Thinking prisons in Latin America
Penser les prisons d’Amérique latine
Published on Monday, November 25, 2013
Abstract
Ce colloque a pour but de développer, diffuser et partager des connaissances sur les prisons latino-américaines pour tenter de comprendre la complexité du fonctionnement de ces espaces particuliers. Le milieu carcéral demeure un lieu amplement méconnu, non seulement du grand public mais également de la communauté scientifique pour qui les portes de cet univers ne se sont ouvertes que relativement récemment. Aussi, outre les personnes incarcérées, on ne peut ignorer la diversité des acteurs liés à l’espace physique ou symbolique des prisons ainsi qu’à leur périphérie. Le silence dont a longtemps été entouré l’univers carcéral s’est vu brisé ces dernières années par le développement de travaux scientifiques sur le sujet. La criminologie, l’anthropologie, la sociologie, l’histoire, les sciences politiques ou la psychologie ne représentent que quelques-unes des disciplines pour lesquels la prison offre un vaste champ de recherche.
Announcement
Argumentaire
Ce colloque a pour but de développer, diffuser et partager des connaissances sur les prisons latino-américaines pour tenter de comprendre la complexité du fonctionnement de ces espaces particuliers. Le milieu carcéral concentre ponctuellement l’attention des médias lorsque sont soulevés des sujets liés à la politique, aux conditions de vie des détenu.e.s et aux Droits Humains. La plupart des mentions relatives aux prisons relève alors du domaine du sensationnel, voire du macabre, la surpopulation et la violence apparaissant comme des caractéristiques intrinsèques aux prisons du continent latino-américain. Cependant, l’espace pénitentiaire demeure un lieu amplement méconnu, non seulement du grand public mais également de la communauté scientifique pour qui les portes de cet univers ne se sont ouvertes que relativement récemment. Aussi, outre les personnes incarcérées, on ne peut ignorer la diversité des acteurs liés à l’espace physique ou symbolique des prisons ainsi qu’à leur périphérie. Le silence dont a longtemps été entouré l’univers carcéral s’est vu brisé ces dernières années par le développement de travaux scientifiques sur le sujet. La criminologie, l’anthropologie, la sociologie, l’histoire, les sciences politiques ou la psychologie ne représentent que quelques-unes des disciplines pour lesquels la prison offre un vaste champ de recherche. Les ethnographies sur les prisons à travers le monde se multiplient peu à peu mais force est de constater que l’Europe occidentale et l’Amérique du Nord constituent des régions pionnières dans le domaine.
L’Amérique latine représente pourtant un continent où les taux d’incarcération méritent une attention particulière. En 2012, ceux-ci atteignaient plus de 270 détenus pour 100 000 habitants au Chili ou au Brésil, plus de 300 détenus pour 100 000 habitants au Costa Rica et plus de 400 détenus pour 100 000 habitants au Panama, et ne font que croître de façon exponentielle depuis une trentaine d’années, quoiqu’ils demeurent largement inférieurs aux taux étatsuniens et russes.
Si l’incarcération massive et arbitraire a été employée comme instrument de répression pendant les dictatures militaires, les dynamiques carcérales apparaissent aujourd’hui sensiblement différentes. Les pays andins ou frontaliers des Etats-Unis comme le Pérou, la Bolivie, la Colombie ou le Mexique, apparaissent particulièrement touchés par le trafic de cocaïne, et leurs prisons abritent un nombre important de détenus nationaux et étrangers condamnés pour trafic de drogue. D’autre part, de nouveaux types de violences sévissent aujourd’hui sur le continent, en particulier par le biais de bandes criminelles organisées. Qu’elles soient liées au trafic de drogue ou à une violence spécifiquement urbaine souvent liée à la pauvreté comme en Amérique centrale (Guatemala, Salvador, Nicaragua) ou encore au Venezuela et au Brésil, les membres de ces organisations constituent une importante partie de la population carcérale de certains pays de la région. Depuis environ trois décennies (selon les pays), on assiste également à une féminisation de la population carcérale. Si elles étaient quasiment absentes des statistiques pénitentiaires durant les années 1960, les femmes sont passées à représenter de 5 % (au Paraguay) à 12 % (en Bolivie) de la population des prisons latino-américaines.
Quel est le public des institutions pénitentiaires en Amérique latine, hier et aujourd’hui ? Quelles transformations politiques, sociales et/ou économiques ont influencé et modifié l’espace carcéral au fil de l’histoire du continent ? Comment s’organise l’espace carcéral, aussi bien dans ses dimensions physiques que symboliques ? Quels liens peut-on observer entre l’intérieur et l’extérieur des prisons ? Qui sont les acteurs du système pénitentiaire ? Si l’accent sera certes mis sur les prisons comprises en tant qu’espaces spécifiques, une attention particulière sera portée aux individus : détenu.e.s, personnel de sécurité, médical et administratif, législateurs, intervenants religieux ou associatifs, visiteurs, etc.
Les axes de travail proposés et détaillés ci-après ne constituent que des suggestions pour tenter de centrer la multiplicité des thématiques que les prisons latino-américaines offrent au domaine scientifique. Ils ne sont donc ni exhaustifs, ni exclusifs.
Principaux axes thématiques du colloque
- 1. Histoire de l’enfermement punitif et de ses effets sur les sociétés et les individus
Avec son ouvrage Surveiller et Punir, Foucault a retracé l’histoire de la punition dans le monde occidental et a montré comment la prison est devenue l’instrument moderne de châtiment par la privation de liberté (Foucault 1975). Les sanctions corporelles ont laissé place d’abord à un projet de dressage ou de contrôle des corps avant que le principe de rééducation et de réinsertion sociale ne constitue le fer de lance des politiques pénales modernes puis contemporaines.
Dans un monde où la prison touche un nombre toujours plus élevé d’individus, il est légitime de s’interroger sur les logiques justifiant le recours à l’enfermement pénal ainsi que sur l’évolution des perceptions sociales et des politiques publiques relatives à la prison (Coyle 2002; Del Olmo 2002; Pérez Guadalupe 2000).
Cet axe a pour but d’étudier les évolutions des lieux et des formes d’enfermement punitif, ainsi que la transformation des traitements appliqués aux individus incarcérés en Amérique latine depuis les Indépendances. Seront particulièrement appréciées les analyses concernant les individus concernés par ces changements : 1) qu’ils soient acteurs politiques, juridiques ou religieux, et aient influé de quelque manière que ce soit sur la sphère punitive, de façon verticale ou non ; ou 2) qu’ils aient constitué le public cible des institutions punitives.
- 2. Incarcération politique et trajectoires militantes
A travers le continent latino-américain, les histoires politiques nationales ont donné naissance à une variété de mouvements d’opposition ou de résistance ayant fait l’objet de persécutions et de représailles (Boutron 2009; Treacy 1996). Il est ainsi possible de donner l’exemple des dictatures militaires du Cône Sud où l’enfermement est apparu comme un élément stratégique de la lutte contre-subversive, mais aussi comme un espace de mobilisation investi par les groupes contestataires.
La chute des dictatures et la résolution des conflits n’a cependant pas nécessairement signifié la fin de la prison politique en Amérique Latine où de nombreux individus incarcérés continuent de revendiquer leur statut de « prisonniers politiques » (Felices Luna 2007; Renique 2003). Quel rôle la prison a t-elle joué, voire joue t-elle encore, dans les trajectoires militantes dans les pays latino-américains ? Peut-on encore parler de « prison politique » sur le continent ?
Dans une perspective multidisciplinaire, cet axe vise à identifier les différents paradigmes de l’incarcération politique en Amérique Latine. L’espace carcéral sera ici abordé comme un outil de répression, un espace de mobilisation ou encore un marqueur identitaire politique.
- 3. Prisons, genres et sexualités
Les études nord-américaines ont mis en valeur l’importance du croisement des facteurs de sexe, de race et de classe pour l’analyse de l’incarcération massive des femmes observée depuis la fin du XXème siècle (Allspach 2010; Sudbury 2005; Wacquant 2002; Young and Riviere 2006). Qu’en est-il en Amérique latine, où l’Église a tenu une place prépondérante dans le contrôle de la délinquance féminine jusqu’à la moitié du XXème siècle (Aguirre 1995; Aguirre 2003) ? Quelles transformations politiques, législatives et/ou sociales ont mené à une croissance exponentielle du nombre de femmes derrière les barreaux ? Comment l’institution pénitentiaire s’est-elle adaptée (ou pas) à la féminisation de la population carcérale ?
Par ailleurs, la prison se présente comme un espace au sein duquel on assiste à une configuration de pratiques sexuelles qui, si elles n’entrent pas nécessairement en opposition avec celles observées à l’extérieur, s’affirment aussi comme une forme de stratégie d’adaptation et de résistance face aux contraintes imposées par l’enfermement (Constant 2013; Constant and Rojas Pomar 2011; Forsyth, et al. 2002; Lesage de La Haye 1998; Ricordeau 2009). Quelles possibilités et quelles contraintes législatives et structurelles présente le milieu pénitentiaire en matière de sexualité ? Quelles sont les formes d’adaptation des acteurs à l’espace carcéral en la matière ?
Cet axe a pour but de questionner non seulement l’emprisonnement des femmes en tant que phénomène social et politique récent, mais également les distinctions pouvant exister entre hommes et femmes incarcérés. Il s’agira aussi de se demander comment s’exerce la diversité des sexualités en prison et quelle place elles tiennent dans les textes de loi et les pratiques sociales carcérales.
- 4. Les marchés de l’enfermement carcéral
Les prisons ne font pas qu’enfermer : elles ont aussi pour but de réformer. Le travail apparaît ainsi comme un moteur essentiel de l’espace carcéral, qui permet la constitution d’une main-d’œuvre bon marché et l’insertion de cet espace au sein d’échanges économiques observables à différentes échelles (Sudbury 2005). L’éducation constitue une autre facette du processus de réforme des individus incarcérés, qui suppose l’amélioration de leurs possibilités de travail après la sortie. Or, dans certains pays comme le Pérou, l’éducation et les ateliers de travail impliquent un investissement économique qui incombe aux détenu.e.s (frais d’inscription, achats de matériaux, etc.), ce qui ne garantit pas leur accès à l’ensemble de la population carcérale. Quelle place tiennent le travail et l’éducation en milieu carcéral ? Comment s’inscrivent-ils dans les dynamiques économiques liées à l’espace de la prison ?
Parallèlement, la construction et l’administration des prisons entraînent un certain nombre d’enjeux économiques en termes d’emploi, d’assignation des ressources et d’investissements publics. La privatisation des établissements pénitentiaires constitue une décision publique qui répond à des enjeux économiques d’ordre privé. Quels sont les États qui ont franchi le pas de la privatisation (Dammert 2005 ; 2006) ? Quels sont ceux pour qui cette option apparaît comme une alternative viable ? Quels sont les résultats attendus ou obtenus par ce biais ?
D’autre part, les marchés de l’enfermement carcéral peuvent être analysés comme un ensemble de lieux et d’acteurs privés motivés par une opportunité lucrative. Dans cette perspective, il s’agira d’examiner la variété des transactions, leur nature, les échelles et les acteurs impliqués dans un échange dont l’existence est subordonnée à la prison.
- 5. Dynamiques spatiales et territoriales de l’incarcération
Les établissements pénitentiaires font partie de paysages, urbains ou ruraux (Combessie 1996), qu’ils viennent marquer de leur empreinte en intervenant indubitablement sur le territoire qu’ils occupent. La prison ne se réduit pas à une simple construction destinée à l’enfermement punitif, elle s’inscrit aussi dans l’espace élargi de quartiers, de villes et de pays, et s’insère dans des réseaux multiples.
Il est possible d’appréhender l’univers carcéral à plusieurs échelles, depuis le local jusqu’au transnational (Cunha 2005; Ribas, et al. 2005), à partir des différents échanges qui s’établissent entre l’intérieur et l’extérieur (jours de visites, venues des fournisseurs, transferts de détenus, entrée et sortie du personnel pénitentiaire). En ce sens, il s’agit d’un espace qui permet la rencontre de plusieurs univers, tant physiques que symboliques. Quelles sont les différentes interfaces observables selon les échelles, les individus, les pratiques ?
Des espaces aux acteurs, cet axe propose de se pencher non seulement sur l’inscription des prisons sur le territoire mais également sur la façon dont elles participent de sa construction et de son administration.
Conditions de soumission de proposition
Les propositions de communication devront comporter les éléments suivants :
- le titre de la communication ;
- les coordonnées de l’auteur.e : nom, prénom, institution de rattachement et adresse email ;
- le(s) pays sur le(s)quel(s) porte la communication ;
- un résumé de 3000 signes.
Les communications pourront être soumises en espagnol ou en portugais.
La langue de communication utilisée pour le colloque sera l’espagnol.
Les communications, rédigées en espagnol et sous forme d’articles scientifiques, feront l’objet d’un ouvrage publié par l’Institut Français d’Études Andines (IFEA, UMIFRE 17, CNRS-MAE).
Date limite pour l’envoi des propositions :
22 décembre 2013
Information de sélection des propositions : 31 janvier 2014
Envoi des propositions à l’adresse email : coloquio.carceles.2014@gmail.com
Déroulement du colloque
Ce colloque international se déroulera à Lima (Pérou) les 23, 24 et 25 avril 2014
Les journées des 23 et 24 avril seront dédiées aux communications. Le 25 avril, pour les participants qui le souhaitent, il est prévu d’effectuer une visite de terrain dans une prison mixte de Lima.
Comité d’organisation
- Chloé Constant (IHEAL-CREDA, Université Paris 3–Sorbonne Nouvelle)
- Chloé Paux (Institut des Amériques, pôle andin)
- Institut Français d’Études Andines (IFEA, UMIFRE 17, CNRS-MAE)
Comité scientifique
- Daniel Acosta Muñoz (Escuela Penitenciaria Nacional-INPEC)
- Carlos Aguirre (Université de Oregon)
- Elena Azaola (Centro de Investigaciones y Estudios Superiores en Antropología Social-CIESAS)
- Camille Boutron (IRD, Prodig UMR 8586)
- Tristan Bruslé (CNRS, UPR 299, Centre d'Études Himalayennes)
- Stephanie Campos (National Development and Research Institutes, Inc.)
- Robin Cavagnoud (Institut Français d’Études Andines-IFEA)
- Chloé Constant (IHEAL-CREDA, Université Paris 3–Sorbonne Nouvelle)
- Ludmila Gaudad (Universidade de Brasilia-UNB)
- Jaris Mujica (Pontificia Universidad Católica del Perú-PUCP)
- Maria Emilia Tijoux (FACSO, Universidad de Chile)
Subjects
- Sociology (Main category)
- Zones and regions > America > Latin America
- Society > Geography > Geography: society and territory
- Society > History
- Society > Economics
- Society > Political studies > Wars, conflicts, violence
- Society > Sociology > Demography
- Society > Sociology > Criminology
Places
- Lima, Peru
Date(s)
- Sunday, December 22, 2013
Attached files
Keywords
- prisons, Amérique latine, espace carcéral, individus, systéme pénitentiaire
Contact(s)
- Chloé Constant
courriel : coloquio [dot] carceles [dot] 2014 [at] gmail [dot] com
Information source
- Chloé Constant
courriel : coloquio [dot] carceles [dot] 2014 [at] gmail [dot] com
License
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To cite this announcement
« Thinking prisons in Latin America », Call for papers, Calenda, Published on Monday, November 25, 2013, https://doi.org/10.58079/onk