AccueilPenser l’articulation entre le foncier rural et les conflits violents en Afrique

AccueilPenser l’articulation entre le foncier rural et les conflits violents en Afrique

Penser l’articulation entre le foncier rural et les conflits violents en Afrique

Examining the connections between rural land and violent conflict in Africa

Examining the connections between rural land and violent conflict in Africa

*  *  *

Publié le mardi 24 avril 2018

Résumé

L'ambition de ce dossier de la revue Afrique contemporaine est de contribuer à faire dialoguer deux champs de recherche dont les objets se recoupent, mais dont la spécialisation limite l'enrichissment réciproque : la littérature en sciences sociales sur les guerres, d'un côté, et sur les dynamiques et les conflits fonciers, de l'autre.Ainsi, ce dossier vise à conjuguer les apports de ces deux champs thématiques tant sur le plan de la connaissance empirique des liens complexes entre les conflits internes violents qu connaissent de nombreux pays africains et les enjeux fonciers qui travaillent leurs territoires ruraux, que sur le plan de la méthodologie et de la théorie pour mieux qualifier et analyser les dynamiques de changement social "hybrides" ou instables auxquels ces conflits donnent lieu.

Annonce

Argumentaire

L’ambition de ce dossier est de contribuer à faire dialoguer deux champs de recherche dont les objets se recoupent, mais dont la spécialisation limite l’enrichissement réciproque : la littérature en sciences sociales sur les guerres, d’un côté, et sur les dynamiques et les conflits fonciers, de l’autre. Ainsi, ce dossier vise à conjuguer les apports de ces deux champs thématiques tant sur le plan de la connaissance empirique des liens complexes entre les conflits internes violents que connaissent de nombreux pays africains et les enjeux fonciers qui travaillent leurs territoires ruraux, que sur le plan de la méthodologie et de la théorie pour mieux qualifier et analyser les dynamiques de changement social « hybrides » ou instables auxquels ces conflits donnent lieu.

Sur le plan empirique, ces deux domaines d’études s’ignorent souvent alors même que les violences pour l’accès aux ressources foncières et naturelles en milieu rural sont régulièrement identifiées comme un des éléments décisifs du déclenchement, du déroulement et de la durée des guerres civiles (guérillas, insurrections, situations de violence quotidienne) ainsi que dans les politiques dites de « post-conflit » (Huggins and Clover (eds), 2005 ; Baranyi & Weitzner, 2006 ; Peters, 2013 ; Bavinck et al. (eds), 2014 ; Van Leeuwen & Van Den Haar, 2016). Lorsqu’ils sont abordés par les spécialistes des conflits, les liens entre foncier et conflits internes violents le sont souvent selon une approche causale et nomologique de la place des enjeux fonciers aux différents stades des guerres civiles et de l’après conflit (Newman, 2009 ; Kalyvas et Balcells, 2010 ; Strauss, 2012). Or la compréhension de l’agencement de la composante foncière dans les trajectoires de conflit et de pacification exige une instruction de la dimension socio-foncière précise et rigoureuse. C’est notamment le cas dans les guerres qualifiées de « guerres ethniques », et, plus récemment, de « ‘sons of the soil’ wars » ; ou dans les débats autour de l’idéologie d’autochtonie comme levier des guerres civiles. En particulier, la pluralité des institutions et des normes locales socio-foncières, la diversité des registres (politiques, identitaires et territoriaux, mais aussi productifs et économiques) impliqués dans les rapports fonciers sont rarement pris en compte dans leur complexité et leur dynamique (Jackson 2006, Dunn 2009, Fearon & Laitin, 2011, Geschiere 2011, Côté et Mitchell 2015).

Réciproquement, les spécialistes des études foncières confrontés à des situations de guerre civile ne sont pas toujours en mesure de replacer les profondes transformations des rapports socio-fonciers dans la diversité des systèmes de sens et des rapports d’appartenance collective, de pouvoir et d’autorité qui les enchâssent (Sikor & Lund, 2009 ; Chauveau et Richards, 2008 ; Cramer & Richards, 2011 ; Lund & Boone, 2013). En Afrique tout particulièrement, les dynamiques des rapports fonciers s’inscrivent dans des configurations de « gouvernementalité rurale » constituées par l’ensemble plus ou moins stabilisé de dispositifs de pouvoirs exercés sur les individus et les ressources qui contribuent au processus de co-construction de l’État et des sociétés rurales, largement « rurbanisées » et soumises à une très forte mobilité des populations (Chauveau, 2017). Or ces processus, fortement hybrides et spécifiques à chaque pays (Luckham & Kirk, 2013), sont difficiles à saisir à partie des catégories dichotomiques et statocentrées classiques : guerre, paix ou post conflit ; État ou non-État ; dimension interne ou dimension internationale ; juridicité formelle ou informelle ; régimes fonciers coutumier, étatique ou marchand ; sécurisation des droits par la formalisation légale ou la reconnaissance sociale ; sécurité par le pouvoir politique ou par les communautés...

Sur le plan de la méthode, l’angle d’approche du dossier invite donc à se doter d’outils analytiques qui s’affranchissent des théories normatives de la guerre, de la sortie de guerre, de l’État, du politique, de la juridicité, de la gouvernementalité ou des droits de propriété (Grajales, 2016a ; Le Roy, 1999 ; Bavinck et al. (eds), 2014 ; Van Leeuwen & Van Den Haar, 2016). Le dossier s’inscrit en cela dans la perspective du récent changement de paradigme proposé dans les recherches qualitatives compréhensives qui privilégient les processus, les formes de mobilisations et l’imbrication des guerres civiles dans les processus de co-construction de l’État et des sociétés rurales (Cramer, 2006 ; Richards, 2005 ; Wasinski, 2006 ; Porto, 2008 ; Berry 2009 ; Cramer & Richards, 2011 ; Linhardt et Moreau de Bellaing, 2013 ; Boone, 2014). Il souhaite ainsi contribuer aux débats conceptuels et méthodologiques autour du nexus conflits fonciers et guerres civiles (land related conflicts, land oriented wars ou land-violent conflict nexus), sachant que nous utilisons le terme de guerre civile par commodité et que c’est précisément la qualification de ces conflits internes violents et de l’après conflit qui s’ensuit qui se trouve au cœur de notre problématique de recherche.

Nous souhaitons en particulier adopter une perspective continuiste sur des situations qui se caractérisent le plus souvent par la succession de moments d’affrontement, d’accalmie de « ni guerre, ni paix » (Richards 2005) ou « d’entre-guerres » (Debos, 2009). Il s’agit de s’affranchir des limites de court terme imposées par la division simpliste entre le conflit et le « post-conflit » pour explorer au contraire le chevauchement des temporalités, l’enchevêtrement des modalités d’usage de la violence, la capacité (ou non) des institutions à canaliser ses manifestations les plus déstabilisatrices ou les bases empiriques réelles des politiques de sécurisation foncière monolithiques proposées par les institutions internationales pour prévenir, apaiser et empêcher les conflits de récidiver (Grajales, 2016a ; Daudelin, 2003 ; Humphreys, 2005 ; Baranyi & Weitzner, 2006).

Au final, le dossier vise à constituer, à partir d’études empiriques et/ou historiques, un « espace de variation » (Comité éditorial, 2013) propre aux guerres civiles à dimension foncière. On souhaite ainsi capturer, à partir d’une approche inductive et non normative, les processus d'enchevêtrement des aspects productifs, économiques, identitaires, territoriaux, politique autour du foncier, et documenter les différents mécanismes d’interaction qui permettent d’interpréter de manière plausible les multiples façons dont les rapports socio-fonciers s’agencent dans des configurations de changement social instables et violentes (Humphreys, 2005). Parmi ces processus, l’articulation entre les dynamiques foncières et les flux globalisés de ressources et d’individus méritent d’être particulièrement évaluée. Nous nous intéressons ainsi aux multiples rapports qui peuvent exister entre politiques foncières nationales et capitaux transnationaux (Grajales, 2016b), ou encore flux migratoires régionaux ou internationaux .

Orientations suggérées

On peut indiquer, parmi d’autres possibles, les problématiques d’actualité suivantes, qui se recoupent fréquemment sur de nombreux terrains pour mobiliser les enjeux fonciers dans l’émergence ou la propagation des violences sociales et politiques :

  • L’incidence foncière des migrations comme ingrédient des guerres civiles
  • Déplacements forcés de population et reproduction des conflits fonciers
  • Les outils de la gouvernance globale de l’environnement : de nouveaux risques de conflictualisation des rapports fonciers ?
  • L’incrustation des situations de « post-conflit » à forte problématique foncière
  • L’intégration des politiques foncières de formalisation des droits coutumiers dans les dispositifs de sortie de conflit La revue sollicite deux types d’articles :

Conditions de soumission

  • D’une part des articles ayant un format de 35 000 à 45 000 signes espaces compris maximum (notes de bas de page et bibliographie comprises) dans leur version destinée à la publication, ainsi qu’un court résumé de 800 signes (espaces compris), des mots clés et la biographie de l’auteur (150 signes). Les auteurs pourront intégrer à leur article des iconographies (tableaux, graphiques, cartes, photos, dessins, etc.). Les fichiers sources devront être en format .ai, .pdf, .jpg pour les cartes, et en format .xls, .pdf, .jpg pour les graphiques. Les photographies devront être impérativement en haute résolution (300 DPI minimum) et libres de droit.
  • D’autre part, des articles destinés aux pages « Repères » du numéro, plus courts et centrés sur des données ou sur un objet empirique plus ciblé (chronique professionnelle, observation participante, trajectoires d’acteurs, etc.). Les auteurs pourront aussi intégrer à leur article des ressources iconographiques (voir ci-dessus).

Faire acte de candidature en envoyant une courte note d’une page appelée « proposition » (problématique du texte, exposé du déroulé de l’argumentaire, exposé des données, des sources et terrains mobilisés).

Coordination scientifique

Dossier coordonné par Jacobo Grajales (Université de Lille, CERAPS), Jean-Pierre Chauveau (UMR GRED, IRD Montpellier) et Eric Léonard (UMR GRED, IRD et Pôle Foncier Montpellier)

La soumission des propositions et des articles se fait sur la plateforme Editorial Manager à l’adresse suivante : http://www.editorialmanager.com/afriquecontemporaine/

La publication finale des articles sera conditionnée au succès de la procédure d’évaluation scientifique auprès de deux référés anonymes et du comité de lecture d’Afrique contemporaine.

Vous pouvez nous contacter pour toutes précisions aux adresses suivantes : fortuiti@afd.fr et courtinn@afd.fr.

Calendrier

  • Envoi de la proposition d’article : le 15 mai 2018, au plus tard.

  • Réponse de la rédaction d’Afrique contemporaine aux auteurs : le 15 juin 2018.
  • Envoi d’une première version des articles présélectionnés : le 15 octobre 2018.
  • Publication du numéro : 2ème trimestre 2019.

Bibliographie

Baranyi S. & Weitzner V., 2006. Transforming land-related conflict: Policy, practice and possibilities. The North-South Institute, Ottawa, with the International Land Coalition, Rome.

Bavinck et al. (eds), 2014. Conflicts over Natural Ressources in the Global South – Conceptual Approaches, Leiden, CRC Press/Balkema.

Berry S., 2009. Property, Authority and Citizenship: Land Claims, Politics and the Dynamics of Social Division in West Africa, Development and Change 40(1): 23–45.

Boone C., 2014. Property and political order in Africa: land rights and the structure of politics, New York, Cambridge University Press.

Chauveau J.-P. et P. Richards, 2008. Les racines agraires des insurrections ouest-africaines. Une comparaison Côte d’Ivoire-Sierra Leone. Politique Africaine, 111, 131-167.

Chauveau, J., 2017. Le nexus État, foncier, migrations, conflits comme champ social. Critique internationale, 75,(2), 9-19. doi:10.3917/crii.075.0009.

Colin J.-Ph., P.-Y. Le Meur, E. Léonard (eds), 2010. Les politiques d’enregistrement des droits fonciers. Du cadre légal aux pratiques locales, Paris : Karthala : 105-140.

Comité éditorial, 2013. Éditorial. Dossier ‘Ni guerre, ni paix’, Politix, No. 4 : 3-5.

Côté, I., & Mitchell, M. I., 2015. Deciphering ‘Sons of the Soil’ Conflicts: A Critical Survey of the Literature. Ethnopolitics, 1-19.

Cramer, C., 2006. Civil war is not a stupid Thing. Accounting for violence in developing countries. Hurst & Company.

Cramer C. & P. Richards, 2011. Violence and War in Agrarian Perspective, Journal of Agrarian Change, vol. 11, no 3 : 277-297.

Daudelin J., 2003. Land and Violence in Post-Conflict Situations. Report prepared for the North-South Institute and The World Bank, The North-South Institute, Ottawa.

Debos M., 2013. Le métier des armes au Tchad. Le gouvernement de l'entre-guerres, Paris, Karthala.

Dunn, K. C., 2009. ‘Sons of the Soil’and Contemporary State Making: autochthony, uncertainty and political violence in Africa. Third World Quarterly, 30(1), 113-127.

Fearon J. & D. Laitin, 2011. Sons of the Soil, Migrants, and Civil War, World Development Vol. 39, No. 2, pp. 199–211.

Geschiere, P. 2011. ‘Sons of the Soil’: Autochthony and its ambiguities in Africa and Europe. In: J. Abbink, & M. de Bruijn (Eds.). Land, Law and Politics in Africa: Mediating Conflict and Reshaping the State, .Brill.

Grajales, J. 2016a. Gouverner dans la violence. Le paramilitarisme en Colombie. Recherches Internationales, Paris, Karthala.

Grajales, J. 2016b. La terre, entre guerre et paix. Politiques foncières et sortie de conflit en Colombie, Les Etudes du CERI - n° 223.

Huggins C. and J. Clover (eds), 2005. From the Ground Up : Land Rights, Conflict and Peace in Sub-Saharan Africa, Pretoria, Institute of Security Studies.

Humphreys, M.,2005. Natural resources, conflict, and conflict résolution. Uncovering the mechanisms. Journal of conflict resolution, 49(4) : 508-537.

Jackson, S., 2006. Sons of which soil? The language and politics of autochthony in eastern DR Congo. African Studies Review, 49(02), 95-124.

Kalyvas, S. N., & Balcells, L., 2010. International system and technologies of rebellion: How the end of the cold war shaped internal conflict. American Political Science Review, 104(03), 415-429.

Le Roy E., 1999. Le jeu des lois, une anthropologie ‘dynamique‘ du droit, Paris, LGDJ, coll. Droit et société.

Linhardt D. et C. Moreau de Bellaing, 2013. Ni guerre, ni paix. Dislocations de l'ordre politique et décantonnements de la guerre. Politix 2013/4, N° 104 : 7-23.

Luckham R. & T. Kirk, 2013. The Two Faces of Security in Hybrid Political Orders: A Framework for Analysis and Research. Stability, International Journal of Security & Development 2(2) : 1-30, http://dx.doi.org/10.5334/sta.cf

Lund, C., & Boone, C., 2013. Introduction: land politics in Africa–constituting authority over territory, property and persons. Africa, 83(01), 1-13.

Newman E., 2009. Conflict Research and the ‘Decline’ of Civil War, Civil Wars, 11/3 : 255-278.

Peters P., 2013. Land appropriation, surplus people and a battle over visions of agrarian futures in Africa. Journal of Peasant Studies, 40(3), 537-562.

Porto J.G., 2008. The mainstreaming of conflict analysis in Africa : contributions for theory. In : D.J. Richards P., 2005. New war: an ethnographic approach, in Paul Richards (ed.), No war no peace. An anthropology of contemporary armed conflicts. Oxford: James Currey.

Sikor T. & C. Lund, 2009. Access and property: a question of power and authority. Development and Change, 40(1), 1–22.

Strauss S., 2012. Wars do end! Changing patterns of political violence in Sub-Saharan Africa. African Affairs, 111 :443 : 179-201.

Van Leeuwen M. & G. Van Den Haar, 2016. Theorising the Land-Violent Nexus, World Development, 78 : 94-104.

Wasinski, C., 2006. Aperçu d’un atelier de recherches: les études sociales constructivistes, critiques et postmodernes de sécurité–deuxième partie. Cahiers du RMES, 3(1), 80-102.


Dates

  • mardi 15 mai 2018

Contacts

  • Isabelle Fortuit
    courriel : afcontemporaine [at] gmail [dot] com

Source de l'information

  • Isabelle Fortuit
    courriel : afcontemporaine [at] gmail [dot] com

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Penser l’articulation entre le foncier rural et les conflits violents en Afrique », Appel à contribution, Calenda, Publié le mardi 24 avril 2018, https://doi.org/10.58079/102b

Archiver cette annonce

  • Google Agenda
  • iCal
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search