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(Dé)construire l'histoire numérique

(De)constructing Digital History

dhnord 2017

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Publié le mercredi 05 avril 2017

Résumé

Par histoire numérique on entend la phase qui correspond à la démocratisation des technologies informatiques avec notamment la généralisation de l’utilisation du microordinateur, des applications de réseau et du logiciel open-source. Il existe néanmoins une revendication de spécificité disciplinaire quant aux objets, aux sources et aux approches dans le cadre des méthodes et outils communs abrités à l’intérieur de la zone d’échange des humanités numériques. C’est ainsi qu’une typologie des projets en histoire numérique distingue trois grandes catégories auxquelles ceux-ci appartiennent: la recherche académique, l’histoire publique et la pédagogie. Ce sont en particulier les deux dernières qui, portant la marque de fabrication des historiens, les distinguent au sein des humanités numériques. Nous proposons de suivre cette triple trame: recherche, histoire publique et pédagogie, afin de discerner les continuités et les transformations entrainées par l’émergence de l’histoire numérique, mais aussi de s’en servir comme étude de cas pour explorer le champ plus large des humanités numériques.

Annonce

Argumentaire

Comment définir l’histoire numérique (ou digitale) ? En anglais, le terme « digital history », qui remonte probablement à 1999 (Ayers 1999), a été généralisé vers le milieu des années 2000 (Lines Andersen 2002, Lee 2002, Cohen & Rosenzweig 2005). Selon une définition large, l’histoire numérique est une approche d’étude et de représentation du passé qui s’appuie sur les nouvelles technologies d’information et de communication avec notamment l’utilisation de l’ordinateur, d’internet et de logiciels (Seefeldt & Thomas 2009). Ainsi, le terme désigne l’enquête historique qui met en valeur des sources primaires sous forme de données en format électronique, qu’elles soient numérisées ou nativement numériques, et les récits qui sont fabriqués sur la base de telles enquêtes (Lee 2002). 

Par histoire numérique on entend la phase qui correspond à la démocratisation des technologies informatiques avec notamment la généralisation de l’utilisation du microordinateur, des applications de réseau et du logiciel open-source (Thomas 2004, Cohen & Rosenzweig 2005, Graham, Milligan & Weingart 2015). Malgré l'absence de consensus sur une périodisation, l’histoire numérique est affiliée par certains, au moins partiellement, à l’histoire quantitative assistée par ordinateur, puisant alors ses origines dans les années soixante, voire dans les années quarante (Thomas 2004, Graham, Milligan & Weingart 2015). D'autres revendiquent davantage l’héritage de l’histoire orale et publique (Noiret 2011, Scheinfeldt 2014). L’histoire numérique a participé à l’émergence des humanités numériques dont l’acte de naissance remonte à 2004 (Schreibman et al. 2004, Kirschenbaum 2010, Gold 2012). Il existe néanmoins une revendication de spécificité disciplinaire quant aux objets, aux sources et aux approches dans le cadre des méthodes et outils communs abrités à l’intérieur de la zone d’échange des humanités numériques. C’est ainsi qu’une typologie des projets en histoire numérique distingue trois grandes catégories auxquelles ceux-ci appartiennent: la recherche académique, l’histoire publique et la pédagogie. Ce sont en particulier les deux dernières qui, portant la marque de fabrication des historiens, les distinguent au sein des humanités numériques (Robertson 2016).

Nous proposons de suivre cette triple trame: recherche, histoire publique et pédagogie, afin de discerner les continuités et les transformations entrainées par l’émergence de l’histoire numérique, mais aussi de s’en servir comme étude de cas pour explorer le champ plus large des humanités numériques.  

1/ Recherche

La recherche en histoire a été affectée par la numérisation des sources, des méthodes et de l’environnement dans lequel elle est conduite, produite et disséminée (Clavert & Noiret 2013). Face à l’essor des projets pédagogiques et d’histoire publique, il existe néanmoins souvent une tension entre le  potentiel annoncé de l’histoire numérique et son rendu réel (Blevins 2016). Depuis une vingtaine d’années, un nombre considérable de projets a vu le jour. Par ailleurs, l’histoire numérique est en cours d’institutionnalisation, notamment à travers la création de départements ou de centres dédiés dans les établissements d’enseignement supérieur dans divers pays. Par conséquent, il devrait être possible d’identifier les mutations survenues dans les manières de conduire et de communiquer les recherches en histoire d’une part, les nouveautés quant aux objets, les méthodes et les outils d’analyse ainsi que leurs implications d’autre part.

C’est ainsi que ce qu’il est convenu d’appeler la révolution des données émerge comme facteur essentiel à prendre en compte (Kitchin 2014). En effet, une grande partie des sources primaires de l’histoire sont en train de se transformer en données soit numérisées soit nativement numériques. S’il ne s’agit pas des big data auxquelles font face les disciplines des sciences dures, leur production massive pose néanmoins des défis aux approches et méthodes de recherche et d'analyse, comme l’ont montré les récents débats et controverses autour de la longue durée version Digital Manifesto (Guldi & Armitage 2014, Annales 70 2/2015) ou sur le tournant transnational (Putnam 2016). Par ailleurs, ces évolutions mettent aussi en jeu le rapport traditionnel que les historiens entretiennent avec le temps présent, voire leur rôle dans la préservation de sources numériques fragiles, dans le cas par exemple des sources primaires en provenance des réseaux sociaux en ligne ou, plus généralement, des sources éphémères du web (Webster 2015, Rosenzweig 2003). En réalité, l'enjeu majeur qui se profile implique les synergies inter-/transdisciplinaires, voire la dépendance de l'histoire des autres sciences humaines et sociales, l'informatique et les sciences de l'ingénieur, les sciences de l'information et les métiers du patrimoine. L'enjeu devient d'autant pous évident que de nouvelles épistémologies se répandent parmi les historiens (fouille et visualisation des données, SIG, édition critique encodée…) qui mettent en lumière la nécessité d’une culture partagée (Genet 1986, Lamassé & Rygiel 2014).   

Enfin, l’écologie des données scientifiques pose de grandes questions interdisciplinaires sur le stockage de celles-ci et sur les infrastructures dédiées, leur collecte et archivage, leur accès et les questions éthiques posées dans le cadre de leur analyse et publication. Par exemple, la question de la souveraineté scientifique est posée dès lors que le traitement et le stockage des données est externalisé, de même que celle de la stabilité d’accès et de la pérennité de la recherche scientifique. Dans un autre registre, comment tenir compte des spécificités de l’information historique dans un environnement de données structurées et interopérables, en ce qui concerne, par exemple, son organisation et sa description (ontologies, documentation etc)? En outre, des problèmes anciens sont réactualisés en liaison avec les biais créés par la numérisation de masse, tels les critères qui décidentde la disponibilité de certains types de sources et pas d’autres (Putnam, 2016, Milligan 2013)). En ce sens, il est possible d’interroger l’impact des politiques institutionnelles en la matière, les contraintes budgétaires auxquelles celles-ci sont soumises ou, plus généralement, l'environnement économique dans lequel elles évoluent, les nouveaux acteurs qui apparaissent tels les prestataires de services de numérisation et de mise en ligne, ou encore les fractures numériques et les inégalités au niveau tant national que transnational. Enfin, il ne faudrait pas oublier les biais posés par les algorithmes et les logiciels tant pour la collecte que pour l’analyse des données historiques.

2/ Histoire numérique, histoire publique

Partant d'une littérature étendue sur les synergies entre histoire numérique et histoire publique (cf. à propos Noiret 2012, Cauvin 2016), nous nous intéresserons au brouillage des frontières entre le monde de la recherche, les institutions patrimoniales, le secteur privé et les citoyens. De ces points de vue, nous proposons trois grandes thématiques. Tout d'abord, examiner de quelles manières la technologie est utilisée par les institutions patrimoniales pour engager les publics avec l'histoire: utilisation des réseaux sociaux en ligne, dispositifs de réalité augmentée et virtuelle, développement d'outils d'exploration des collections, jeux vidéo et histoire, implication du secteur privé dans l'engagement avec l'histoire dans le cas, par exemple, de la numérisation et la mise à disposition du public de sources d'histoire. Ensuite, la mémoire et ses usages aux niveaux individuel, collectif et institutionnel et ce que celle-ci démontre pour le rapport qu'entretiennent les citoyens avec l'histoire et le poids du présent dans la perception du passé. Enfin, une troisième thématique porte sur la documentation, intentionnelle ou spontanément générée, d'événements du temps présent qui pourrait constituer les archives des futurs historiens: archives numériques collaboratives, archives numériques produites dans le cadre de mouvements sociaux / politiques (comme ceux du 15M, de Nuit debout, de Women's March...), usages politiques de la technologie (propagande sur les réseaux sociaux en ligne, usages institutionnels et individuels des réseaux sociaux en ligne, développement de jeux interactifs dans le cadre de conflits politiques ou usages militants etc). Comment est alors perçue l'autorité de l'historien et quel est son rôle dans des contextes aussi diversifiés?

3/ Pédagogie et enseignement

Les dernières années ont vu la création de départements spécifiques d’histoire numérique dans les universités de différents pays. En outre, des unités traditionnelles intègrent progressivement des enseignements de culture digitale et de compétences associées. Il existe aussi des dispositifs sous forme de blogs qui permettent le transfert de compétences entre historiens (The Programming Historian, La boîte à outils des historiens); des écoles transdisciplinaires spécialisées (Digital Methods Initiative de l’université d’Amsterdam ); un éventail de logiciels ou autres services en ligne permettant l’exploration et l’analyse de données sans forcément passer par l'apprentissage du code informatique (Düring et al. 2011, Nodegoat, AnalyseSHS...). Comment est donc enseignée l’histoire digitale dans ces divers contextes et comment s'articule-t-elle avec les enseignements plus traditionnels ? Quelles compétences et méthodes doivent développer les enseignants et lesquelles transmettre aux étudiants ? Comment adapter l’enseignement de l’histoire numérique aux sujets de recherche des étudiants afin de leur transmettre une méthode plutôt que de simples compétences de gestion d’outils qui peuvent vite devenir obsolètes (Mahoney, Pierazzo 2012)? Comment sont organisés les modules d'enseignement et quelle est la réception de l’enseignement de l’histoire numérique par les étudiants ? Comment définir un kit de compétences a minima pour assurer un niveau décent de recherche et de publications scientifiques associées tout en maintenant un équilibre entre une solide formation d'historien et l'acquisition de compétences techniques?  Si des travaux existent surtout sur les ressources du web (Cohen & Rosenzweig 2006), force est de constater que la place de l’interdisciplinarité dans les enseignements d’histoire numérique est bien moins abordée.

Les propositions peuvent porter sur les thématiques suivantes ou sur tout sujet lié au thème général du colloque:

Recherche

  • Traitement automatique des langues et analyse textuelle appliqués aux documents historiques
  • Applications des systèmes d'information géographique en histoire
  • Analyse de réseaux
  • Analyse d'images
  • Analyse longitudinale de collections de documents
  • Extraction de relations entre entités, détection de références historiques dans les corpus de textes historiques
  • Numérisation et archivage
  • OCR et transcription
  • Intelligence artificielle et histoire
  • Epistémologies en informatique et en sciences humaines et sociales
  • Nouvelles techniques de récit et d'écriture historique
  • Ontologies historiques
  • Gestion et infrastructures des données historiques
  • Développement de logiciels et d'applications pour les historiens

Histoire publique

  • Musées et exposition du passé
  • Histoire orale et projets communautaires
  • Nouveaux médias, internet et connaissance participative
  • Images animées, documentaires
  • Reconstitutions historiques et histoire vivante (Living History)
  • Préservation historique et héritage culturel
  • Archéologie publique
  • Réseaux sociaux en ligne, applications mobiles et contenus générés par les utilisateurs
  • Politiques publiques et histoire appliquée
  • Web et fabrication de la mémoire historique
  • Enseignement de l'histoire publique

Pédagogie

  • Introduction de méthodes de recherche numérique
  • Conception de modules d'histoire numérique
  • Matériaux numériques d'enseignement
  • Nouveaux médias et alternatives aux travaux scientifiques (thèses, masters, dissertations) fondés sur le texte
  • Digital media as alternative to text-based student theses and research papers
  • Méthodes d'évaluation et numérique
  • Enseigner la littératie numérique
  • Enseigner l'histoire de l'ère numérique
  • Les communs de l'enseignement en histoire numérique

Modalités de soumission

Les propositions (1000 mots max) peuvent être envoyées jusqu'au

20 Juin

en français ou en anglais.

Toutes les propositions seront examinées.

Si besoin de davantage de précisions, merci de contacter dhnord[at]meshs[dot]fr 

Soumettre une proposition 

Composition du comité de sélection

  • Martine Benoit (professeur, université de Lille SHS/directrice de la MESHS)
  • Frédéric Clavert (maître-assistant, université de Lausanne)
  • Marten Düring (chercheur, DEIS, université du Luxembourg)
  • Andreas Fickers (professeur, université du Luxembourg/directeur C2DH)
  • Stéphane Lamassé (maître de conférences, université Paris 1)
  • Serge Noiret (History Information Specialist, Institut universitaire européen)
  • Sofia Papastamkou (ingénieur d'études humanités numériques CNRS/MESHS/docteur en histoire)
  • Emilien Ruiz (maître de conférences, université de Lille SHS)

dhnord2017 est la quatrième édition de la conférence annuelle sur les humanités numériques organisée par la Maison européenne des sciences de l'homme et de la société (MESHS). L'édition de cette année est coorganisée avec le Luxembourg Centre for Contemporary and Digital History (C2DH) de l'université du Luxembourg. Le thème est: "(Dé)construire l'histoire numérique". La conférence aura lieu les 27-29 novembre 2017 à la MESHS, Lille. Bertrand Jouve et Manfred Thaller sont les conférenciers invités confirmés.

Références

Lieux

  • Maison européenne des sciences de l'homme et de la société (MESHS) - 2, rue des Canonniers
    Lille, France (59)

Dates

  • mardi 20 juin 2017

Mots-clés

  • Histoire numérique, histoire digitale, digital history,

Contacts

  • Sofia Papastamkou
    courriel : dhnord [at] meshs [dot] fr
  • Contact général
    courriel : dhnord [at] meshs [dot] fr

Source de l'information

  • Sofia Papastamkou
    courriel : dhnord [at] meshs [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« (Dé)construire l'histoire numérique », Appel à contribution, Calenda, Publié le mercredi 05 avril 2017, https://doi.org/10.58079/xe2

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