire véritablement européenne.[2] Deux éléments centraux définissent le transfert : « déplacement matériel », « mouvements humains » d’une part ; « transformation en profondeur liée à la conjoncture changeante de la structure d’accueil », parce que « les besoins spécifiques du système d’accueil opèrent une sélection » d’autre part.[3]

Née de la collaboration franco-allemande, cette notion de transfert ne pouvait faire l’économie d’une réflexion sur les conflits et les échanges entre ennemis.[4] Aust et Schönpflug ont ainsi rappelé que les situations de conflits s’avéraient aussi être des « phases d’apprentissage intensif », mais ont aussi avancé « qu’il peut y avoir un échange non malgré, mais justement en raison de relations riches en conflits »[5]. Nous reprenons ici leur hypothèse, que nous nous proposons donc de tester, en l’élargissant, sur un terrain qu’ils n’ont pas abordé – celui des occupations, une expérience partagée par l’écrasante majorité des pays européens, où pour le moins, la première condition du transfert – celle des mouvements humains – est un donné. Dans cette Europe où les militaires, les administrateurs, les experts, les victimes, les réfugiés circulent par dizaines de millions pendant quarante ans, comment les expériences de l’occupation, celles des occupants et des occupés, circulent-elles ? Comment sont-elles comprises, formulées, mobilisées, réutilisées ?

Nous nous proposons d’ouvrir le champ de l’analyse à l’Europe d’après-guerre : si la polémique ouverte par Jürgen Zimmerer autour de l’apport de la lecture post-coloniale à la compréhension du nazisme a définitivement rendu incontournable la discussion sur les liens entre occupations en et hors d’Europe,[6] il semble tout aussi intéressant d’explorer en miroir l’impact des expériences d’occupation de la Deuxième Guerre mondiale en Europe sur les guerres coloniales et sur la montée concomitante de l’anticolonialisme et de l’anti-impérialisme en Europe.

Le champ ainsi ouvert est évidemment immense. Dès l’occupation même, acteurs et victimes se livrent à une analyse réflexive de leur expérience, qu’ils construisent en discours et en connaissance. Emergent ainsi plusieurs catégories d’acteurs des transferts : militaires, résistants, victimes, mais aussi administrateurs, experts, agents de renseignement participent à ce processus, qui aboutit donc dès ce stade à des interprétations profondément divergentes de l’expérience d’occupation, y compris au sein d’un même Etat. Cette production initiale de discours et de connaissances est ensuite à la fois utilisée dans des contextes différents et transmise à des groupes allant au-delà des acteurs initiaux. En effet, au-delà des trajectoires personnelles d’acteurs qui ont pu incarner dans leur activité le transfert, notamment dans l’inversion des rôles entre résistants et occupants, il s’agit d’explorer la transmission de cette expérience, afin d’affiner notre perception des « continuités », « traditions », « mémoires ». Logiques institutionnelles, poids des réseaux, sociabilités associatives, politiques culturelles et mémorielles, transmissions familiales : autant de canaux possibles, dans cette liste non exhaustive, du transfert de l’expérience ; autant de voies par lesquelles la perception de cette expérience se transforme. L’analyse permet alors de tracer les contours d’une histoire certes pleinement européenne, mais qui fait d’autant mieux ressortir les spécificités de chaque situation.

Honorant la longue tradition de dialogue franco-allemand du centre Marc Bloch, les interventions privilégieront l’histoire des transferts entre France et Allemagne, qui d’une occupation à l’autre et jusqu’en 1968 inclus, partagent une riche histoire de transferts des expériences d’occupation. L’analyse sera cependant ouverte au reste du continent européen, en particulier à l’Europe de l’Est et l’URSS. S’il est impossible de proposer un panorama complet au cours de cette journée d’études, nous pensons en effet qu’une comparaison ciblée de transferts d’expérience entre ces deux Europes ne peut qu’enrichir l’analyse.

Modalités de candidature

Les intervenants seront des doctorants ou jeunes chercheurs, qui auront pour discutants des chercheurs confirmés. Les langues de travail seront l’allemand, l’anglais et le français.

Toute proposition est à envoyer accompagnée d'un résumé et d'une courte biographie de son auteur (une page au total) à l'adresse suivante : workshop.cmb2011@gmail.com avant

le 28 février 2011

Un avis de confirmation sera envoyé aux personnes sélectionnées avant la fin du mois de mars.

Les propositions seront évaluées et sélectionnées en fonction de leur pertinence par le comité organisateur avec l’accord de la direction scientifique du Centre Marc Bloch.

Le comité organisateur est composé de :

  • Aurélie Denoyer (Université Paris Est / Zentrum für Zeithistorische Forschung, Potsdam / Centre Marc Bloch, Berlin)
  • Régis Schlagdenhauffen (Université Paris I Panthéon Sorbonne, UMR IRICE / Centre Marc Bloch, Berlin)
  • Sophie Schifferdecker (Universität Greifswald / Centre Marc Bloch, Berlin)
  • Masha Cerovic (Université Paris I Panthéon Sorbonne, UMR IRICE / Centre Marc Bloch, Berlin)

Références

[1] Voir le compte-rendu par Fabian Lemmes, http://geschichte-transnational.clio- online.net/tagungsberichte/id=762&count=164&recno=17&sort=datum&order=up&segment=16.

[2] La notion est née de l’article-manifeste de M. Espagne et M. Werner, « La Construction d’une référence culturelle allemande en France : Genèse et histoire (1750-1914) », Annales ÉSC, 4 (juillet-août 1987), p. 969-992 ; repris dans M. Espagne et M. Werner (dir.), Transferts. Les relations interculturelles dans l’espace franco-allemand (XVIIIe – XIXe siècle), Paris, 1988.

[3] M. Espagne et M. Werner, Transferts, p.286.

[4] Voir l’introduction – et le programme – de Martin Aust, Daniel Schönpflug (dir.), Vom Gegner lernen: Feindschaften und Kulturtransfers im Europa des 19. und 20. Jahrhunderts (Apprendre de l’ennemi : hostilités et transferts culturels en Europe aux 19ème et 20ème siècles), Frankfurt / Main, Campus Verlag, 2007.

[5] Aust & Schönpflug, p.14.

[6] Pour une présentation récente des positions sur cette question, voir Sven Müller et Cornelius Trop (dir.), Das Deutsche Kaiserreich in der Kontroverse, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2009, en particulier les 3ème et 4ème parties, notamment les contributions de Jürgen Zimmerer, « Kein Sonderweg im Rassenkrieg. Der Genozid an den Herero und Nama 1904-1908 zwischen deutschen Kontinuität und der Globalgeschichte der Massengewalt », p.323-340, et Birthe Kundrus, « Von der Peripherie ins Zentrum. Zur Bedeutung des Kolonialismus für das Deutsche Kaiserreich », p.359-373. Cette dernière avait déjà critiqué les thèses de Jürgen Zimmerer en plaidant pour l’utilisation du concept de transfert pour analyser les rapports entre colonialisme et nazisme, afin de mieux prendre en compte justement l’importance du contexte de réception : « Kontinuitäten, Parallelen, Rezeptionen. Überlegungen zur "Kolonialisierung" des Nationalsozialismus », in: Werkstatt Geschichte 43 (2006), p. 45-62.

Catégories

Lieux

  • Centre Marc Bloch - Friedrichstrasse 191, Berlin 10117
    Berlin, Allemagne

Dates

  • lundi 28 février 2011

Mots-clés

  • guerre, occupation, transferts

Contacts

  • Masha Cerovic
    courriel : masha [dot] cerovic [at] ehess [dot] fr

Source de l'information

  • Masha Cerovic
    courriel : masha [dot] cerovic [at] ehess [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Apprendre de l'ennemi : transferts d'expérience d'occupation en Europe, 1914-1968 », Appel à contribution, Calenda, Publié le vendredi 04 février 2011, https://doi.org/10.58079/hr4

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