AccueilLa sacralisation à l’œuvre dans l’expérience littéraire

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La sacralisation à l’œuvre dans l’expérience littéraire

Sacredness at work in the literary experience

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Publié le lundi 13 octobre 2014

Résumé

Aborder la sacralité en relation avec le bouleversement de l'expérience du temps inhérente à la modernité et les fractures de notre univers postmoderne suppose la relecture de la sacralité du littéraire à travers un prisme interdisciplinaire. L'articulation entre sacralité et rythme temporel dans l'expérience littéraire oriente l'examen du rôle du sacré non seulement comme usage toujours distancié et vénéré de l'objet à examiner, mais également comme expérience auratique pouvant mener vers une certaine forme de résistance ou de contre-conduite. 

Annonce

Argumentaire 

Ce colloque s’inscrit dans un programme de recherche interdisciplinaire consacré à l’articulation entre littérature, processus mémoriels et sacralisation. Il fera suite, notamment, à un colloque intitulé « Littérature et sacré : la tradition en question » (UL-Metz, novembre 2014) qui portera sur les modalités de construction d’une tradition littéraire du sacré, à savoir sur la possibilité ou l’impossibilité de sa transmission.

Penser le rapport qu’entretient la littérature avec la sacralité ouvre au moins sur trois problématiques, certes enchevêtrées dans les pratiques mais qu’on peut distinguer d’un point de vue analytique :

1) une problématique institutionnelle. Celle-ci examine comment sont mis en place des dispositifs d’élection et de construction d’espaces striés, au sens deleuzien du terme, dont le caractère sacré est garanti aussi bien par des institutions, des lois et des discours savants (dogmes endogènes et exogènes) que par une doxa qui fonctionne sur le mode de l’évidence ordinaire et de la révélation ;

2) une problématique cultuelle. Elle décrit les rituels, publics et privés, qui encadrent l’approche et le contact avec le sacré que constitue l’absolu littéraire (cf. Ph. Lacoue-Labarthe, J.-L. Nancy, L’Absolu littéraire : théorie de la littérature du romantisme allemand. Seuil, 1978 ; G. Steiner, Passions impunies, « Envoi : Le lecteur peu commun », Folio essais, 2001) ; elle analyse par ailleurs les rôles des prêtres et des médiateurs qui garantissent le respect de ces rituels et leur diffusion-infusion ;

3) une problématique empirique (« C’est cela l’empirisme, syntaxes et expérimentation, syntaxique et pragmatique, affaire de vitesse » G. Deleuze, Dialogues, Champs essais, 1996, p. 73), préoccupée de décrire en quoi et comment la réception que fait un sujet lecteur – toujours membre d’une « communauté interprétative » – d’un texte littéraire a à voir avec des processus de sacralisation. En effet, l’espace littéraire (M. Blanchot) peut être conçu comme une hétérotopie (M. Foucault) où s’agencent des dispositifs de sacralisation et de profanation ; ceux-ci expérimentent nos « modes d’identification » (P. Descola) les plus archaïques (totémisme, animisme, analogisme…), ceux dont dépendent les liens (religio) que nous entretenons avec les autres, avec la société prise dans son ensemble.

C’est ce troisième axe que nous voudrions privilégier dans ce colloque. Il s’agira, en effet, de déterminer dans quelle mesure l’expérience littéraire, comme exercice spirituel de piété subjective, tant en production qu’en réception, relève du sacré, celui-ci étant conçu, entre autres, comme un apprentissage de soi et un souci de soi (cf. M. Foucault). Après le règne du « démon de la théorie » (A. Compagnon) dans les études littéraires, il nous semble opportun de nous interroger sur le rôle que joue la littérature dans nos procès de subjectivation, grâce à une (dé)sacralisation qui nous interdit d’être un « histrion des identifications » ou un « froid docteur des distances » (G. Deleuze, op. cit., p. 67-68) et nous permet d’agencer, c'est-à-dire « être au milieu, sur la ligne de rencontre d’un monde intérieur et d’un monde extérieur » (ibid., p. 66).

Ainsi, cette seconde rencontre cherche à penser la sacralité comme modèle d’action ou force performative de la pensée. Notre perspective naît d’un constat : la précipitation propre aux temps modernes défie toute prévisibilité, esquive le passé, bouleverse l'avenir. La modernité vénère moins, en effet, le sens du passé vécu et l’expérience des générations antérieures qu’elle ne célèbre l’affirmation du temps utile, une interprétation de la temporalité qui privilégie la progression par le changement et la nouveauté coupés du passé. Le sens de l’h/Histoire ayant perdu son fil (J. Rancière), il paraît opportun, en restreignant notre champ d’investigation à un corpus emprunté à la littérature contemporaine (XIXe et XXe siècles) francophone ou de langue étrangère, de nous interroger à propos de cette sacralisation du littéraire opérée par le sujet lecteur. En quoi cette sacralisation ressemble-t-elle et diffère-t-elle de sa consœur religieuse ? Quels sont les gestes qui la constituent ? D’où émane l’impression de sacralité inhérente aux expériences esthétiques, à la lecture littéraire, en l’occurrence ? Nos modes de consommation postmodernes – où l’immersion dans un fonctionnement machinique l’emporte sur la recherche herméneutique, représentative ou expressive – ne mettent-ils pas à mal cette émergence du sacré ? Inversement, la prise en compte d’une dimension sacrée qui serait immanente à toute expérience esthétique n’offre-t-elle pas une occasion de résister aux entreprises de forclusion de toute transcendance et de désacralisation, dont les symptômes se font ressentir douloureusement dans nos sociétés ?

Il s’avère qu’aborder la sacralité, en relation avec le bouleversement de l’expérience du temps inhérente à la modernité et les fractures de notre univers postmoderne, suppose la relecture de la sacralité du littéraire à travers un prisme interdisciplinaire. En effet, l’articulation entre sacralité et rythme temporel dans l’expérience littéraire oriente l’examen du rôle du sacré non seulement comme usage toujours distancié et vénéré de l’objet à examiner, mais également comme expérience auratique pouvant mener vers une certaine forme de résistance ou de contre-conduite. Se jouent, ici, dès lors, l’existence et le rôle d’une négativité qui, bridée vers le temps révolu, ou vers « l'unique apparition d’un lointain, quelle que soit sa proximité » (W. Benjamin), freine la précipitation du temps, anachronise l’Histoire, en déroulant une temporalité dédaléenne où le lien entre le nouveau et l’ancien (la mémoire) advient, survient, revient sans cesse.

Pour questionner cette problématique de la revenance (sacrée ?) du lointain, ou, du moins, la mettre en perspective, on pourra solliciter des auteurs comme J. Derrida et sa notion de spectre, G. Didi-Huberman et son idée de survivance, J. Lacan et sa conception du deuil comme troumatisme, J. Allouch et sa lecture de l’au-delà psychique de l’objet perdu, J.-F. Hamel et le fantasme de la tradition retrouvée, J.-C. Bailly et son idée de l’ombre de Dieu. Pour renouveler l’approche de l’expérience (sacrée ?) du littéraire, on pourra faire appel aux travaux de certains anthropologues comme A. Gell et P. Descola ; de sociologues comme E. Morin ; de philosophes comme G. Agamben, A. Badiou, J. Rancière.

Axes thématiques

Les grands axes retenus pour le colloque sont donc les suivants :

a) La littérature comme force spirituelle ou d’initiation

b) La revenance comme expérience du sacré

c) La sacralité comme force subjective à l’œuvre dans l’expérience littéraire

Modalités pratiques d'envoi des propositions

Les chercheurs, enseignants, doctorants intéressés sont invités à envoyer avant le 15 décembre 2014, leur proposition de communication qui comprendra :

- un titre

- un court résumé d’environ 200 mots (hors bibliographie) précisant l'axe du colloque dans lequel l’intervention s’inscrit

- quatre mots-clés

- une bio-bibliographie personnelle de 50-100 mots 

aux adresses suivantes :

Comité d’organisation

  • Raymond MICHEL ,
  • Marta I. WALDEGARAY 

Comité scientifique

  • Raymond MICHEL,
  • Myriam WATTHEE-DELMOTTE,
  • Laurent HUSSON,
  • Jean-Michel WITTMANN,
  • Marta I. WALDEGARAY

Durée de la communication : 25 minutes suivies de 10 minutes d'échange.

Nombre maximal de signes par article : 35 000 (espaces compris).

Langue de travail et de publication: français.

Lieux

  • Université de Lorraine, UFR Arts Lettres Langues (Metz)
    Metz, France (57)

Dates

  • lundi 15 décembre 2014

Fichiers attachés

Mots-clés

  • sacralité, littérature contemporaine, subjectivité, expérience

Contacts

  • Marta Inés Waldegaray
    courriel : marta-ines [dot] waldegaray [at] univ-reims [dot] fr
  • Raymond Michel
    courriel : raymond [dot] michel [at] univ-lorraine [dot] fr

Source de l'information

  • Marta Inés Waldegaray
    courriel : marta-ines [dot] waldegaray [at] univ-reims [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« La sacralisation à l’œuvre dans l’expérience littéraire », Appel à contribution, Calenda, Publié le lundi 13 octobre 2014, https://doi.org/10.58079/qzp

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