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Textualité de la mémoire et de l’histoire dans les langues de la littérature africaine

The textuality of memory and history in the languages of African literature

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Publié le jeudi 17 novembre 2016

Résumé

En grande majorité, la littérature africaine s'exprime en langue française, anglaise, portugaise et espagnole. S'il convient de parler plutôt « des » littératures africaines et forcément « des » langues de ces littératures, il devient tout aussi significatif de s'interroger sur l'histoire et le besoin de mémoire qui les traversent d'un auteur à l'autre, d'une époque à l'autre, d'un genre littéraire à un autre.

Annonce

Argumentaire

La mémoire est la fille de l’histoire. Elle entretient avec cette dernière des liens de parenté référentielle. En effet, le dialogue qui se noue entre la mémoire et l’histoire est dû à un rapport de cause (histoire) à effet (mémoire). L’Afrique, de manière globale, a un rapport à l’histoire qui est fait de douleurs et d’abominations jusqu’ici irrésolues. Depuis l’esclavage, en passant par la colonisation, maquillée aujourd’hui d’indépendances cachant à peine le statu quo d’un système néocolonial ahurissant, la littérature africaine, qui s’est toujours inscrite dans le militantisme (Mongo Beti), en a fait et continue d’en faire un écho lancinant.

La trilogie qui mérite d’être dégagée ici est donc celle d’un contexte (les histoires du continent), d’une littérature-témoin au travers des stratégies mémorielles qui en constituent le cadre d’investissement majeur. Finalement, il est question non seulement d’un rapport de circularité entre ces trois entités mais aussi d’un rapport d’interpénétration dialogique (Bakhtine) dans la textualité des œuvres où elles sont investies.

Bien plus, l’histoire de l’Afrique n’a pas seulement privé le continent de ses fils nationalistes, de ses ressources naturelles, de ses institutions traditionnelles, mais aussi et surtout cette histoire a sevré, et continue de sevrer, le continent de ses multiples langues. Les indépendances n’ont donc pas permis aux Africains de redevenir maîtres de leurs langues et cultures. Ils ont continué d’utiliser la langue du colon pour communiquer entre eux et tenter de régler les politiques pédagogiques de leurs pays réduits à un mimétisme (Blachère) occidental aliénant (Fanon). Pour tout dire, la littérature africaine du Maghreb ou du Sud Sahara s’est construite sur la base d’une langue française ou anglaise ou portugaise au détriment des langues du cru qui pourtant sont aussi outillées pour être des ressources de création esthétique.

Certains écrivains, conscients du risque que représentait une telle démarche scripturaire dans une langue exogène, ont choisi soit l’abandon pur et simple de la langue du colon (Ngugi Wa Thiong’o, Thomas Mofolo), soit de l’africaniser idéologiquement pour en faire un acte d’attentat contre la norme hexagonale (Kateb Yacine, Tchicaya U’Tamsi), soit pour la posséder et en faire une langue africaine made in homeland (Kourouma, Sony Labou Tansi).

Une fois de plus, on assiste là à une nouvelle trilogie : l’histoire de la dépossession des langues, instaurée par le fait colonial, va créer au sein de la littérature africaine, une mémoire de soi permettant de poétiser une langue littéraire nouvelle/métissée.

Comme on peut le constater, l’histoire est toujours perçue comme étant le moteur de ces deux courants de a) la littérature sociopolitique africaine ou de b) la littérature socioculturelle et identitaire africaine. Le dénominateur commun étant naturellement l’exil. Le fait (néo)colonial, traduit alors par la puissance de la langue exogène sur les langues du cru, ne peut que produire, chez l’écrivain africain, un sentiment de l’exil. Le milieu qu’il raconte contraste avec l’idéal attendu. La continuité des problématiques historiques dans le monde actuel suscite un dégoût tel que l’impossible oubli (la mémoire de l’histoire ou mémoire du colonisé) communique à l’écriture les dimensions politique et militante qui font de l’écrivain africain un esthète de la factualité.

Son écriture est fondamentalement dialogique à deux niveaux : a) la mémoire de l’histoire du continent traverse de part et d’autre sa compréhension du présent et du futur ; b) la hantise de l’histoire et de sa mémoire oblige l’écrivain africain à rendre conscient (parfois et pas toujours) le choix de sa langue et la pratique particulière qu’elle arbore pour s’exprimer dans le texte. Il s’instaure ainsi chez l’écrivain, consciemment ou inconsciemment, une écriture mémorielle qui révèle toujours chez l’auteur africain un timbre historique fort où se déclinent les problématiques du continent même si elles n’étaient pas le souci premier de l’écrivain.

Dès lors, comment le texte littéraire africain peut-il être perçu comme un document historique ? Quelles mémoires du continent ce texte structure et crée en son lecteur ? Comment le dialogue entre le passé et le présent crée la rencontre avec l’exil pour en faire un défi à relever ? Pourquoi et comment le choix de la langue d’écriture peut-il être perçu comme un exil de la langue ou alors un exil dans la langue ? Qu’est-ce qui fait du texte littéraire francophone un objet plurilingue ? Quelles voix, histoires, langues dialoguent dans le texte africain pour en faire un objet intertextuel où se discutent la mémoire des cultures en confrontation ?

Pour aborder ces différentes questions, les genres romanesques, théâtraux et poétiques peuvent être mis à contribution sans aucune restriction autre que celle de leur appartenance au continent africain. Les approches théoriques liées à l’analyse du discours, à l’anthropologie du discours littéraire, au comparatisme, à l’histoire littéraire africaine, à la sociolinguistique sont encouragées.

Nous attendons des différents chercheurs intéressés par ce projet à ne pas hésiter à intégrer, s’il le faut, les implications politiques et idéologiques pouvant servir à profiler des solutions concrètes à moyens termes sur la place de la mémoire, non pas comme source de sanglots de résignation (Mabanckou) mais comme moyen de connaissance de soi pour se saisir des enjeux du présent afin d’atteindre l’émancipation réelle de l’Afrique.

Bibliographie suggérée

  • Mikhaïl Bakhtine, 1977, Le Marxisme et la philosophie du langage. Essai d’application de la méthode sociologique en linguistique, Paris, Les Éditions de Minuit, Collection « Le sens commun ».
  • Benrabah M., 1999, Langue et pouvoir en Algérie. Histoire d’un traumatisme linguistique, Paris, Séguier.
  • Jean-Claude Blachère, 1993, Négritures. Les écrivains d’Afrique noire et la langue française, Paris, L’Harmattan.
  • Frantz Fanon, 1952, Peau noire, masques blancs, Paris, Seuil.
  • Efoui Kossi, 2008, Solo d’un revenant, Paris, Seuil.
  • Alain Mabanckou, 2012, Le Sanglot de l’homme noir, Paris, Fayard.
  • Leonora Miano, 2013, La Saison de l’ombre, Paris, Grasset.
  • Man Bene, La Cour des grands ou les indépendances vues d’Afrique, Paris, Edilivre, 2015.
  • Mongo Beti, « Les langues françaises et le néocolonialisme en Afrique francophone », http://mongobeti.arts.uwa.edu.au/issues/pnpa29/pnpa29_08.html
  • Tiphaine Samoyault, 2005, L’Intertextualité : Mémoire de la littérature, Paris, Armand Colin.
  • Ngugi Wa Thiongo, 1986, Décoloniser l’esprit, Paris, La fabrique éditions, 2011. 1ère édition en anglais.
  • Owono Zambo et Djob-li-Kana, L’Esthétique de la résistance et de la relation dans les littératures africaine et antillaise, Paris, Edilivre, 2015.

Membres restreints du comité scientifique (par ordre alphabétique)

  • Pr. Justin K. Bisanswa (Université de Laval) ;
  • Pr Mamadou Drame (Université Cheikh Anta Diop) ;
  • Pr Tunda Kitenge-Ngoy (Université of Botswana) ;
  • Pr. Helge Vidar Holm (Université de Bergen) ;
  • Pr. Katrien Lievois (Université d'Anvers) ;
  • Pr Patrice Nganang (Stony Brook University) ;
  • Pr Joseph Ozele Owono (Ens – Université de Yaoundé I).

Mode de soumission

Notre appel à contributions s’adresse à toutes les sensibilités intellectuelles et/ou universitaires des quatre coins du monde. Chaque résumé (300 mots maximum) devra contenir 5 mots-clés avec les noms et prénoms des auteurs ainsi que leurs affiliations académiques. Ces résumés devront être acheminés – en version électronique – à l’adresse suivante :

OWONO ZAMBO, PhD en Sciences du Langage et Littérature francophone

(Professeur de Lettres modernes - Académie de Versailles et chercheur associé - CELFA, Université de Bordeaux 3)

claude.owono-zambo1@ac-versailles.fr  ou claude.zambo@yahoo.fr

Étapes et calendrier

1. Réception des propositions d’articles (300 mots maximum) le 22 décembre 2016 ;

2. Avis du Comité scientifique (02 janvier 2017) ;

3. Dépôt des articles complets (15 pages maximum) le 03 mars 2017 ;

4. Relecture et correction des articles (04 avril 2017) ;

5. Retour d’articles amendés (20 avril 2017) ;

6. Publication (fin novembre 2017).


Dates

  • jeudi 22 décembre 2016

Fichiers attachés

Mots-clés

  • littérature africaine, mémoire, langue, identité, histoire

Contacts

  • Claude Owono Zambo
    courriel : claude [dot] owono-zambo1 [at] ac-versailles [dot] fr

Source de l'information

  • Claude Owono Zambo
    courriel : claude [dot] owono-zambo1 [at] ac-versailles [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Textualité de la mémoire et de l’histoire dans les langues de la littérature africaine », Appel à contribution, Calenda, Publié le jeudi 17 novembre 2016, https://doi.org/10.58079/w7h

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