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Revenants

Prochain numéro de la revue Socio-anthropologie

Next issue of the Socio-anthropologie journal

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Publié le mercredi 28 octobre 2015

Résumé

Un revenant, c’est un disparu qui revient pour réclamer son dû. Le revenant personnifie, en ce sens, le symptôme d’un malaise que la communauté ne peut plus retenir ni contenir : celle-ci est sommée, par l’apparition, d’intégrer symboliquement, suivant un ensemble réglé de rituels et un effort collectif de remémoration, ses réquisits. Walter Benjamin avait observé que, selon la tradition, toute communauté, toute société accorde à un mourant, même si c’est « le plus pauvre de tous les diables », de transmettre son expérience, de narrer son histoire, de manière à ce que celle-ci puisse ne pas être oubliée, que d’autres générations pourront s’en souvenir, se la remémorer.

Annonce

Coordonné par Marc Berdet et Gérard Dubey

Argumentaire

Un revenant, c’est un disparu qui revient pour réclamer son dû. Le revenant personnifie, en ce sens, le symptôme d’un malaise que la communauté ne peut plus retenir ni contenir : celle-ci est sommée, par l’apparition, d’intégrer symboliquement, suivant un ensemble réglé de rituels et un effort collectif de remémoration, ses réquisits. Walter Benjamin avait observé que, selon la tradition, toute communauté, toute société accorde à un mourant, même si c’est « le plus pauvre de tous les diables », de transmettre son expérience, de narrer son histoire, de manière à ce que celle-ci puisse ne pas être oubliée, que d’autres générations pourront s’en souvenir, se la remémorer. Les fantômes des sociétés modernes ne viennent-ils pas de ce que ce droit est refusé à des franges entières de leurs populations ? De ce qu’on accorde pas même à « un pauvre diable » le droit d’articuler sa propre histoire, de la transmettre à ceux qui voudraient bien écouter ? La tragédie des migrants d’aujourd’hui n’aurait-elle pas ici l’une de ses racines ?

Les anthropologues et les historiens de la mort ont bien souvent mis l’accent sur la difficulté des modernes à intégrer leurs ancêtres dans un système symbolique qui leur rendait justice, et les sociologues, de plus en plus, se questionnent (après les psychanalystes) sur ce malaise dans la civilisation dû à une double exclusion : non seulement l’exclusion de plus en plus connue, dans les mécanismes de régulation sociale, d’un certain nombre d’individus (des esclaves d’hier aux sans-papiers d’aujourd’hui) ; mais aussi le refoulement moins étudié, dans ces mêmes mécanismes, de la violence sociale qui a été à l’origine d’une telle ségrégation, qui a produit des citoyens de seconde zones, fantomatiques de leur vivant avant de l’être post-mortem.

Nous pouvons constater cette réalité à ses effets, et les rassembler sous le terme de « revenance », qui renvoie tout autant à l’état affectif intense provoqué par l’apparition que les raisons structurelles de cette apparition : la violence sociale refoulée ou non résolue qui trouve là à s’exprimer. Le revenant renvoie à une réalité objective, une présence réelle (même si elle n’est pas tangible en termes empiriques) qui travaille toute société en exigeant l’attention des vivants et en appelant à une action collective.

Le phénomène de « revenance » voisine avec d’autres faits sociaux et anthropologiques plus connus et aussi divers que les rites funéraires, le malaise civilisationnel, l’exclusion sociale, les traumatismes historiques, ou encore – plus politique – le monopole de la violence d’Etat, la violence totalitaire ou encore le capitalisme racial. Avec ce terme, on peut aussi retrouver le délicat entrelacement des temps dont la surdétermination évolutionniste du terme de survivance (dont Marcel Mauss, pourtant, se servait dans une perspective anthropologique que l’on ne peut soupçonner d’ethnocentrisme) nous avait privé : « revenance » indiquerait alors à la fois un présent troublé par les remous du passé (loin d’un présent « moderne » et purifié de sa propre préhistoire, comme s’il pouvait se débarrasser de tout anachronisme) en même temps qu’un passé troublé par les vagues du présent (plutôt que la présence intacte d’archétypes purs que le présent laisserait inchangés).

La socio-anthropologie peut montrer ce double jeu du présent rendu impur par le passé et du passé rendu impur par le présent, et mettre en valeur l’entrechoc du passé et du présent au sein des phénomènes sociaux, peut-être, parmi les plus importants. Elle peut, avec la sociologie, réinscrire ces phénomènes dans l’histoire sociale (ce n’est pas n’importe quel passé qui surgit à ce moment précis) et, avec l’anthropologie, leur rendre leur valeur générale (toute société vit ces téléscopages et cet enchevêtrement du passé et du présent). Aux côtés de la psychanalyse ou des psychologies de la profondeur, on pourrait enfin rapprocher la revenance de la scène du trauma, qui va jusqu’à bloquer le présent, l’obligeant à faire du sur-place tant que l’expérience terrible qui a été refoulée ne sera pas totalement remémorée. Car en tant qu’appel que le passé fait, au sein du présent, à l’avenir, la revenance disloque elle aussi la continuité du vécu. Elle inquiète la continuité de notre expérience présente (ou « présentiste »), mais elle perturbe aussi les séquences connues du passé, et elle brise, ce faisant, les droites perspectives de l’avenir. La revenance a ainsi quelque chose à voir avec des temps originaires compris non pas comme les débuts préhistoriques d’une histoire révolue (vision positiviste), mais comme présence souterraine toujours agissante (vision plus dialectique) : cette origine exige d’être reconnue à la fois comme une restauration, mais aussi comme quelque chose d’inachevé, les vivants devant à la fois restituer la part des morts mais aussi tenir les promesses dont ces derniers ont été frustrés. Aussi la revenance correspond-elle encore à un retour des promesses mort-nées.

La démarche socio-anthropologique (à laquelle participent sociologues, anthropologues, mais aussi historiens, archéologues et philosophes) qui, aux règles savantes de l’objectivation scientifique et de la distanciation sans empathie, préfère une méthode compréhensive, sensible à « l’humanité dans des conditions de déshumanisation » (Michael Taussig), est à même d’aborder le phénomène spectral dans les sociétés contemporaines. C’est ce champ que ce numéro de Socio-anthropologie voudrait ouvrir ici, contribuant à sa manière au « tournant spectral » (spectral turn) qui pointe depuis quelques années dans le monde anglo-saxon, sans avoir encore trouvé de résonance dans l’hexagone.

Modalités de soumission

Envoyez vos propositions (3 500 signes maximum espaces compris)

avant le 15 janvier 2016 à :

Marc Berdet ou à Gérard Dubey

Comité de rédaction

  • Irène Bellier (LAIOS/IIAC/CNRS),
  • Pierre Bouvier (LAIOS/IIAC/CNRS),
  • Florent Gaudez (université Pierre-Mendès-France, Grenoble),
  • Anne Monjaret (LAHIC/IIAC/CNRS),
  • Thierry Pillon (université Paris 1),
  • Sophie Poirot-Delpech (université Paris 1),
  • Valérie Souffron (université Paris 1).

Comité scientifique

  • Marc Abélès (anthropologue, EHESS),
  • Allen Batteau (anthropologue, Wayne State University),
  • Mathilde Bourrier (sociologue, université de Genève),
  • Christiana Constantopoulou (sociologue, université Panteion d’Athènes),
  • Sylvie Craipeau (sociologue, Institut Mines-Télécom, TEM),
  • Arlette Farge (historienne, EHESS),
  • Alain Gras (sociologue, université Paris 1),
  • Frédéric Gros (philosophe, université Paris-Est de Créteil),
  • Xavier Guchet (philosophe, université Paris 1),
  • François Jarrige (historien, université de Bourgogne),
  • Yoshimi Kakimoto (philosophe, université d’Osaka),
  • Céline Lafontaine (sociologue, université de Montréal), J
  • ean-Luc Metzger (sociologue, Orange Labs),
  • Glaucia Olivera da Silva (anthropologue, université Fédérale Fluminense),
  • Bernard Paulré (économiste, université Paris 1),
  • Barbara Pentimalli (sociologue, université La Sapienza de Rome),
  • Susan C. Rogers (anthropologue, New York University),
  • Victor Scardigli (sociologue, CNRS),
  • Joseph Tonda (anthropologue, université Omar Bongo de Libreville),
  • Georges Vigarello (historien, EHESS).

Catégories


Dates

  • vendredi 15 janvier 2016

Mots-clés

  • socio-anthropologie, revenant, spectre, mort, disparu, survivance, trauma, spectral turn

Contacts

  • Marc Berdet
    courriel : marcberdet [at] gmail [dot] com

Source de l'information

  • Marc Berdet
    courriel : marcberdet [at] gmail [dot] com

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Revenances », Appel à contribution, Calenda, Publié le mercredi 28 octobre 2015, https://doi.org/10.58079/tkx

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