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Materialities and reasoning

Matérialités et raisonnements

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Published on Tuesday, January 31, 2017

Abstract

Le thème du séminaire de recherche s’inscrit dans le prolongement des travaux sur la culture matérielle. Il s’agira de questionner les objets, leurs aspects matériels, les formes graphiques ou les images afin de saisir leurs potentiels effets sur les manières dont, au fil des siècles, les individus pensent, raisonnent ou réfléchissent. En d’autres mots, une mise forme graphique ou un objet produisent-ils un effet cognitif particulier ? Le séminaire permettra d’explorer, grâce à des cas historiques, anthropologiques, sociologiques, etc. quelques exemples particuliers de matérialité  - le graphique, le tableau, la fiche, la liste, le cadastre, la cartographie, le microscope, le télescope, l’écran, etc. - afin de saisir ce que peut produire la matérialité sur la pensée des individus qui la convoquent ou y sont confrontés.

Announcement

Argumentaire

Incontournables dans nos sociétés technicisées, les objets qui nous entourent ont de multiples raisons d’être : faciliter les tâches quotidiennes, générer les relations sociales, favoriser la productivité dans le monde du travail, fabriquer des loisirs, embellir le monde, etc.

Le rapport que les individus entretiennent avec les objets et l’effet que produisent sur eux la matière, la forme – la matérialité – confirment que les « objets-choses » ne sont pas neutres. Ces derniers génèrent une intelligence d’utilisation, conditionnent nos modes d’être, de penser, d’entrer en relation ou encore créent de l’exclusion. Ce constat, simple, invite les chercheurs à élargir leurs réflexions sur la culture matérielle à des époques plus lointaines, à des moments où la place des objets et les effets de matérialités spécifiques sont parfois difficilement saisissables. Par exemple, au XVIe siècle, quels étaient les rapports qu’entretenaient un noble, un clerc, un paysan, un bourgeois, un artisan à l’égard d’objets quotidiens ou à l’égard d’objets exceptionnels ou rares ? ne doit-on envisager cette relation que selon des liens de familiarité ou d’incommensurabilité ? peut-on évoquer d’autres fonctions que celles de l’utilité, de la valeur de l’échange, de l’esthétique ?

Une telle réflexion est ancienne. Elle est née des travaux économiques sur les marchandises. Initiée par Simmel au début du XXe siècle, les années 1980 y reviennent, notamment sous l’impulsion de l’anthropologue Arjun Appadurai qui déploie une démarche d’anthropologie culturelle et sociale. Elargissant la notion de « marchandises » (commodities), appréhendée comme éléments d’échanges économiques et coincée entre offres et demandes, à la notion anthropologique de « chose » (thing), Appadurai s’intéresse aux régimes spécifiques de valeurs des objets ainsi qu’à leurs biographies. La relation d’échanges génère des significations multiples et les humains participent de cet encodage particulier que subissent alors les choses qui circulent. Dès lors, socialisées par l’échange, les choses perdent leur caractère inanimé et froid. Il s’agit de les penser en mouvement afin de dépasser leur nature économique pour saisir les temps, les lieux des contextes socioculturels dans lesquels elles circulent, en un mot leurs « vies » (A. Appadurai (ed.), The Social Life of Things, 1986). A sa suite, Daniel Miller a montré que la forme des « objets-choses », leurs rôles, la valeur ou la place qu’ils détiennent en société, les modes d’échanges auxquels ils participent relèvent d’un rapport de force, que celui-ci soit l’indice d’un contrôle idéologique, économique ou celui d’une reproduction sociale (Material Cultures. Why some Things Matter, 1998). Du côté francophone, c’est à partir d’une perspective d’histoire des techniques d’abord, puis d’anthropologie que la culture matérielle s’est imposée. Ce dernier courant a insisté sur le lien entre les pratiques humaines et sociales et a considéré l’objet comme générateur de praxis particulières (M.-P. Julien, C. Rosselin, La culture matérielle, 2005). Plaçant le corps au centre de ses travaux, cette anthropologie a réhabilité au passage la place à faire aux choses inanimées dans la relation entre le corps et son extériorité. Les réflexions maussiennes ou foucaldiennes sur la question du corps comme lieu du politique et comme enjeu disciplinaire sous-tendent par ailleurs ces observations. En grande partie initiée par les travaux d’Armando Petrucci sur l’écriture monumentale, l’histoire du livre et de la lecture a également été touchée par ce tournant, soulignant par exemple la pertinence et la fertilité d’une analyse matérielle des imprimés mais aussi des écritures manuscrites. Dans le sillage de la codicologie, des traditions philologiques, de la génétique textuelle, des recherches récentes se sont intéressées aux pratiques des savants. Ces travaux ont porté des regards neufs sur les ébauches intellectuelles, la pensée en construction et leurs formes graphiques, prenant en compte les traces marginales, les ratures, les surcharges, les ajouts et les corrections des manuscrits. L’histoire des pratiques savantes a su montrer les processus d’écriture et la pensée créatrice et vivante, rappelant d’ailleurs l’importance du temps des maturations intellectuelles auxquelles fait écho l’illusion d’immédiateté que produit notre actuelle facilité d’accès à la connaissance. Ainsi, s’appuyant sur cet important et réjouissant bilan, il s’agira ici de tenter un nouveau pas de côté.

Nous chercherons à questionner les objets et les matérialités avec leurs potentiels effets sur la manière dont l’individu pense, raisonne ou réfléchit. En d’autres mots, est-ce qu’une forme graphique et matérielle ou un objet produit un ou plusieurs effets cognitifs particuliers ? Si le lien entre raisonnements (cognition) et formes n’est pas nouveau – par exemple L. Malafouris affirme que la pensée paléolithique est faite de la matérialité extérieure aux individus (How Things Shape the Mind. A Theory of Material Engagement, 2013) –, il s’agira de considérer sérieusement cette approche pour d’autres périodes. Dès lors, pouvons-nous réfléchir en sémiologues et considérer la forme de façon non symbolique, pour la traiter  comme génératrice de raisonnements ? Toutefois, sous le terme « raisonnements », nous ne postulerons pas, comme il est d’usage dans l’histoire de la philosophie et chez les logiciens, les façons usuellement décrites pour raisonner (déduction, induction, etc.), mais nous laisserons émerger des cas et des sources les manières particulières d’organiser la pensée, afin, si possible, d’échapper aux catégories héritées.

Inscriptions

Entrée libre. Pour participer ou obtenir d’autres informations, merci de contacter:  

Françoise Briegel (Université de Genève) : Francoise.briegel@unige.ch

Jean-François Bert (Université de Lausanne) : Jean-Francois.Bert@unil.ch

http://www.unige.ch/rectorat/maison-histoire/

Calendrier prévisionnel des séances

Université de Genève, Uni-Bastions

5, rue De-Candolle, 1204 Genève

Salle B 216 (2e étage)

Jeudi 9 mars 2017 – Séance inaugurale

  • 14h15-14h45 : Introduction Jean-François Bert (Université de Lausanne) et Françoise Briegel (Université de Genève)
  • 14h45-15h15 : Discussion
  • 15h15-15h30 : Pause

Jeux d’échelles et instruments de l’observation

  • 15h30-16h : Jérôme Lamy (CNRS, CERTOP, Université Toulouse - Jean Jaurès) Les usages multiples des télescopes : régime dédié et régime généraliste au XXe siècle
  • 16h-16h30 : Marc Ratcliff (Université de Genève, FPSE) Le microscope de Trembley (1745). Jeux d’échelles optiques

16h30-17h15 : Discussion

Jeudi 23 novembre 12h15-14h : Fiches

  • 12h15-12h45 : Jean-François Bert (Université de Lausanne), "Classer, empaqueter, étiqueter ou comment pense Georges-Louis Le Sage"
  • 12h45-13h15 : Marc Jahjah (Université de Nantes), "Des fiches à l'écran: la mémoire des formes matérielles"

13h15-14h: Discussion

Jeudi 19 avril

Uni Dufour (24 rue du G. Dufour) salle 260 – 2e étage

Dimensions et affects

  • 12h15-12h45 – Gianenrico Bernasconi (Professeur, Université de Neuchâtel), « Accessoires et techniques du social au XVIIIe siècle: pour une archéologie des pratiques ».
  • 12h45-13h15 – Thierry Bonnot (chargé de recherche, CNRS/IRIS, Paris), « Objets d’attachement et patrimoines encombrants. Enquêtes anthropologiques ».

13h15-14h15 – discussion

Jeudi 3 mai

Uni Dufour (24 rue du G. Dufour), salle 260 – 2e étage

Prendre conscience

  • 12h15-13h – Jérôme Sackur (Professeur, EHESS, École Polytechnique, Palaiseau), « Fonctions et histoires de la conscience ».

13h-14h – discussion

Places

  • Université de Genève, Uni-Bastions, Salle B 216 (Bastions), 2e - 5 rue de Candolle
    Geneva, Switzerland (1204)

Date(s)

  • Thursday, March 09, 2017
  • Thursday, November 23, 2017
  • Thursday, April 19, 2018
  • Thursday, May 03, 2018

Keywords

  • matérialité, raisonnement

Contact(s)

  • Jean-François Bert
    courriel : jean-francois [dot] bert [at] unil [dot] ch
  • Françoise Briegel
    courriel : francoise [dot] briegel [at] unige [dot] ch

Reference Urls

Information source

  • Françoise Briegel
    courriel : francoise [dot] briegel [at] unige [dot] ch

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« Materialities and reasoning », Seminar, Calenda, Published on Tuesday, January 31, 2017, https://doi.org/10.58079/ws9

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