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Penser librement en religion dans les pays anglophones

Thinking freely in religion in English-speaking countries

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Publié le mercredi 11 juillet 2018

Résumé

Ce colloque invite à une exploration des différents modes par lesquels la liberté de penser a été conçue et s'est exprimée en religion dans les pays de culture anglophone depuis le Moyen Âge. Il prend comme point de départ la curieuse manière dont, historiquement, la "libre pensée" a été associée à ce qui est hostile à la religion. Qu'est-ce alors que penser librement en religion? On s'intéressera aux espaces de liberté ouverts par et dans les traditions et institutions religieuses dans le monde anglophone et aux liens que ces espaces entretiennent avec la libre pensée et toute liberté de penser qui s'oppose au religieux. Le colloque veut être l'occasion d'une exploration de la mise en dialogue entre la libre pensée et le penser librement dans la longue durée et accueillera donc des communications portant sur n'importe quelle période du Moyen Âge à nos jours.

Annonce

Argumentaire

Dans Discourse of free-thinking, occasion'd by the rise and growth of a sect call'd Free-Thinkerspublié en 1713, l’Anglais Anthony Collins défendait le droit de penser librement (« the right to think freely ») qui seul, affirmait-il, permettait de connaître la vérité. Collins remettait par ailleurs en question le caractère probant des prophéties, qui, selon lui, ne fournissaient pas la preuve que Jésus était le Messie. Réagissant à la publication, le théologien anglican Benjamin Ibbot déclara : « Mais l’intention de la plûpart de ceux qui se prévalent de la liberté de penser, ne laisse pas d’être suspecte. Au lieu d’examiner toutes choses pour retenir ce qui est bon, il paroît que leur vûe est de penser librement, ou pour ne rien croire, ou pour s’acquérir le droit de vivre avec licence » (Benjamin Ibbot, La vraie idée de l’usage que l’on doit faire du jugement particulier ; ou de la liberté de penser, 1713). La réaction du théologien est emblématique d’un état d’esprit : en Grande-Bretagne au tout début du XVIIIe siècle, alors que se développait ce qui était déjà appelé depuis la fin du siècle précédent « la libre pensée », c'est sous le régime du soupçon qu’était placée la tentative de penser librement en religion, comme s'il ne pouvait jamais s'agir que d'une stratégie de dissimulation de cette forme de libertinage intellectuel que serait l'athéisme, ou du libertinage tout court.

On retrouve la corrélation entre libre pensée et sexualité dans la plupart des attaques contre les grands « infidèles » : ainsi de Thomas Paine, l’auteur de The Age of Reason, dont ses détracteurs disaient qu’il était impuissant, ou encore de la libre penseuse féministe Frances Wright,  Écossaise devenue citoyenne américaine, fondatrice avec Robert Dale Owen du magazine The Free Enquirer, que l’on appelait la « grande prostituée rousse ».

Il est remarquable que l’expression « libre pensée » se passe de précision : la libre pensée s’énonce comme étant d’emblée une pensée à l’égard de la religion, et plus précisément contre la religion, voire à l’écart de la religion. Il est tout aussi remarquable que l’expression sous-entende une absence de liberté au sein des religions instituées. La liberté de penser, toutefois, ne s’exerce pas uniquement au sujet des dogmes et du clergé, ou contre eux. Elle n’implique pas toujours l’anticléricalisme. Les institutions elles-mêmes fabriquent en leur sein, avec plus ou moins de libéralité, des espaces de liberté pour l’expression de la pensée religieuse. Ce fut le cas de l’Église médiévale, qui, loin de n’avoir produit que soumission religieuse comme le voudrait sa légende noire, a créé les conditions de l’individualisation comme de l’apparition de formes originales de vie spirituelle. Ou encore de la Réforme qui a introduit le concept de libre examen. Penser librement en religion ne consisterait donc pas seulement à penser contrela religion ou en dehorsde la religion, mais aussi à penser avec la religion.

Car les traditions religieuses et leurs textes fondateurs fournissent aux croyants des ressources intellectuelles parfois insoupçonnées qui permettent aux fidèles d’introduire du jeu dans la structure religieuse et de mettre ainsi en mouvement leurs catégories. Cela conduit à penser autrement le rapport au religieux ou au divin, mais aussi à poser un ensemble de questions politiques et sociales qui, sinon, demeurent impensables. Deux exemples de ce processus sont la théologie queerqui a fait son apparition de manière plus ou moins significative au sein des monothéismes, et les féminismes chrétiens, juifs et islamiques qui reposent sur une lecture non patriarcale des textes sacrés et plus généralement de la tradition religieuse.

L'objet du colloque sera de réfléchir à une inversion de la charge du soupçon et de sortir du binarisme dans lequel le débat sur la « libre pensée » a trop souvent été enfermé, afin de porter un regard nuancé sur une réalité plus complexe que ce qu’en donnent à croire les raccourcis polémiques. La notion de « liberté » sera interrogée dans ses fondements théologiques et ecclésiaux. Liberté de penser en religion et liberté religieuse seront distinguées, comme le seront, d’une part, libre pensée et pensée religieuse libre et, d’autre part, liberté de conscience et liberté de dire ce que l’on pense.

Comment le « penseur libre » pense-t-il en religion ? Que revendique-t-on ou manifeste-t-on, à différentes époques et dans différents contextes, quand on affirme vouloir « penser librement » de l'intérieur d'une tradition religieuse ? Comment se dit, et se vit, ce qui est alors pensé ? La liberté de penser en religion – celle même qui peut mener à l’hérésie, à l’impiété, au blasphème – n’est-elle pas la condition sine qua nonde la survie et de l’expansion d’une tradition religieuse ? Liberté de penser et sécularisation ont-elles un lien de cause à effet ?

On pourra mobiliser la sémantique pour se demander ce qui différencie « free thought », écrit aussi « freethought », « free enquiry », hétérodoxie, dissidence, ou encore doute et scepticisme. On pourra également poser des questions d’ordre linguistique. Ainsi, si l’on constate que la place obligée de l’adjectif devant le nom en anglais n’autorise pas la précision que permet le français, qui démêle sans les opposer libre pensée et pensée libre, on peut considérer que l’absence de neutre en français est un obstacle à la possibilité de penser le divin de façon non genrée. En d’autres termes, pense-t-on plus librement en religion en anglais ou en français ? On cherchera in fineà établir s’il est possible d’identifier une, voire plusieurs, tradition(s) anglophone(s), de libre pensée ou de pensée libre.

Colloque organisé par : 

Culture et religion dans les pays anglophones (CRPA) avec le soutien des labouratoire suivants: CREA (Paris Nanterre) ; Histoire et Dynamiques des Espaces Anglophones (Sorbonne Université) ; PHARE (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne) ; TransCrit (Université Paris 8).

Conférenciers pléniers : 

  • Kirsten Fischer (University of Minnesota)
  • Nicolas Slee (The Queen’s Foundation, Birmingham)

Modalités de soumission

 Date limite d’envoi des propositions (500 mots ainsi qu’un CV): 30 septembre 2018.

Propositions à envoyer à nathalie.caron [at] paris-sorbonne.fr& remy.bethmont [at]univ-paris8.fr

Comité scientifique

  • Rémy Bethmont (Université Paris 8 / TransCrit)
  • Nathalie Caron (Sorbonne Université / HDEA)
  • Jacqueline Clais-Girard (Université d’Angers)
  • Françoise Deconinck-Brossard (Université Paris Nanterre / CREA)
  • Yannick Deschamps (Université Paris Est Créteil / IMAGER)
  • Pierre Lurbe (Sorbonne Université / HDEA)
  • Clotilde Prunier (Université Paris Nanterre / CREA)
  • Cyril Selzner (Université Panthéon-Sorbonne / PHARE)

Lieux

  • Maison des Sciences Économiques de l’Université Paris 1, 106 Bd de l’Hôpital, 75013 Paris
    Paris, France (75013)

Dates

  • dimanche 30 septembre 2018

Mots-clés

  • religion, monde anglophone, liberté, libre pensée

Contacts

  • Rémy Bethmont
    courriel : remy [dot] bethmont [at] univ-paris8 [dot] fr

Source de l'information

  • Rémy Bethmont
    courriel : remy [dot] bethmont [at] univ-paris8 [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Penser librement en religion dans les pays anglophones », Appel à contribution, Calenda, Publié le mercredi 11 juillet 2018, https://doi.org/10.58079/10lz

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