AccueilL’entrepreneuriat des deux rives de la Méditerranée au prisme des réseaux

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L’entrepreneuriat des deux rives de la Méditerranée au prisme des réseaux

Entrepreneurship on both sides of the Mediterranean through the prism of networks

Terrains et défis méthodologiques

Terrains and methodological challenges

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Publié le mardi 22 mai 2018

Résumé

Il apparait opportun de faire un état des lieux de la recherche en cours sur l’entrepreneuriat au Maghreb interrogeant la notion de « réseau » et de comprendre pourquoi cette zone reste relativement peu étudiée - notamment dans certaines disciplines comme le management international - ou cantonnée à l’utilisation de certaines méthodes - les travaux mixtes ou quantitatifs restant relativement rares. Cette journée s’adresse aux doctorants et chercheurs en sociologie, géographie, économie ou gestion qui travaillent sur la question de l’entrepreneuriat au Maghreb et qui interrogent particulièrement la notion de « réseau ». 

Annonce

Argumentaire

Depuis les travaux de Mark Granovetter (1985) sur l’encastrement de l’activité économique, l’idée selon laquelle « on ne peut concevoir l’entrepreneur sans son milieu » (Berrada, 2014, p. 153) a été à l’origine de plusieurs études au Maghreb. Ces dernières ont cherché à démêler les logiques d’actions derrière l’acte entrepreneurial (Tangeaoui, 1993, Denieuil, 2011, Madoui, 2012) et à souligner les interdépendances entre sphères économique et sociale. Au Maghreb comme ailleurs, l'entrepreneuriat revêt des réalités contrastées, formant « un champ [qui] reste très hétérogène et ne constitue pas un "monde social" doté d'une identité collective forte et partagée » (Chauvin et al., 2014, p. 15-16). Pour autant, la prégnance des réseaux dans le processus entrepreneurial apparaît transversale parmi la diversité des profils recensés (micro entrepreneurs, dirigeants de PME, créateurs d’entreprises innovantes, etc.).

En haut de l’échelle sociale de ce champ, la constitution de relations pérennes dans la sphère politique, cristallisées autour des familles puissantes, favorise la réussite des grands entrepreneurs maghrébins (Zghal, 1997 ; Catusse, 2008 ; Daviet, 2013). Des approches structurales ont souligné comment la participation à des conseils d’administrations de grands groupes entretenait les réseaux de chefs d’entreprises (Oubenal et Zeroual, 2017). Plus bas, l’entreprise petite ou moyenne commence typiquement au sein de la famille qui apparaît comme un « milieu porteur » (Denieuil, 1992), fournissant ressources matérielles et morales nécessaires à son créateur.

Dans les phases de mobilité spatiale, disposer d’un réseau local fort apparaît même vital. Parmi les français descendants d’immigrés qui décident d’implanter leur entreprise en Algérie, les relations familiales sur place donnent un « accès aux normes de la société algérienne » et leur permettent, entre autres, « de développer un réseau plus vaste de relations » (Santelli, 2010, p. 402). L’entrepreneur migrant au Maghreb cherche à (re)construire un environnement favorable à son activité, soit en réactivant des liens forts, soit en intégrant des réseaux plus vastes d’entrepreneurs, reposant sur des intérêts professionnels communs. En complément des réseaux personnels, avec lesquels ils se mêlent parfois, ces réseaux institutionnalisés jouent un rôle important pour les PME françaises qui décident de délocaliser une partie de leurs activités au Maghreb (Gallego-Roquelaure et Calamel, 2015). En outre, le réseau (personnel, professionnel ou institutionnel) participe pleinement aux mobilités des entrepreneurs entre les deux rives ainsi qu’au processus d’internationalisation de leur entreprise (Mejri et Ramadan, 2017). Ainsi pour répondre à la question « qu’est-ce qu’un patron ? » dans le contexte des délocalisations vers le Maroc, certains se demandent si ce n’est pas d’abord celui qui sait s’entourer et se constituer un capital social (Labari, 2007).

Cette question apparaît d’autant plus pertinente que les relations se révèlent ambivalentes, pouvant aussi freiner le processus entrepreneurial. Si pour les jeunes entrepreneurs tunisiens la famille constitue « le pivot du capital social » (Ben Amor, 2011, p. 195), son opposition à la création d’entreprise est parfois forte, contraignant à élargir le spectre de son réseau (Abdennadher et al., 2015). L’aide apportée suppose par ailleurs des rétributions diverses, comme l’embauche de membres de la famille dans le cas des PME algériennes (Boucherf,22007). Les formes de mobilisations de ressources inscrivent l’entrepreneur dans des relations durables de don-contre don avec son entourage (Madoui, 2012). L’entreprise scelle l’encastrement de l’individu dans son milieu, participant parfois à générer des externalités positives pour sa communauté, mais entrainant aussi des contraintes dans sa gestion quotidienne.

Au final, ces différents travaux portant sur les pays du Maghreb ont mis en exergue comment l’encastrement est à la fois à l’origine du processus entrepreneurial et l’une de ses conséquences. Toutefois, les matériaux utilisés restent souvent circonscrits à des monographies et les mesures (des relations, du réseau, du capital social et de leurs effets sur la performance ou la mobilité) sont limitées. Ce constat contraste avec la littérature internationale sur le sujet (Hoang et Antoncic, 2003, Jack, 2010) qui a développé des approches novatrices et des résultats originaux en faisant dialoguer les méthodes : enquêtes statistiques, générateurs de noms et/ou de positions, matrices relationnelles, méthodes mixtes comme les narrations quantifiées (Grossetti, 2011), récit de vie d’entrepreneurs, observations en situation, etc.

Il apparait opportun de faire un état des lieux de la recherche en cours sur l’entrepreneuriat au Maghreb interrogeant la notion de « réseau » et de comprendre pourquoi cette zone reste relativement peu étudiée - notamment dans certaines disciplines comme le management international (Kim et al., 2015) - ou cantonnée à l’utilisation de certaines méthodes - les travaux mixtes ou quantitatifs restant relativement rares (Oubenal et Zeroual, 2017).

Axes thématiques

Les propositions pourront s’insérer dans l’un des trois axes suivants :

  1. Le premier axe entend aborder les aspects liés à l’accès au terrain et/ou à la définition de l’objet. S’intéresser à l’entrepreneuriat se heurte à différentes difficultés, spécifiques ou non à l’espace géographique étudié : Quelle définition de l’entrepreneuriat adopter ? De quoi parle-t-on lorsque l’on parle de « réseaux » ? Comment prendre en compte l’informalité qui constitue un problème fréquent pour le chercheur travaillant sur le Maghreb (Madoui, 2012) ? etc. Les discussions suivantes pourront être soulevées : Les enquêtes statistiques nationales permettent-elles de se saisir des questions de réseau(x) ? Contraignent-elles à privilégier certaines définitions du réseau ou du capital social ? Quelle(s) autre(s) base(s) de données peut-on utiliser pour mettre en relief ces notions ? Quelle(s) stratégie(s) d’échantillonnage adopter (par recommandations, boule de neige, etc.) et quel(s) biais cela introduit dans l’analyse ? Les retours d’expériences de terrain ayant trait à ces questions sont particulièrement attendues.
  2. Le deuxième axe regroupe des contributions explorant les méthodes utilisées pour prendre en compte et mesurer les réseaux et les initiatives entrepreneuriales, de différentes tailles et échelles, dans les trois pays du Maghreb. Depuis Granovetter (1973), les chercheurs distinguent les liens forts (famille et amis proches) des liens faibles (connaissances ou relations professionnelles). Cette distinction est-elle pertinente et suffisante, à elle seule, pour analyser et comprendre les initiatives entrepreneuriales au Maghreb ? D’autres typologies de liens, ou manières de prendre en compte les relations, permettraient-elles de mettre en exergue les formes de régulation3sociale et d’encastrement qui s’appliquent aux entrepreneurs maghrébins ? Peut-on quantifier ces liens, les graduer ? Quelles autres mesures (réseaux complets, observations, etc.) sont à-même de cartographier l’environnement relationnel des entrepreneurs ? Quels avantages présentent les méthodes mixtes pour répondre à ces questions au Maghreb ? Le problème de la mesure apparaît d’autant plus central pour les entrepreneurs migrants qui pour certains d’entre eux connaissent une mobilité incessante entre leur pays d’immigration et d’origine. Comment mesurer les réseaux sociaux, distanciés dans l’espace et dans le temps, que construisent les entrepreneurs migrants entre les deux rives ? Sont notamment attendues les propositions qui comparent les méthodes entre elles ou qui s’orientent sur plusieurs terrains.
  3. Le troisième axe s’intéresse aux résultats de recherches récentes ou en cours sur l’entrepreneuriat au Maghreb, mettant en évidence ou discutant la notion de « réseau ». Les propositions pourront s’orienter autour de l’analyse du réseau (personnel ou institutionnel) des entrepreneurs maghrébins, leurs usages différenciés, les ressources qu’ils en retirent, mais aussi les contraintes qu’il représente. Le réseau agit-il de la même manière selon : l’âge, le genre, les origines ethniques, ou le statut migratoire ? Quelles formes de don-contre don apparaissent entre les entrepreneurs et leur réseau ? Divergent-elles selon les catégories d’entrepreneurs et les contextes géographiques étudiés ? Dans quelle mesure le réseau participe à l’émergence de formes spécifiques d’entrepreneuriat, comme l’entrepreneuriat social ? Quelles dimensions du réseau interviennent dans le choix d’implantation des entreprises et/ou le lieu de résidence des entrepreneurs ? Comment les relations de l’entrepreneur évoluent-elles suite à ses mobilités nationales ou internationales entre les deux rives ? etc.

Modalités de soumission

Les propositions d’intervention ne devront pas dépasser 1000 mots (espaces compris, hors bibliographie) et devront être envoyées

avant le 30 juin 2018

aux adresses suivantes : charles.aymard@outlook.fr / quentin.chapus@lecnam.net/ hichamjmd@gmail.com.

Les auteur.e.s seront averti.e.s dans le courant du mois de juillet, après rassemblement du comité d’organisation. Le texte final de la présentation (30 000 à 35 000 signes, espaces compris) sera attendu avant le 1er octobre 2018.

Cette journée d’étude donnera lieu à une réflexion sur les suites collectives à donner à cet évènement. Dans la mesure des financements disponibles, une partie du séjour (titre de transport, hébergement) est susceptible d’être prise en charge pour les candidat.e.s retenu.e.s qui en feront la demande. Toutefois, nous invitons les intervenants et les intervenantes à se renseigner en priorité auprès de leur institution de rattachement ou d’autres organismes d’aide à la mobilité internationale.

Comité scientifique

  • Charles Aymard (LEST, Université Aix-Marseille)
  • Quentin Chapus (LISE, Conservatoire National des Arts et Métiers)
  • Hicham Jamid (LISE, Conservatoire Nationales des Arts et Métiers / ORMES, Université d’Agadir)

Date et lieu 

Salle 31.2.852, rue Conté, 75003 Paris.Conservatoire National des Arts et Métiers

Le 25 octobre 2018

Bibliographie indicative

Abdenaddher, S., Trabelsi, K, Boudabbous, S., 2015. « Influence de la famille et du réseau relationnel sur l’acte entrepreneurial : cas des entrepreneurs tunisiens », Question(s) de management ?, 10 (2), pp. 11-21.

Ben Amor, R., 2011. « Le rôle du capital social dans la dynamique entrepreneuriale en Tunisie. Un état des lieux de la recherche à partir de quelques travaux », dans Madoui, M., Denieuil, P-N. (ed), Entrepreneurs Maghrébins, terrains en développement, Paris, Karthala, Tunis, IRMC, pp. 187-208.

Berrada, M., 2014. Une élite de transition : Les entrepreneurs marocains des années 60, Casablanca, La croisée des chemins.Boucherf, K. 2007. « Mode de recrutement et logique entrepreneuriale dans la PME algérienne », dans Abedou, A., Bouyacoub, A., Lallement, M., Madoui, M (eds), PME, emploi et relations sociales. France-Maghreb, Paris, L’Harmattan, pp. 213-226.

Catusse, M., 2008. Le Temps des entrepreneurs. Politique et transformations du capitalisme au Maroc, Paris, Maisonneuve et Larose.

Chauvin, P-M., Grossetti, M., Zalio, P-P., 2014, « Introduction », dans Chauvin, P-M., Grossetti, M., Zalio, P-P., Dictionnaire sociologique de l’entrepreneuriat, Paris, Presses de Sciences Po, pp. 1-16.

Daviet, S., 2013. « Maghreb des entrepreneurs : les horizons du Sud », L’Année du Maghreb, 9, pp. 193-210.Denieuil, P-N., 1992. Les entrepreneurs du développement, l’ethnoindustrialisation en Tunisie : la dynamique de Sfax, Paris, L’Harmattan.

Denieuil, P-N., 2011. « La création des micro-entreprises n’est pas la solution miracle. Limites individuelles et enjeux locaux de l’appel à entreprendre », dans Madoui, M., Denieuil, P-N. (ed), Entrepreneurs Maghrébins, terrains en développement, Paris, Karthala, Tunis, IRMC, pp. 209-225.

Gallego-Roquelaure, V., Calamel, L., 2015. « Quand le réseau influence la délocalisation de PME en Tunisie : une approche par l’économie de la proximité », Revue de l’Entrepreneuriat, 14 (1), pp. 73-92.

Granovetter, M., 1973. “The Strength of Weak Ties”, American Journal of Sociology, 78 (6), pp. 1360-1380.Granovetter, M., 1985. “Economic action and social structure: The problem of embeddedness”, American Journal of Sociology, 91, pp. 481–510.

Grossetti, M., 2011. « Les narrations quantifiées : une méthode mixte pour étudier les processus sociaux », Terrains & Travaux, 19 (2), pp 161-182.Hoang, H., Antoncic, B., 2003. “Network-based research in entrepreneurship: a critical review”, Journal of Business Venturing, 18 (2), p. 165-187.

Jack, S., 2010. “Approaches to studying networks: Implications and outcomes”, Journal of Business Venturing, 25, pp. 120-137.

Kim, J., Aguilera, R., 2015. “Foreign location choice. Review and extension”, International Journal of Management Review, 0 (0), pp. 1-27.

Labari, B., 2007. Le sud face aux délocalisations. La France et le Maroc à l’ère de la mondialisation, Paris, Michel Houdiard Editeur.

Madoui, M., 2012. Entreprises et entrepreneurs en Algérie et dans l’immigration. Essai de sociologie économique, Paris, Karthala.

Mejri, I., Ramadan, M., 2017. « Internationalisation des PME technologiques dans une économie de transition : le rôle des réseaux sociaux et d’affaires », Marché & Organisations, 28 (1), pp. 59-79.

Oubenal, M., Zeroual, A., 2017. « Gouverner par la gouvernance : les nouvelles modalités de contrôle politique des élites économiques au Maroc », Critique internationale, 74 (1), pp. 9-32.

Santelli, E., 2010. « Entre ici et là-bas : les parcours d’entrepreneurs transnationaux. Investissement économique en Algérie des descendants de l’immigration algérienne en France », Sociologie, 1 (3), pp. 393-411.

Tangeaoui, S., 1993. Les entrepreneurs marocains. Pouvoir, société et modernité, Paris, Karthala.

Zghal, R., 1997. « Conditions de création et perspectives d’avenir de quelques entreprises tunisiennes performantes », Cahiers de l’ERGE, Avril.

Lieux

  • Salle 31.2.852, Conservatoire National des Arts et Métiers - Rue Conté
    Paris, France (75003)

Dates

  • samedi 30 juin 2018

Mots-clés

  • entrepreneuriat, réseau, Méditerranée, terrain, méthodologie

Contacts

  • Hicham JAMID
    courriel : hichamjmd [at] gmail [dot] com
  • Charles Aymard
    courriel : charles [dot] aymard [at] outlook [dot] fr
  • Quentin Chapus
    courriel : q [dot] chapus [at] sciencespobordeaux [dot] fr

Source de l'information

  • Hicham JAMID
    courriel : hichamjmd [at] gmail [dot] com

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« L’entrepreneuriat des deux rives de la Méditerranée au prisme des réseaux », Appel à contribution, Calenda, Publié le mardi 22 mai 2018, https://doi.org/10.58079/10cc

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