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EHESS Ethnography biennial

Biennale d’ethnographie de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS)

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Published on Monday, April 30, 2018

Abstract

La première Biennale d’ethnographie de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) fait suite aux succès des trois éditions des rencontres annuelles d’ethnographie de l’EHESS. L’idée reste la même: donner un espace de réflexion et de visibilité à l’enquête ethnographique par des doctorant·e·s et des jeunes chercheur·e·s issu·e·s de différentes disciplines des sciences sociales. Doctorant·e·s et jeunes chercheur·e·s de toute institution/affiliation sont invité·e·s à proposer des communications originales qui se fondent sur une pratique ethnographique rigoureuse.

Announcement

Présentation générale

La première Biennale d’Ethnographie de l’EHESS fait suite aux succès des trois éditions des Rencontres Annuelles d’Ethnographie de l’EHESS. L’idée reste la même: donner un espace de réflexion et de visibilité à l’enquête ethnographique par des doctorant.e.s et des jeunes chercheur.e.s issu.e.s de différentes disciplines des sciences sociales. Ces rencontres de 2018 se dérouleront autour de 12 ateliers sur des thématiques innovantes et diversifiées, dont les appels à communication figurent ci-dessous.

Nous invitons les doctorant.e.s et jeunes chercheur.e.s de toute institution/affiliation à proposer des communications originales qui se fondent sur une pratique ethnographique rigoureuse. Les communications doivent faire explicitement apparaître une démarche ethnographique, les analyses uniques de documents ou d’entretiens ne seront pas retenues. Les communications dureront 20 minutes, suivies d’une discussion avec un.e chercheur.e confirmé.e, ainsi que d’un échange avec l’auditoire.

Calendrier

  • 18 mai 2018 - date limite d’envoi des propositions aux organisateurs.trices de l’atelier choisi

sous forme d’un résumé de 3 000 à 5 000 signes (hors bibliographie et coordonnées des auteur.e.s) comprenant un descriptif de la démarche ethnographique adoptée et des données exploitées.

  • Mi-juin 2018 - date d’envoi des notifications d’acceptation aux participant.e.s.
  • Mi-septembre 2018 - envoi des communications écrites aux organisateurs.trices des ateliers (entre 25 000 et 30 000 signes, hors bibliographie et coordonnées des auteur.e.s)
  • 04-05 octobre 2018 - tenue de la Biennale d’Ethnographie 2018

Contacts

  • Pour davantage d’informations : https://rae.hypotheses.org/
  • Pour toute question d’ordre général, écrire au comité d’organisation : bethnographie@gmail.com
  • Pour toute question relative à un atelier en particulier, s’adresser directement aux organisateurs. trices concerné.e.s, dont les coordonnées figurent en début des appels à communication ci-dessous.

Liste des ateliers

  1. Ethnographes impliqués, ethnographies appliquées
  2. Engagements, mises en débat, prises de position : enquêter aux côtés des acteurs. Le cas des innovations en agriculture
  3. Derrière les portes des centres d’hébergement pour demandeurs d’asile
  4. Une ethnographie des sens en contexte de soins pluriels
  5. Être affecté / observer et décrire des affects (méthodes et enjeux)
  6. Saisir la mobilité professionnelle à partir de l’ethnographie
  7. Ethnographies sociales des questions environnementales
  8. Ethnographier les rapports sociaux de sexe, de race et de classe
  9. Observer, décrire et enregistrer les techniques du corps
  10. Observer, lire et compter en terrains judiciaires
  11. Les ONG : gardiennes des terrains ethnographiques, courtiers de la recherche ?
  12. Bavardage et potins : l’ethnographie comme pratique du commérage

Ethnographes impliqués, ethnographies appliquées

Co-organisateurs.trices de l’atelier

Argumentaire

L’ethnographe en contrat CIFRE dans une institution, une association ou une entreprise, est un salarié-doctorant. Il n’est donc pas complètement un « collègue» pour les autres salariés, puisqu’il n’est pas tous les jours derrière son bureau comme les autres, qu’il passe de nombreuses journées à l’université ou dans son laboratoire de recherche. De l’autre côté, dans l’institution scientifique, il n’est plus seulement un « doctorant » qui étudie, puisqu’il n’a aucun cours à préparer, ne parle pas de « partir sur le terrain » étant donné qu’il y est déjà chaque semaine et pour 3 ans, et qu’il considère non pas la bibliothèque, mais son employeur comme seconde maison.

C’est à partir de ce constat que nous  interrogerons  ici  la posture d’un  doctorant-salarié sur son  terrain  d’enquête,  son  rôle  d’ethnographe  et  les  possibles  applications  de  son  ethnographie. Plus  précisément,  nous  questionnerons  la  place  et  le  positionnement  du  salarié-doctorant,  alors à  l’intersection  du  monde  du  travail  et  de  la  recherche,  et  plus  généralement  les  multiples  formes d’engagement  de  l’ethnographe.  Dès  lors  que  l’ethnographe  travaille  non  plus  seul  mais  avec et  pour  de  potentiels  enquêtés,  comment  sa  manière  de  penser,  faire  et  écrire  l’ethnographie  est- elle  bouleversée  ?  Et  inversement,  comment  des  institutions  telles  que  des  entreprises,  collectivités territoriales, fondations et associations investissent la méthode ethnographique ?

Précisons  le  questionnement.  Loin  de  l’observation  participante  prônée  par  Malinowski, l’ethnographe  en  CIFRE  entre  dans  une  institution  et  en  devient  partie  prenante,  plus  participant qu’observateur. L’ethnographie est ici encouragée et même rémunérée, et l’implication quotidienne de l’ethnographe s’en trouve interrogée, comme l’est le positionnement de « l’anthropologue embarqué » dans l’armée américaine (Bonhomme, 2007). Quelle indépendance et distance peut-il alors produire ? Au  fur  et  à  mesure  que  le  salarié-doctorant  construit  sa  place  tant  de  chercheur  que  de  salarié, l’ethnographie ne se transforme-t-elle pas alors en partie en « auto-ethnographie » en permettant de mieux cerner cette implication et de l’assumer comme un élément de l’enquête ?

Dans un contexte où l’anthropologie des mondes contemporains (Augé, 1994) devient légitime, nous porterons attention aux stratégies et choix méthodologiques appliqués sur le terrain. En effet, la CIFRE constitue parfois l’unique possibilité d’accès à un terrain. Qu’est ce qui permet à l’ethnographe de différencier son engagement scientifique et son engagement ethnographique (Broqua, 2009) ? Nous interrogerons donc les différents outils qui permettent à l’ethnographe de décrire et d’appréhender son positionnement face au terrain : quel(s) « poste(s) d’observation » est permis par la CIFRE et de quelle(s) « posture(s) d’observateur » (Favret-Saada, 1977) peut-il s’emparer dans ce contexte ?

Sonder l’implication et l’application de l’ethnographie sous le dispositif  CIFRE en sciences sociales revient ainsi à interroger ce que peut produire cette collaboration entre chercheurs et non- chercheurs.  L’anthropologie  semble  toujours  avoir  été  un  outil  pour  agir  sur  le  monde,  et  toute anthropologie peut être en quelque sorte « appliquée » (Bastide, 1971), tout comme les autres sciences sociales.  Le  cadre  de  la  CIFRE  garantit-il  cet  aller-retour  entre  la  recherche  et  l’action  ?  Produit- elle des nouvelles formes de recherche-action? La CIFRE peut susciter à la fois des vocations et un engagement  fort  dans  la  société  civile  tout  comme  des  interrogations  quant  à  la  distance  critique du chercheur à son sujet voire même sa partialité. Quel regard et action sur le monde permet alors l’ethnographie depuis « l’intérieur » de la société civile?

Si l’indépendance qu’offre l’université est précieuse, son potentiel manque d’implication et de porosité avec l’extérieur est questionnable. Nous défendons donc qu’une ethnographie peut être une forme d’engagement et aimerions interroger avec vous cette phrase de Daniel Cefaï : « l’apolitisme n’est pas une garantie d’intelligence et d’impartialité, et inversement, un activiste peut être capable de faire la part des choses sans que rien ne le condamne au sectarisme » (Cefaï, 2010 : 18).

Références

  • Augé M. (1994), Pour une anthropologie des mondes contemporains, Paris, Flammarion. Bastide R. (1998),“Anthropologie appliquée”, Paris, Stock.
  • Bonhomme J. (2007), « Anthropologues embarqués » ; La vie des idées, http://laviedesidees.fr/ Anthropologues-embarques.html
  • Broqua CH. (2009), « L’ethnographie comme engagement : enquêter en terrain militant. », Genèses, vol.2, n° 75, pp.109-124.
  • Cefai D., Costey P., Gardella E., Gayet-Viaud C., Gonzalez P., Méner E-L.& Terzi C. (2010), L’engagement ethnographique, Paris, EHESS.
  • Favret-Saada J. (1977), Les Mots, la mort, les sorts. Paris, Gallimard.

Engagements, mises en débat, prises de position : enquêter aux côtés des acteurs. Le cas des innovations en agriculture

Co-organisateurs.trices de l’atelier

  • Mathieu Rajaoba (MINES ParisTech, Université PSL, CSI – Centre de sociologie de l’innovation, i3) - mathieu.rajaoba@mines-paristech.fr
  • Sophie Tabouret (INRA-UMR SADAPT – Equipe Proximités ; MINES ParisTech, Université PSL, CSI – Centre de sociologie de l’innovation, i3) - sophie.tabouret@mines-paristech.fr

Argumentaire

La prolifération des innovations en agriculture, qu’elles soient numériques (Bronson, Knezevic, 2017), génétiques (Bonneuil et Thomas, 2009), organisationnelles (Le Velly et al., 2016) ou liées aux techniques culturales (Goulet, 2012), appelle à interroger les manières d’enquêter des sciences sociales. Témoins d’enjeux majeurs, ces objets d’étude sont autant de médiateurs privilégiés pour toucher du doigt notre rapport au vivant et nous confronter aux problèmes liés à la mutation climatique ou aux risques sanitaires et environnementaux. Cet atelier vise à discuter des exigences et des conséquences de l’enquête ethnographique à l’épreuve des innovations en agriculture.

Deux  axes  de  réflexions  seront  privilégiés.  Le  premier  prend  acte  du  fait  que  l’agriculture représente  un  lieu  idéal  pour  observer  la  production  de  connaissances  multiples.  La  recherche agronomique est caractérisée par la diversité des disciplines mobilisées, de la botanique à l’économie en  passant  par  la  chimie  (Aeschlimann,  Feller,  Robin  2007),  tandis  que  la  production  agricole  est le  théâtre  d’innombrables  expérimentations  à  l’origine  d’un  vaste  savoir  empirique  (Kloppenburg, 1991).  De plus, on observe une multiplication des cas de remise en question des savoirs scientifiques par  des  groupes  actifs,  notamment  autour  de  la  production  des  semences,  qui  souhaitent  devenir partenaires   de   recherche   plutôt   que   simples   bénéficiaires   (Desclaux,   Chiffoleau   2006).   Dans l’exemple  de  la  sélection  participative  de  blés,  ces  deux  chercheuses  soulignent  l’importance  de  la décentralisation  des  recherches.  Chaque  agriculteur  partenaire  expérimente  chez  lui  et  alimente le  projet  de  recherche  plus  global.  L’enquête  doit  elle-même  multiplier  les  sites  d’observation.  Plus généralement,  la  multiplication  des  acteurs  concernés  pousse  à  un  renouvellement  de  la  démarche d’enquête.  Alliant  dans  des  configurations  inédites  des  chercheurs,  des  techniciens,  des  acteurs  de la  filière  et  des  agriculteurs,  divers  types  d’expérimentations  émergent  et  permettent  de  produire de  nouvelles  formes  de  connaissances.  Savoirs  scientifiques,  juridiques  et  profanes  se  confondent, s’interrogent, s’affrontent parfois. L’ethnographe suit les problèmes posés dans différentes arènes, il sort du laboratoire tout en gardant un pied dedans.

Suivant un deuxième axe de problématisation, les communications pourront approfondir une réflexion  sur  les  formats  d’enquête  dans  leurs  relations  aux  objets  et  aux  acteurs.  Les  innovations dans l’agriculture constituent des sites privilégiés pour intégrer des questionnements sur les modalités de  nos  engagements  sur  le  terrain.  L’exemple  du  projet  USAGES  (sur  l’innovation  par  les  usages pour  l’agroécologie  et  les  dynamiques  rurales  ;  Chance,  Meyer,  2017)  associant  des  sociologues  et une  coopérative  d’auto-construction  de  matériel  agricole  appelle  à  être  attentif  aux  conditions  de la mobilisation de collectifs d’enquête originaux faisant travailler ensemble ethnographes et acteurs de terrain. Cette initiative doit plus largement amener à discuter des problèmes rencontrés par des recherches participatives ou des spécificités de certaines formes de contractualisation de la recherche. Les activités liées à l’agriculture sont en outre des territoires impliquant une multitude d’êtres, citons simplement les sols (Puig de la Bellacasa, 2015) ou les animaux (Porcher, 2011). La prise en compte de cette multitude nous invite et nous oblige à recomposer nos manières de nous adresser à nos dits objets de recherche, de la conduite de l’ethnographie à l’écriture et à la transmission des récits d’enquête.

Les  participants  à  l’atelier  auront  à  répondre  au  pari  de  faire  tenir  ensemble  des  gestes méthodologiques et des engagements et attentions renouvelés sur le terrain. Nous aurons alors montré tout l’intérêt d’une démarche d’ethnographie de l’innovation en agriculture ouverte à la pluralité des mondes possibles.

Références

  • Aeschlimann J-P, Feller C. & Robin P. (2013), Histoire et agronomie : Entre ruptures et durée, Marseille, IRD Éditions, Colloques et séminaires.
  • Bonneuil C. &Thomas F. (2009), Gènes, pouvoirs et profits. Recherche publique et régimes de production des savoirs, de Mendel aux OGM, Versailles/Lausanne, Quæ et Fondation pour le Progrès de l’Homme.
  • Bronson K. &Knezevic I. (2016), « Big Data in Food and Agriculture. », Big Data & Society, vol.3, 1. Chance Q. & Meyer M. (2017), « L’agriculture libre. Les outils agricoles à l’épreuve de l’open source. "Techniques & Culture, n°67, pp.236-239. Chiffoleau Y. &Desclaux D. (2006), « Participatory plant breeding: the best way to breed for sustainable agriculture? », International Journal of Agricultural Sustainability, n°4, 2, pp.11930.
  • Goulet F. & Vinck D. (2012), « L’innovation par retrait. Contribution à une sociologie du détachement. », Revue française de sociologie, n°53, 2, pp.195-224.
  • Kloppenburg  J.  (1991),  «  Social Theory  and  the  De/Reconstruction  of  Agricultural  Science:  Local
  • Knowledge for an Alternative Agriculture. », Rural Sociology, n°56, 4, pp.519–48.
  • LeVelly R., Dufeu I. & Le Grel L. (2016), « Les systèmes alimentaires alternatifs peuvent-ils se développer commercialement sans perdre leur âme ? Analyse de trois agencements marchands. », Économie rurale, n°356, (December), pp.31-45.
  • Porcher J. (2011), Vivre avec les animaux: une utopie pour le XXIe siècle. Paris, France, La Découverte- MAUSS.
  • Puig de la Bellacasa M. (2015), « Making Time for Soil:Technoscientific Futurity and the Pace of Care. », Social Studies of Science, n°45, 5, pp.691-716.

Derrière les portes des centres d’hébergement pour demandeurs d’asile

Co-organisateurs.trices de l’atelier

Argumentaire

Notre  atelier  porte  sur  l’hébergement  d’assistance  à  destination  des  demandeurs  d’asile.  Il s’inscrit dans le fil d’enquêtes ethnographiques récentes menées par l’Observatoire du Samusocial sur l’hébergement d’urgence en hôtel de familles étrangères (Le Méner, 2013) et l’accueil des demandeurs d’asile depuis 2015 (Baciocchi et al., 2017). En décrivant ces lieux d’hébergement de l’intérieur, ces enquêtes examinent des formes d’habitat méconnues et documentent le rapprochement contemporain entre politiques sociales et gestions des migrations (Frigoli, 2004).

Dans le domaine des études sur les migrations, peu de travaux académiques rendent compte d’enquêtes ethnographiques de première main au sein de ces lieux d’assistance. Notre atelier vise à rassembler  de  tels  travaux  qui  documentent  leur  genèse,  leur  fonctionnement  et  leurs  effets  sur  les populations qui y sont prises en charge. Le croisement de tels travaux permettra de développer une réflexion sur les modalités du rapprochement entre gestion des exclus et des étrangers.

Dans un contexte dit de “crise migratoire” et de remise en cause de l’inconditionnalité de l’accueil, nombreuses sont les associations qui alertent sur les conditions de l’asile et jugent insuffisants les dispositifs d’hébergement des migrants. Par ailleurs, la compréhension de la société civile vis-à-vis de l’accueil des migrants semble s’arrêter aux portes des centres d’hébergement.

Si  de  nombreuses  recherches  en  sciences  sociales  s’intéressent  à  la  gestion,  au  contrôle  et à  l’enfermement  des  étrangers,  il  existe  relativement  peu  d’enquêtes  réalisées  à  l’intérieur  même des centres d’hébergement pour migrants en France. À travers la notion de camp, certains travaux analysent la banalisation de ces espaces de mise à l’écart (Agier et Babels, 2017) et la continuité des formes  d’enfermement  contemporain,  qu’il  s’agisse  des  foyers  de  travailleurs  migrants  (Bernardot,

2008) ou du centre humanitaire de Sangatte (Courau, 2007). Mais ce sont avant tout les centres de rétention  administrative  (CRA)  qui  ont  fait  l’objet  d’enquêtes  par  observation  directe,  s’attachant notamment  à  décrire  les  pratiques  quotidiennes  des  professionnels  dans  ces  centres  (Tassin,  2016). Seulement quelques enquêtes donnent à voir le travail ou la vie menée à l’intérieur d’hébergements d’assistance pour demandeurs d’asile (e.g. Kobelinsky, 2010), et c’est dans cette démarche que notre atelier s’inscrit.

Face à la saturation du dispositif  national d’accueil des demandeurs d’asile, différents types d’hébergement se multiplient et leurs spécificités se recoupent, brouillant un dispositif  déjà peu lisible. Aux centres d’accueil de demandeurs d’asile (CADA) et hébergements d’urgence pour demandeurs d’asile  (HUDA)  s’ajoutent  dès  2016  les  centres  d’accueil  et  d’orientation  (CAO),  puis  les  centres d’hébergement d’urgence-migrants (CHU-migrants), les programmes d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile (PRAHDA) et autres centres d’accueil et d’examen de situation (CAES).

Il s’agit alors de s’interroger sur les caractéristiques de chacune de ces structures d’hébergement et leur articulation, en se plongeant dans leur quotidien. Quelles logiques régissent la répartition et le transfert des migrants dans ces centres et hôtels ? À quel point la vie dans ces hébergements est-elle soumise aux aléas des politiques migratoires ? Quels sont les enjeux et les limites de l’accompagnement des migrants par les travailleurs sociaux ?   Quels mouvements de solidarité, bénévoles et militants, se déploient à l’intérieur et autour de ces structures ? Comment les hébergés gèrent-t-ils l’attente en centre, et que se passe-t-il lorsque l’intégration n’est plus un objectif  de la procédure administrative dans laquelle ils sont prise, notamment au sein des centres destinés au tri et à l’éloignement ? Enfin, parce que les personnes étrangères sont de plus en plus nombreuses parmi les sans-domicile (enquêtes nationales de l’INSEE en 2001 et 2012) et occupent de ce fait une part croissante des places dans les hôtels sociaux et centres d’hébergement (Dietrich-Ragon, 2017), on peut se demander s’il existe un accompagnement spécifique des migrants dans les lieux de l’accompagnement social en France ?

L’atelier proposé prendra la forme d’une table-ronde autour de laquelle nous réunirons des enquêtes  ethnographiques  éclairant  les  mondes  de  l’hébergement  pour  demandeurs  d’asile  et  les connexions entre gestion des sans-domicile et des migrants. Nous tenons aussi à construire cet atelier comme un temps d’échange qui invite les participants à croiser leurs descriptions et leurs analyses de l’hébergement plus que n’y obligent les cloisonnements académiques qui tendent à séparer l’étude des migrations de celle de l’assistance.

Références

  • Agier  M.  &  Babels.  (2017),  De  Lesbos  à  Calais  :  comment  l’Europe  fabrique  des  camps,  Neuvy-en- Champagne, Le Passager Clandestin.
  • Baciocchi S., Boda C., Boukir K., Eberhard M., Guénée L., Le Méner E., Réginal M. & Siffert I. (2017), « L’accueil des migrants : mise à l’abri ou mise à l’écart ? Une enquête collective en Ile-de-France (juin
  • 2015-novembre 2016). », Intervention au séminaire «Pratiques d’enquête et sens de la réalité sociale », EHESS, Paris, 21 décembre 2017.
  • Bernardot M. (2008), « Camps d’étrangers, foyers de travailleurs, centres d’expulsion : les lieux communs de l’immigré décolonisé. », Cultures et Conflits, vol.69, pp.55-79.
  • Courau H. (2007), Ethnologie de la forme-camp de Sangatte. De l’exception à la régulation, Paris, Éditions des Archives contemporaines.
  • Dietrich-Ragon P. (2017), « Aux portes de la société française. Les personnes privées de logement issues de l’immigration. », Population, vol.72, n°1, pp.7-38.
  • Frigoli G. (2004), « Le demandeur d’asile: un “exclu” parmi d’autres ? La demande d’asile à l’épreuve des logiques de l’assistance. », Revue européenne des migrations internationales, vol.20, n°2, pp.153-167.
  • Kobelinsky C. (2010), L’accueil des demandeurs d’asile. Une ethnographie de l’attente, Paris, Éditions du Cygne.
  • Le Méner E. (2013), « L’hôtellerie sociale: un nouveau marché de la misère ? Le cas de l’Ile-de-France. », Politiques sociales et familiales, vol.114, n°1, pp.7-18.
  • Tassin L. (2016), « Les frontières de la rétention. Genre et ethnicité dans le contrôle des étrangers en instance d’expulsion. », Critique internationale, n°72, pp.35-52.

Une ethnographie des sens en contexte de soins pluriels

Co-organisateurs.trices de l’atelier

Argumentaire

A  contrario  de  l’approche  françaisel’anthropologie  anglo-saxonne  a  développé  l’étude  des sensorialités  à  travers  de  nombreux  objets  de  recherche,  notamment  en  anthropologie  médicale, portant sur les expériences vécues des maladies. Les auteurs tels que Zola (1966), DelVecchio Good and al. (1994), illustrent les manières dont les mondes sociaux et culturels affectent l’expérience des soins  et  de  la  maladie,  y  compris  dans  leurs  dimensions  sensorielles  (Nichter,  2008).  En  France,  le champ des sensorialités n’est pas un domaine de recherche « constitué » en sciences sociales (Gélard,

2016, Howes 2004). Seuls certains travaux émergent au sein de l’anthropologie de la santé et du corps en  s’intéressant  aux  manières  dont  sont  mobilisés  les  divers  sens  (sensations,  émotions,  corporalités et perceptions) dans l’appréhension de la maladie et des soins (Pouchelle, 2007 ; Le Breton, 2007). Dans  cette  perspective,  nous  proposons  de  considérer  les  sensations  et  les  sens  comme  des  sources de significations et d’informations (Gélard et Sirost, 2010) sur la maladie. Au sein des situations de soins, les sens peuvent fournir des informations sur les expériences vécues et sur les pratiques, qu’elles soient préventives ou curatives. Tout l’enjeu d’une ethnographie des sensorialités en contexte de soins est  d’observer  comment  les  sens,  leur  identification  et  les  discours  autour  de  ces  expériences,  nous renseignent sur les interactions entre usagers/thérapeutes. Il s’agit aussi de voir dans quelle mesure les  sens  influencent  les  usagers  dans  la  gestion  de  leur  santé  ou  maladie  (notamment  à  propos  des choix thérapeutiques) et les thérapeutes dans leurs pratiques de soins et les représentations qui y sont associées.

Dans cet atelier, nous souhaitons créer un espace d’expression, d’échanges et d’analyses pour celles  et  ceux  qui,  engagé(e)s  dans  un  terrain  ethnographique,  souhaitent  exposer  leurs  données empiriques et questionner leurs travaux par le prisme du sensitif et du perceptible, en contexte de soins. Ces contextes peuvent être des systèmes thérapeutiques pluriels, biomédicaux ou « non-conventionnels »  (Cohen  &  Rossi  2011),  comme  les  médecines  dites  «  traditionnelles  »,  les  thérapies  par  les  arts, religieuses,  ou  encore,  énergétiques.  Les  communications  devront,  explicitement,  s’appuyer  sur  un travail ethnographique et s’intéresser à l’une des quatre dimensions suivantes :

  • Ethnographies des sens et méthodologie. Il sera question des façons de saisir et de décrire les expériences sensorielles vécues par les différents acteurs en situation de  soin.  Quels  outils  et  sources  peuvent  permettre  d’y  accéder  ?  Quelles  sont  les places de l’observation, de l’oralité et des textes (entre autres) pour approcher ces dimensions pouvant être explicites comme implicites ?
  • Ethnographies  des  données  sensorielles  :  quels  contenus  ?  Qu’est-il possible d’ethnographier et de décrire ? Comment les sensations (considérées comme agréables  ou  désagréables)  sont-elles  prises  en  compte,  tant  par  l’usager  dans  la représentation de son mal, que par le soignant dans l’établissement d’un diagnostic, d’un  pronostic,  voire  dans  les  manipulations  et  la  prescription  de  remèdes  ? Comment sont-elles exprimées au cours des situations de soins et de quelles façons influent-elles sur les relations de soins ? Quels sens peuvent-être mobilisés au sein des interactions usagers/thérapeutes ?
  • Les  enjeux  de  la  traduction  scientifique  des  sensorialités.  Comment traduire et qualifier les sensorialités dans lae langage scientifique ? Quels peuvent- être les apports de ces données dans une perspective scientifique ? Comment valoriser les données sensorielles, qu’elles puissent être au cœur des ethnographies de soins, ou  bien  un  élément  permettant  une  meilleure  compréhension  de  la  situation  de soin ?
  • Ethnographies des sens et réflexivité. La production d’une ethnographie des sensorialités  amène  le  chercheur  à  la  réflexivité,  tant  par  l’attention  qu’il  porte  à ses  sens  sur  le  terrain  que  lors  de  l’exercice  de  la  description.  Quels  peuvent  être les  apports  et  les  effets  des  perceptions  sensibles  du  chercheur,  y  compris  en  tant qu’apprentissages  sensoriels  spécialisés,  liés  à  la  compréhension  de  son  terrain  ? En quoi de nouvelles compétences sensorielles peuvent-elles influer sur les relations entre le chercheur et ses interlocuteurs ?

Il s’agit de pistes non exhaustives et toutes propositions dégageant une problématisation en lien avec l’atelier seront appréciées. Nous souhaitons favoriser les propositions faisant preuve d’originalité, de rigueur et de précision, tant dans le recueil des données sensorielles que dans leur mise en forme.

Références

  • Cohen P. &Rossi I. (2011), « Le pluralisme thérapeutique en mouvement », Anthropologie & Santé, n°2, consulté le 4 février 2018. URL: http://journals.openedition.org/anthropologiesante/606.
  • DelVecchio  Good  M-J., Brodwin  P., Good  B., &  Kleinman A. (1994), Pain  as  Human  Experience  : An Anthropological Perspective, Berkeley, University of California Press.
  • Gélard M-L. (2016), « L’anthropologie sensorielle en France: Un champ en devenir ? », L’Homme, vol.217, n°1, pp. 91-107.
  • Gélard M-L. &Sirost O., (dir.) (2010), Langages des sens, Paris, Seuil, Collection Communications 86. Howes D. (2004), Empire of the senses : the sensual culture reader. Oxford, Berg Publishers.Le Breton D. (2007), « Pour une anthropologie des sens », Vie Sociale et Traitements, n°96, pp.45-53.
  • Pouchelle M-C. (2007), « Quelques touches hospitalières », Terrain [En ligne], n°49, mis en ligne le 15 septembre 2011, consulté le 03 février 2018. URL: http://journals.openedition.org/terrain/5651.
  • Nichter  M. (2008), «  Coming  to  Our  Senses: Appreciating  the  Sensorial  in  Medical Anthropology  », Transcultural Psychiatry, vol.45, n°2, pp.163-197.
  • Zola  I. (1966), «  Culture  and  Symptoms-An Analysis  of  Patient’s  Presenting  Complaints  », American Sociological Review, n°31, 5, pp.615-630

Être affecté. observer et décrire des affects, méthodes et enjeux

Co-organisateurs.trices de l’atelier

Argumentaire

Cet atelier propose d’aborder un thème non encore examiné dans le cadre des ateliers ethnographiques de l’EHESS et qui semble néanmoins préoccuper un nombre important de chercheurs : l’ethnographie des affects. Le terme d’affects est ici utilisé dans son acception la plus  large  renvoyant  à  un  ensemble  d’états  affectifs,  aux  émotions  et  aux  sentiments  :  peur, désarroi,  angoisse,  dégoût,  révolte,  compassion,  amour,  etc.  La  question  affective,  même qu’Andelle n’est pasa priori centrale dans une enquête ethnographique, se révèle in fine comme un  élément  auquel  pratiquement  tous  les  chercheurs  sont  confrontés.  Un  exemple  frappant est l’enseignement que Favret-Saada (2009) tire de son étude sur la sorcellerie dans le Bocage mayennais et comment la part du se « laisser affecter » s’est imposée à elle. Mais on pourrait multiplier les exemples et les terrains en montrant que l’ethnographie des abattoirs (Porcher,

2002), des hôpitaux (Mercadier, 2002), ou encore des pompes funèbres (Bernard, 2009) sont autant de terrains que l’on peut envisager comme des « terrains minés » (Albera, 2001). Non pas parce qu’ils représenteraient un danger pour l’intégrité physique du chercheur, mais surtout parce  que  la  dimension  affective  du  terrain  s’y  impose  comme  une  épreuve.  Précisément,  il s’agit d’une double épreuve. D’une part, l’enquêteur risque d’être submergé parce qu’il ou elle ressent : le dégoût que suscitent les cadavres dans les pompes funèbres, la tristesse et l’angoisse face  à  des  pathologies  incurables,  la  révolte  eu  égard  à  la  souffrance  animale,  la  peur  dans des  situations  d’hostilité  ou  de  violence  sont  autant  de  moments  de  mise  l’épreuve.  D’autre part,  l’enquêteur  doit  composer  avec  ses  affectes  en  faire  quelque  chose,  dans  des  milieux où  ces  derniers  sont  neutralisés  ou  normalisés  :  faut-il  les  exprimer,  les  taire,  les  explorer  et les  exploiter  ?  Comment  les  transformer  en  thèmes  ou  en  ressources  d’enquête  ?  Comment éviter  qu’une  réaction  déplacée  conduise  à  l’exclusion  du  terrain  ?  Ou  inversement,  faire que  le  partage  ou  la  maîtrise  de  ses  affects,  conformément  à  des  attentes  normatives  sur  le terrain, permette d’accéder au terrain ? Ce constat sur l’importance que prennent les affects sur  le  terrain  s’observe  aussi  à  travers  la  «  thématisation  »  récente  par  l’intermédiaire  de  la multiplication des ateliers, colloques, dossiers de revue, livres et manuels.

Cet atelier s’adresse donc aux chercheurs confrontés à des épreuves affectives sur le terrain et qui arrivent à en faire des analyseurs de la situation ou, à l’inverse, éprouvent le sentiment d’être démunis face à ces situations. Comment comprendre et rendre compte des situations d’affects qui modifient, bouleversent  ou  bousculent  une  enquête  ?  Comment  «  négocier  »  ces  «  charges  émotionnelles  »  ? Comment apprendre à contrôler et à neutraliser ses affects, et ne pas laisser paraître ses sentiments ? Comment repérer, noter, donner sens, faire parler les affects dans son journal de terrain, mais aussi en rendre compte dans ses comptes rendus d’enquête ? Il s’agira de questionner ces épreuves affectives, ressenties parfois de manière inattendue, brutale, déroutante, etc., sur le terrain afin de les décrire, expliquer et analyser et de s’interroger sur le lien des affects de l’enquêteur à ceux de ses co-enquêteurs ou  enquêtés  (extases  festives,  enthousiasmes  politiques,  échauffements  dans  des  controverses  ou  au contraire, compassion réglée et mesurée)…

Si  cet  atelier  s’adresse  aux  chercheurs  qui  se  sont  confrontés  à  la  question  affective  sur  le terrain sans l’avoir pensée au préalable, il concerne aussi les chercheurs qui ont pensé cette question et sont allés sur le terrain « armés » d’une méthodologie particulière. La rencontre de ces deux types de populations permettrait une pluralité des échanges afin de comprendre plus finement le « comment faire » quand des situations affectives se déroulent sur nos terrains.

Références

  • Albera D. (2001), « Terrains minés », Ethnologie française, vol.31, n°1, pp.5-13. Bernard J. (2009), Croquemort. Une anthropologie des émotions. Paris, Métailié. Favret-Saada J. (1990), « Etre affecté », Gradhiva, n°8, pp.3-9.
  • Mercadier C. (2002), Le travail émotionnel des soignants à l’hôpital. Le corps au cœur de l’interaction soignant soigné, Paris, SeliArslan.
  • Porcher J. (2002), « « Tu fais trop de sentiment », « Bien-être animal », Répression de l’affectivité, souffrance des éleveurs », Travailler, vol. 2, n°8, pp.111-134.

Saisir la mobilité professionnelle à partir de l’ethnographie

Co-organisateurs.trices de l’atelier

  • Paul Lehner (Université Paris Nanterre,ISP ) - paullehner2@yahoo.fr
  • Jean-Baptiste Paranthoën (EHESS-CRH, INRA-CESAER) - jb.paranthoen@ehess.fr

Argumentaire

L’étude de la mobilité sociale,   objet   canonique   des   sciences   sociales,   connait   un renouvellement  depuis  quelques  années  (Pasquali,  Pagis,  2016).  Ce  retour  a  surtout  concerné  les mobilités intergénérationnelles qui concernent l’écart entre la position héritée et la position acquise. Pourtant,  l’apparition  d’un  chômage  de  masse  a  profondément  bouleversé  le  déroulement  des carrières professionnelles tandis que les changements de position au cours de la vie sont en constante augmentation. La mobilité professionnelle qui recouvrées changements que connait un individu par rapport à l’emploi progresse indépendamment des fluctuations conjoncturelles (Germe, Monchatre, Pottier, 2002).

Sous l’effet d’une technicisation grandissante de l’appareil statistique, une déconnexion s’est opérée entre  les  chercheurs  travaillant  sur  la  mobilité  sociale  et  ceux  qui  s’intéressent  à  la  mobilité professionnelle  (Monso,  Thévenot,  2010).  Ce  grand  partage  s’adosse  aux  clivages  disciplinaires  et méthodologiques (Coutrot, Dubar, 1992) de sorte que la mobilité intergénérationnelle cantonnée au domaine professionnel est surtout appréhendée à partir des données statistiques par les économistes (Duhautoiset al, 2012). Contrairement aux mobilités sociales, celles poursuivies par un même individu au cours de sa vie active restent encore peu investies par des enquêtes de terrain. L’objectif de cet atelier vise  précisément  à  combler  ce  manque  en  questionnant  les  apports  de  l’approche  ethnographique de la mobilité professionnelle et sa complémentarité avec les autres méthodes d’enquête. Comment observer  concrètement  ces  formes  de  mobilité  dans  une  perspective  processuelle  et  sur  quelles scènes sociales ? Quel sens leur donner sans se fier aux seuls discours rétrospectifs ? On sait par exemple que la restitution des parcours professionnels aux amplitudes très importantes est souvent tributaire des  logiques  de  mise  en  récit  des  conversions  (Berger,  Luckmann,  2006).  Comment  l’ethnographie permet-elle d’analyser leur articulation avec les autres sphères de vie et leurs conditions de possibilité ?

Pour répondre à ces questions, les communications qui s’appuieront sur une pratique rigoureuse de l’ethnographie pourront s’orienter autour de trois perspectives.

Etudier la mobilité professionnelle à partir des outils ethnographiques permettra d’interroger à nouveau frais les niveaux d’agrégation mobilisés dans les enquêtes statistiques (Hugrée, 2017), de décentrer le regard vers les trajectoires habituellement saisies sous l’angle du déclassement et vers des formes de mobilités de plus faibles amplitudes (Jonsson et al, 2009).

Parce qu’elle permet de rendre compte de l’interdépendance des mondes sociaux, l’analyse localisée pourra rendre compte des conséquences biographiques du passage de frontières entre groupes professionnels, lequel n’implique pas mécaniquement @une clôture avec le milieu d’origine ni même une adhésion automatique à celui d’arrivée mais des « accommodements » qui rendent les mobilités acceptables (Memmi, 1996).

Alors  que  de  nombreuses  enquêtes  de  terrain  se  concentrent  sur  la  place  de  l’école  et  de l’enseignement supérieur pour rendre compte de la reproduction de l’ordre social, les communications pourront analyser les nombreuses médiations institutionnelles qui rendent (im)possibles les déplacements professionnels. Dans le sillage de monographies d’entreprise, il s’agira par exemple de lier les politiques de gestion des ressources humaines avec les stratégies de mobilité des salariés (Vezinat, 2011).

Références

  • Berger P. & Luckmann T. (2006), La construction sociale de la réalité. Paris, Armand Colin.
  • Coutrot  L.,  &  Dubar  C.  (dir.)  (1992),  Cheminements  professionnels  et  mobilités  sociales,  Paris,  La Documentation française.
  • Duhautois R., Petit H., & Remillon D. (2012), La mobilité professionnelle, Paris, La Découverte, Collection Repères.
  • Germe J.F., Monchatre C. & Pottier F. (2002), Les mobilités professionnelles : de l’instabilité dans l’emploi à la gestion des trajectoires, Paris, La Documentation française.
  • Hugree C. (2016), « Les sciences sociales face à la mobilité sociale. Les enjeux d’une démesure statistique des déplacements sociaux entre générations », Politix, n°114, pp.47-72.
  • Jonsson  J.O., Gruskky  D.B., Di  Carlo  M., Pollak  R. &  Brinton  M.C. (2009), «  Microclassmobility: social reproduction in four countries », American Journal of Sociology, n°114, 4, pp.977-1036.
  • Memmi D. (1996), « Les déplacés.Travail sur soi et ascension sociale : la promotion littéraire de Jules Romains », Genèses, vol. 24, n°1, p. 57-80.
  • Monso O. &Thevenot L. (2010), « Les questionnements sur la société française pendant quarante ans d’enquêtes Formation et Qualification Professionnelle », Economie et statistique, n°431-432, pp.13-36.
  • Pagis  J. &  Pasquali  P. (2016), «  Observer  les  mobilités  sociales  en  train  de  se  faire. Micro-contextes, expériences vécues et incidences socio-politiques », Politix, n°114, pp.7-20.
  • Vezinat  N.  (2011),  «  Fonctionnaires  et  contractuels  en  ascension  :  les  conseillers  financiers  et  les recompositions de la mobilité à La Poste », Travail et Emploi, n°128, pp.41-54.

Ethnographies sociales des questions environnementales

Co-organisateurs.trices de l’atelier

Argumentaire

La politisation des enjeux liés à l’intervention des humains sur leur environnement naturel et aux dégradations qui en découlent est l’un des traits marquants de l’histoire politique des quarante dernières années. Celle-ci génère des débats et des politiques publiques visant à réguler les conséquences des activités sociales sur le monde biophysique et les impacts des transformations environnementales sur la vie sociale (Lascoumes, 1994). La construction publique des questions environnementales a ainsi donné lieu à des pratiques et des politiques d’écologisation - qui désigne les changements induits dans les  pratiques  sociales  par  la  prise  en  compte  des  problématiques  environnementales  et  écologiques (Mormont, 2013) - qui participent à transformer le monde social.

Dans ce contexte, les sciences sociales, appelées à dépasser leur paradigme anthropocentré, ont tenté de renouveler leur compréhension du monde en intégrant de nouveaux objets. Les rapports de  pouvoir  et  les  conflits  pour  l’accès  aux  ressources  ont  été  particulièrement  bien  analysés  par  les recherches qui s’inscrivent dans le courant de la politicalecology, (Gautier et Benjaminsen, 2012). Les dégradations environnementales et les formes d’écologisation mettent également en jeu des rapports de pouvoir et de domination, auxquels il nous paraît tout aussi important de prêter attention. Nous proposons  donc  dans  cet  atelier  de  réunir  des  contributions  qui  mobilisent  l’ethnographie  pour décrire et questionner la vie sociale des problématiques environnementales contemporaines, avec une sensibilité pour la façon dont elles se relient avec les problématiques de la domination et de la justice sociale.

Pour cela, nous proposons deux axes de réflexion :

  • Quels sont les apports spécifique  de la méthode ethnographique pour étudier les problématiques environnementales ?

Comme l’ont noté Chantal Aspe et Marie Jacqué (2012 : 28), « le mouvement environnemental appréhende l’homme d’abord comme être vivant, et non comme être social, comme espèce et non comme  classe  sociale  »  :  il  développe  une  perspective  a-sociale  qui  tend  à  ignorer  l’existence  des inégalités sociales. Pour aborder ces nouveaux objets environnementaux sans pour autant abandonner en  route  une  analyse  fine  des  formes  contemporaines  de  domination,  l’ethnographie  nous  semble fournir  des  outils  de  premier  choix.  Que  ce  soit  pour  étudier  les  interactions  institutionnelles,  de genre ou encore leur intersection avec l’usage des catégories de race et de classe, les développements récents d’ethnographies de la domination ouvrent des voies pour l’étude de la vie sociale des questions environnementales. Mettant en tension l’enquête et la réflexivité, l’ethnographie permet de saisir les rapports de pouvoir dans leurs manifestations les plus quotidiennes, comme la manière dont la vie des individus est affectée par l’action des institutions et des dispositifs publics. Que ce soit à l’échelle des expériences  individuelles  ou  des  dispositifs  publics,  l’approche  ethnographique  permet  de  saisir  les

manières de résister et d’agir mais aussi le consentement et l’adhésion. Par l’observation sur le temps long  de  manifestations  ordinaires,  à  partir  de  vies  singulières,  l’ethnographie  de  la  vie  sociale  des questions environnementales peut être une manière de saisir le rôle des subjectivités les moins visibles dans la construction au niveau local des rapports de pouvoir.

Le thème de l’inscription concrète des enjeux environnementaux dans la vie quotidienne des acteurs, à travers l’écologisation militante des modes de vie (cf. Dobré, 2003) ou les injonctions à le faire  nous  intéressent  particulièrement.  Comment  appréhender  les  ruptures  dans  les  modes  de  vie que font advenir dans le quotidien la prise en compte des problématiques environnementales ? Les propositions pourront questionner par exemple les pratiques, croyances, valeurs et affects des acteurs - dans leur singularité et leur diversité - qui interviennent dans les transformations des interactions au travail (Pruvost, 2013), les dispositifs de sensibilisation aux éco-gestes, les pratiques de consommation et d’alimentation (Ripoll, 2010).

  • En  retour,  l’analyse  des  questions  environnementales  soulève  des  questions  intéressantes pour  la  pratique  de  l’ethnographie  elle-même.  Par  exemple,  en  faisant  le  choix  de  mener  une

« ethnographie en ‘amateur’ » des pratiques quotidiennes des acteurs vivant dans un parc naturel en Patagonie argentine, Igor Babou souligne la nécessité de se détacher des contraintes de temporalités et de commandes institutionnelles comme indissociable d’une réflexion sur l’éthique des conditions de production du savoir (Babou, 2009). Appréhender par la coprésence les interactions avec les acteurs tels que les non-humains ou les générations futures ne met-il pas en lumière les rapports de domination qui traversent les sciences sociales et influent sur la mobilisation de telle ou telle approche heuristique par les chercheur.e.s ?  Par ailleurs, l’intrication d’une pluralité d’échelles, du local au global, construisant des  proximités  en  réseau,  interroge  la  manière  d’étudier  les  lieux.  A  partir  d’une  ethnographie d’un  quartier  d’habitat  informel  de  la  banlieue  de  Buenos  Aires  marqué  par  une  contamination environnementale omniprésente en même temps qu’invisibilisée, Auyero et Swistun (2008) ont donné un exemple de la façon dont les problématiques environnementales transforment la relation à l’espace et  à  sa  matérialité.  Qu’en  est-il  pour  des  problématiques  plus  diffuses,  comme  le  réchauffement climatique ? Enfin, on peut se demander comment les problématiques environnementales amènent l’ethnographe  à  considérer  la  complexité  et  l’imbrication  de  diverses  appartenances  collectives. Qu’est-ce qui englobe ces collectifs et suivant quelles visions du monde sont-ils construits ?

Références

  • Aspe C. & Jacqué M. (2012), Environnement et société : Une analyse sociologique de la question environnementale, Paris, Maison des Sciences de l’Homme.
  • Auyero J. & Swistun D-A. (2008), Inflamable: EstudiodelSufrimientoAmbiental, Buenos Aires, Paidos Iberica. Babou I. (2009), Disposer de la nature : enjeux environnementaux en Patagonie argentine, Paris, L’Harmattan. Dobré M. (2003), L’écologie au quotidien. Éléments pour une théorie sociologique de la résistance ordinaire,Paris, L’Harmattan.
  • Gautier D. & Benjaminsen T-A. (dir.) (2012), Environnement, discours et pouvoir, Versailles, Quæ.
  • Mormont M. (2013), « Écologisation : entre sciences, conventions et pratiques», Natures Sciences Sociétés, vol.21, n°2, pp.159-160.
  • Lascoumes P. (1994), L’éco-pouvoir. Environnements et politiques, Paris, La Découverte.
  • Ripoll F. (2010), « L’économie « solidaire » et « relocalisée » comme construction d’un capital social de proximité. Le cas des Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (AMAP) », Regards Sociologiques, n°40, pp.59-75.

Ethnographier les rapports sociaux de sexe, de race et de classe

Co-organisateurs.trices de l’atelier

  • Camille Foubert (EHESS-IRIS-TEPSIS) - camille.foubert@ehess.fr
  • Audrey Marcillat (EHESS-IRIS) - audrey.marcillat@ehess.fr

Argumentaire

L’ethnographie représente une opportunité décisive de porter l’attention sur la race, la classe, le genre « en train de se faire » (West et Fenstermaker, 1995), et donc de mettre l’accent sur l’aspect processuel et dynamique des rapports sociaux ; elle est aussi un défi, car elle oblige à se questionner sur nos schèmes conceptuels. Nous souhaiterions engager une réflexion autour des questions suivantes: Peut-on  rendre  compte  des  rapports  sociaux  à  travers  une  pratique  rigoureuse  de  l’ethnographie  ? Comment articuler l’étude empirique des relations sociales à l’analyse macrosociologique des rapports de domination et ainsi répondre à l’injonction paradoxale que semble poser la notion d’ethnographie des rapports sociaux ?

Renoncer à voir le genre, la race, la classe, revient à s’interdire de penser ces rapports sociaux. Mais les décrire c’est se heurter à des difficultés, notamment dans la prise de notes sur le journal de terrain. Les ethnographes sont alors pris⋅e⋅s entre l’illusoire « évidence » des catégorisations de sexe, la conviction erronée de l’impossibilité de saisir la classe à « l’œil nu » et les doutes et/ou résistances à géométrie variable à consigner les catégories de race.

Sur nos terrains nous avons constaté que les usages de catégories relevaient bien souvent du bricolage. Ainsi, à la manière des étudiantes de Jounin qui ethnographient le parc Monceau (Jounin, 2016), cela donne lieu à des tâtonnements, des indécisions, des doutes quant à la manière de décrire mais aussi de restituer les observations réalisées dans le cadre de nos ethnographies à l’hôpital et dans des lieux d’accueil et d’hébergement de personnes sans-abri.

Dès  lors,  comment  catégorise-t-on  les  enqueté⋅e⋅s  au  cours  d’une  ethnographie  ?  Quels effets  cela  a-t-il  dans  l’analyse  ?  Comment  ne  pas  uniquement  plaquer  une  grille  de  lecture  à  ses observations  ?  Comment  éviter  d’essentialiser  les  catégories  (Dunezat,  2015)  sans  renoncer  à  les objectiver ? Comment passer du travail, « essentiel mais essentialiste » (Dunezat et Picot, 2017), de comptage « à l’œil nu » à une théorisation anti-essentialiste des catégories ? Défendant une approche résolument inductive, nous souhaitons questionner dans cet atelier la manière dont elle s’articule aux prémisses théoriques proposées par la sociologie des rapports sociaux, selon laquelle les différences de sexe, de race ou de classe « ont été créées de toutes pièces, précisément pour constituer des groupes » et justifier des traitements inégaux (Delphy, 2001 : 9).

Dès lors, comment classer, catégoriser sur le terrain ?

Cette proposition d’atelier, issues de questions soulevées par nos terrains d’enquêtes respectifs, s’inscrit dans une démarche inductive tout en portant une attention particulière aux rapports sociaux et à la manière dont ils s’actualisent.

Notre attention se portera particulièrement sur les enquêtes ethnographiques articulant de manière contextuelle et situationnelle les descriptions ethnographiques à l’analyse des rapports sociaux et à leur co-construction. Nous invitons les personnes adoptant une perspective intersectionnelle à ne pas se restreindre à une approche théorique ou un choix a priori (Kergoat, 2010) mais à la déployer à partir de leur terrain de recherche (Mazouz, 2015) et de l’étude de pratiques sociales.

Références

  • Avanza M., Fillieule O. & Masclet C. (2015), « Ethnographie du genre. Petit détour par les cuisines et suggestions d’accompagnement. Introduction du dossier », SociologieS [En ligne], La recherche en actes, Ethnographie  du  genre, mis  en  ligne  le  26  mai  2015, consulté  le  09 avril 2018. URL : http://journals. openedition.org/sociologies/5071
  • Delphy C. (2001), L’ennemi principal. Penser le genre,Tome 2, Paris, Syllepses.
  • Dunezat X. (2015), «  L’observation  ethnographique  en  sociologie  des  rapports  sociaux : sexe, race, classe et biais essentialistes », SociologieS [En ligne], La recherche en actes, Ethnographie du genre, mis en ligne le 26 mai 2015, consulté le 09 avril 2018. URL : http://journals.openedition.org/sociologies/5075.
  • Dunezat X. & Picot P. (2017), « Quand la catégorisation masque l’inégalité. Journal des anthropologues. », Association française des anthropologues, n°150151, pp.63-83.
  • Jounin N. (2016), Voyage de classes: des étudiants de Seine-Saint-Denis enquêtent dans les beaux quartiers, Paris, la Découverte.
  • Kergoat D. (2010, « Une sociologie à la croisée de trois mouvements sociaux. », L’Homme et la société, n°176177, pp.27-42.
  • Mazouz S. (2015), « Faire des différences. Ce que l’ethnographie nous apprend sur l’articulation des modes pluriels d’assignation. », Raisons politiques, n°58, pp.75-89.
  • Revillard A. & Verdalle (de) L. (2006). « « Faire » le genre, la race et la classe. », Terrains & travaux, n°10, pp.91-102.
  • West C. & Fenstermaker S. (1995), « Doing Difference », Gender and Society, vol.9, no 1, pp.8-37.

Observer, décrire et enregistrer les techniques du corps

Co-organisateurs.trices de l’atelier

Argumentaire

Objet à part entière de l’anthropologie, les techniques du corps suscitent un intérêt traversant plusieurs  disciplines,  de  la  sociologie  à  l’éthologie  en  passant  par  la  linguistique.  Comme  dans tout  questionnement  méthodologique,  il  est  essentiel  de  clarifier  les  objectifs  de  l’enregistrement. Transmission, apprentissage, performativité, efficacité sont autant d’angles d’approches envisageables. Comment enregistrer ces corps en mouvement, en contexte, autrement que par les mots ?

Une technique qui se donne à voir, comme la dinanderie (Buob, 2009) et le tissage (Smolderen et  Miguet,  2014),  ou  à  entendre,  comme  le  chant  ou  les  pratiques  instrumentales  (Estival,  1993), vont  nécessairement  invoquer  des  outils  d’enregistrement  différents.  Certaines  techniques  relèvent d’un apprentissage formel. Dans le cas du sport de haut-niveau, par exemple, les acteurs du terrain développent  et  sollicitent  des  outils  d’enregistrement  et  d’analyse  de  leurs  techniques.  C’est  ainsi que  l’anthropologue  Julien  Clément  (2014)  utilise  des  logiciels  d’analyse  vidéo  développés  pour  les professionnels  du  monde  du  rugby,  en  élaborant  un  usage  adapté  à  ses  propres  données  recueillies à Samoa. Dans  son  ethnographie de l’apprentissage de la mêlée au Pôle France rugby,  Marjolaine Martin  (2017)  filme,  quant  à  elle,  les  exercices  et  les  interactions  avec  le  simulateur  de  mêlée.  Les images que produit ce dernier offrent alors à l’ethnographe l’accès à de nouveaux points de vue.

D’autres techniques du corps, dont le caractère social et culturel a été masqué sous prétexte de leur innéité, voire de la mécanicité de ces « gestes », se réfèrent davantage à un apprentissage informel et parfois même inconscient, comme le rire. Dans ce cas il est important d’observer les contextes au cours desquels il se manifeste, qu’ils soient privés ou publics, quotidiens ou ritualisés, en utilisant des outils divers comme la vidéo ou le dessin qui semblent à même de retranscrire des ambiances. Rendre compte  des  manières  de  rire,  c’est  aussi  peut-être  décrire  leurs  caractéristiques  physiques.  Il  s’agit alors  d’analyser  à  une  échelle  microsociale  des  séquences  fines  de  rire  visant  à  mettre  en  relief  les variations de leurs formes sonores et corporelles : attention sélective aux sons émis, rythme, intensité, expressions faciales, postures, etc. (2017). Pourquoi même ne pas envisager une ethnomusicologie qui retranscrirait les sons du rire sur une portée musicale ou un sonagramme (Beaudet, 1996) ?

Il existe une si grande variabilité de techniques corporelles qu’il apparaît difficile d’élaborer une méthodologie spécifique.

Comment  choisir  une  technique  d’enregistrement  idoine  à  ce  que  l’on  souhaite  souligner? Comment  les  outils  d’enregistrement  modifient-ils  la  relation  d’enquête  ?  Enregistrer  implique-t-il de  rompre  avec  l’observation  participante  ?  Quelles  formes  de  collaboration  imaginer  ?  Comment se positionner par rapport à d’autres disciplines ayant investi le champ de l’étude du mouvement, en développant ses propres outils ? Dans quelle mesure est-il possible d’enregistrer des techniques a priori spontanées ? Comment enregistrer des pratiques qui relèvent de la sphère du privé, voire de l’intime ?

Nous essaierons de  réfléchir  ensemble  aux  conditions  de  possibilité  de  l’enregistrement  des techniques du corps. L’enjeu est d’interroger collectivement et de façon empirique la manière dont chacun est confronté à ces problématiques afin ouvrir un dialogue interdisciplinaire.

Références

  • Beaudet J-M. (1996), « Rire. Un exemple d’Amazonie », L’Homme, n°140, pp.81-99.
  • Bouillon  D., Guillerme A., Mille M. & Piernas G. (dir.) (2017), Gestes techniques, techniques du geste.Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion.
  • Buob B. (2009), « Filmer, montrer, entendre des savoir-faire. Regards et écoutes croisés dans la médina de Fès », Ateliers du LESC, [En ligne], n°33, consulté le 15 mars 2018. URL : http://journals.openedition. org/ateliers/8206.
  • Clément J. (2014), Cultures physiques : le rugby de Samoa. Paris, Rue d’Ulm.
  • Estival J-P. (1993), « Quelques aspects des polyphonies instrumentales tule des Asurini du Moyen-Xingu », Cahiers de musiques traditionnelles, n°6, pp.163-179.
  • Martin M. (2017), « Joueurs, robot et vidéos : ethnographie de l’entraînement rugbystique de haut niveau », Techniques & Culture, n°62, pp. 230-251.
  • Mauss M. (2001), « Les techniques du corps », Sociologie et anthropologie. (1ère édition 1936), Paris, PUF, pp.365-386.
  • Pasqueron de Fommervault I. (2017), « Rire d’initiation », Techniques & Culture, n°62. pp.16-29.
  • Smolderen L. & Minguet R. (2013), « Un fil d’Ariane dans le Dendi ». Boulay S. & Gélard M-L (dir.)., « Vivre le sable ! Corps, matière et sociétés », Techniques & Culture n°61, pp. 304-317.

Observer, lire et compter en terrains judiciaires

Co-organisateurs.trices de l’atelier

  • Tonya Tartour (Sciences Po Paris, CSO) - tonya.tartour@sciencespo.fr
  • Hugo Wainsztok (EHESS-IRIS) - hugo.wainsztok@ehess.fr

Argumentaire

Loin de se cantonner aux grands procès dans des espaces solennels, faire l’ethnographie des institutions judiciaires suppose de se transporter dans des lieux variés où s’organisent d’une part la rencontre  entre  des  justiciables  et  des  professionnel·le·s  du  droit  (greffes,  bureaux  des juges,  salles d’audience,  parfois  foraines),  d’autre  part  des  pratiques  de  travail  plus  ou  moins  bureaucratiques. Pour l’ethnographe, la coprésence des acteur·rice·s, le rôle conféré à la parole, mais aussi le poids des écrits  constituent  autant  de  points  d’entrée  pour  appréhender  la  complexité  empirique  des  affaires judiciaires, comme des pratiques professionnelles. Sa restitution suppose de l’ethnographe qu’il ou elle fasse preuve d’imagination dans l’enquête. Cet atelier propose de s’intéresser à des sources empiriques dont l’usage est peu routinisé en ethnographie : la saisie et la lecture de sources écrites produites dans les institutions judiciaires et la quantification de certains aspects des observations ethnographiques. Le recueil et l’usage de ces différents types de matériaux permettent de construire un nouveau point de vue sur un terrain familier et de saisir autrement les modalités de l’organisation d’un travail, les éventuelles variations de pratiques des professionnel·le·s du droit, l’appropriation de l’appareil judiciaire par les justiciables ainsi que la portée matérielle et symbolique des affaires traitées.

En partant d’un intérêt renouvelé chez les chercheur·e·s pour l’ethnographie des institutions judiciaires,  cet  atelier  sera  l’occasion  d’inviter  des  doctorant·e·s  à  interroger  à  nouveaux  frais  les manières  dont  l’ethnographie  peut  se  saisir  de  sources  écrites  qui  circulent  sur  le  terrain  judiciaire (Axe 1) et l’apport de la quantification dans les observations du terrain (Axe 2).

  • Axe 1 – Ethnographie des sources écrites dans les institutions judiciaires

Cet  axe  vise  à  discuter  et renouveler  l’usage  des  sources écrites  en  ethnographie, qu’elles soient produites sous le regard de l’ethnographe qui s’intéresse aux pratiques d’écriture (Fraenkel,  2007  ;  Denis,  Pontille,  2013),  ou bien, dans le cas d’archives ou de littérature grise, rendues accessibles grâce à sa présence prolongée sur le terrain (Parasie, 2008). L’ethnographie des espaces judiciaires nous confronte à des pratiques d’acteurs  continuellement  entourées,  voire  outillées  par  une  profusion  d’écrits.  Ils  sont  de  ces  lieux professionnels qui se révèlent particulièrement opaques à l’enquêteur du fait du caractère central de la dimension écrite dans le travail. Le métier de greffier·e en fournit un exemple éminent (organisation des pièces au dossier, retranscription des débats lors de l’audience, création du numéro de RG1, etc.). Il apparait judicieux pour l’enquêteur·rice de se saisir du produit de cette activité pour la décrire. Nous souhaitons soumettre à la discussion l’articulation entre observations d’une part et recueil, lecture et analyse de sources écrites d’autre part.

  • Axe 2 – La quantification en ethnographie, comme outil d’objectivation

La quantification ethnographique (voir Peneff, 1995 ; Gros, 2017) désigne autant les pratiques de recueil des données que le moment de leur analyse. Il s’agit d’une part, lors de la prise de note, d’être attentif·ve à la répétition d’actions et de situations : en audience par exemple, on peut compter le nombre d’affaires traitées, le temps passé par dossier, ou encore la répartition des requérant·e·s par profil à la manière du Collectif  Onze (2013).  Lors  de  l’analyse  du  matériau,  cette  précaution  systématique  permet  de  faire  ressortir  les régularités des caractéristiques sociales, des pratiques de jugement, ou bien des catégories utilisées par les acteur·rice·s. Aux États-Unis notamment, c’est par la quantification des résultats d’ethnographie que les chercheur·e·s en sciences sociales ont donné naissance aux sentencingstudies qui recherchent la régularité dans les pratiques de jugement en justice et à travers elles les représentations sociales des acteur·rice·s et de l’appareil judiciaire. Nous invitons les contributeur·rice·s à, d’une part, présenter des résultats d’enquêtes produits grâce à cette méthode et d’autre part, à interroger leur matériau de terrain déjà collecté à l’aune de ce principe.

Références

  • Collectif Onze. (2013), Au tribunal des couples. Enquête sur des affaires familiales, Paris, Odile Jacob. Denis J. & Pontille D. (2013), « Ficelles pour une ethnographie de l’écrit » in Datchary C. Petit précis de méthodologie. Le sens du détail dans les sciences sociales, Lormont, Le bord de l’eau, pp.17-30.
  • Fraenkel B. (2007), Actes d’écriture : quand écrire c’est faire. Langage et société, n°3, pp. 101-112
  • Gros J. (2017), « Quantifier en ethnographe : Sur les enjeux d’une émancipation de la représentativité statistique ». Genèses, n°108, 3, pp.129-147.
  • Parasie S., (2008), « Une poule devant un couteau ? Un ethnographe plongé dans des archives juridiques : Règle spécifiée », Droit et société, n°69-70, pp.363-379.
  • Peneff J.(1995),« Mesure et contrôle des observations dans le travail de terrain »,Sociétés contemporaines,n°21, pp.119-138.

1 Le Répertoire Général tenu par le greffe enregistre toutes les affaires qui entrent au tribunal lorsqu’il en est saisi.

Les ONG : gardiennes des terrains ethnographiques, courtiers de la recherche ?

Co-organisateurs.trices de l’atelier

Argumentaire

Dans de nombreux terrains, les ONG, locales ou internationales, sont des interlocuteurs privilégiés des chercheur.se.s dans la phase de constitution de leur enquête, et parfois tout au long de celle-ci, en raison de leur rôle de médiatrices d’information. Cela s’observe de façon significative sur les terrains « sensibles », dans lesquels il peut s’avérer difficile de mener des observations prolongées sur des lieux sujets à fermeture, ou d’avoir accès à ses enquêté.e.s. Les ONG présentes localement sont ainsi sollicitées par le/la chercheur.se dans l’accès à son terrain ; soit comme point d’ancrage dans l’espace d’enquête, soit au titre d’informateurs, ou encore, comme intermédiaires de la mise en relation avec les enquêté.e.s ciblé.e.s.

La socialisation cosmopolite des personnels d’ONG, devient, de la sorte, une condition partagée par le/ la chercheur.se qui en fait un déterminant de l’enquête et de sa réalisation, en contexte contraint. Généralement socialisé.e.s  dans  les  milieux  expatriés,  anglophones,  ayant  l’expérience  de  la  mobilité  à  l’international,  et disposant  de  normes,  de  références  et  de  formations  similaires,  ces  acteurs/actrices  affichent  une  proximité sociale immédiatement perceptible par le/la chercheur.se. De par leur expertise du terrain local et leur insertion dans ses réseaux, ils/elles deviennent donc des « portiers » (gatekeepers) permettant d’ouvrir la voie vers d’autres acteurs-clés.  Souvent  garant.e.s  de  l’accès  à  celui-ci,  il  s’opère  ainsi  une  sur-visibilisation  des  acteurs/actrices inscrit.e.s dans le réseau social de l’ONG, au détriment d’autres espaces sociaux. Dès lors, comment se ménager un accès aux enquêté.e.s situé.e.s hors de ces circuits de socialisation ? Quels outils méthodologiques et quelles stratégies d’enquête mobiliser pour cibler des enquêté.e.s au premier abord moins visibles, et/ou à l’écart des groupes constitués et validés par l’ONG ?

Cet atelier s’inscrit dans une réflexion plus large sur les intermédiaires et les informateurs de la recherche, qu’il s’agisse ici d’ONG ou d’autres acteurs/actrices du monde associatif ou institutionnel local, pensés comme des agents sociaux aux attributs spécifiques (capital social et scolaire élevé, socialisation internationale, etc.). Souvent évoqué de manière anecdotique ou en marge des réflexions méthodologiques sur les conditions d’enquête, le rôle de ces informateurs dans le dispositif  d’enquête de terrain est rarement questionné en tant que tel, quand l’objet de recherche n’a pas forcément de lien direct avec ce milieu. Pourtant, il détermine en partie la méthodologie d’enquête, et partant, la (re)construction de l’objet de recherche. La constitution de l’échantillon d’enquêté.e.s par l’entremise d’ONG procède, en effet, d’un triage préalable de qui est perçu comme interlocuteur légitime, ou non, pour se faire le porte-parole d’un groupe social donné. Dans le cas d’une enquête sur les dispositifs encadrant la prise de parole de militants palestiniens pour la paix, l’on constate que les ONG locales et internationales ont structuré un véritable réseau de « témoins » légitimes auquel le/la chercheur.se aura immédiatement accès. Si la représentativité conférée à ces interlocuteurs est le produit d’un processus de présélection des ONG, l’enjeu est, pour le/la chercheur.se, de ne pas reproduire ces mêmes rapports de pouvoir dans le ciblage de ses enquêté.e.s. Il s’agira ainsi de se demander dans quelle mesure la parole de ces « témoins », a priori intime et fondée sur une expérience subjective, est le produit d’une codification et d’une socialisation opérées par les ONG.

D’un  autre  côté,  en  se  trouvant  identifié.e  par  rapport  à  l’ONG  médiatrice,  le/la  chercheur.se cristallise des enjeux relatifs à la construction des savoirs à partir desquels s’oriente ou se censure la parole des acteurs/actrices. Il/elle participe ainsi de la production d’un savoir performatif  véhiculé par les ONG, et auquel les enquêté.e.s perçoivent une injonction à correspondre. Des enquêtes sur les pratiques homo- érotiques au Sénégal, au Maroc ou au Liban, menées à partir d’ONG de défense des communautés LGBTQI montrent combien l’assimilation du/de la chercheur.se à l’ONG peut impacter les récits des enquêté.e.s en  situation  d’entretien,  mais  également  participer  à  reproduire  la  mise  en  invisibilité  des  enquêté.e.s n’inscrivant pas leurs pratiques homo-érotiques dans le discours de reconnaissance identitaire LGBTQI prôné par l’ONG. Dans l’enquête, l’invisibilité des interlocuteurs socialisés hors des ONG va alors de pair avec le choix de l’ONG comme espace-relais d’entretiens. Car si les locaux des ONG garantissent des « espaces  sûrs  »  permettant  l’interrogation  des  acteurs/actrices  faibles  ou  stigmatisé.e.s,  la  réalisation  des entretiens au sein des locaux des ONG a des limites qui méritent à leur tour une attention tant analytique que méthodologique. Ainsi, dans le cadre d’une enquête sur les travailleuses domestiques pauvres dans un bidonville du Caire, l’on remarque que la réalisation des entretiens au siège d’une ONG locale s’est souvent pliée  à  des  conditions  matérielles  (horaires  d’ouverture  de  l’ONG,  disponibilité  d’une  salle)  auxquelles s’ajoute une censure symbolique de la parole des enquêtées (il se peut qu’un.e militant.e de l’ONG rentre dans la salle au milieu de l’entretien ou encore participe à la discussion).

A partir d’un questionnement sur le rôle des ONG dans la constitution du dispositif  relationnel d’enquête,  les  communications  attendues  proposeront  des  matériaux  ethnographiques  et/ou  des  récits d’enquête qui permettront de réfléchir collectivement aux méthodologies d’enquête possibles pour rendre visibles à l’œil du/de la chercheur.se des enquêté.e.s d’ordinaire invisibilisé.e.s. Nous serons attentif.ive.s à  ce  que  produit  cette  médiation  du  terrain  par  les  ONG  en  termes  de  contrôle  de  l’information,  de constitution de savoirs et de construction des relations d’enquête.

Références

  • Ayimpam S., Chelpi-Den-Hamer M. &Bouju J. (2014), « Défiséthiques et risques pratiques du terrain en situation de développement ou d’urgence humanitaire », Anthropologie & développement [En ligne], n°40-41.
  • Bouillon F., Fresia M. &TallioV. (dir.) (2005), Terrains sensibles. Expériences actuelles de l’anthropologie, Paris, EHESS, « Dossiers africains ».
  • Bourdarias F., Hours B. & Le Palec A. (2003), « Les ONG. Médiation politique et globalisation », Journal des Anthropologues, [En ligne], n°94-95, 3, mis en ligne le 22 février 2009, consulté le 09 avril 2018. URL: http://journals.openedition.org/jda/1938
  • Campbell L-M., Gray N-J., Meletis Z-A., Abbott J-G. & Silver J. (2006), « Gatekeepers and Keymasters: Dynamic Relationships of Access in Geographical Fieldwork », Geographical Review, n°96, (1): 97-121.
  • Hofman N. (2008), « Accessing RomaniWomen Study Participants: Collaborating withTheirGatekeepers and Other NGO Entrepreneurs », Practicing Anthropology, n°30, 3, pp.46-49.
  • Olivier de Sardan J-P. (1995), « La politique du terrain. Sur la production des données en anthropologie», Enquête, n°1, pp.71-109.
  • Payet J-P. (2011), « L’enquête sociologique et les acteurs faibles », SociologieS [En ligne], La Recherche en actes, Champs de recherche et enjeux de terrain, mis en ligne le 18 octobre 2011, consulté le 09 avril URL : http://journals.openedition.org/sociologies/3629.

Bavardage et potins : l’ethnographie comme pratique du commérage

Co-organisateurs.trices de l’atelier

  • Paco Rapin (EHESS-IRIS) - p.rapin@ehess.fr
  • Sally Schnapper (INRA-CESAER) - sally.schnapper[at]gmail.com

Argumentaire

Peut-on s’intégrer à un groupe d’interconnaissance sans participer à son commérage ? Bavardage indiscret, parfois malveillant ou jugé « futile », le « commérage » (gossip) constitue un thème classique de l’ethnographie tant en anthropologie (Gluckman, 1963 ; Scott, 1985) qu’en sociologie (Elias, 1985).

Or, dans la plupart de ces travaux, tout se passe comme si l’ethnographe occupait une position d’extériorité vis-à-vis du groupe enquêté, comme s’il pouvait demeurer un observateur non engagé tout au long de son terrain. S’il est d’ordinaire déconseillé aux apprenti.e.schercheur.se.s de faire circuler de l’information entre différents enquêté.e.s, ces situations semblent pourtant relativement courantes au cours de l’ethnographie. De la simple demande de nouvelles à l’intérêt pour les propos d’un tiers, les occasions de commérage sont d’autant plus probables que l’ethnographe peut circuler entre différents groupes (parfois en conflit) et finit par être le dépositaire d’une somme considérable de données biographiques et intimes sur l’ensemble de ses enquêté.e.s. Autant d’informations que le contrat implicite de recherche enjoint pourtant de ne pas diffuser (« Ça reste entre nous ») et de protéger par le biais de l’anonymisation lorsqu’elles sortent de l’espace d’interconnaissance de l’enquête.

Comment dès lors concilier la discrétion ou le secret de la relation d’enquête avec la dynamique de l’ethnographie et du terrain ? Cet atelier vise à initier un espace de réflexion collective autour des enjeux méthodologiques et déontologiques de la mise en circulation des données de l’enquête sur le terrain.

Nous proposons de saisir ce commérage comme la mise en circulation d’informations personnelles –  avec  ou  sans  intention  de  nuire  –  dans  un  espace  d’interconnaissance.  Il  est  dès  lors  susceptible  de concerner l’ensemble des enquêtes par immersion longue dans un groupe d’interconnaissance et non plus uniquement les espaces « villageois » dans lesquels il a été traditionnellement étudié. Cet atelier invite les chercheur.se.s à relire leurs matériaux d’enquête au prisme de ce commérage ethnographique, à l’étudier dans d’autres espaces (travail, famille, école, partis politiques, etc.) tout en prêtant attention à ses définitions indigènes (nouvelles, potins, rumeurs, ragots, etc.) ainsi qu’aux luttes symboliques qualifiant et disqualifiant ces informations et les personnes qui les véhiculent.

Les deux axes qui suivent sont avant tout des pistes de réflexion, le premier pose quelques questions plus générales qui sont ensuite déclinées à travers une situation possible et non limitative.

1) Parler ou se taire ?

Cet axe vise à interroger les circonstances dans lesquelles l’ethnographe est amené.e à commérer. Quelles  informations  livre-t-il  ou  elle  selon  l’avancement  de  son  terrain  et  sur  quel.le.s  enquêté.e.s  ? On pourra par exemple se pencher sur le moment sensible de l’entrée sur le terrain et sur la relation –en principe informée – que l’ethnographe entretient avec les allié.e.s dont il se recommande. Quel rôle joue ce commérage au cours de l’enquête ? Contre quoi ces informations sont-elles échangées ?

Il s’agit également d’analyser de manière réflexive les situations d’enquête qui favorisent ou inhibent le commérage entre enquêteur.rice et enquêté.e.s. Avec qui commère l’ethnographe et pour quelles raisons ? Qu’exige-t-on de lui ou d’elle ? Les allié.e.s et les informateur.rice.s privilégié.e.s ont-ils ou elles à ce titre un rôle particulier au cours de l’enquête ? Que lui dissimule-t-on par crainte d’un colportage ultérieur ?

À la manière du « vol de l’ethnologue », le commérage de l’ethnographe implique sans doute moins de raisonner selon un principe binaire et absolu qu’en termes de limites et de mesure (Schwartz 1990 : 51 et

504). Il s’agit alors d’explorer la casuistique de l’ethnographe : que peut-on dire, que faut-il taire ? Qu’est- ce  qu’une  information  «  sensible  »,  qu’est-ce  qu’une  information  jugée  «  anodine  »  ?  Nous  invitons  les communicant.e.s à partager leurs gaffes et autres bévues ainsi que leurs conséquences sur le déroulement de l’enquête, du simple incident à la fermeture du terrain.

On peut enfin envisager une forme plus indirecte de commérage lorsque le résultat de l’enquête ethnographique revient dans l’espace d’interconnaissance dans lequel il a été produit. Que faut-il laisser ou censurer au cours de ces restitutions ? Quelles en sont les réceptions et les conséquences locales ?

2) Commérer en terrain « conflictuel »

Il est certains terrains où il n’y a pas de « position neutre de la parole » (Favret-Saada, 1977 : 27), où l’appartenance au groupe implique nécessairement de se montrer loyal et de participer à son commérage à l’image des « clans » de jeunes ruraux à travers lesquels Benoît Coquard (2016) est parvenu à circuler non sans quelques rappels à l’ordre (« Le Butch par contre il dit jamais ce qu’il pense »). Comment dans ces conditions gagner la confiance de ses enquêté.e.s tout en « trahissant » celle des autres ? Avec quelles censures et précautions peut-on atteindre une position « d’atopie » (Naepels, 1998) tout en participant au commérage de différent.e.s enquêté.e.s en conflit ?

L’enquête de terrain n’étant jamais synonyme de neutralité ou de non-participation, peut-on envisager des formes d’implication de l’ethnographe dans un conflit par le biais du commérage, c’estàdire en mettant – discrètement – en circulation des informations entre les deux camps (pour réduire une asymétrie, rétablir une « vérité », prévenir des enquêté.e.s, etc.) ?

Références

  • Coquard B. (2016), « Sauver l’honneur ».Appartenances et respectabilités populaires en milieu rural, Thèse de doctorat en sociologie, Université de Poitiers.
  • Elias N. (1985), « Remarques sur le commérage », Actes de la recherche en sciences sociales, vol.60, pp.23-29.
  • Favret-Saada J. (1977), Les mots, la mort, les sorts, Paris, Gallimard.
  • Gluckman M. (1963), « Gossip and Scandal », Current Anthropology, vol.4, n°3, pp.307-316.
  • Naepels M. (1998), « Une étrange étrangeté. Remarques sur la situation ethnographique », L’Homme, n°148, pp.185-199.
  • Schwartz O. (1990), Le monde privé des ouvriers. Hommes et femmes du Nord, Paris, PUF.
  • Scott J-C. (1985), Weapons of the Weak. Everyday Forms of Peasant Resistance, New Haven, London,Yale University Press.

Comité d’organisation

  • Daniel Cefaï (EHESS-CEMS),
  • Ranime Alsheltawy (Université Paris Dauphine - IRISSO),
  • Caterina Bandini (EHESS-CMH),
  • Laura Bellenchombre (Université de Rouen – Normandie - DySoLab),
  • Zoé Barry (EHESS, Observatoire du Samu social de Paris),
  • Chayma Boda (EHESS-CECMC),
  • Thomas Bonnet (CERTOP [UMR5044]),
  • Leila Drif (EHESS-IRIS),
  • Marie Ducellier (IMAF &EHESS-IRIS),
  • Camille Foubert (EHESS-IRIS/TEPSIS),
  • Nolwenn Gauthier (EHESS-IRIS),
  • Julie Lavayssière (Paris 8, Observatoire du Samusocial de Paris),
  • Paul Lehner (Université Paris Nanterre - ISP),
  • Hadrien Malier (EHESS-IRIS),
  • Marie Manganelli (Université Paris Descartes - Canthel),
  • Audrey Marcillat (EHESS-IRIS),
  • Marjolaine Martin (EHESS-Centre Norbert Elias),
  • Pierre Mettra (EHESS-Centre Norbert Elias),
  • Elise Nédélec (Université de Bordeaux - LAM, Ceped),
  • Julie Oleksiak (EHESS-Centre Georg Simmel),
  • Jean-Baptiste Paranthoën (EHESS-CRH, INRA-CESAER),
  • Laura Parvu (IEP de Toulouse - LaSSP),
  • Ines Pasqueron de Fommervault (AMU, IMAF),
  • Mathieu Rajaoba (CSI-Mines ParisTech),
  • Paco Rapin (EHESS-IRIS),
  • Amandine Rochedy (CERTOP [UMR5044]),
  • Sally Schnapper (INRA-CESAER),
  • Sophie Tabouret (INRA-SADAPT; CSI-Mines ParisTech),
  • Tonya Tartour (Sciences Po Paris-CSO),
  • Hugo Wainsztok (EHESS-IRIS).

Places

  • Paris, France (75)

Date(s)

  • Friday, May 18, 2018

Keywords

  • ethnographie, méthodes, observation

Contact(s)

  • Tonya Tartour
    courriel : tonya [dot] tartour [at] sciencespo [dot] fr
  • ethnographie Biennale
    courriel : bethnographie [at] gmail [dot] com

Information source

  • Tonya Tartour
    courriel : tonya [dot] tartour [at] sciencespo [dot] fr

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« EHESS Ethnography biennial », Call for papers, Calenda, Published on Monday, April 30, 2018, https://doi.org/10.58079/104g

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