AccueilLes petites paysanneries des arrière-pays montagneux et forestiers

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Les petites paysanneries des arrière-pays montagneux et forestiers

Small farmers in mountainous and forested hinterlands

Contextes, contraintes et stratégies

Contexts, constraints and strategies

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Publié le mardi 12 juin 2018

Résumé

Les arrière-pays montagneux et forestiers méditerranéens, lieux d’ancrage de petites paysanneries (PP) séculaires aux marges des centres du pouvoir, ont historiquement constitué des lieux de refuge pour les populations chassées des plaines. De nos jours, les petites paysanneries montagnardes et forestières, plus composites et de plus en plus intégrées aux entités nationales, souffrent, paradoxalement, de l’excentricité géographique et de la marginalité économique et sociale. Or, au-delà de la diversité des milieux physiques, culturels et des rapports tissés avec les avant-pays urbanisés, ces mêmes sociétés développent des pratiques adaptatives fondées sur des logiques spécifiques qui restent malgré tout exposées à des risques et à des incertitudes multiformes, que la politique publique n’arrive pas à endiguer.

Annonce

Argumentaire

Les arrière-pays montagneux et forestiers méditerranéens, lieux d’ancrage de petites paysanneries (PP) séculaires aux marges des centres du pouvoir, ont historiquement constitué des lieux de refuge pour les populations chassées des plaines, les exclus, les damnés et les rebelles à l’affut de moyens de subsistance et de résistance (Braudel, 1966 ; Debarbieux, 2001). De nos jours, les PP montagnardes et forestières, plus composites et de plus en plus intégrées aux entités nationales, souffrent, paradoxalement, de l’excentricité géographique et de la marginalité économique et sociale. Or, au-delà de la diversité des milieux physiques, culturels et des rapports tissés avec les avant-pays urbanisés, ces mêmes sociétés développent des pratiques adaptatives fondées sur des logiques spécifiques qui restent malgré tout exposées à des risques et à des incertitudes multiformes, que la politique publique n’arrive pas à endiguer.

Contraintes environnementales vs pluriactivité et plurifonctionnalité

Dans ces milieux, les pratiques agropastorales sont soumises à de multiples contraintes physiques (orographique et bioclimatique), humaines (migrations temporaires ou définitives), parfois à l’ensauvagement de la nature (accroissement d’une certaine faune sauvage, déprise agricole).

Longtemps négligées par les politiques publiques au Sud, ces zones, sont souvent associées dans les représentations collectives à la misère et au sous-développement, et désignées par les statistiques comme des espaces répulsifs et comme le principal réservoir de la pauvreté. Les politiques publiques dites participatives qui leur sont destinées, sont imprégnées de l’idéologie de la conservation de la nature et souvent peu soucieuses des enjeux sociaux et des conflits entre les paysanneries nés des multi-usages de l'espace (Aderghal, 2004, 2007). Au nord, malgré les divers dispositifs incitatifs (locaux, nationaux et européens), les arrière-pays montagneux et forestiers continuent à se « dévitaliser ».

Face aux contraintes, les PP déploient des stratégies pluriactives combinant la diversification agricole, l’artisanat et les commerces. En réponse à la demande sociale de nature mue par un éthos écologisant (Saïdi, 2012) et encouragés par divers fonds incitatifs, on a vu se développer, à des degrés variables, de nouvelles formes de tourisme à la fois génératrices (directement ou indirectement) de sources additionnelles de revenu (emplois et services), et reposant sur la valorisation du patrimoine matériel et immatériel local. Le tout accompagné par de plus grands efforts publics d’investissement infrastructurel et d’accompagnement socio-économique.

Conflits d’usage et marchandisation vs solidarités paysannes et innovation

La pluriactivité et la multifonctionnalité constituent un levier déterminant pour le maintien sur place des familles paysannes. Ces stratégies se heurtent néanmoins à de sérieuses contraintes au premier rang desquelles figurent les conflits d’usage et d’appropriation des ressources.

Sur la rive Sud de la Méditerranée, les PP se heurtent depuis plus d’un siècle à l’appropriation légale de la forêt par l’État. Ce dernier, se dotant d’une législation restrictive et coercitive (codes forestiers hérités de la période coloniale), continue d'assimiler, depuis un siècle, les « populations locales » à de simples « usagers ». Dans certains cas, le service forestier n’hésite pas à salarier saisonnièrement la main d'œuvre locale et à mobiliser des dispositifs sociaux publics et caritatifs, dans le but de maintenir les familles sur place (Boujou et Saïdi, 1996 ; Gardin, 2004) afin de satisfaire les besoins de l’exploitation monopolistique des ressources forestières, de l’entretien des forêts et de la lutte contre l'érosion. En France, où la législation forestière est plus lâche et le monopole étatique moins exclusif, les nouvelles dispositions législatives sur les feux de forêt semblent constituer une sérieuse entrave à la viabilité de l’élevage de montagne (Vilain-Carlotti, 2015). Les conflits d’usage divisent parfois les PP : il s’agit des sempiternels antagonismes entre agriculteurs et éleveurs (sédentaires ou en voie de sédentarisation), ou encore de la traditionnelle concurrence des éleveurs autour des ressources pastorales, qui s’accentue lors les périodes de sécheresse (Rosenbeger, 2001 ; Noin, 1970). Récemment, la demande sociale de nature, concomitamment à la mobilisation mercantile de la question écologique, la « mise en tourisme » (et/ou la « touristification »)[1] des territoires, ont souvent accentué la concurrence entre les familles paysannes. Les promoteurs immobiliers et touristiques, pour la plupart extérieurs au monde agricole et parfois étrangers, prompts à transformer les terres agricoles et les pâturages collectifs en complexes touristiques, constituent aussi une sérieuse menace. D’espaces agricoles pauvres et arides, certains arrière-pays montagneux et forestiers en France et en Europe méditerranéenne, se transforment ainsi en espaces de rente foncière.

Jusqu'à aujourd’hui, ni les conflits d’usage, ni les compétitions, pas plus que la logique marchande invasive n’ont a priori réussi à déstructurer complètement les PP des arrière-pays montagneux et forestiers (à l'exception notable de la Corse et de la Sardaigne), car les formes nouvelles et traditionnelles de solidarité représentent, à côté des stratégies adaptatives, un autre levier de résistances individuelles/familiales et collectives. Dans les pays du Sud de la Méditerranée où les instances représentatives non communautaires propres aux PP sont encore inexistantes ou balbutiantes, les solidarités traditionnelles (Auclair & Alifriqui, 2012) et, plus récemment, le développement du tissu associatif en milieu rural (Aubert et Saïdi, 2012), constituent malgré tout des espaces de négociation, des remparts contre l’accaparement des terres et participent dans une certaine mesure à la préservation des PP. Dans les pays du Nord, l’ingéniosité et la créativité des organisations paysannes (syndicats, associations professionnelles, circuits courts…) constituent un vecteur de dépassement des individualismes, de conquêtes économiques et politiques et un appui essentiel au maintien des populations sur place et aux nouvelles installations.

Objectifs

L’appel cherche à appréhender dans une perspective dynamique et comparative les petites paysanneries des arrière-pays montagneux et forestiers et à comprendre en quoi les espaces méditerranéens constituent une configuration spécifique. Les propositions comparatives entre espaces méditerranéens ainsi que celles portant sur des espaces non méditerranéens seront les bienvenues. Dans l’esprit de l’argumentaire, les propositions devront être originales, problématisées et fondées sur un travail empirique et/ou une réflexion sur travaux.

Quatre axes seront privilégiés, sur les arrière-pays montagneux et forestiers méditerranéens mais également non méditerranéens.

  • Caractérisation diachronique.
  • Les PP à l’heure de la mondialisation et du changement climatique : accommodations, résistances, abandons, action collective…
  • les PP : l’État et les politiques publiques.
  • Les propositions portant sur les aspects immatériels des espaces et des populations concernés (mode de vie, représentations sociales…) seront très appréciées.

Calendrier

Les propositions d’articles d’environ 1000 mots sont à envoyer en français (auteurs francophones) ou en anglais (auteurs d’autres langues)

pour le 15 juillet 2018

à Laurent Auclair (laurent.auclair@univ-amu.fr), Mohamed Raouf Saïdi (saidi.raouf@free.fr) et Coralie Mounet (coralie.mounet@univ-grenoble-alpes.fr), ainsi qu'à la coordination éditoriale, Olivier Vallade (olivier.vallade@msh-alpes.fr). Les articles définitifs sont attendus pour le 1er novembre 2018. L'article doit être soumis dans une des langues de la revue : langues alpines – français, italien, allemand –, espagnol ou anglais. L’auteur doit au préalable prévoir la traduction dans la seconde langue après expertise. L’une des deux versions doit être en anglais. Si l’article est proposé en anglais au départ, la traduction doit être faite en français. La publication est prévue pour fin 2019.

Bibliographie

Aderghal M., « Restructuring in Agro-Sylvo-Pastoral Systemsof Atlantic Morocco », in Getel J. and Breuer I. (Eds.), Pastoral Morocco. Globalizing Scapes of Mobility and Insecurity, Wiesbaden, 2007.

Aderghal M., « Pour une nouvelle perception des montagnes marocaines », in Ait Hamza M.et Popp H. (Ed.), La montagne marocaine: les représentations d’un espace marginal, publication de la FLSH, série colloques et séminaires, n°19, UM5 de Rabat 2004.

Aderghal M., « Territoires, projets de développement et problématique touristique dans le pays d’Oulmes », in Berriane M. (Dir.), Le tourisme dans les arrière-pays méditerranéens. Des dynamiques territoriales locales en marge des politiques publiques, UM5 de Rabat-UMF (Fès), LMI-MediTer, 2014.

Aubert P-M., Saïdi M. R., « Le fait associatif à l’épreuve de la dynamique sociale. Étude de cas dans la région de Skoura (Moyen Atlas, Maroc) », in Stoessel-Ritz J., Blanc M., Mathieu N. (Eds), Développement durable, communautés et sociétés. Dynamiques socio-anthropologiques, Bruxelles, Peter Lang, 2012.

Auclair L., Alifriqui M. (Dir.), Agdal. Patrimoine socio-écologique de l'Atlas marocain. IRD-IRCAM éd., Rabat, Marseille, 2012.

Berriane M. et. Moizo B., « Initiatives locales, politiques publiques et développement du tourisme en milieu rural au Maroc: Bilan de 15 années de tourisme dans les arrière-pays », in Berriane M. (Dir.), Le tourisme dans les arrière-pays méditerranéens. Des dynamiques territoriales locales en marge des politiques publiques, UM5 de Rabat-UMF (Fès), LMI-MediTer, 2014.

Braudel F., La Méditerranée et le monde méditerranéen à l'époque de Philippe II, Paris, Armand Colin, 1966 (édition de 1987), Tomes 1 et 2.

Bouju S., Saïdi, M. R., « Le développement rural en Khroumirie : logiques paysannes et logiques des projets », in Elloumi M. (Ed.), Politiques agricoles, stratégies paysannes et développement rural, Tunis, Actes du colloque de l’IRMC, Tunis, 27-28-29 avril 1995, Ed. Alif et IRMC, 1996.

Debarbieux, B., « Les montagnes : représentations et constructions culturelles », in Veyret Yvette (Eds), Les montagnes : discours et enjeux géographiques, Paris, SEDES, 2001, URL : http://archive-ouverte.unige.ch/unige:3976

Gardin J., « La forêt et l'État en Kroumirie : politique environnementale et contrôle social des populations rurales en Tunisie », Thèse de doctorat de Géographie , Université de Paris 10 Nanterre, 2004

Mora O. (Coord.). Les nouvelles ruralités à l'horizon 2030. Quae éd., 2008.

Noin D., La population rurale du Maroc, Paris, PUF, 1re édition, 2 t., 1970.

Rosenbeger B., Société, pouvoir et alimentation: nourriture et précarité au Maroc précolonial, Rabat, Editions Alizés, 2001.

Roux, B. Guerraoui D. (Dir), Les zones défavorisées méditerranéennes : études sur le développement dans les territoires ruraux marginalisés, Paris, L'Harmattan, Casablanca, Les Éd. Toubkal, 1997.

Saïdi, M.R., La Représentation sociale des zones humides. Enquête d’opinion, CNRS-LADYSS-DESMID, ministère de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie, 2012, URL : http://www.developpement-durable.gouv.fr/Etude-sur-les-representations.html

Vilain-Carlotti P., « Perceptions et représentations du risque d’incendie de forêt en territoires méditerranéens. La construction socio-spatiale du risque en Corse et en Sardaigne », Thèse de Géographie, Université Paris 8, 2015.

Note

[1] « Le terme désigne un processus de développement touristique  planifié, volontariste d'un espace. Il s'oppose au terme de touristification qui tend à désigner a contrario un processus de développement touristique spontané » Dewailly J.M., 2005, http://geotourweb.com/nouvelle_page_68.htm.


Dates

  • dimanche 15 juillet 2018

Mots-clés

  • petite paysannerie, arrière-pays, montagne, forêt, méditerranéen, mondialisation, politique publique, patrimoine immatériel, changement climatique

Contacts

  • Olivier Vallade
    courriel : olivier [dot] vallade [at] msh-alpes [dot] fr
  • Coralie Mounet
    courriel : coralie [dot] mounet [at] univ-grenoble-alpes [dot] fr
  • Laurent Auclair
    courriel : laurent [dot] auclair [at] univ-amu [dot] fr
  • Mohamed Raouf Saïdi
    courriel : saidi [dot] raouf [at] free [dot] fr

Source de l'information

  • Christine Hoyon
    courriel : christine [dot] hoyon [at] orange [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Les petites paysanneries des arrière-pays montagneux et forestiers », Appel à contribution, Calenda, Publié le mardi 12 juin 2018, https://doi.org/10.58079/10ib

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