Geomorphosites: an invisible heritage?
Les sites d’intérêt géomorphologique : un patrimoine invisible ?
Geocarrefour Journal
Géocarrefour, année 2011
Published on Tuesday, February 08, 2011
Abstract
Announcement
Argumentaire
Le paysagiste Pascal Cribier évoquait il y a peu en ces termes le Pays de Caux :
« C’est un paysage puissant, né d’une économie et d’une agriculture très fortes, avec des champs et des forêts magnifiques, des éléments urbains épargnés par l’étalement. Sur la côte, ce décor façonné par l’homme s’arrête d’un coup pour s’ouvrir sur le vide. Les falaises créent une rupture totale entre une campagne très productive et l’horizon, l’infini, ce qui reste de vraie nature : une richesse gratuite et qui appartient à tous. Nul autre endroit n’offre une rupture aussi belle, aussi spectaculaire, sans être balnéaire. C’est ce que vont détruire les éoliennes ».
Ayant participé aux travaux de mise en image du futur parc éolien, il dit avoir « observé, lors des réunions publiques, comme il pouvait être facile pour les ingénieurs de convaincre l’assistance grâce à de belles images[1] ».
Les sites d’intérêt géomorphologique – ou « géomorphosites » (Panizza, 2001), concept aujourd’hui reconnu au plan international (Reynard et al., 2009. Migoń, 2010) – correspondent à des volumes, des formes ou des modelés du relief (littoral, subaérien, souterrain) « ayant acquis une valeur scientifique, culturelle et historique, esthétique et/ou socio-économique, en raison de leur perception ou de leur exploitation par l’Homme » (Reynard et Panizza, 2005). Si la plupart des travaux publiés en France mettent surtout en avant la dimension géoscientifique et atteignent le niveau de la synthèse (Jonin, 2006. De Wever et al., 2006. Jonin et De Wever, 2008. Cayla, 2009), plus dispersés sont encore les travaux géographiques portant sur les valeurs sociétales et culturelles des géomorphosites (Ambert, 2004. Biot, 2006. Sellier, 2009. Giusti, 2010. Giusti et Calvet, 2010. Portal, 2010).
Si les propriétés scientifiques d’un géomorphosite définissent sa valeur « centrale » en tant que géosite, les caractères culturels, esthétiques, socio-économiques constituent autant de valeurs dites « additionnelles » (Reynard et al., 2009). Mais les géomorphosites se distinguent des autres types de géosites par trois caractères spécifiques : la valeur esthétique particulière qui s’attache à certains géomorphosites explique qu’ils seront parfois qualifiés de « monuments naturels » ; d’autres sites, qui permettent d’observer l’action des processus actuels de la géodynamique externe, ont une dimension fonctionnelle ; enfin, la plupart des géomorphosites peuvent se caractériser par des emboîtements d’échelle spatiale complexes (Reynard et al., 2009). Ce sont ces caractères qui fondent la spécificité des géomorphosites en tant que géosites, dans la mesure où les valeurs esthétique et dynamique et les questions spatiales renvoient aux problématiques géographiques du paysage, spécificité reconnue dès 1993 lors de la Malvern Conference en partie consacrée à la conservation du paysage et aux sites d’intérêt géo(morpho)logiques (O’Halloran et al., 1994. Giusti, 2008).
Il a été proposé (De Wever et al., 2006) que les « objets géologiques […] correspondent aux collections privées et publiques, aux archives, aux publications, aux cartes, aux documents manuscrits… » et « constituent à terme le patrimoine géologique ex situ », étant entendu que les « sites associés aux vocables géosite et/ou géotope […] représentent le patrimoine in situ ». Cependant, il a été fait observer (Giusti et Calvet, 2010) que réserver le vocable « objet » à ce qui est ex situ est un choix qui pose problème car il limite cette notion à des éléments qui ont été déconnectés de leur environnement pour être exposés dans un musée ou rangés dans une collection, alors que des objets in situ de taille réduite, inscrits dans leur environnement, parfaitement isolables de leur cadre, peuvent justifier à eux seuls une mise en exergue et ont au même titre que les objets ex situ toute leur valeur de patrimoine : un faciès pétrographique particulier, une cristallisation, un fossile singulier, une figure sédimentaire dans un affleurement mais aussi des mini/micro formes érosives, des blocs erratiques… Avec la notion d’objet, il devient possible de réintroduire les questions scalaires : comme l’objet in situ est un élément dans le paysage et que l’on ne peut observer en même temps cet objet et le paysage qui l’entoure, il y a nécessairement un va-et-vient du regard, donc un double transfert d’échelle de l’objet in situ au paysage et inversement.
Cet appel à communication souhaite donc des propositions portant sur :
- les lieux in situ révélateurs des enjeux de société relatifs à tel ou tel secteur de la toposphère,
- les objets ex situ (manuels scolaires, best-seller, collection d’œuvres d’art contemporaines…),
- des articles de synthèse,
- des articles plus comparatistes, reflétant des expériences menées en France ou hors de France, articles qui permettraient de mieux mettre en perspective la question de la visibilité sociétale et culturelle de la géomorphologie (Panizza et Piacente, 2003. Tooth, 2009). À titre indicatif, non-limitatif, la visibilité sociétale pourrait être explorée à travers des cas de géomorphosites à valeur écologique, économique, ou pédagogique (notion de géomorphosite « civique » ou « citoyen » : comprendre l’aléa), la visibilité culturelle pouvant être analysée par exemple à travers le cinéma (relief et western et/ou film-catastrophe) et divers « lieux de mémoire » (Roche de Solutré, butte de Sion-Vaudémont, Sainte-Victoire, Pointe du Hoc…).
Modalités pratiques
Le numéro sera dirigé par Christian Giusti (Université Paris 4) en lien avec le comité de rédaction. Les articles sont attendus pour le 1er mai 2011, en vue d’une publication espérée au premier semestre 2012. Les auteurs intéressés sont invités à prendre contact avec le coordinateur Christian Giusti (Christian.Giusti@paris-sorbonne.fr).
Les propositions doivent être déposées sur l'interface de gestion des manuscrits de la revue : http://manuscrits.revues.org/index.php/geocarrefour
avant le 1er mai 2011
Les articles seront soumis, comme de coutume, à une double expertise scientifique à l’aveugle. La décision de publication revient au directeur de la revue après avis du comité de rédaction. Les articles, d’une taille de 40.000 signes respecteront strictement les normes bibliographiques de la revue, ainsi que les consignes pour l’illustration et comprenant résumés et mots-clés (instructions à consulter sur http://geocarrefour.revues.org/index1017.html).
Les soumissions d’articles en anglais sont encouragées.
Références citées dans l’appel
Biot V. (2006) – Le tourisme souterrain en France. Karstologia Mémoires, 15, 236 p.
Cayla N. (2009) – Le patrimoine géologique de l’arc alpin. De la médiation scientifique à la valorisation géotouristique. Thèse de doctorat, université de Chambéry http://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00459658_v1/
De Wever P., Le Néchet Y., Cornée A. (2006) – Vade-mecum pour l’inventaire du patrimoine géologique national. Mémoire hors série de la Société géologique de France, 12, 162 p.
Giusti C. (2008) – Libres regards d’un géomorphologue sur le paysage. Géosciences, 7-8, 34-41.
Giusti C. (2010) – Des géosites aux géomorphosites : comment décoder le paysage ? Processus géodynamiques, modelés et formes du relief, environnements passés et actuels. Géomorphologie : relief, processus, environnement, 2, 123-244.
Giusti C., Calvet M. (2010) – L’inventaire des géomorphosites en France et le problème de la complexité scalaire. Ibid., 223-244.
Jonin M. (2006) – Mémoire de la Terre. Patrimoine géologique français. Delachaux et Niestlé, Paris, 191 p.
Jonin M., De Wever P. (2008) – Le patrimoine géologique, mémoire de la Terre. Géosciences, 7-8, 18-25.
Migoń P. (Ed.) (2010) – Geomorphological landscapes of the world. Springer, Heidelberg, 395 p.
O’Halloran D., Green C., Harley M., Stanley M, Knill J. (1994) – Geological and Landscape Conservation. Proceedings of the Malvern International Conference 1993. Geological Society, London, 530 p.
Panizza M. (2001) – Geomorphosites: concepts, methods and example of geomorphological survey. Chinese Science Bulletin 46, Suppl. Bd, 4-6.
Panizza M., Piacente S. (2003) – Geomorfologia culturale. Pitagora Editrice, Bologna, 350 p.
Portal C. (2010) – Landforms and geomorphological heritage. Applications in natural parks on the European Atlantic Front. Thèse de doctorat, université de Nantes (à paraître).
Reynard E., Panizza M. (2005) – Géomorphosites: définition, évaluation et cartographie. Une introduction. Géomorphologie : relief, processus, environnement 3, 177-180.
Reynard E., Coratza P., Regolini-Bissig G. (Eds.) (2009) – Geomorphosites. Verlag Dr. Friedrich Pfeil, München, 240 p.
Sellier D. (2009) – Le patrimoine géomorphologique. Bulletin de l’Association des Géographes Français, 66-135.
Tooth S. (2009) – Invisible geomorphology? Earth Surface Processes and Landforms, 34, 752-754.
[1] Source : Le Monde du jeudi 9 septembre 2010 (n°20412, p. 4).
Subjects
Date(s)
- Sunday, May 01, 2011
Keywords
- geomorphology
Contact(s)
- Chrisitan Giusti
courriel : Christian [dot] Giusti [at] paris-sorbonne [dot] fr
Reference Urls
Information source
- Eric Verdeil
courriel : eric [dot] verdeil [at] normalesup [dot] org
License
This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.
To cite this announcement
« Geomorphosites: an invisible heritage? », Call for papers, Calenda, Published on Tuesday, February 08, 2011, https://doi.org/10.58079/hsq