AccueilInstitutionnalismes monétaires francophones : bilan, perspectives et regards internationaux

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Institutionnalismes monétaires francophones : bilan, perspectives et regards internationaux

French-speaking monetary institutionalisms: appraisals, approaches and international perspectives

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Publié le mardi 06 octobre 2015

Résumé

Les idées monétaires dans le monde francophone ont été considérablement renouvelées par des travaux menés dès les années 1970-80 par des économistes convergeant autour d’une conception de la monnaie en tant qu’institution et se frottant à des approches historiques, anthropologiques et philosophiques. Les travaux qui en ont découlé ont pris le parti de l'interdisciplinarité. C'est à ce renouvellement théorique original, sa mise en perspective et ses prolongements que ce colloque est consacré.

Annonce

Argumentaire

Les idées monétaires dans le monde francophone ont été considérablement renouvelées par des travaux menés dès les années 1970-80, par convergence de plusieurs faisceaux : les approches marxistes, keynésiennes et circuitistes ont donné lieu à des ouvrages théoriques riches et de façon croissante pluridisciplinaires, qui ont durablement marqué le paysage: Marchands, salariat et capitalisme (Benetti et Cartelier, 1980), La violence de la monnaie (Aglietta et Orléan, 1982), Nomismata(Servet, 1984), Monnaie privée et pouvoir des princes (Boyer-Xambeu, Deleplace et Gillard, 1986). Ces travaux d’économistes convergeant autour d’une conception de la monnaie en tant qu’institution et se frottant à des approches historiques, anthropologiques et philosophiques ont rencontré l’intérêt d’une communauté de chercheurs non satisfaits des micro et macroéconomies néoclassiques, même renouvelées et étendues.

Plusieurs directions ont été prises par la suite. La puissance analytique de Simmel a été redécouverte (A propos de "Philosophie de l'argent" de Georg Simmel, Grenier et alii,1993 ; Simmel et les normes sociales, Baldner et Gillard, dir., 1996). La confiance a fait l’objet de nombreux travaux (La construction sociale de la confiance, Bernoux et Servet, dir., 1997 ; La confiance en question, Laufer et Orillard, dir., 2000), de même que la souveraineté dans son rapport à la monnaie et à la finance (Régimes économiques de l’ordre politique, Théret, 1992).

C’est ainsi que des travaux collectifs et interdisciplinaires ont été entrepris au début des années 1990, lesquels ont ensuite alimenté une série de cycles de séminaires engagés à partir de1993. Ceux-ci ont donné lieu à un ensemble successif d’ouvrages collectifs posant de nouvelles approches institutionnalistes de la monnaie : Souveraineté, légitimité, confiance (Aglietta et Orléan, dir., 1995), La monnaie souveraine (Aglietta et Orléan, dir., 1998), La monnaie dévoilée par ses crises (Théret, dir., 2007), La monnaie contre l’Etat ? La souveraineté monétaire en question (Théret, dir., à paraître). Cette série se poursuit aujourd’hui autour des tensions entre l’unicité et la pluralité de la monnaie (Blanc et Théret, dir., 2013-2015). Autour de ce cadre central de construction d’un institutionnalisme monétaire francophone se sont déployés d’autres travaux alimentés par lui et l’alimentant (comme par exemple, L'argent des anthropologues, la monnaie des économistes, Ould Ahmed et alii, dir., 2008).

Ce colloque vise à faire le point sur cet ensemble de travaux, en dégager les voies fécondes qu’ont choisi de suivre de nouveaux chercheurs mais aussi les impasses et les pistes non empruntées. Il souhaite interpeller les acteurs mêmes de ce renouvellement théorique et de terrain sur leur parcours intellectuel, ainsi que solliciter des travaux en termes d’histoire de la pensée sur cet institutionnalisme monétaire et mobiliser des réflexions sur les marges de cette dynamique : quelles connexions établir (ou pas) avec d’autres hétérodoxies monétaires ? Quelle peut être la place de l’institutionnalisme monétaire francophone dans le concert international des hétérodoxies monétaires - post-keynesianisme, circuitisme, néo-chartalisme, néo-marxismes, néo-proudhonisme gesellien, structuralisme latino-américain – et des approches de l’économie et de la monnaie proposées par l’économie politique, l’anthropologie et la sociologie économiques ? Cette question renvoie aussi bien aux principes théoriques qui peuvent séparer ces diverses approches qu’à leurs référents communs.  Y a-t-il des incompatibilités de postulats, de concepts, de méthodes qui ont conduit à une divergence impossible à réduire ou au contraire partagent-elles des bases communes ?

Plusieurs axes de réflexion pourront ainsi être explorés. Ils ne doivent pas être compris comme autonomes les uns des autres mais au contraire comme s’articulant voire s’alimentant les uns les autres.

Ils peuvent être mobilisés autour d’études de cas historiques ou contemporaines, dans les sociétés occidentales ou dans d’autres sociétés, sur les monnaies nationales ou sur des formes monétaires autres, sur des pratiques bancaires ou des formes monétaires innovantes, etc. : toute proposition appliquant des éléments d’une grille de lecture institutionnaliste à la monnaie sera bienvenue. 

(1) Les référents historiques

Il s’agit ici d’étudier l’institutionnalisme monétaire francophone des trente dernières années au travers des référents qu’il reconnaît comme tels, mais aussi de ceux qui jouent un rôle plus souterrain. Sur quels fondements s’appuie donc cet institutionnalisme : quelle est la place des sociologues-économistes et philosophes de la période 1880-1930 : en France, Durkheim, Simiand, Mauss ; en Allemagne, Weber, Simmel ; aux USA, les auteurs pragmatistes ? Quelles influences ou quelles racines trouve-t-on dans les écoles historiques comme le chartalisme allemand et le premier institutionnalisme américain et ses suites : Knapp, Veblen, Innes, Hawtrey, Commons, Polanyi, par exemple ? Quel rôle ont joué les économistes français hétérodoxes depuis la seconde guerre mondiale jusqu’aux années 1980, comme par exemple Nogaro et Aftalion, puis de Brunhoff ou Schmitt ? Peut-on lire les différentes options hétérodoxes actuelles au travers de l’articulation ou du combat entre Proudhon, Marx, Keynes et Polanyi ?

(2) Les concepts, leurs articulations, leurs définitions

Les travaux menés depuis le début des années 1980 ont conduit à bâtir, adapter, développer et parfois abandonner une série de concepts qui ont pu être articulés :

  • violence/confiance,
  • souveraineté/légitimité,
  • monnaie/valeur,
  • dette/don,
  • rapports sociaux horizontaux contractuels (échanges)/verticaux tutélaires (redistribution),
  • compte/paiement/réserve,
  • communauté de compte/communauté de paiement,
  • hiérarchie de pouvoir/hiérarchie de valeurs
  • pouvoir/autorité
  • unicité/pluralité,
  • monnayages marchand/capitaliste/social,
  • complémentarité/concurrence/monopole,
  • régimes/petites crises/grandes crises…

Y a-t-il consensus ou convergence sur ces concepts et sur leurs articulations ? Le travail de conceptualisation suppose de définir et fixer les limites de validité d’un concept ; dans le cadre d’un travail interdisciplinaire, est-ce possible ? Est-ce réaliste ? Peut-on rester dans le flou, ou faut-il au contraire dépasser ce flou et durcir les concepts ? (cf le travail d’introduction de la Monnaie souveraine) Enfin, quelle évaluation peut-on faire aujourd’hui de ces concepts et de leurs cheminements au regard notamment des nouveaux terrains d’exploration qui se font jour (zone euro, capitalisme financiarisé, produits dérivés, crise, monnaies sociales et locales, bitcoin…) ?

(3) Philosophies sociales  et systèmes de valeurs

Si l’on se centre sur la(es) valeur(s), quelle est la place des penseurs à ce sujet : plus précisément, quelles philosophies sociales sont sous-jacentes aux constructions théoriques proposées par l’institutionnalisme monétaire francophone ? Si l’on y trouve des formes de planisme, de socialisme, d’anarchisme, de promotion d’une économie solidaire ou encore de capitalisme raisonnable, n’y a-t-il pas là des divergences fortes qui conduisent à affaiblir le message intellectuel et politique de ces approches théoriques ? Quelles formes de démocratie monétaire cet institutionnalisme promeut-il ?

Un apport majeur des institutionnalismes historique et sociologique est de renvoyer la monnaie à un projet politique, une constitution de la société, des hiérarchies en valeurs : le concept de confiance éthique, par exemple, introduit au cœur de la monnaie cet élément transcendant du système des valeurs constitutif de l’unité du corps social. Par ailleurs, les théories institutionnalistes refusent les approches instrumentales de la théorie économique mettant au fondement des activités la formation de la valeur (d’échange). Ce refus, réaffirmé par Orléan (L’empire de la valeur, 2011), doit conduire à repenser le rapport entre valeur(s) et monnaie. Peut-on raisonner sur la base d’une double articulation entre, d’une part, le système de valeurs et l’institution monétaire, et, d’autre part, l’institution monétaire et la formation des valeurs économiques ?

(4) Dialogues interdisciplinaires

Fondé sur des travaux en majorité d’économistes, l’institutionnalisme monétaire francophone s’est construit par l’ouverture disciplinaire à l’occasion de programmes communs centrés sur des auteurs (Simmel), sur des concepts (confiance, souveraineté), sur des faits sociaux (les crises monétaires, le passage à l’euro). L’ouverture disciplinaire cependant peut prendre différentes formes (pluridisciplinarité, interdisciplinarité) et produire des effets différents. Il s’agira ici d’étudier les conditions de ce dialogue ainsi que les conditions pour que ce dialogue n’enrichisse pas que les disciplines restées dans leur espace de prédilection mais produise également des effets d’interpénétration et de croisement. Quel regard les historiens, les anthropologues, les sociologues, les politistes, les juristes  etc. portent-ils aujourd’hui sur ces travaux mettant ensemble et faisant dialoguer les disciplines ? Y a-t-il des effets retour sur leurs propres travaux et les dynamiques de leur propre discipline ?

(5) Rapprochements internationaux

L’institutionnalisme monétaire francophone a fait la preuve de son dynamisme mais il lui reste l’épreuve de l’internationalisation. Est-ce le produit d’un esprit spécifiquement français soucieux de l’unité des sciences sociales ou d’une hérésie vouée à être non communicable ? On étudiera ici l’internationalisation déjà réalisée de ces travaux, via les traductions anglaises, espagnoles, portugaises, japonaises etc., via aussi le développement de collaborations internationales, et l’on s’interrogera sur les difficultés et les conditions de cette internationalisation. Si celle-ci est souhaitable, n’est-elle pas aussi porteuse de danger d’une dissolution de l’originalité de cet institutionnalisme ? Ou bien, au contraire, l’internationalisation est-elle une condition de renforcement endogène de cet ensemble de travaux ?

Calendrier et modalités de réponse

L’appel à communications est ouvert et une sélection des propositions sera réalisée par le comité scientifique.

Les étapes sont les suivantes :

  • 1. Date limite de rendu des propositions de communications : 21 novembre 2015

Un résumé de 500 mots maximum doit être soumis en français, en anglais ou en espagnol d’ici au 17 octobre 2015 à partir de la plateforme http://imf2016.sciencesconf.org/.

Le résumé comprendra : le nom de(s) auteur(s), le titre de la proposition, le numéro du thème auquel la proposition se rattache (si c’est le cas), le résumé lui-même.

A la suite du résumé, mentionner l’adresse et statut de(s) auteur(s), son organisation et l’adresse e-mail ; et enfin le nom de l’auteur avec lequel correspondre, si la proposition est collective.

  • 2. Notification de décision du comité scientifique : 18 décembre 2015
  • 3. Date limite de remise des textes complets : 30 avril 2016

Les textes complets peuvent être en anglais, en français ou en espagnol.

La langue du colloque sera principalement le français, mais il sera possible de s’exprimer en espagnol et en anglais.

Comité d’organisation

  • Pierre Alary (Université de Lille 1, CLERSE)
  • Jérôme Blanc (Université Lumière Lyon 2, Triangle)
  • Ludovic Desmedt (Université de Bourgogne, Dijon, LEDi)
  • Bruno Théret (CNRS, Université Paris Dauphine, IRISSO)

Comité scientifique 

  • Kuroda Akinobu, historien (University of Tokyo, Japon)
  • Patrice Baubeau, historien (Université Paris Ouest / UMR IDHES, France)
  • Marie Cuillerai, philosophe (Université Paris Diderot – Paris 7, France)
  • Claudia de Lozanne Jefferies, économiste (City University London, Royaume-Uni)
  • Heiner Ganßmann, sociologue (Freie Universität Berlin, Allemagne)
  • Georgina Gómez, économiste (ISS, Erasmus University Rotterdam, Pays-Bas)
  • Jane Guyer, anthropologue (Johns Hopkins University, Etats-Unis)
  • Keith Hart, anthropologue (London School of Economics, University of Pretoria, Royaume-Uni et Afrique du Sud)
  • Geoffrey Ingham, sociologue (Christ’s College Cambridge, Royaume-Uni)
  • Robert Jessop, sociologue (Lancaster University, Royaume-Uni)
  • Odile Lakomski-Laguerre, économiste (Université de Picardie, CRIISEA, France)
  • Jeanne Lazarus, sociologue (CSO, CNRS - Sciences Po Paris, France).
  • Laurent Le Maux, économiste (Université de Brest, Laboratoire d'Economie           Dionysien, France)
  • Jaime Marques-Pereira, économiste (Université de Picardie, CRIISEA, France)
  • Federico Neiburg, anthropologue (Musée National, Université Federal de Rio de Janeiro, Brésil)
  • Kako Nubukpo, économiste (Université de Lomé, Togo)
  • Pepita Ould-Ahmed, économiste (IRD, CESSMA, France)
  • Jean-François Ponsot, économiste (Université Pierre Mendès-France Grenoble, CREG, France)
  • Oscar Rodriguez, économiste (Universidad Nacional de Colombia, Colombie)
  • Alexandre Roig, sociologue (IDAES-CONICET / Universidad Nacional de San Martín, Argentine)
  • Hadrien Saiag, anthropologue (IIAC/LAIOS, CNRS, France)
  • Philippe Steiner, sociologue (Université Paris-Sorbonne / GEMASS & Institut universitaire de France, France)
  • André Tiran, économiste (Université Lumière Lyon 2 / UMR Triangle, France)
  • Hiroyuki Uni, économiste (Graduate School of Economics, Kyoto University, Japon)
  • Jean Pierre Warnier, anthropologue (Centre d’Etudes africaines - EHESS/IRD, France)

Comité d’honneur 

  • Michel Aglietta (conseiller au CEPII et professeur émérite à l’Université Paris Ouest Nanterre)
  • Jean Andreau (professeur honoraire à l’EHESS – Centre de recherches historiques, Paris)
  • Jean Cartelier (professeur émérite, EconomiX, Université Paris Ouest Nanterre)
  • Lucien Gillard (directeur de recherches honoraire au CNRS, Paris)
  • André Orléan (directeur de recherches, Paris School of Economics, CNRS, EHESS, Paris)
  • Jean-Michel Servet (professeur, Institut de hautes études internationales et du développement, Genève)

Dates

  • samedi 21 novembre 2015

Fichiers attachés

Mots-clés

  • monnaie, pluridisciplinarité, souveraineté, légitimité, crise

Contacts

  • Jérôme Blanc
    courriel : jerome [dot] blanc [at] sciencespo-lyon [dot] fr

Source de l'information

  • Jérôme Blanc
    courriel : jerome [dot] blanc [at] sciencespo-lyon [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Institutionnalismes monétaires francophones : bilan, perspectives et regards internationaux », Appel à contribution, Calenda, Publié le mardi 06 octobre 2015, https://doi.org/10.58079/tek

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