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Reflexivity: between instability and change?
La réflexivité : entre l’expérience déstabilisante et le changement ?
Published on Thursday, September 01, 2016
Abstract
Dans un monde en mutation, dont la dynamique de changement s’accélère depuis le XXe siècle, notamment à travers les développements technologiques et informationnels, former des praticiens réflexifs à l’université est devenu « normal » (Boud, 2010 ; Brockbank et McGill, 2007 ; Cowan, 2006 Paquay, Altet, Charlier et Perrenoud, 1996). Il s’agit d’entraîner les professionnels à l’intelligibilité et à l’autonomie au travail, afin qu’ils puissent affronter le complexe et l’énigmatique ou l’inédit (Durand et Fabre, 2011 ; Pastré, Mayen et Vergnaud, 2006).
Announcement
Argumentaire
Dans un monde en mutation, dont la dynamique de changement s’accélère depuis le XXe siècle, notamment à travers les développements technologiques et informationnels, former des praticiens réflexifs à l’université est devenu «normal» (Boud, 2010; Brockbank et McGill, 2007; Cowan, 2006; Paquay, Altet, Charlier et Perrenoud, 1996). Il s’agit d’entraîner les professionnels à l’intelligibilité et à l’autonomie au travail, afin qu’ils puissent affronter le complexe et l’énigmatique ou l’inédit (Durand et Fabre, 2011; Pastré, Mayen et Vergnaud, 2006).
Au croisement des mondes éducatifs et professionnels, la réflexivité semble faire l’unanimité. On voit ainsi depuis les années 1990, l’approche dite réflexive s’étendre à de nombreux domaines du savoir — éducation (Loughran, 2006; Tardif, Borges et Malo, 2012), santé (Garnier et Marchand, 2012; Ghaye, 2006), psychologie (Scaife, 2010), ingénierie (Majgaard, 2014; Rouvrais, 2013).
Cette approche puise toutefois à des sources théoriques et épistémologiques variées, dont on mesure mal les chevauchements, tensions et effets de polysémie (Beauchamp, 2012; Chaubet, 2010). Parfois appelée réflexion ou intégrée au couple pratique réflexive, l’approche réflexive peut faire référence à la théorie de l’enquête de Dewey (1938), à la métacognition de Flavell (1979), à l’abstraction réfléchissante de Piaget (1974).
Comme véhicule de formation, elle peut aussi porter des valeurs et enjeux bien différents: formation à l’adaptation (Pastré, 2011), prise de conscience de savoirs tacites (Osterman et Kottkamp, 2004), émancipation (Lyons, 2009).
Il est intéressant de noter que cette formation à une réflexivité affinée et critique, appelée de tous bords dans l’enseignement supérieur, peut rencontrer un paradoxe en milieux de travail: alors que des formations universitaires et professionnelles préparent à réfléchir sur sa pratique passée, présente et à venir, les acteurs sociaux, pressés par des logiques de rentabilité et de performance, auraient de moins en moins d’espaces réels de réflexion (Boud, Cressey et Docherty, 2006).
Compte tenu des éléments ci-dessus, un ensemble d’interrogations se pose à nous, parmi lesquelles on peut retenir: Quels sont les facteurs de déclenchement de la réflexivité? Au travers de quels processus se met-elle en œuvre? Quels effets produit-elle? Quels types d’accompagnement nécessite-t-elle? Comment au juste la réflexivité s’intercale-t-elle entre l’expérience interpellante et l’adaptation ou le changement qui peut en résulter?
Quelles que soient les réponses à ces questions, nous faisons l’hypothèse que le point de départ de toute pratique réflexive est lié à une situation déstabilisante qu’il s’agit d’analyser pour mieux la problématiser (Dewey, 1938; Fabre, 2011; Schön, 1983).
Ces questions et l’hypothèse qui les sous-tend constitueront des points de repère qui seront pris en compte dans les différentes contributions qui composeront ce numéro. Elles seront structurées autour de quatre thématiques complémentaires et interactives.
La première thématique concerne le déclenchement de la réflexivité. Parmi nos expériences de formation initiale ou continue, au travail ou dans l’entre-deux des stages, nous rencontrons des situations interpellantes qui nous arrêtent, nous frappent, nous surprennent et qui souvent imposent d’agir (Schön, 1983). Saussez et Allal (2007) décrivent ces interpellations comme une action qui «coince», une situation qui «résiste» dans le flux de l’expérience. Thiévenaz (2014) évoque des «étonnements» au travail, «générateurs d’enquêtes» (p. 84). Mayen (2014), dans le courant de la conceptualisation dans l’action (Vergnaud, 1996), proche des professionnels en situation de travail, parle plutôt de déstabilisation, de dérangement, de rupture d’anticipation, qui ouvrent des possibilités de transformation du sujet et de «changements de points de vue sur la situation» (p. 74). Schön, dans les années 1980-1990 renouvelle avec force la problématologie de Dewey en l’appliquant au monde du travail (1983, 1987, 1991). De son point de vue, un professionnel exerce son activité dans un «marais», où les interrogations sont nombreuses. Pour rester efficace, il lui faut apprendre à «converser avec les situations», les observer et analyser, bref, réfléchir dans l’action et sur l’action, de manière à structurer adéquatement les problèmes et donc les solutions. Cressey, Boud et Docherty (2006) posent avec nuance la question du déclenchement de la réflexivité «collective» au travail. Pour eux, les problèmes issus de situations professionnelles ambigües, hors du répertoire d’un groupe ou associées à des changements difficiles à codifier, mobilisent légitimement la réflexivité de groupes au travail; en revanche, les algorithmes de résolution de problèmes, cheminements types préétablis pour répondre à des situations déjà référencées, ne relèvent pas d’un véritable déclenchement de réflexivité.
La deuxième thématique concerne le processus de réflexivité. Il commence, selon Scaife (2010), dans un effort de distanciation. Bolton (2010) utilise la métaphore de l’aigle monté en altitude pour mieux observer de loin la vie au sol, Geay (2007) celle du passage «de la rue au balcon». Il faut apprendre à observer l’interpellation sous de nouveaux angles, la documenter pour en comprendre les multiples facettes et dégager par analyse progressive des pistes de solution et d’action. L’expérience n’est plus alors un simple vécu. Elle est hissée au statut de matériau riche, de source potentielle de développement professionnel et personnel. Cowan (2006), inspiré de Kolb (1984) estime ainsi que la réflexivité consiste pour l’acteur à généraliser à partir de cas multiples qu’il a vécus, c’est-à-dire à en extraire des caractéristiques transversales et réinvestissables pour l’action future. Depuis la perspective du sujet qu’adopte Pastré en didactique professionnelle (2011), la réflexivité s’inscrit également dans une montée en abstraction aux accents piagétiens. C’est un processus de conceptualisation dans l’action (Vergnaud, 1996), indissociable du développement de schèmes de pensée et d’action (Vergnaud et Récopé, 2000), donc intimement liée à la construction des compétences (Pastré, 2011; Pastré, Mayen, Vergnaud, 2006).
La troisième thématique concerne l’accompagnement du processus de réflexivité. L’intérêt d’accompagner ou «superviser» le praticien réflexif (Scaife, 2010) est de provoquer ou renforcer la mise à distance, pour que l’acteur «accélère» le processus d’apprentissage de son expérience (Bolton, 2010). Pour Donnay et Charlier (2008), le compagnon réflexif favorise ainsi une rupture épistémologique: le sujet passe d’une posture d’immersion dans l’action à une posture détachée, depuis laquelle il peut se voir «d’en haut», en interaction avec tous les éléments de la situation. On peut aussi voir l’accompagnement réflexif à la façon de Cowan (2006), comme un acte d’étayage de la pensée d’autrui, une intervention provisoire dans la zone proximale de développement (ZPD) du sujet (Vygotski, 1978), à un moment où, seul, il ne verrait pas certains constituants clés de sa propre expérience. Guidé, l’acteur peut mieux faire des liens entre des cas qui, pris isolément, n’en auraient guère pour lui, et leur donner enfin du sens, en tirer des leçons utiles pour l’avenir. Pour Cowan, faire réfléchir sur sa pratique, c’est ainsi faire du «Kolb socioconstructiviste» (p. 48) en accompagnant intelligemment un cycle personnel d’apprentissage expérientiel (Kolb, 1984). Dans une approche semblable, Admiraal et Wubbels (2005) estiment que stimuler la réflexion sur la pratique d’autrui, c’est l’aider à «désautomatiser» des façons de voir et d’agir inconscientes, et ce, jusqu’à que l’acteur soit en mesure de «s’aider lui-même». Il aura alors développé de nouvelles capacités, qu’il internalisera puis automatisera, dans un cycle infini d’autoamélioration.
La quatrième thématique concerne les résultats et effets de la réflexivité. Pour Brockbank et McGill (2007) ainsi qu’Osterman et Kottkamp (2004), la réflexion, accompagnée ou pas, aboutit à une «reconceptualisation». Comme Scaife (2010), ils résument ce résultat en un «voir autrement», qui entretient des liens avec un agir autrement, sans qu’on sache toujours bien lequel génère lequel. Pastré (2011) se rend compte que les personnes qui ont pris le temps de réfléchir sur leur expérience passent à un niveau différent, qui ouvre de nouvelles perspectives. Cowan (2006) estime qu’une personne qui réfléchit sur ses façons de penser, d’agir ou réagir apprend à mieux connaître ses propres modes de fonctionnement. Pour lui, ce genre de métacognition augmente l’efficacité d’action des acteurs et leur capacité à se débloquer dans des situations délicates. Pour Perrenoud, la réflexivité aboutit à un changement: ce qui distingue le praticien réflexif, c’est bien sa capacité à apprendre méthodiquement de l’expérience pour «transformer» sa pratique (Perrenoud, 1999, p.154). Ramassé dans la formule générique de «bascules du voir ou de l’agir» (Chaubet et al., 2016), ce type de résultats de la réflexivité se prolonge potentiellement dans des effets importants pour les acteurs et leur milieu de vie professionnel: optimisme, «énergisation», sentiment d’efficacité et d’efficience accru, sentiment d’appartenance augmenté, d’empowerment, etc. (Osterman et al., 2004).
Prenant en compte l’ensemble des considérations tant théoriques que méthodologiques ci-dessus, nous appelons des contributions de chercheurs qui étudient la réflexivité ou qui, comme formateurs, tentent de la stimuler pour obtenir des modifications de perspective et d’agir chez leurs étudiants en formation initiale, en perfectionnement ou en réorientation de carrière. Un effort de définition conceptuelle est attendu, mais aussi un regard multidisciplinaire ou transdisciplinaire, afin de mieux se situer dans la polysémie évoquée, ainsi que pour mieux saisir les contrastes et les régularités des déclenchements, processus et effets de la réflexivité sur plusieurs plans: épistémologiques, théoriques, méthodologiques et pragmatiques. Ces contributions pourront traiter de façon transversale les quatre thématiques ou cibler l’une ou l’autre de façon privilégiée en la mettant en perspective par rapport aux autres.
Conformément à la ligne éditoriale des Nouveaux cahiers de la recherche en éducation, toute proposition devra s’appuyer à la fois sur un cadre conceptuel explicite et rigoureusement établi ainsi que sur un matériau empirique analysé de façon claire, systématique et approfondie.
Références
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Échéancier
1er octobre 2016 : Date limite de réception des résumés (500 mots)
Les résumés doivent être envoyés aux Nouveaux cahiers de la recherche en éducation à l’adresse: ncre@usherbrooke.ca.
1er novembre 2016 : Envoi des réponses aux auteurs.
Corédacteurs invités de la revue
- Philippe Chaubet, Université du Québec à Montréal
- Mokhtar Kaddouri, Université de Lille 1
- Stéphanie Fischer, Université de Lille 3
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Subjects
- Education (Main category)
- Mind and language > Education > History of education
- Mind and language > Education > Educational sciences
Places
- Université de Sherbrooke, 2500 boulevard de l'Université
Sherbrooke, Canada (J1K 2R1)
Date(s)
- Saturday, October 01, 2016
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- éducation, enseignement, réflexivité, technologie
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« Reflexivity: between instability and change? », Call for papers, Calenda, Published on Thursday, September 01, 2016, https://doi.org/10.58079/vno