Argumentaire
Dans la perspective d’une publication collective, nous envisageons d’organiser une double journée d’études, d’abord à l’ISP (Université Paris-Ouest Nanterre), puis à l’IHMC (Ecole normale supérieure) consacrée aux procès de Nuremberg, dont l’année 2015 verra la commémoration du soixante-dixième anniversaire. Cette manifestation facilitera la rencontre de chercheurs français et étrangers issus de différentes disciplines des sciences humaines travaillant sur ces procès matriciels et sur leur impact dans les cultures juridiques et plus largement professionnelles du second XXe siècle. Ces procès ont donné lieu jusqu’à aujourd’hui à une abondante littérature – dans diverses disciplines - consacrée non seulement à leur préparation, à leur déroulement et à leur conclusion, mais aussi à leur rôle dans les processus de sortie de guerre en général et dans la dénazification de l’Allemagne en particulier, ainsi qu’à leurs effets à plus ou moins long terme sur la formation d’une mémoire du nazisme. Plus récemment, de nouvelles approches ont vu le jour, inspirées de l’histoire sociale d'une part, de la sociologie des professions, des organisations internationales et des sorties de conflits d'autre part. Ces travaux sont centrés à la fois sur les personnels mobilisés lors des procès et procédures épuratoires et sur l'émergence de nouveaux espaces d'expertise transnationaux, mais aussi sur les cultures professionnelles modifiées pendant et plus durablement après les procès. L’objectif de cette double journée d’études sera de présenter et de confronter ces travaux récents, en favorisant le dialogue entre des chercheurs appartenant à des disciplines diverses.
Axes thématiques
Deux axes seront approfondis lors de ces journées :
Premier axe - Les procès de Nuremberg au prisme des trajectoires professionnelles
Une manière novatrice d’envisager les procès de Nuremberg est de s’intéresser aux personnels mobilisés dans leur préparation, leur déroulement et leur diffusion. En effet, l’historiographie s’est principalement focalisée sur les catégories juridiques nouvellement forgées dans le cadre du procès (crimes de guerre, crimes contre l’humanité, crimes contre la paix et complots criminels), sans toujours chercher à replacer leur fabrique au sein de trajectoires professionnelles juridiques, politiques ou diplomatiques. De quelles ressources les juristes du procès (magistrats, avocats, procureurs) disposent-ils pour penser les crimes nazis, préparer et conduire le procès ? L’histoire sociale peut ici apporter beaucoup à l’histoire des idées, notamment celle des idées juridiques. Par ailleurs, quel a été l’impact de ce moment exceptionnel sur les carrières ultérieures des acteurs des procès? L’entrée par les trajectoires et par la prosopographie peut permettre de réinsérer les procès de Nuremberg dans une temporalité plus longue, incluant leur amont et leur aval. Des comparaisons seraient à mener entre les pays impliqués.
Cette réflexion sur les personnels mobilisés dans les procès ne doit bien entendu pas se limiter aux seuls personnels juridiques, mais être élargie aux autres experts engagés dans les tribunaux, qu’ils soient médecins, journalistes, cinéastes, traducteurs, ou autres. Les procès de Nuremberg ont donné lieu à des innovations non seulement juridiques mais aussi techniques et technologiques, les Américains en particulier ayant fait appel à toute une série de spécialistes reconnus dans divers domaines (beaux-arts et design, architecture, traduction simultanée, image fixe et mobile, etc.). Il convient de connaître précisément ces personnels et les raisons de leur sollicitation. L’histoire sociale peut s’avérer précieuse pour définir des profils d’experts. Assiste-t-on, à partir du procès de Nuremberg, à la naissance de profils internationaux ou transnationaux ?
L'histoire et la sociologie des professions invitent également à réfléchir à la manière dont émergent et se structurent de nouveaux espaces d'expertise internationalisés, dans le domaine du droit international principalement, mais aussi, au-delà, dans celui des sorties de conflit. L'Allemagne occupée constitue un véritable laboratoire des politiques publiques en ce domaine (dénazification, sanctions pénales, rééducation, etc.) : on pourra réfléchir à la circulation des savoirs et des acteurs entre la sphère judiciaire et les autres domaines d'activité tels que l’enseignement ou la psychologie.
Deuxième axe - Les procès de Nuremberg dans la (re)définition des cultures professionnelles
Le deuxième axe de cette journée d’études envisage la portée des procès de Nuremberg dans différents champs professionnels et dans les divers pays impliqués, avec là encore la question ouverte de l’existence de dynamiques transnationales. Il s’agit d’une part de voir ce que les procès ont apporté à certaines pratiques professionnelles, en resituant cet événement judiciaire dans l'histoire longue des professions. On cherchera à appréhender la manière dont celles-ci redéfinissent et actualisent – notamment à la faveur de la guerre et de l'après-guerre – leurs normes et identités propres. On pourra étudier ici le côté des épurateurs tout autant que celui des épurés, notamment en envisageant les dispositifs où les uns et les autres appartiennent au même corps ou milieu professionnel. On notera à cet égard que les cas d’autoépuration sont sans doute plus fréquents que les cas d’épuration imposée de l’extérieur par un personnel étranger ; cependant, même dans ce dernier cas, les choses ne sont pas si simples comme en témoigne la proportion non-négligeable d’émigrés allemands parmi les juristes de l’équipe dirigée par Robert Jackson, et au-delà dans l’administration d’occupation américaine. Dans le même ordre d’idée, les procès de Nuremberg ont été intensément discutés (et très souvent critiqués) dans le monde juridique allemand d’après-guerre et ces débats ont revêtu une forte dimension identitaire. Les cas de Robert Kempner ou de Gustav Radbruch pourront par exemple être examinés dans cette perspective.
D’autre part, si les principes de Nuremberg sont connus pour avoir directement inspiré l’éthique professionnelle des médecins (avec l’interdiction notamment de pratiquer des expériences médicales sur des sujets non consentants), reste à savoir si un impact similaire peut être décelé après 1946 dans le discours interne d’autres professions. Un exemple est fourni par l’éthique professionnelle des fonctionnaires ouest-allemands après 1949, qui intègrent les principes de Nuremberg dans leur droit disciplinaire ordinaire au cours des années 1950 et 1960, alors que ceux-ci ne sont pas encore admis dans le droit pénal de la RFA. La question des rapports entre les experts et l’opinion publique, qui renvoie à la crédibilité des experts, devra être posée. Les différentes professions doivent en effet légitimer leur expertise et l’impact de Nuremberg peut être aussi évalué dans cette direction.
En somme, est-il possible d’écrire une histoire comparée des cultures et des discours professionnels après Nuremberg ? L’enjeu de cette réflexion sera de mettre en perspective les procès de Nuremberg à partir des pratiques et des discours des professions en incluant la moyenne (voire longue) durée et la comparaison. A cet égard, des communications portant sur les juridictions internationales avant et après le procès pourront être proposées.
Organisation
Organisateurs
- Guillaume Mouralis (CNRS) et
- Marie-Bénédicte Vincent (ENS)
Comité scientifique
- Guillaume Mouralis (CNRS),
- Marie-Bénédicte Vincent (ENS),
- Annette Weinke (Université de Iéna),
- Annette Wieviorka (CNRS).
Dates
jeudi 5 novembre (14H-18H) et 6 novembre 2015 (10h-17H)
Lieux
Institut des sciences sociales du politique (ISP-UMR 7220) à l’Université Paris-Ouest-Nanterre et Institut d’histoire moderne et contemporaine (IHMC-UMR 8066) à l’Ecole normale supérieure
Les frais de transport et d’hébergement pour une nuit à Paris seront pris en charge
Modalités de soumission d’une communication
-Les propositions de communication sont à envoyer par voie électronique
avant le 1er mai 2015
à Marie-Bénédicte Vincent et Guillaume Mouralis sous forme de résumés de 3000 signes avec mention du rattachement institutionnel de l’auteur aux deux adresses suivantes : mariebvincent@yahoo.fr ; g.mouralis@gmail.com
-Les propositions seront examinées par le comité scientifique pour le 1er juin 2015 et les auteurs avisés par courriel.
-Le texte de la communication devra être envoyé avant le 15 octobre 2015 de manière à favoriser les échanges entre les participants. Il pourra être rédigé en français, allemand ou anglais, qui seront les langues de travail lors des deux journées d’études.
Une publication collective est envisagée.
Argument
On the 70th anniversary of the Nuremberg Trials, a two-day workshop will be organized at the University Paris-Ouest-Nanterre and at the Ecole Normale supérieure to strengthen links between French and foreign academics in different fields of the humanities and social sciences, who work on these trials and on their impact on the legal and professional cultures.
Until now, research focused mainly on the preparation, implementation, and conclusion of the Nuremberg Trials, as well as on the role they played in the postwar period, particularly with respect to the denazification of Germany and the formation of the memory of Nazism. New approaches have been developed, however, inspired by the sociology of professions and international organizations on the one hand and by the social history of post-war period on the other hand. These studies focus on the staff mobilized during these trials, the internationalization of various fields of expertise dedicated to peace building, and the long-term transformation of professional cultures to which these trials have contributed. Bringing together academics from different countries and disciplines, the workshop aims to provide a forum for such studies and to discuss new avenues of research.
Main themes
Two dimensions will be developed in this workshop:
1-The Nuremberg Trials and Professional Careers
While the literature has extensively focused on the new legal framework of the Nuremberg Trials, the production of new legal concepts should be more clearly linked with the professional paths of those who conceived, prepared and implemented the trials, whether diplomats, lawyers, or politicians. Social history can be useful for understanding how new intellectual tools emerged at the end of the war. Biographical and prosopographical approaches of the various experts associated with the Nuremberg Trials (lawyers, doctors, reporters, film-makers, translators, etc.) can help to situate these events in a longue durée. How were such professionals or specialists solicited? Did the trials contribute to the development of transnational networks of expertise? How did occupied Germany represent a laboratory for new public policies dedicated to the democratization of an authoritarian society?
2-The Nuremberg Trials and the Evolution of Professional Cultures
The Nuremberg Trials have influenced many professional cultures and practices. While the case of doctors and ethical principles in medical research is well-known, other professions, like West German civil servants, modified their collective identities to separate themselves from the National Socialist past. The long-term impact of the Nuremberg Trials can be analyzed in this respect. How did the public pressure and the necessity for experts to improve their legitimacy contribute to this evolution of professional cultures after Nuremberg? Did any transnational discourse emerge in those professional fields?
Finally, the workshop aims to set the Nuremberg Trials in long-term professional discourses and practices; and to favour comparative approaches between these trials and other similar post-war practices that can also be approached in a professional perspective.
Organization
Staff: Guillaume Mouralis (ISP, Paris). Marie-Bénédicte Vincent (ENS, Paris)
Scientific Committee : Guillaume Mouralis (ISP, Paris), Marie-Bénédicte Vincent (ENS, Paris), Annette Weinke (Jena), Annette Wieviorka (CNRS, Paris).
Submission guidelines
Abstracts in English or German must be submitted
before May 1, 2015 to the following
ddresses: mariebvincent@yahoo.fr ; g.mouralis@gmail.com
All reasonable expenses (including accommodation for one night in Paris) will be covered.
Präsentation
Um eine kollektive Veröffentlichung vorzubereiten, planen wir im Herbst 2015 einen Workshop zu den Nürnberger Prozessen am ISP (Universität Paris-Ouest-Nanterre) und am IHMC (Ecole Normale supérieure, Paris). Dieses Treffen soll die Diskussion zwischen ForscherInnen aus verschiedenen Ländern und Fächern erleichtern, die seit einigen Jahren dazu beigetragen haben, die Analyse der Nürnberger Prozesse zu erneuern. Die umfangreiche Literatur zu diesen Prozessen konzentrierte sich bisher im Wesentlichen auf zwei Aspekte: einerseits wurden ihre politische Vorbereitung, ihr Verlauf und ihre justizielle Schlussfolgerung erforscht; andererseits wurde die Rolle der Nürnberger Prozesse im allgemeineren Kontext der Entnazifizierung in Deutschland und des europäischen „Ausgangs“ aus dem zweiten Weltkriegs durchleuchtet. Ebenfalls wurden ihre mehr oder weniger langfristigen Auswirkungen auf die Bildung einer Erinnerung an den Nationalsozialismus diskutiert.
In jüngerer Zeit sind neue Ansätze entstanden, die auf der einen Seite von der Sozialgeschichte und der Berufssoziologie, auf der anderen Seite von der Soziologie der internationalen Organisationen und post-Konflikt Situationen angeregt wurden. Die entsprechenden Forschungen konzentrieren sich auf die Angestellten der Gerichtshöfe, die für Kriegsverbrechen zuständig waren (bzw. auf die Mitarbeiter der verschiedenen „Säuberungskommissionen“, die von den Alliierten instituiert wurden); sie interessieren sich für die Entstehung neuer Expertenkenntnisse und für die Strukturierung entsprechender transnationaler Berufsgruppen; sie fragen, ob die Berufskulturen während und nach den Nürnberger Prozessen nachhaltig verändert wurden.
Ziel dieses Workshops ist, im Dialog mit Forschern aus verschiedenen Disziplinen, diese neuen Forschungsansätze vorzustellen und zu diskutieren.
Themen
Zwei Themen sollen hervorgehoben werden:
1) Die Nürnberger Prozesse und die Karrierewege ihrer MitarbeiterInnen
Innovativ und vielversprechend scheint die Untersuchung der Karrieren der Personen, die an der Vorbereitung und an der Durchführung der Nürnberger Prozesse teilgenommen haben. Neben den Juristen nahmen andere Fachleute an den Prozessen teil, die dazu beigetragen haben, aus diesen Prozessen ein „Innovationslabor“ zu machen. Außerdem kann der Einstieg in das Thema „Nürnberg“ ausgehend von Fragestellungen und Methoden (etwa der Prosopographie) der Sozialgeschichte und der Berufssoziologie möglicherweise dazu beitragen, klassische Fragen (etwa die Beziehung zwischen Justiz und Erinnerung) umzuformulieren.
2) Die Nürnberger Prozesse und der Um/Neudefinierung der Berufskulturen
Hier werden die Nürnberger Prozesse in die lange Geschichte der Berufe/Professionen eingereiht und es wird die Frage aufgeworfen, ob und wie sie die internen Diskursen und Praxen bestimmter Berufsgruppen bzw. ihr Selbstbewusstsein geprägt haben, wie es etwa für die Ärzte (Definition einer „Berufsethik“) der Fall war.
Organisation
Organisation : Guillaume Mouralis (ISP, Paris) und Marie-Bénédicte Vincent (ENS, Paris).
Wissenschaftsausschuss: Guillaume Mouralis (ISP, Paris), Marie-Bénédicte Vincent (ENS, Paris), Annette Weinke (Universität Jena), Annette Wieviorka (CNRS, Paris).
Vortragsvorschläge
Abstracts auf Deutsch oder Englisch können vor dem
1. Mai 2015
an die folgenden Mail-Adressen eingereicht werden: mariebvincent@yahoo.fr ; g.mouralis@gmail.com
Alle Kosten (einschließlich einer einmaligen Übernachtung in Paris) werden übernommen.