Announcement
Argumentaire
Depuis une vingtaine années, on a vu se développer les publications sur la littérature de jeunesse qui abordent cette production à partir de divers angles historiques. Ces études privilégient généralement la période coloniale ou les périodes de conflit, et s’intéressent principalement à la question de la propagande : élaboration d’une culture coloniale ou d’une culture de guerre à destination de l’enfance. Parmi ces titres, La guerre des enfants : 1914-1918 de S. Audoin-Rouzeau (1993), plus récemment, Enfants en temps de guerre et littératures de jeunesse XXe-XXIe siècles sous la direction de C. Milkovitch-Rioux et alii (2013) ou Enfance et colonies : fictions et représentations (numéro de la revue en ligne Strenæ, sous la direction de Mathilde Lévêque, 2012). Tout en s’inscrivant dans le prolongement de ces travaux, ce numéro d’Amnis souhaite lancer une réflexion qui touche plus particulièrement à l’écriture de l’histoire pour la jeunesse.
Le sujet est vaste, l’objet complexe. Les supports et genres concernés sont multiples (fictions, biographies, albums, B.D., collections spécialisées, etc.) et les publics visés variés (petite enfance, adolescence, filles, garçons). Pour appréhender cette production, on peut s’interroger en premier lieu sur sa vocation exacte. Si dans certaines périodes, elle cherche avant tout à éduquer et à convaincre pour embrigader, qu’en est-il de façon plus générale ? Qu’elle accompagne, remédie ou conteste l’enseignement de l’histoire à l’école, elle doit – pour séduire le lecteur et l’acheteur potentiel – développer des formules différentes de celles proposées par l’institution scolaire. De fait, si les formats et les collections dédiées à cette littérature contribuent à l’identifier, quels objets privilégie-t-elle ? Cécile Boulaire souligne, par exemple, « l’étrange et parfois dérangeante fascination de la littérature enfantine contemporaine pour le contexte de la seconde guerre mondiale, […] un silence gêné sur les événements a cédé le pas à une forme parfois voyeuriste d’escalade dans l’évocation des pires abjections » (compte rendu àEnfants en temps de guerre et littératures de jeunesse (XXe-XXIe siècles), Strenæ, n° 7, 2014). Comment faire comprendre aux enfants ce que furent les camps de concentration et d’extermination, l’expérience d’une violence extrême sans l’édulcorer (ainsi, Auschwitz expliquée à ma fille [1999] d’A. Wieviorka) ?
Ces questions invitent à dépasser la distinction entre une littérature longtemps jugée « petite », « basse » – la littérature pour la jeunesse – et des formes « nobles », « hautes », comme l’histoire ou la littérature. Un tel parti pris tend en effet à appréhender l’écriture de l’histoire pour la jeunesse comme relevant d’une forme d’hybride, mêlant récit historique et récit pour la jeunesse, soit deux modes de narration que l’on poserait a priori comme difficilement compatibles. Historiquement, cette opposition ne tient pas. Dès ses origines, le livre destiné au jeune lecteur a vocation éducative ; l’idée de « déscolariser la lecture au nom du plaisir de lire » n’est que très récente (C. Chelebourg et F. Marcoin, La Littérature de jeunesse, 2007). Il est donc essentiel d’historiciser l’approche du phénomène. En 1788, l’abbé Barthélémy publie Le Voyage du jeune Anacharsis en Grèce, dans le milieu du quatrième siècle avant l'ère vulgaire, récit conçu sur le modèle du « tour », où l’abbé présente à ses jeunes lecteurs l’ensemble des connaissances acquises sur la Grèce antique. « J’ai composé un voyage plutôt qu’une histoire », annonce l’auteur, construction que ses détracteurs lui reprochent puisqu’elle suscite un mélange entre personnages historiques de premier plan et personnages secondaires fictifs. Au XIXe siècle, une même réticence persiste. Avec pas moins de cent soixante-dix titres publiés et douze millions de livres vendus, le célèbre éditeur pour la jeunesse, Samuel G. Goodrich, inonde le marché nord-américain de ses ouvrages d’histoire illustrée. Leur succès tient à une double recette : la présence d’un narrateur, un vieil homme, « qui a vu beaucoup de choses », Peter Parley, et le souci de ne jamais évoquer un sujet sans l’avoir illustré, sous forme de planches de très grande qualité. Même si aujourd’hui ses ouvrages ressemblent à d’austères manuels d’histoire, Goodrich admettait ironiquement : « Moi, qui avais entrepris d’enseigner la vérité, j’étais obligé de confesser que mon système avait la fiction pour fondation ! ».
Ces différents questionnements ont nourri la pensée et les ouvrages de Thierry Aprile (1961-2013). C’est à ce professeur, historien et écrivain pour la jeunesse, que ce numéro d’Amnis souhaite rendre hommage. Comme l’écrit Laurence de Cock : Thierry Aprile avait « la conviction que la mise en forme de l’histoire et l’efficacité de sa transmission passaient par une trame narrative, pourquoi pas dramaturgique, rythmée par des personnages qu’il pouvait qualifier de “grands” et campée dans un décor volontiers – quoi que non exclusivement – national. » (http://aggiornamento.hypotheses.org/1299) Auteur de six ouvrages parus chez Gallimard Jeunesse, Thierry Aprile engage – conformément au titre de la collection – les jeunes lecteurs à se lancer « sur les traces » d’Aladdin (2001), des Pirates (2009), de Louis XIV (2010) et des Esclaves (2011) ; dans un autre format, mettant en scène l’écriture enfantine (collection « Le journal d’un enfant »), il a réinventé les mots de Rose, fille d’un poilu, pour traduire son regard sur la Grande Guerre (2004) et, en 2005, il a prêté sa voix à Joseph, enfant du Creusot, témoin de la révolution industrielle (1868-1872).
On a souvent montré la dimension nationaliste, colonialiste, raciste et sexiste de la littérature de la littérature pour la jeunesse. Thierry Aprile était de ceux qui contraient systématiquement ces inflexions dans le choix de ses sujets et de ses personnages. Dans Pendant la Grande Guerre, la petite Rose lui permet de développer un regard aimant mais critique sur son frère Jean et ses élans patriotiques. Le 13 mars 1919, Rose écrit dans son journal : « Jean a été démobilisé le 15 février, il est maintenant avec nous à Paris. Mais il n’est plus comme avant. »
Axes de réflexion
1/ Écrire l’histoire pour la jeunesse. Vocation et stratégies.
- Le rapport vérité et fiction, un rapport spécifique dans la littérature pour la jeunesse ?
- Écrire l’histoire du point de vue de l’enfant.
- Modalités et fonctions du recours à l’image.
- Comment l’écriture de l’histoire mobilise-t-elle des genres comme le récit d’aventures, la robinsonnade, le conte, etc. ?
- L’invention de nouveaux modes narratifs ?
2/ Littérature pour la jeunesse, idéologie, propagande et militantisme.
- Missions politiques et sociales de la littérature pour la jeunesse : la construction d’une culture coloniale ou d’une culture de guerre (ou tout autre culture) à destination de la jeunesse.
- La construction de héros à l’usage de la jeunesse (par exemple, biographies de grandes figures afro-américaines, comme Harriet Tubman, dès le début de la guerre froide aux États-Unis) ou relectures (postcoloniales, par exemple) de certaines grandes figures historiques.
- La littérature pour la jeunesse, lieu de remédiation culturelle, compensant le déficit de transmission au sein de l’institution scolaire (pour les groupes minoritaires, en particulier) ?
3/ La littérature pour la jeunesse et le récit historique, influences réciproques.
- Fonctionnement spécifique du double destinataire (l’enfant lecteur et l’adulte acheteur) ?
- De nouvelles façons d’aborder les questions de genre (gender) ?
- L’archive, son inscription dans la littérature pour la jeunesse.
Modalités pratiques d'envoi des propositions
Les personnes souhaitant participer à ce nouveau numéro de la revue Amnis devront adresser,
le 15 octobre 2016 au plus tard,
une proposition d’article d’une trentaine de lignes (en français, en anglais ou en espagnol), accompagnée d’un Curriculum Vitae, à l’adresse suivante : amnis@revues.org. Les articles acceptés seront à remettre le 30 avril 2017 au plus tard. Après avoir été soumis au comité scientifique et à deux rapporteurs externes, les articles seront publiés sur le site de la revue (http:/amnis.revues.org) dans le courant de l’année 2017.
Responsabilité scientifique
Crystel Pinçonnat, Professeur des Universités, Aix Marseille Université
Argument
The past two decades have seen an increase in the number of publications in France on the subject of youth literature, which have approached the subject from various historical angles. Generally tending to favour the colonial period or periods of conflict and mainly focusing on the issue of propaganda, these studies have examined the creation of a colonial or war culture for children. Most notable among these studies are La guerre des enfants: 1914-1918 (The children’s war: 1914-1918) by Stéphane Audoin-Rouzeau (1993) and, more recently, Enfants en temps de guerre et littératures de jeunesse XXe-XXIe siècles (Wartime children and youth literature from the 20th-21st centuries), edited by Catherine Milkovitch-Rioux et al (2013), and Enfance et colonies: fictions et représentations (Children and colonies: stories and representations) (volume 3 of the online journal Strenæ, edited by Mathilde Lévêque, 2012). In an extension of these studies, this volume of Amnis aims to invite discussion more specifically on the writing of history for young people.
Since this topic is so vast, the aim is complex. There are many media and genres (fiction, biographies, anthologies, comic books, specialised collections, etc.), and the target audiences are very varied (early childhood, adolescence, boys, girls). To understand these works, it is useful to first reflect on what their precise mission is. It is clear that, during certain periods in history, they have primarily sought to educate and persuade in order to indoctrinate, but what about more generally? Regardless of whether they complement, rectify or challenge the teaching of history in schools, they have to – in order to appeal to the potential reader and purchaser – develop different formulae from those offered in educational establishments. They may be easily identified by their formats and special collections, but what subjects do they tend to prefer? Cécile Boulaire points out ‘contemporary children’s literature’s strange and sometimes disturbing fascination with the Second World War period, […] [where] an embarrassed silence about the events has given way to a sometimes voyeuristic form of expropriation of the worst ignominies’[1] (review of Enfants en temps de guerre et littératures de jeunesse [XXe-XXIe siècles] [Children in times of war and youth literature (20th-21st centuries)],Strenæ, 7, 2014). How can you make children understand about the concentration camps, about what it was to experience such extreme violence, without toning it down (see, for example, Auschwitz expliquée à ma fille [Auschwitz explained to my daughter][1999] by Annette Wieviorka)?
These questions invite us to go beyond the distinction between a literature that has long been judged ‘minor’ or ‘lowbrow’ – youth literature – and the more ‘noble’, high-brow’ forms, such as history and literature. Such a standpoint tends to understand history writing for young people as being based on a hybrid form that combines historical tales with stories for young people, that is to say two narrative modes that should a priori sit uneasily together. Historically speaking, this opposition does not hold up. From their earliest origins, books aimed at the young reader have had an educational role. The whole idea of ‘removing reading from the educational system in the name of reading for pleasure’ (Christian Chelebourg and Francis Marcoin, La Littérature de jeunesse [Youth literature], 2007) is only a very recent one. It is therefore essential to historicise the approach to the phenomenon. In 1788, Jean-Jacques Barthélémy published Le Voyage du jeune Anacharsis en Grèce, dans le milieu du quatrième siècle avant l'ère vulgaire (Travels of Anarcharsis the younger in Greece, during the middle of the fourth century before the Christian ære, 1796), which was an account based on the ‘grand tour’ model in which Barthélémy presented his young readers with everything that was known about Ancient Greece at the time. ‘I have put together a voyage rather than a history book,’ said the author. He was criticised for using this construction because it created a mixture of key historical figures and fictional minor characters. This same reticence continued in the 19th century. With no less that one hundred and seventy titles published and twelve million books sold, the famous publisher of children’s literature, Samuel G. Goodrich, flooded the North American market with their illustrated history books. Their success lay in two key ingredients. One was the presence of a narrator, Peter Parley, an old man ‘who has seen a great many things’, and the other was their determination to never refer to a subject without depicting it in large, high-quality illustrations. While these books may look like serious history textbooks to us today, Goodrich wryly admitted: ‘I, who had undertaken to teach truth, was forced to confess that fiction lay at the foundation of my scheme!’
These different issues have inspired the thoughts and works of Thierry Aprile (1961-2013). This volume of Amnis pays tribute to this professor, historian and youth literature writer. As Laurence de Cock wrote, Thierry Aprile had ‘the belief that the formatting of history and the effectiveness of its transmission came through a narrative, or even a dramaturgical, framework, punctuated by characters that he described as ‘main’, willingly portrayed in a – albeit not exclusively – national setting’ (http://aggiornamento.hypotheses.org/1299). Author of six works published by Gallimard Jeunesse, Thierry Aprile encourages his young readers to follow – as the title of the collection suggests – ‘in the footsteps’ of Aladdin (2001), the Pirates (2009), Louis XIV (2010) and the Esclaves (Slaves) (2011). In 2004, in a different format, producing childish writing (‘Le journal d’un enfant’ [The diary of a child] collection), he reinvents the words of Rose, the daughter of a First World War soldier, to convey her gaze in relation to the Great War. In 2005, he lends his voice to Joseph, a boy from a town called Le Creusot in eastern France, who witnessed the industrial revolution (1868-1872).
While the nationalist, colonialist, racist and sexist dimensions of youth literature have often been pointed out, Thierry Aprile was one of those authors who systematically countered these deviations in his choice of topics and characters. In Pendant la Grande Guerre (During the Great War), for example, the young Rose allows him to develop a loving but critical gaze in relation to her brother Jean and his patriotic fervour. On 13 March 1919, Rose writes in her diary: ‘Jean was demobbed on 15 February, he is now with us in Paris. But he is not like he was before’.
Areas for discussion
1/ Writing history for young people: mission and strategies.
- The relationship between truth and fiction: is there a specific relationship in youth literature?
- Writing history from the child’s point of view.
- Methods and functions of using images.
- How does history-writing mobilise genres like adventure stories, desert-island-type stories, fairy tales, etc.?
- The invention of new narrative modes?
2/ Youth literature: ideology, propaganda and militancy.
- The political and social missions of youth literature: the construction of a colonial or war culture (or any other culture) aimed at young people.
- The construction of heroes intended for young people (for example, biographies of key Afro-American figures, like Harriet Tubman, from the beginning of the Cold War in the United States) or the reinterpretation (postcolonial, for example) of certain key historical figures.
- Is youth literature a space for cultural remediation, making up for the transmission deficit that exists within the school system (for minority groups, in particular)?
3/ Youth literature and the historical account: reciprocal influences.
- Specific functioning of the dual market (the child reader and the adult purchaser)?
- New ways of tackling gender issues?
- The archives: their inscription in youth literature.
Submission guidelines
Abstracts (a presentation of the article in 30 lines) can be written in French, Spanish or English. They are to be sent to the following address
before October 15th, 2016:
amnis@revues.org. The author, whose proposal has been accepted, has to submit their entry by April 30th, 2017. The articles, after being checked by the Scientific Committee and two external reviewers, will be published on the journal's website, (http://amnis.revues.org) in 2017.
Editor
Crystel Pinçonnat, Professeur des Universités, Aix Marseille Université
[1] All French quotations have been translated.
Argumento
Desde hace unos veinte años, se van incrementando los estudios históricos que analizan la literatura para la juventud. Estas publicaciones privilegian generalmente el período colonial o los períodos de conflicto y se centran principalmente en la cuestión propagandística: elaboración de una cultura colonial o de una cultura de guerra destinada a la infancia. Se destacan, en particular, obras como La guerre des enfants : 1914-1918 de S. Audoin-Rouzeau (1993), más reciente, Enfants en temps de guerre et littératures de jeunesse XXe-XXIe siècles bajo la dirección de C. Milkovitch-Rioux y alii (2013) o Enfance et colonies : fictions et représentations (número de la revista online Strenæ, bajo la dirección de Mathilde Lévêque, 2012). Siguiendo la línea trazada por estos estudios, este número de Amnis desea establecer una reflexión sobre la escritura de la historia para la juventud.
El tema es amplio, el objeto de estudio complejo. Los soportes y géneros involucrados son múltiples (ficciones, biografías, libros-álbum, cómics, colecciones especializadas, etc.) y su público variado (primera infancia, adolescencia, chicas, chicos). Para comprender esta producción podemos interrogarnos en primer lugar sobre su propósito exacto. Si en ciertos períodos busca sobre todo educar y convencer para enrolar, ¿cuál es su propósito de manera más general? Ya sea que acompañe, remedie o cuestione la enseñanza de la historia en la escuela, esta producción debe desarrollar -para seducir al lector y al comprador potencial- fórmulas distintas a las formuladas por la institución escolar. De hecho, si los formatos y las colecciones dedicadas a esta literatura contribuyen a identificarla ¿cuáles son los elementos que privilegia? Cécile Boulaire subraya por ejemplo, « la extraña y a veces molesta fascinación de la literatura infantil contemporánea por la Segunda Guerra Mundial, […] un incómodo silencio sobre los acontecimientos ha dado paso a una forma “voyeurista” cada vez más intensa cuando se evocan las peores abyecciones» (acta de Enfants en temps de guerre et littératures de jeunesse (XXe-XXIe siècles), Strenæ, n° 7, 2014). ¿Cómo hacerles comprender a los niños lo que fueron los campos de concentración y de exterminio, la experiencia de una violencia extrema sin aminorarla (como en Auschwitz expliquée à ma fille [1999] d’A. Wieviorka)?
Estas preguntas invitan a superar la diferencia entre una literatura considerada durante mucho tiempo como « pequeña », « inferior » -la literatura juvenil- y formas « nobles », « altas », como la historia o la literatura. Este tipo de razonamiento tiende a presentar la escritura de la historia para jóvenes como una forma híbrida, que mezcla relato histórico y relato para jóvenes, dos modos de narración que se plantean a priori como difícilmente compatibles. Históricamente esta oposición no se sostiene. Desde sus orígenes el libro escrito para un lector joven tiene como vocación educar; la idea de «desescolarizar la lectura en nombre del placer de leer» es muy reciente (C. Chelebourg et F. Marcoin, La Littérature de jeunesse, 2007). Por tanto resulta esencial analizar el fenómeno dándole un enfoque histórico. En 1788 el Abad Barthélemy publicaba Le Voyage du jeune Anacharsis en Grèce, dans le milieu du quatrième siècle avant l'ère vulgaire,relato concebido como un « tour », donde el sacerdote presenta a sus jóvenes lectores el conjunto de conocimientos adquiridos en la antigua Grecia. «Elaboré un viaje en vez de una historia», señalaba el autor, una construcción que sus detractores le reprocharon, ya que suscitaba una mezcla entre personajes históricos y personajes secundarios ficticios. En el siglo XIX, persiste una reserva similar. Con no menos de ciento setenta títulos publicados y doce millones de libros vendidos, el célebre editor para jóvenes, Samuel G. Goodrich, inunda el mercado norteamericano de sus obras de historia ilustrada. Su éxito se debe a la presencia de un narrador, un anciano «que ha visto muchas cosas», Peter Parley, y al deseo de no evocar jamás un tema sin haberlo ilustrado, a través de láminas de gran calidad. Incluso si hoy día sus obras se parecen a austeros manuales de historia, Goodrich admitía irónicamente: «Yo que quería enseñar la verdad, tuve que admitir que la ficción constituía la esencia de mi modelo».
Todas estas cuestiones y problemáticas han nutrido el pensamiento y la obra de Thierry Aprile (1961-2013). Es a este profesor, historiador y escritor para jóvenes, a quien este número de Amnis desea rendir homenaje. Como escribe Laurence de Cock: Thierry Aprile estaba «convencido de que la configuración de la historia y la eficacia de su transmisión pasaban por una trama narrativa, y por qué no dramatúrgica, marcada por personajes que podía calificar de «grandes» e interpretada en un decorado preferentemente, aunque no exclusivamente, nacional.» (http://aggiornamento.hypotheses.org/1299) Autor de seis obras publicadas en Gallimard Jeunesse, Thierry Aprile, de acuerdo con el título de la colección, incita a los jóvenes lectores a seguir los pasos de Aladdin (2001), de Pirates (2009), de Louis XIV (2010) y de Esclaves (2011). En otro formato, en el que utiliza la escritura infantil (colección «Le journal d’un enfant»), ha reinventado las palabras de Rose, hija de un soldado de la Primera Guerra Mundial, para reconstituir su mirada sobre la Gran Guerra (2004) y, en 2005, dio su voz a Joseph, hijo del Creusot, testigo de la revolución industrial (1868-1872).
A menudo se ha subrayado la dimensión nacionalista, colonialista, racista y sexista de la literatura para jóvenes. Thierry Aprile era de los que se oponían sistemáticamente a estas inflexiones en su elección de temas y personajes. En Pendant la Grande Guerre, la pequeña Rose le permite desarrollar una mirada afectuosa pero crítica sobre su hermano Jean y sus impulsos patrióticos. El 13 de marzo de 1919 Rose escribe en su diario: «Jean ha sido desmovilizado el 15 de febrero, ahora está con nosotros en París, pero ya no es como antes.»
Líneas de reflexión
1/ Escribir la historia para jóvenes. Vocación y estrategias.
- Relación entre la verdad y la ficción, ¿una relación específica en la literatura para jóvenes?
- Escribir la historia desde el punto de vista del niño.
- Modalidades y funciones de la utilización de la imagen.
- ¿De qué forma la escritura de la historia moviliza géneros como el relato de aventuras, el cuento, etc.?
- ¿Invención de nuevos modos narrativos?
2/ Literatura para jóvenes, ideología, propaganda y militancia.
- Misiones políticas y sociales de la literatura para jóvenes: construcción de una cultura colonial o de una cultura de guerra (o de otra cultura) destinada a los jóvenes.
- Construcción de héroes para los jóvenes (por ejemplo, publicación de biografías de grandes figuras afroamericanas, como Harriet Tubman, desde el inicio de la Guerra Fría en Estados Unidos) o relecturas (poscoloniales, por ejemplo) de algunas grandes figuras históricas.
- La literatura para jóvenes, ¿lugar de remediación cultural, que compense el déficit de transmisión en el seno de la institución escolar (para los grupos minoritarios en particular)?
3/ La literatura para jóvenes y el relato histórico, influencias recíprocas.
- ¿Funcionamiento específico del doble destinatario (el niño lector y el adulto comprador)?
- ¿Nuevas formas de tratar las cuestiones de género (gender)?
- El archivo, su inscripción en la literatura para jóvenes.
Modalidades de sumissión
Las propuestas (una presentación del artículo de unas 30 líneas) se redactarán en francés, inglés o castellano. Se mandarán con un currículo vitae
antes del 15 de octubre de 2016
a la dirección siguiente: amnis@revues.org. El autor cuya propuesta haya sido aceptada enviará su estudio para el 30 de abril de 2017. Los artículos, tras ser revisados por el comité científico de la revista y dos evaluadores externos, se publicarán en el portal de la revista (http://amnis.revues.org) en el transcurso del año 2017.
Responsabilidad científica
Crystel Pinçonnat, Professeur des Universités, Aix Marseille Université