Argumentaire
Les institutions sportives entretiennent l’ambiguïté en matière de lutte contre discriminations. Le discours officiel (celui des gouvernements, des fédérations internationales ou nationales, du Comité international olympique mais aussi des collectivités locales ou territoriales…) promeut l’inclusion, le respect de l’autre et de ses différences, le fair-play etc. Cependant, l’organisation du sport fédéral, finalisée par la compétition, la recherche de performance et le classement des nations, des équipes ou des individus, induit une discrimination basée sur la hiérarchie sportive ainsi qu’une ségrégation réglementaire. Pour le dire simplement, lors des rencontres officielles compétitives, les catégories de pratiquants jouent chacune de leur côté, ces catégories étant constituées sur la base de différences d’âge, de sexe, de degré de validité, de niveau de santé, voire de poids (Liotard 2005). Après avoir été répartis en catégories, les individus sportifs subissent des traitements inégalitaires en ce qui concerne l’espace de pratique (les « meilleures » équipes jouent sur les « meilleurs » terrains), d’encadrement, de créneau et de temps de pratique et, pour les professionnels, de salaire. La plupart des sports professionnels continuent, par exemple, à sous-payer les femmes ou à ne pas professionnaliser d’athlètes handicapé.e.s. Ces discriminations sont peu visibles. Elles peuvent aussi être objets de dénis. Elles sont pourtant présentes partout, et plutôt bien documentées – et depuis longtemps – en Amérique du Nord et dans de nombreux pays européens, notamment en ce qui concerne les discriminations liées au genre, à l’orientation sexuelle ou à des catégories raciales (Loy & Elvogue, 1970; Davis, 1993; Creedon, 1994; Griffin, 1998). Curieusement, en France, peu nombreux sont les travaux qui se penchent spécifiquement sur la question alors que les discriminations sont intimement liées aux stéréotypes corporels (Héas 2010). Par ailleurs, ces discriminations peuvent être légitimées par le discours institutionnel qui justifie ainsi des différences de traitement par la logique sportive (la réduisant ainsi à la logique sportive compétitive classificatrice et hiérarchisante).
Ce sont tous ces aspects que ce numéro des Cahiers de la Lutte contre les Discriminations envisage d’étudier. Les analyses de discriminations concrètes seront bien sûr privilégiées, dès lors qu’elles présenteront des réalités de traitement différenciés et inégalitaires selon l’âge, le sexe, mais aussi du niveau de performance (appelé aussi niveau de pratique).Tous les critères de la discrimination peuvent être retenus et les différents espaces des sports étudiés, depuis le club, le spectacle sportif, sa couverture médiatique, mais aussi les pratiques organisées par les collectivités locales ou territoriales, les pratiques sportives scolaires ou proposées dans les structures de loisir.
Par ailleurs les propositions visant à décrire des dispositifs sportifs inclusifs ou bien des modalités de pratiques destinées à des personnes discriminées ou vulnérables et leur permettant de se rassembler sans crainte du stigmate, de la moquerie ou de l’humiliation seront étudiées avec intérêt. Les études portant sur des événements ou des organisations permettant de jouer ensemble indistinctement des catégories sportives ordinaires de ségrégation (selon l’âge, le sexe, le niveau…) sont les bienvenues. Penser par exemple les raisons qui poussent à organiser des Gay Games ou des Trisome Games, des manifestations non mixtes (comme Courir pour elles…) constituent autant de supports pouvant être questionnés. Alors même que le sport fédéral affirme accueillir tout le monde, comment se fait-il que se créent des espaces qui revendiquent la ségrégation (au moins provisoire) ? Alors que le sport fédéral à visée compétitive se structure sur la ségrégation et le classement, comment peut-on envisager des dispositifs non discriminants ? Comment les personnes n’entrant pas dans les catégories instituées interrogent cette logique sportive (nous pensons à des athlètes comme Caster Semenya et Dutee Chand qui interrogent les catégories hommes/femmes ou Oscar Pistorius et Markus Rehm pour les catégories valides/invalides). Comment les structures sportives proposent-elles à leur tour des modalités non discriminantes de pratiques physiques ?
Ce numéro pourra tout à la fois accueillir des propositions d’analyse que de suggestions visant à contrarier les discriminations observables, que celles-ci soient clairement visibles (et parfois légitimées par les institutions, leurs actrices et leurs acteurs) ou plus discrètes voire imperceptibles.
Bibliographie indicative
- Claire Brisset, Défenseur des enfants. Rapport annuel, 2005.
- Pamela J. Creedon, Women, media and sports, Thousand Oaks, Ca, 1994
- Laurel R. Davis, « Protest Against The Use of Native American Mascots: a Challenge to Traditional American Identity », Journal of Sport and Social Issues, vol. 17, n°1, April 1993, p. 9-22
- Pat Griffin, Strong women, deep closets – Lesbians and homophobia in sport, Champaign, Il, Human Kinetics, 1998
- Stéphane Héas, Les Discriminations dans les sports, Presses Universitaires de Nancy, 2010.
- Philippe Liotard, « L’éthique sportive, une morale de la soumission? », in Michaël Attali, Le sport et ses valeurs, Paris, La Dispute, 2004, p.117-156.
- John W. Loy, Joseph F. Elvogue, « Racial segregation in American Sport », International Review for the Sociology of Sport, vol. 5, n°1, March 1970, p. 5-2
- Sandy Montanola, Aurélie Olivési, Gender testing in Sport. Ethics, cases and controversies, London, Routledge.
Conditions de soumission
L’ensemble des articles soumis à expertise devront-être envoyés à l’adresse suivante : liotard [at] univ-lyon1.fr
avant le 13 janvier 2017
Les articles feront l’objet d’une double expertise
Les auteur.e.s seront informé.e.s de la recevabilité de leur proposition, ou de la correction et types de corrections le 26 février 2017 au plus tard
Les articles retenus devront être envoyés modifiés, avant le 1er avril 2017
La sortir du numéro 4 est prévu pour juin 2017
Ces propositions devront comprendre :
- L’article complet (30 000 environ)
- Une présentation de(s) auteur.e.s -2,3 publications et affiliations
- Un résumé en français (10lignes)
Des notes de lecture, recensions, notes de synthèses sont aussi attendues.
Des chroniques, témoignages et entretiens peuvent enfin être proposés en concertation avec la directrice ou le directeur du numéro.
Normes de la rédaction
- Les notes de bas de page ne renvoient pas aux références bibliographiques mais permettent d’indiquer des éléments n’apparaissant pas dans le texte.
- Les références s’écrivent dans le texte (NOM, Date) : si plusieurs références d’un même auteur renvoient à la même date, merci d’accoler à cette dernière une lettre (a, b, c) que l’on retrouvera en bibliographie.
- Pour les livres : Nom Initiale du prénom. (date), Titre du livre, édition, collection, date.
- Pour les articles : Nom Initiale du prénom. (date), « Titre de l’article », Nom de la revue, numéro, volume, pagination (ex : pp. 10-20).
- Pour un chapitre de livre : Nom Initiale du prénom. (date), « Titre de l’article », in Titre du livre (Nom de / de la dir., Initiale du prénom, dir.), éditeur, coll., pagination (ex : pp. 10-20).
- Pour les articles électroniques, merci de compléter vos références par : Disponible sur : lien. Consulté le : Jour / Mois / Année
- Les citations (textes ou entretiens) sont proposées en « italique ».
- Chaque auteur.e soulignera 2-3 phrases importantes de son texte afin que ces dernières puissent être mises en exergue lors de la mise en page.
- Les illustrations utilisées doivent être libre de droits (ou fournies avec un accord d’utilisation). Les graphiques et illustrations sont numérotés et comprennent titre et légende.
Responsable scientifique
- Philippe Liotard, maître de conférence à l'université Lyon 1