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Minorisations en actes

Race, classe, genre au prisme de l'ethnographie

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Publié le mercredi 25 juin 2014

Résumé

Les journée d'études franco-allemandes « Minorisations en actes : Race, classe, genre au prisme de l'ethnographie » qui se tiendront les 26 et 27 juin prochain au Centre Marc Bloch (Berlin) s'attacheront à analyser la manière dont l’ethnographie permet de saisir l'articulation diversifée de la race, de la classe et du genre dans les rapports de pouvoir contemporains. Par ailleurs, si la réflexion sur l’importation d’outils d’analyse produits dans un contexte social et politique différent – celui des Etats-Unis – a largement contribué à développer les recherches adoptant en France et en Allemagne une perspective intersectionnelle, le dialogue franco-allemand est resté marginal sur ces questions. L’un des enjeux principaux de ces deux journées d’études sera donc aussi d’interroger les apports théoriques potentiels d’un dialogue scientifique entre les deux pays.

Annonce

Argumentaire

Les journée d'études franco-allemandes « Minorisations en actes : Race, classe, genre au prisme de l'ethnographie » qui se tiendront les 26 et 27 juin prochain au Centre Marc Bloch (Berlin) s'attacheront à analyser la manière dont l’ethnographie permet de saisir l'articulation diversifée de la race, de la classe et du genre dans les rapports de pouvoir contemporains. Il s'agira notamment de voir en quoi l’enquête de terrain permet d’investiguer les processus d’assignation dans lesquels sont pris les acteurs individuels et institutionnels.  De même on se demandera comment analyser empiriquement les dynamiques croisées des différentes formes de hiérarchisations dans des champs de recherche tels que la nationalité, les sexualités, l’action publique ou encore les mobilisations individuelles et collectives. Par ailleurs, si la réflexion sur l’importation d’outils d’analyse produits dans un contexte social et politique différent – celui des Etats-Unis – a largement contribué à développer les recherches adoptant en France et en Allemagne une perspective intersectionnelle, le dialogue franco-allemand est resté marginal sur ces questions. L’un des enjeux principaux de ces deux journées d’études sera donc aussi d’interroger les apports théoriques potentiels d’un dialogue scientifique entre les deux pays.

Les formes d’articulation plurielles des rapports de pouvoir que sont la classe, la race et le genre ont fait ces dernières années l’objet d’un intérêt grandissant de la part des sciences sociales. Ancrés dans un contexte militant par les féministes nord-américaines, en particulier les féministes africaines-américaines et le courant black feminist (Combahee River Collective 1977 ; King 1988), les débats se sont d’abord attachés à penser le genre sans l’isoler des autres rapports de pouvoir, au premier rang desquels la race. Les sciences sociales se sont alors saisies de la réflexion ouverte par les militant.e.s féministes pour complexifier l’analyse des rapports entre classe, race, genre et sexualité. Les New Slavery Studies ont ainsi montré que les rapports de pouvoir auxquels se trouvaient soumises les femmes esclaves ne sauraient se résumer à une addition de handicaps ou au renforcement du patriarcat pour les hommes noirs mais invitaient au contraire à tenir ensemble l’analyse des assignations de genre, de sexualité et de race (Davis 1982 ; Fox-Genovese 1988). En France, les travaux de Danièle Kergoat (1978) sur les femmes ouvrières ont également mis en lumière la « consubstantialité » des rapports sociaux qui fondent la domination. D’autres travaux au croisement du droit et de la sociologie ont quant à eux montré comment les catégories de l’action publique rendent possibles ces hiérarchisations. Dans un texte fondateur, Kimberlé Crenshaw (1991) s’est ainsi attachée à analyser la manière dont ces catégories produisaient l’exclusion de certains groupes se trouvant à l’intersection de plusieurs rapports de pouvoir, telles les femmes noires notamment. Les critiques faites à ce texte au sein même du mouvement Black Feminism ont toutefois pointé le caractère abstrait et anhistorique des analyses proposées. C’est pourquoi l’enjeu des recherches a ensuite été d’ancrer l’étude des rapports entre classe, race et genre dans un travail ethnographique et empirique en montrant comment les assignations identitaires s’actualisent les unes par rapport aux autres dans des interactions et des contextes concrets (West et Fenstermaker 1995 ; Bettie 2000) – par exemple comment, pour une femme noire, l’appartenance à la bourgeoisie peut dans certains contextes renforcer les assignations de genre et de race qu’elle subit.

Si les travaux considérés comme pionniers ont été réalisés dans le contexte nord-américain (et plus précisément états-unien), l’Allemagne a vu émerger les premières initiatives thématisant les rapports de pouvoir dans une perspective intersectionnelle dès les années 1980, émanant elles aussi de militantes noires notamment (Oguntoye, Ayim, Schultz, 1986), mais aussi par exemple de femmes souffrant de handicaps (voir notamment le mouvement dit des „femmes estropiées“, Krüppelfrauen). Le débat n’a certes pas pénétré immédiatement les sciences sociales germanophones mais il y est toutefois particulièrement vif depuis une dizaine d’années. En témoigne notamment la conférence sur l’intersectionnalité organisée à Vienne (Autriche) en 2010 par la commission pour la recherche sur les femmes et le genre de la société allemande d’ethnologie, dont est tiré l’ouvrage „Intersektionalität revisited. Empirische, theoretische und methodische Erkundungen“ (Hess, Langreiter, Timm (eds), 2011). Celui-ci a notamment permis de questionner les apports de l’ethnographie au courant de recherche visant à penser les rapports de pouvoir dans une perspective intersectionnelle.

Si l’importation d’outils d’analyse produits dans d’autres contextes sociaux et politiques, et notamment dans le contexte étatsunien (Israël et Pélisse 2004 ; Chauvin, Jaunait 2012 ; Bessone 2013) a largement contribué à développer les recherches visant, en France et en Allemagne, à penser l’articulation des formes de hiérarchisation reposant sur la race, la classe et/ou le genre, le dialogue franco-allemand est resté marginal sur ces questions. En France, c’est au milieu des années 2000 seulement, dans un contexte académique de développement des études sur le genre d’une part et sur les processus de racialisation et d’ethnicisation d’autre part, que paraissent les premiers travaux s’inscrivant dans cette approche par l’ethnographie des formes d’articulation entre assignations de race, de classe et de genre.

Dans ce contexte de recherche, cette journée d’étude vise donc tant à placer la focale sur les apports empiriques de l’ethnographie pour saisir l’articulation de ces différents principes de hiérarchisation qu’à interroger les apports théoriques potentiels d’un dialogue scientifique entre la France et l’Allemagne sur ces questions. Plus largement, et au vu des travaux existants, cette manifestation vise également à dépasser la triade classique „race, classe, genre“ pour interroger empiriquement la prévalence de cadres de pensée hétéronormatifs et hétérosexuels autour de différentes questions de recherche ayant trait non seulement aux sexualités ou à la nationalité, mais aussi plus fondamentalement aux catégories de l’action publique ou aux formes de mobilisation individuelles et collectives.

Il s’agira ainsi, dans un premier panel, de réfléchir aux manières d’appréhender empiriquement ces formes d’articulation entre race, classe et genre sur le terrain d’enquête, et  d’interroger ce que l’enquête ethnographique nous apprend quant à la manière dont ces assignations s’articulent en actes. Que fait l’attention à ces formes diverses de hiérarchisation à la construction et à la réalisation de l’enquête de terrain? On interrogera ici notamment la manière dont elle joue sur le choix des enquêté.e.s, dont elle oriente le positionnement des chercheur.e.s sur le terrain et dont elle façonne la relation entre chercheur.e.s et enquêté.e.s et, partant, les résutats obtenus  (Winddance Twine et Warren 20000; Mazouz 2008). Un second panel sera consacré à la question particulière des constructions genrées de la sexualité (et des constructions sexualisées du genre) et de leur appréhension par l’ethnographie, notamment dans le cas des sexualités prostitutionnelles et de la pornographie. L’objet du panel suivant sera d’interroger/de déconstruire le rôle des assignations de race, de classe ou de genre dans les constructions identitaires et leur éventuelle remise en cause, tandis que la question du poids de ces assignations dans les catégories de l’action publique fera l’objet d’un quatrième panel. Enfin, le dernier aspect abordé sera celui de l’incidence des assignations genrées, sociales et/ou raciales dans le développement de formes de mobilisations militantes, individuelles ou collectives.

Bibliographie

  • Bessone M. (2013), Sans distinction de race ? Une analyse critique du concept de race et de ses effets pratiques, Paris, Vrin, coll. « Philosophie concrète ».
  • Bettie J. (2000), « Women without class : Chicas, cholas, trash and the presence/absence of class identity », Signs, n° 26, p. 1-36.
  • Chauvin S. et Jaunait A. (2012), « Représenter l’intersection. Les théories de l’intersectionnalité à l’épreuve des sciences sociales », Revue française de science politique, vol. 62, p. 5-20.
  • Combahee River Collective (1977), The Combahee River Collective Statement (http://circuitous.org/scraps/combahee.html)
  • Crenshaw K. (1991), « Mapping the Margins : Intersectionality, Identity Politics, and Violence Against Women of Color », Stanford Review of Law, vol. 43, p. 1241-1299.
  • Davis A. (1981), Women, Race and Class, New York, Random House.
  • Fox-Genovese E. (1988), Within the plantation household,Chapel Hill et Londres, University of North Carolina Press.
  • Hess S., Langreiter N., Timm E. (eds) (2011), Intersektionalität revisited. Empirische, theoretische und methodische Erkundungen, Transcript Verlag.
  • Israël L. et Pélisse J. (2004), « Quelques éléments sur les conditions d’une “importation” » (Note liminaire à la traduction du texte de S. Silbey et P. Ewick), Terrains et Travaux, n° 6, p. 101-111.
  • Kergoat D. (1978), « Ouvriers = ouvrières ? Propositions pour une articulation théorique de deux variables : sexe et classe sociale », Critiques de l’économie politique, nouvelle série, n° 5, p. 65-97.
  • King D. (1988), « Muliple Jeopardy, Multiple Consciousness : The Context of Black Feminist Ideology », Signs. Journal of Womne Culture and Society, 1.
  • Mazouz S. (2008), « Les mots pour le dire. La  qualification raciale de l’enquête de terrain à l’écriture » in Didier Fassin et Alban Bensa (eds.), Les Politiques de l’enquête. Épreuves ethnographiques, Paris, La Découverte, p. 81-98.
  • Oguntoye K., Ayim M., Schultz D. (eds) (1986), Farbe bekennen. Afro-deutsche Frauen auf den Spuren ihrer Geschichte, Berlin, Orlanda Verlag.
  • West C. et Fenstermaker S. (1995), « Doing Difference », Gender and Society, vol. 9, n° 1, p. 8-37.
  • Winddance T.F. et Warren J., (2000), Racing Research, Researching Race: Methodological Dilemmas in Critical Race Studies, NYU Press.

Programme

26.06.14

9:00 – 10:00

Ouverture des journées d’étude / Eröffnung der Tagung

Alexandre Jaunait (Faculté de droit de Poitiers)

10:00 – 12:30 En quête de hiérarchies / Ethnographie als Methode in der Forschung zur Intersektionalität

  • Yohan Selponi (CADIS-EHESS): Comment et pourquoi nos enquêtés nous rappellent à l'ordre. Coûts et rétributions de la mise en scène de ses caractéristiques sociales en situation d'enquête.
  • Sébastien Roux (CSE, EHESS): La couleur du bonheur. Enjeux raciaux dans la constitution des familles adoptives
  • Noémi Katona (Humboldt Universität): Interkulturelle Mediatorin und Ethnografin: Dilemmas der Doppelrolle und ihre Auswirkung auf das Forschungsprojekt

Discutants : Nicolas Hubé (Paris 1, Viadrina, CMB), Yasmine Siblot (Paris 8)

14:00 – 17:00 Hiérarchisations et mobilisations / Hierarchisierungen und Mobilisierungen

  • Audrey Célestine (CERI, CRPLC, ISP): L'espace associatif antillais en France : entre assignation et réinvestissement identitaires
  • Stéphanie Guyon (UPJV Amiens): Entrée en politique des femmes amérindiennes de Guyane et co-construction des catégories de genre, race et classe.
  • Massimo Prearo (Université de Verone): Se situer: stratégies de positionnement et de hiérarchisation en contexte militant LGBT
  • Pauline Delage (IRIS-EHESS): Penser les différences entre femmes dans des associations féministes en France et aux Etats-Unis

Discutantes :  Anika Keinz (Viadrina), Sarah Mazouz (CMB)

27.06.14

9:30 – 12:30 Construction croisée des catégories : classe, race, genre dans l’action publique / Konstruktion der Kategorien in public policies

  • Jonathan Miaz (Faculté de Lausanne): Qualifier, catégoriser, trier: Ethnographie des usages sociaux du droit d'asile en Suisse
  • Marine Bourgeois (Science-po Paris): Qualifier les immeubles, hiérarchiser les demandeurs : une enquête ethnographique sur les pratiques professionnelles des agents HLM dans deux agglomérations françaises
  • Simona Pagano (Universität Göttingen): ‚Nomad Plans' in the eternal city:  securitarian logics and the construction of the 'gypsy'/'nomad
  • Julian Irlenkäuser (Viadrina-Universität): Das türkische Militär und die (Re)Konstruktion hegemonialer Männlichkeit

Discutants : Coline Cardi (Université Paris 8), Jérémie Gauthier (CMB)

14:00 – 16:00 Sexualiser le genre, genrer la sexualité / Sexualizing Gender, Gendering Sexuality

  • Gwénaëlle Mainsant (CERAPS): (Dés-)ajustements entre genre et sexualité dans le contrôle policier de la prostitution
  • Mathieu Trachman (INED): La sexuation du travail pornographique

Discutantes : Mathilde Darley (CNRS-CMB), Rebecca Pates (Universität Leipzig),

16:30 – 17:30 Clôture / Schlusswort

  • Ina Kerner (Humboldt Universität)

Lieux

  • Centre Marc Bloch (3e étage), Salle Georg-Simmel - Friedrichstr. 191
    Berlin, Allemagne (10117)

Dates

  • jeudi 26 juin 2014
  • vendredi 27 juin 2014

Fichiers attachés

Mots-clés

  • assignations, race, classe, genre, intersectionnalité, fait minoritaire, ethnographie

Contacts

  • Sarah Mazouz
    courriel : mazouz [at] cmb [dot] hu-berlin [dot] de

URLS de référence

Source de l'information

  • Sarah Mazouz
    courriel : mazouz [at] cmb [dot] hu-berlin [dot] de

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Minorisations en actes », Journée d'étude, Calenda, Publié le mercredi 25 juin 2014, https://doi.org/10.58079/qft

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