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Les dynamiques du marché du travail non qualifié

The dynamics of the unqualified work market

Médiations, valorisations, sélections

Mediation, value and selection

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Publié le mercredi 28 octobre 2015

Résumé

Comment le travail non qualifié – un travail sans qualités ou plutôt dont les qualités sont considérées comme sans valeur ou de faible valeur – fait-il l’objet d’échanges ? C’est la question centrale de ce colloque, où l’on privilégie une entrée analytique en termes de spécificités du marché du travail non qualifié, sans postuler pour autant l’homogénéité d’un tel marché. En s’intéressant aux acteurs de l’échange (employeurs ou recruteurs, travailleurs ou candidats, intermédiaires ou conseillers), aux dispositifs et aux règles sur lesquelles ils s’appuient (principes juridiques, dispositifs publics, nomenclatures, formulaires, mais aussi croyances), l’objectif est de rendre compte du travail d’organisation, de médiation, de mise en valeur et d’évaluation effectué sur ce marché. Ce colloque fournira des appuis empiriques à cette orientation, et visera à renouveler et renforcer la théorisation du marché du travail.

Annonce

Argumentaire

Le travail non qualifié a été largement analysé par les sciences sociales. L’ambition de ce colloque est d’enrichir les connaissances en formulant la problématique en termes de marché(s) du travail non qualifié. De quoi s’agit-il ? Le travail non qualifié est une expression imprécise, qui pointe vers les activités situées au bas des classifications professionnelles, des échelles de rémunération, des hiérarchies de prestige. Sont ainsi désignées des activités de travail (par exemple la simplicité des tâches, l’importance de la prescription), des conditions d’emploi (notamment un bas niveau de salaire ou un statut dégradé), ou des caractéristiques des travailleurs (comme l’absence de diplôme ou un faible niveau de formation). Cette plasticité du travail non qualifié conduit à considérer la non-qualification comme le produit d’un rapport social, de déqualification ou de disqualification, comme le résultat d’une valorisation faible ou négative, comme le signe d’une absence de reconnaissance.

Comment le travail non qualifié –un travail sans qualités ou plutôt dont les qualités sont considérées comme sans valeur ou de faible valeur- fait-il l’objet d’échanges ? Comment s’effectuent les rencontres et les évaluations sur ce marché ? Telles sont les interrogations centrales qui président à l’organisation de ce colloque, où l’on privilégie une entrée analytique en termes de spécificités du marché du travail non qualifié, sans postuler pour autant l’homogénéité d’un tel marché. En s’intéressant aux acteurs de l’échange (employeurs ou recruteurs, travailleurs ou candidats, intermédiaires ou conseillers), aux dispositifs et aux règles sur lesquelles ils s’appuient (principes juridiques, dispositifs publics, nomenclatures, formulaires, mais aussi croyances), l’objectif est de rendre compte du travail d’organisation, de médiation, de mise en valeur et d’évaluation effectué sur ce marché. Ce colloque fournira des appuis empiriques à cette orientation, et visera, au-delà, à renouveler et renforcer la théorisation du marché du travail.

En première approche, quelques traits saillants sont souvent associés au marché du travail non qualifié : main d’œuvre abondante, conditions d’emploi précaires, turn-over élevé, forte substituabilité des actifs. Ces propriétés méritent d’être mises à l’épreuve d’enquêtes précises. Une autre hypothèse, non contradictoire, peut être avancée, selon laquelle le marché du travail non qualifié se caractérise par un déficit de repères pour les acteurs qui cherchent à exposer leur employabilité et à la valoriser (les demandeurs d’emploi), ou qui produisent tris et classements dans les opérations de recrutement (les employeurs), ou qui contribuent à rapprocher et à mettre en relation les parties (les intermédiaires). S’ils ne peuvent s’aider des signaux classiques (diplômes, qualifications, classifications, savoir-faire codifiés, etc.) pour s’orienter il leur faut produire une information nouvelle ou différente et la faire reconnaitre comme pertinente ou significative. Ils doivent, en un mot, travailler le marché.

Le marché du travail non qualifié doit aussi être exploré dans son hétérogénéité. Celle-ci est assez évidente, si l’on note que le poste de travail en jeu peut concerner un employé de libre-service, un manutentionnaire, une assistante maternelle, un coursier, un aide-maçon, un opérateur de saisie informatique, un déménageur, un serveur, une aide-ménagère, un ripeur, une vendeuse de prêt-à-porter, un bagagiste, un conducteur de taxi-vélo, d’un conditionneur, une hôtesse d’accueil, un caissier d’hypermarché, un commis de cuisine, un agent de surveillance, etc. Chacun de ces cas a ses singularités, en termes de volume de main d’œuvre disponible, de mécanismes de recrutement, d’ampleur des turn over, de routines de recherche d’emploi, de propriétés des intermédiaires, de modes de mise en relation, d’éventail de qualités pertinentes, etc. On peut aussi avancer que cette diversité est d’autant plus grande que les repères codifiés qui pourraient permettre de décrypter une offre d’emploi, de comparer des candidatures, d’évaluer l’ajustement entre les deux, de favoriser l’intercompréhension, de soutenir la coordination, sont faibles et tendent à manquer. Il faut donc analyser dans des cas précis comment des repères sont produits, testés, mobilisés, éprouvés, discutés, abandonnés.

L’objectif poursuivi est aussi d’identifier des mécanismes sous-jacents, repérables à travers des cas variés, permettant de progresser dans la théorisation des régulations du/des marché/s du travail non qualifié. Ces régulations peuvent être saisies de diverses manières, et à ce stade on suggérera quelques pistes d’analyse (non exhaustives).

  • Les cadrages institutionnels

Le travail non qualifié est un ensemble flou mais solidement institué : il fait l’objet de cadrages institutionnels (politiques publiques, schèmes interprétatifs, codifications normatives, systèmes de croyances) qui contribuent à le nommer et le consolider. L’attribution (explicite ou implicite) d’une attractivité insuffisante est un enjeu central de ces cadrages. Il conviendrait d’interroger la façon dont les théories économiques peuvent contribuer à les nourrir et les programmes politiques à s’en emparer. De multiples ciblages configurent le travail non qualifié : après les « bas niveaux de qualification » d’autres catégories ont émergé qui signalent un déficit d’attractivité (jeunes sans diplômes, habitants des ZUS, chômeurs de longue durée, bas salaires, etc.). Comment évoluent ces définitions au cours du temps ? Sont-elles identiques d’un pays à l’autre ? Quelles actions de compensation sont engagées pour répondre à ces déficits (allégements du coût du travail, défiscalisation, allocations compensatrices) et avec quels résultats ? Dans quelle mesure ces actions contribuent-elles à nourrir la croyance en l’existence d’un marché à part, caractérisé par ces manques (de productivité, de solvabilité, d’attractivité) justifiant la mise en œuvre de politiques compensatrices ?

  • Le travail de signalement

La mise en évidence, et en valeur, des qualités des emplois et des individus est délicate. Dès lors, comment les entreprises et les actifs s’y prennent-ils pour se « signaler » sur ce marché ? Comment négocier ses « manques », comme une faible rémunération, des conditions de travail éprouvantes, des horaires atypiques, ou comme une absence de diplôme, un parcours erratique, une longue période de chômage ? Quelles informations sont produites, consignées, publicisées ou escamotées dans les étapes du travail de signalement, que ces informations concernent les offres d’emploi (description des conditions de travail, formulation d’exigences, modes de rétribution, contraintes de l’activité, etc.), ou les candidatures (rédaction des CV, mise en mots de son activité, identification des métiers ou des domaines, attachement à des propriétés comme les horaires, la distance domicile-travail, le contenu de l’activité, etc.) ? Au-delà de l’attention aux formats des informations, on peut aussi s’interroger, par exemple, sur la façon dont circulent les offres d’emploi non qualifié, ou sur les manières dont se déroulent la recherche d’emploi, qu’on la considère à partir des conduites des individus en quête d’emploi ou des organismes de conseil et de soutien à la recherche d’emploi. Comment cerner, dans ce cadre, le rôle des réseaux de relations ?

  • Le travail d’évaluation

Quand les repères sont incertains, comment les sélections sont-elles réalisées, comment les emplois et les actifs sont-ils étalonnés ? Qu’est-ce qui fait la valeur, comment est-elle pesée ? Comment les acteurs –employeurs, intermédiaires et actifs- repèrent-ils et produisent-ils des informations appropriées ? L’absence de repères codifiés n’ouvre-t-elle pas vers l’invention et la mobilisation de critères peu précis, et largement indicibles : des compétences floues ou low skills, des qualités comme d’être digne de confiance, de bien présenter, de se plier à un travail routinier, de résister à un travail éprouvant, etc. ? Il importe aussi d’explorer la gamme des routines et des expérimentations qui sont destinées à révéler et mesurer des qualités rétives à la formalisation : par exemple les pratiques de jobdating, d’informations collectives, d’immersion en milieu de travail, de questionnaires visant à saisir la teneur des expériences. Le caractère protéiforme du travail d’évaluation invite aussi à identifier ses grands principes de variation : selon les secteurs concernés ou les postes en jeu, selon les étapes des processus de rapprochement, selon les positions de acteurs. Au-delà, quels sont les effets de ces variations sur le rôle et le poids de chaque protagoniste dans les évaluations croisées ?

  • Le travail de médiation

Le repérage des qualités des actifs comme des emplois étant particulièrement difficile, cela conduit à interroger le rôle des intermédiaires dans la production d’appuis au jugement et dans l’explicitation de qualités invisibles d’emblée. Quelles sont alors les spécificités du travail de médiation : la proximité territoriale permet-elle de produire crédibilité et confiance dans les conseils et garanties formulés ; la spécialisation sectorielle et la logique de niche alimentent-elles des expertises qui enrichissent les informations et facilitent les appariements ? La médiation prend-t-elle d’autres formes, destinées à contourner le rôle du CV, à favoriser des interactions plus directes entre les protagonistes, et à lester ces derniers en informations supplémentaires sur les qualités de la main d’œuvre comme sur les caractéristiques du travail (mises à l’essai, sélections sur le tas, recours à des réseaux de relations interpersonnelles, aux expériences de mise au travail, etc.) ? Plus généralement, quelles sont les propriétés des intermédiaires du travail non qualifié : quels sont les rôles respectifs des intermédiaires généralistes et des intermédiaires spécialisés ; quelle est la place des intermédiaires non professionnels ou institutionnels, dans ces configurations ?

  • La fragilité des relations d’emploi

Si l’incertitude sur les qualités (des emplois et des actifs) est au centre des opérations d’appariement, il faut aussi se demander comment elle se transporte, ou se transforme, sur les lieux de travail et au cœur des relations d’emploi. De multiples éléments concourent à la faiblesse de celles-ci : fragilité des contrats, fréquence des mobilités, pénibilité du travail, forte substituabilité de la main d’œuvre, etc. Saisie au plan des parcours individuels comme à celui des modes de gestion de la main d’œuvre, l’instabilité de ces relations apparaît-elle comme un trait saillant du travail non qualifié ; ne connaît-elle pas des variations d’amplitude dont il faut rendre compte ; comment les différents acteurs l’intègrent-ils et quelles significations lui attribuent-ils (opportunité, difficulté, fatalité, etc.) ? On peut aussi se demander, en transférant aux situations de travail des questions envisagées précédemment : comment les qualités espérées ou identifiées, argumentées ou mises en avant, s’éprouvent-elles dans le cours de la relation d’emploi ; comment les qualités indicibles, relatives au salarié comme au poste de travail, prennent-elles consistance et épaisseur ; comment le déficit de repères évolue-t-il dans le flux du travail ?

Les pistes proposées ici ne sont pas exclusives les unes des autres, et elles n’épuisent pas les questionnements possibles. Les propositions attendues devront dessiner une analyse des conditions dans lesquelles s’effectue la mise en marché du travail non qualifié. Elles montreront comment elles varient sur des segments de marché, caractérisables par des cadres juridiques et institutionnels plus ou moins spécifiques, par les activités des demandeurs, offreurs et intermédiaires, par les relations nouées entre ces acteurs, etc. Il est attendu que ces questions soient saisies à partir de fondements théoriques diversifiés, d’enquêtes empiriques solides, de méthodologies aussi bien statistiques que qualitatives, et de traditions disciplinaires plurielles.

Modalités de soumission

Les propositions de communication (4.000 à 6.000 signes) devront être envoyées en pièce jointe aux adresses des deux organisateurs du colloque :

  • didier.demaziere@sciencespo.fr
  • emmanuelle.marchal@sciencespo.fr

Calendrier

  • Réception des propositions de communication : le 10 décembre au plus tard

  • Information sur la sélection retenue : le 10 janvier 2016 au plus tard
  • Date limite d’envoi des communications (50.000 signes max.) : le 30 avril au plus tard
  • Date du colloque, qui se déroulera à Paris : 9 et 10 juin 2016

Comité scientifique

Le comité scientifique procèdera à la sélection des propositions de communication ainsi qu’à l’animation du colloque.

Le comité est composé de :

  • Jérôme Gautié (économiste, Université de Paris I),
  • Jean-Yves Kerbouch (juriste, Université de Nantes),
  • Léa Lima (sociologue, Cnam),
  • Jean-François Oriane (sociologue, Université de Liège),
  • Géraldine Rieucau (économiste, Université de Paris VIII),
  • Marc Zune (sociologue, Université de Louvain la Neuve),

et les organisateurs

  • Didier Demazière et Emmanuelle Marchal (sociologues, Sciences Po).

Dates

  • jeudi 10 décembre 2015

Fichiers attachés

Mots-clés

  • travail non qualifié, marché du travail, valorisation, sélection

Contacts

  • Didier Demazière
    courriel : didier [dot] demaziere [at] sciencespo [dot] fr
  • Emmanuelle Marchal
    courriel : emmanuelle [dot] marchal [at] sciencespo [dot] fr

Source de l'information

  • Didier Demazière
    courriel : didier [dot] demaziere [at] sciencespo [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Les dynamiques du marché du travail non qualifié », Appel à contribution, Calenda, Publié le mercredi 28 octobre 2015, https://doi.org/10.58079/tk5

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