AccueilRaconter / se raconter. Dits et non-dits du récit de soi

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Raconter / se raconter. Dits et non-dits du récit de soi

Telling tales / telling tales about the self. The saids and unsaids of 1st person narrative

« Le sujet dans la Cité ». Revue internationale de recherche biographique, n° 9

"The Subject in the City" - Revue internationale de recherche biographique, no.9

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Publié le jeudi 21 juin 2018

Résumé

Ce numéro de la revue Le sujet dans la cité interroge le « récit », et en particulier le « récit de soi », en tant que pratique dont les effets agissent à la fois sur l’auteur-narrateur et sur les acteurs et agents qui en sont les destinataires. L’enjeu est ainsi de comprendre ce qui s’effectue au travers des gestes de l’activité narrative et d’examiner ce qui s’y accomplit : formation de soi, accompagnement du comprendre, manifestation de savoirs, maintien de l’agentivité. L’enquête conduite sur le récit de soi, objet paradigmatique de la recherche biographique, s’articulera selon trois plans : examen des processus par lesquels l’expérience passe au langage ; étude des registres d’expression et de leurs modes de circulation ; analyse des processus de légitimation du récit et des formes de réception qui en résultent.

Annonce

Argumentaire

 Ce numéro de la revue Le sujet dans la cité interroge le « récit », et en particulier le « récit de soi », en tant que pratique dont les effets agissent à la fois sur l’auteur-narrateur et sur les acteurs et agents qui en sont les destinataires. L’enjeu est ainsi de comprendre ce qui s’effectue au travers des gestes de l’activité narrative (évocation, description, temporalisation, configuration, expression, réception) et d’examiner ce qui s’y accomplit et génère des effets : formation de soi, accompagnement du comprendre, manifestation de savoirs, maintien de l’agentivité… Le travail proposé dans ce dossier porte donc moins sur le genre ou les règles de composition des récits que sur les régimes narratifs et leur puissance formatrice et émancipatrice. L’enquête conduite sur le récit de soi, objet paradigmatique de la recherche biographique, s’articulera selon trois plans : examen des processus par lesquels l’expérience passe au langage ; étude des registres d’expression et de leurs modes de circulation ; analyse des processus de légitimation du récit et des formes de réception qui en résultent.

L’expérience et sa dicibilité

Raconter et narrer suppose de mettre en mots des expériences advenues dans le cours de la vie, sur le mode de l’immédiateté, dans le présent vivant. L’accès de l’expérience au langage constitue, selon cette perspective, le premier mouvement d’un travail qui rend le vécu dicible. Cette dynamique téléologique demande au narrateur d’accéder au souvenir, d’interroger des moments vécus, de s’immerger dans son histoire, de la penser dans des lieux, des cultures et des époques. En d’autres termes, dire, raconter, se raconter, cela demande de s’impliquer, d’interroger le vécu, de constater et d’examiner ce avec quoi le processus de narration, écrit ou oral, pour soi ou à destination d’autrui, doit travailler et composer. Il est en effet des expériences qui ne peuvent être racontées du fait de l’absence de mots disponibles pour les exprimer. C’est par exemple le cas pour les vécus relevant de la sphère du sensible (les sensations corporelles, les perceptions diffuses, les impressions mêlant inférences et affectivité…) qui demandent pour être dits et racontés, de disposer d’un vocabulaire permettant d’exprimer les nuances, les teintes, les aspects. À défaut, il faut inventer des mots, tâtonner pour trouver les termes. Il est également des vécus qui sont frappés d’interdit. La mise en mots demande alors au narrateur de s’émanciper de manières de dire déjà-là dont il faut se défaire pour comprendre.

Les fonctions du dire et l’expression du vrai

Si le non-dit s’oppose au dire, le tout-dire est à opposer au dire qui exprime la « vérité du sujet ». De manière paradoxale, la multiplication des espaces d’expression présente le risque d’un évidement, d’un murmure permanent sur soi, sans possibilité d’une élaboration fondée sur des références en première personne. Au dire vrai de la parrhesia se substitue celui du discours rhétorique, dont l’enjeu est d’exister par des formes de récits légitimés, au risque de se disperser dans un éparpillement du dire. Se maintenir, au cours de l’activité narrative, dans une prise de parole en première personne constitue en soi une épreuve. La mise au jour du vrai résulte en effet pour le sujet d’un affranchissement qui, dans le même temps, l’expose et le met en péril. Dire le vrai, c’est asserter un monde, s’impliquer en tant que sujet, soutenir un point de vue singulier. Se raconter doit donc être ici compris comme l’acte par lequel le sujet témoigne d’un mode d’existence, affirme des valeurs, édifie un monde habité et habitable. Reconnaître le primat de la référence en première personne pour la narration biographique conduit cependant à s’interroger sur ce qui rend possible, favorise, incite, ou à l’inverse, freine et empêche, l’accès du sujet à son expérience et son entrée dans des formes d’examen à visées compréhensives.

Se raconter : formes du discours et légitimité à dire

L’étude des conditions du dire peut donc s’intéresser aux modalités par lesquelles l’expérience devient racontable. Différents aspects de cette transformation du vécu en récit peuvent être examinés : le temps nécessaire pour que l’expérience devienne dicible ; les espaces propices à l’élaboration du dire ; les modes de légitimation du récit ; les formes de discours faisant autorité. Le récit de soi est en effet aux prises avec les formats officiels de discours qui tendent à instituer dans le social des régimes de vérité. Trois paramètres concourent, selon Foucault, à déterminer les périmètres de légitimité et de validation du discours : le tabou de l’objet, les rituels de la circonstance, les droits conférés (ou refusés) au sujet qui parle. L’identification des forces qui concourent à encadrer les manières de se penser, de se dire et de se raconter, constitue un enjeu important de ce dossier. L’examen de ces forces est en effet de nature à mettre au jour les lignes de pouvoir qui régissent l’espace social, configurent des rapports aux savoirs, légitiment les domaines du dire et du narrer en santé, en éducation, dans les sciences humaines. Seront ici interrogées les conditions d’une expression du vrai fondée sur des références « en première personne » dont l’expression collective favorise l’émergence d’un « nous » apte à reconnaître et faire connaître les solidarités inscrites biographiquement dans les récits.

La question d’une éthique narrative est ainsi posée. L’un de ses enjeux est de réinstaurer des espaces non saturés par des référents externes au sujet. Plus que d’une « illusion biographique », le phénomène contemporain dont il est ici question se caractérise par la multiplication des formes d’injonction biographique, qui sollicitent le vécu selon une perspective instrumentale, confondant la référence de ce qui est tenu pour vrai par le narrateur avec les référents qui sont disséminés dans l’espace social et qui dessinent implicitement les frontières de ce qu’il est convenu de dire. Le débat contemporain porte donc moins sur le caractère illusoire du biographique que sur sa massification. Selon cette perspective, il s’agira de penser la force du singulier, sans verser dans une forme d’absolutisme narratif qui consacrerait une pratique de formation de soi, d’accompagnement d’autrui, de reconnaissance des savoirs expérientiels, sans s’intéresser aux contextes sociaux qui la mobilisent. Loin du débat opposant le sujet et le social, ce numéro cherche d’abord à comprendre le travail narratif à partir de ses opérations de configuration et de subjectivation, des formes de réception et de réciprocité qu’il génère, de la circulation des registres d’expression, des processus d’intercompréhension et de co-édification des mondes de la vie.

Les contributions pourront privilégier une ou plusieurs des perspectives proposées dans l’argumentaire du présent numéro. Les propositions pourront ainsi interroger :

  • Le récit de soi et les processus d’émancipation et/ou de transformation du rapport à l’expérience générés : ces effets pourront être interrogés en lien avec les actes de narration, les expériences qui composent le récit (vulnérabilité, travail, formation…), la réciprocité des processus entre mise en mots de l’expérience et formation de soi.
  • Les temporalités et passages par lesquels l’expérience devient dicible et racontable : ces processus pourront être analysés dans des contextes de formation (reconnaissance des acquis, formation, actions collectives), en santé, dans le travail social, dans les contextes de migration, dans les questions liées au genre, etc.
  • Les conditions de l’expression et de la réception des récits : seront ici étudiées les formes et les pratiques qui favorisent, incitent et sollicitent le dire du sujet, et l’invitent à raconter ou se raconter.
  • Les limites du récit, les critères de validité et les formes de légitimité du dire : l’étude portera ici sur les forces qui viennent contraindre l’expression de soi, concourent à établir des périmètres et à forger les normes du discours (en éducation, formation et recherche).

Conditions de soumission

  1. Envoi d’une proposition de texte d’une page (titre, résumé, éléments bibliographiques)

d’ici le 30 juin 2018.

  1. Retour du comité de rédaction le 15 juillet 2018.
  2. Envoi d’un article de 25 000 à 30 000 signes (espaces comprises) pour le 31 août 2018. Ce texte sera accompagné d’un résumé en français et en anglais ainsi que de 5 mots clés. Voir les consignes aux auteurs.
  3. Expertises en double aveugle menées par le comité de lecture international de la revue ainsi que des experts extérieurs. Retour vers les auteurs avec les commentaires des expertises le 31 septembre 2018.
  4. Envoi des textes définitifs avant le 15 novembre 2018.
  5. Publication du volume le 01 décembre 2018.

Les propositions d’articles et les textes doivent être adressés à la revue Le sujet dans la Cité. Revue internationale de recherche biographique : revue@lesujetdanslacite.com

Coordinateur scientifique

  • Hervé Breton, Université de Tours

Dates

  • samedi 30 juin 2018

Fichiers attachés

Mots-clés

  • récit de soi, activité narrative, usage du récit, injonction biographique, recherche biographique

Contacts

  • Christine Delory-Momberger
    courriel : christine [dot] delory [at] lesujetdanslacite [dot] com
  • Hervé BRETON
    courriel : herve [dot] breton [at] univ-tours [dot] fr

URLS de référence

Source de l'information

  • Christine Delory-Momberger
    courriel : christine [dot] delory [at] lesujetdanslacite [dot] com

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Raconter / se raconter. Dits et non-dits du récit de soi », Appel à contribution, Calenda, Publié le jeudi 21 juin 2018, https://doi.org/10.58079/10gu

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