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Conflictualities and work

Conflictualités et travail

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Published on Monday, October 01, 2018

Abstract

À rebours de nombre d’essais et d’analyses qui, de longue date, diagnostiquent et/ou prédisent l’extinction ou la marginalisation des conflits du travail, le présent appel vise à susciter des contributions qui montrent comment ces conflits se recomposent, dans leurs formes comme dans leurs enjeux. Le volume des journées de grève a reculé au profit de luttes plus morcelées, moins visibles, avec ou sans arrêt de travail. Inspirés en particulier par la sociologie des mouvements sociaux, des travaux mettent en particulier l’accent sur la façon dont les militants syndicaux adaptent leurs stratégies de recours aux pièces traditionnelles du répertoire de l’action collective, en fonction des opportunités et des contraintes avec lesquelles il leur faut composer dans un monde du travail bouleversé.

Announcement

Appel n° 15 – Conflictualités et travail

Coordination

  • Paul Bouffartigue,
  • Jean-Pierre Durand,
  • Baptiste Giraud

Argumentaire

À rebours de nombre d’essais et d’analyses qui, de longue date, diagnostiquent et/ou prédisent l’extinction ou la marginalisation des conflits du travail, le présent appel vise à susciter des contributions qui montrent comment ces conflits se recomposent, dans leurs formes comme dans leurs enjeux. Le volume des journées de grève a reculé au profit de luttes plus morcelées, moins visibles, avec ou sans arrêt de travail. Inspirés en particulier par la sociologie des mouvements sociaux, des travaux mettent en particulier l’accent sur la façon dont les militants syndicaux adaptent leurs stratégies de recours aux pièces traditionnelles du répertoire de l’action collective, en fonction des opportunités et des contraintes avec lesquelles il leur faut composer dans un monde du travail bouleversé. Ainsi les syndicats ont davantage pris appui sur le droit et la pratique de l’expertise pour construire et prendre en charge la défense des intérêts collectifs des salarié·e·s, comme dans le cas des luttes contre les suppressions d’emplois liées aux restructurations et les délocalisations. La tradition d’analyse de la sociologie du travail quant à elle s’intéresse aux formes de résistance au travail qui se développent dans les « bas-côtés » de ce répertoire de l’action collective syndicale. Les organisations sont en effet traversées par des formes de résistances individuelles et diffuses qui échappent en grande partie aux données statistiques publiques. Si de nombreux salarié·e·s ne participent donc pas aux actions protestataires initiées et/ou encadrées par les organisations syndicales, ils n’adhèrent pas pour autant aux prescriptions ni aux discours intégrateurs de leur hiérarchie. Entre le consentement au travail et l’engagement dans l’action syndicale existe toute une variété de stratégies de mise à distance de l’autorité et des contraintes hiérarchiques exprimant une contestation des dominations au travail.

L’ambition de ce dossier est de faire dialoguer ces différentes perspectives de recherche afin d’éclairer la manière dont les formes de confits « organisés » et « inorganisés » au travail se reconfigurent et s’articulent à l’épreuve des nouvelles formes d’organisation du travail et du rapport salarial. Les réorganisations d’entreprises – publiques ou privées – comme l’émergence du capitalisme de plate-forme génèrent des formes de résistances qui débordent, de différentes manières, les modalités classiques du répertoire de l’action syndicale. L’étude des conflits qui se jouent autour des enjeux liés aux nouvelles formes d’organisation du travail ouvre à cet égard un champ d’investigation heuristique pour prolonger l’analyse des processus de recomposition des rapports de domination et de conflictualité au travail. À travers lui, il s’agit de s’interroger sur des dimensions encore peu explorées des possibles et des contraintes en fonction desquels les formes de résistance au travail, individuelles et collectives, peuvent se développer en marge des modalités classiques de lutte au travail.

1 – Les résistances larvées en contexte de réorganisations : ressorts et signification

Le monde du travail est traversé par un processus diffus de transformation des modalités d’organisation du travail. Les dispositifs de contrôle managérial sur l’activité des travailleurs/euses se sont renouvelés, tendant à les déposséder de la maîtrise de leur travail, à individualiser le rapport au travail, générant souffrance au travail et conflits interpersonnels plus que conflits collectifs. L’individualisation de la relation salariale se traduit par un contrôle rapproché qui rend plus difficile l’action collective, voire les résistances individuelles. Mais elle s’accompagne aussi de pratiques de simulation des comportements attendus, pratiques qui gagneraient à être mieux étudiées.

Comment les salarié·e·s, soumis à des réorganisations ou des restructurations, peuvent-ils s’y opposer, en dehors même des luttes organisées syndicalement ? Quelles sont les formes de résistances plus individuelles aux nouvelles formes d’organisation du travail ? Comment ces résistances s’expriment-elles, en particulier dans des entreprises sans présence syndicale ? Quelles sont les différentes formes de désengagement, d’apathie et d’indocilité au travail ? Selon quels types de contraintes et de ressources les salarié·e·s optent-ils pour l’une ou l’autre de ces formes de résistance au travail ? Que nous disent-elles de la manière dont s’articulent rapports de domination et de résistance au travail, et de la variété des ressources que les travailleurs/euses trouvent à opposer à leurs directions ?

C’est aussi le sens de ces attitudes de retrait au travail qu’il convient de questionner. Leurs dimensions critiques et politiques, explicites ou implicites, seront tout particulièrement interrogées. Quelles critiques des formes d’emploi, du travail, de l’organisation ou des finalités du travail comportent-elles ?

L’introduction de nouvelles formes d’organisation du travail ne rencontre toutefois pas de résistance automatique ni homogène dans les collectifs de travail, les salarié·e·s étant diversement disposé·e·s à contester et à entrer en conflit avec leur hiérarchie. Ils et elles sont inégalement doté.e·s en ressources pour le faire. Quelles sont les conditions sociales de possibilité des formes souterraines de résistances que provoquées par les nouvelles formes d’organisation du travail et de l’emploi ? Comment se détermine l’inégale propension des salarié·e·s à entrer en résistance contre ces nouvelles formes d’organisation du travail ou au contraire à s’en accommoder ?

2 – De la résistance au travail à l’action collective : quelles articulations et disjonctions ?

Se pose alors la question des frontières et des possibilités d’articulation entre les « résistances » quotidiennes – à commencer par les efforts de transposition/adaptation/contournement des règles (travail prescrit) dans l’activité de travail (travail réel), l’absentéisme, les démissions ou et autres « ruptures conventionnelles » – et l’expression conflictuelle plus collective. Dans quelle mesure ces formes de résistance au travail se substituent-elles aux formes plus classiques de l’action collective ou au contraire s’y combinent-elles ? Les conflits dits « inorganisés » sont-ils nécessairement individuels ou impliquent-ils des formes d’action collective des salarié·e·s alternatives aux pratiques habituelles de l’action syndicale ? Bref dans quelle mesure ces formes de conflit a priori individuelles peuvent-elles être collectivement organisées ?

Quels sont par ailleurs les obstacles à la traduction de ces formes de résistance en action collective encadrée et structurée par les syndicats ? Si les dimensions socio-économiques sont connues, en interrogeant les évolutions en cours de la conflictualité liée au travail lui-même (conditions, organisation, contenu, finalité), il s’agit d’élargir le champ de l’analyse de ces obstacles. Comment les directions et les militants syndicaux cherchent-ils à s’emparer de ces motifs de résistances et les difficultés – conjointes – qu’elles peuvent rencontrer dans cette démarche ? Quels sont les instruments de mesure et de repérage de ces formes de conflit dont se dotent directions et syndicats, comment les interprètent-ils et quelles réponses cherchent-ils à leur apporter ? Dans quelle mesure la capacité des militants syndicaux à s’emparer des motifs de conflits liés aux enjeux de l’organisation du travail est-elle entravée par les stratégies patronales de « canalisation » de la conflictualité au travail ? Dans quelle mesure cette capacité à constituer les questions d’organisation en enjeu de mobilisation collective traduisent-elles leurs difficultés propres à développer des registres de critique de l’organisation du travail et des stratégies de protestation adaptées aux attentes des salarié·e·s ? Des directions syndicales ont, ces dernières années, perçu leur intérêt à se saisir plus frontalement des questions de sens et de qualité du travail pour repenser leur manière de s’adresser aux salarié·e·s et en faire un levier de leurs remobilisations. Comment cette stratégie de collectivisation et de politisation des conflits liée à l’organisation du travail se traduit-elle ? Quels types de difficultés les militants syndicaux peuvent-ils rencontrer dans sa mise en œuvre ? Qu’est-ce que ces difficultés traduisent de la distance pouvant opposer les militants syndicaux aux salarié·e·s dans leur rapport au travail ?

La question de l’articulation entre les résistances au travail et l’action protestataire organisée amène ainsi à interroger les ressorts idéologiques et politiques de l’action syndicale. Quels sont les effets des processus de dépolitisation des conflits du travail en termes d’obstacles pour transformer ces résistances au travail en action collective ? Quelles sont les conditions de leur possible repolitisation ? Le recul des imaginaires politiques alternatifs, en tant que source des difficultés du syndicalisme et de l’action collective, est en fait peu investi, alors qu’il est très souvent présupposé. Que nous dit l’étude des résistances au travail à ce sujet ? Sont-elles un indicateur des obstacles à l’action collective liés aux difficultés des syndicats à donner aux salarié·e·s des perspectives de modèles d’organisation du travail alternatifs ?

3 – Quel réagencement des conflits en entreprise et hors entreprise autour des questions du travail ? Quels liens entre les luttes au travail et les attentes des consommateurs/usagers/clients ?

Ce corpus vise enfin à interroger la façon dont les enjeux liés à l’organisation et aux finalités du travail participent de reconfiguration des acteurs et des pratiques de l’action protestataire.

Le développement d’entreprises de l’économie numérique en offre un terrain d’exploration. Comment s’y reconstituent des regroupements de salarié·e·s en lutte, en dehors des organisations syndicales ? Comment les organisations syndicales cherchent-elles (ou non) à adapter leurs pratiques de mobilisation pour mettre en mouvement et fédérer les mécontentements des salarié·e·s dans ces « zones grises » du salariat ? Collectifs et syndicats entrent-ils en concurrence dans leur manière d’organiser ces travailleurs/euses ou peut-on au contraire repérer des passerelles et des stratégies d’alliance ?

Dans une optique complémentaire, on pourra se pencher sur les processus d’appropriation syndicale des questions de la qualité du travail. Dans quelle mesure permettent-ils de reconstruire des collectifs et de relancer des conflits collectifs ? Dans quelle mesure permettent-ils également d’élargir le périmètre de leur action pour développer des alliances en dehors de l’entreprise, et plus largement du monde du travail ? Dans quelle mesure les enjeux de lutte liés à l’organisation du travail peuvent-ils être reliés à celle des finalités de l’activité, et par là à la défense des intérêts des usagers ou des clients ?

Le passage d’une « société industrielle » à une « société de services » pose la question de la capacité du mouvement à construire des alliances hors du monde du travail avec d’autant plus d’acuité. Quid de l’efficacité et de la signification de l’action gréviste quand il ne s’agit plus de « bloquer la production » (matérielle), mais d’interrompre un service, public ou privé ? Comment analyser le rôle et le positionnement des usagers ou des clients, et plus largement celui de l’opinion publique ? Comment cet enjeu est-il ou non pris en compte par les syndicats et par les travailleurs/euses concernés ?

Le travail est aussi traversé par des enjeux et des conflits qui le dépassent mais dont il devient un théâtre parmi d’autres. On peut penser ici aux luttes contre les discriminations ou encore à l’écologie. Le travail est une des scènes sur laquelle ces conflits s’expriment. Mais bien souvent, il est une de celles qui concentrent le plus l’attention et parfois à propos de laquelle l’exigence est la plus forte. On pense par exemple à l’égalité entre les femmes et les hommes : les attentes sont beaucoup plus importantes dans la sphère du travail que dans la sphère politique, alors qu’une loi sur la parité existe, très peu respectée par ailleurs. Comment les acteurs, syndicat et patronat en particulier incorporent ces enjeux ou au contraire y résistent, comment ils les traduisent ou les rejettent ? À titre d’exemple, l’entreprise a transformé la question de la lutte contre les discriminations en introduisant la notion de la diversité ; dans un autre registre, elle semble être demeurée relativement hermétique aux questions religieuses contemporaines.

Le travail est aussi traversé par des enjeux et des conflits qui le dépassent mais dont il devient un théâtre parmi d’autres. À l’image des luttes contre les discriminations raciales ou les inégalités de genre, les enjeux liés à l’organisation du travail ne sont pas seulement portés par les salarié·e·s et leurs porte-parole syndicaux. Ils le sont aussi par des acteurs extérieurs aux entreprises (associations, experts, acteurs politiques), en étant réinscrits dans des enjeux de lutte plus généraux tels que la protection de l’environnement ou de la santé publique. Est ainsi parfois directement mise en question l’organisation du travail dans l’industrie (la lutte contre les pollutions et les risques industriels), les services (autour de la qualité des prestations rendues) ou encore dans l’agriculture. Quelles sont les conditions et les modalités en fonction desquelles les enjeux liés à l’organisation du travail sont constitués en enjeu de lutte politique par des acteurs extérieurs au champ syndical ? Quel(s) type(s) de relations se donnent à voir dans ces configurations de lutte, entre syndicats, mouvements sociaux et organisations politiques ?

Modalités de soumission

Les articles ne doivent pas dépasser les 45 000 signes (espaces et bibliographie compris) et sont à adresser

avant le 5 novembre 2018

à nrtravail[at]gmail[dot]com en suivant les modalités et les normes de présentation précisées à la rubrique Soumission et évaluation, sur le site de la NRT.

Évaluation des articles

Les articles, rendus anonymes par le secrétariat de rédaction, sont distribués par le comité de rédaction (via les coordinateurs de rubrique en général) à deux experts (comité de lecture, experts extérieurs, comité de rédaction). Les deux experts rendent un rapport écrit (et anonyme) avec une conclusion claire sur le caractère publiable ou non de l’article. En cas de rapports contradictoires, il est fait appel à un troisième expert.

La politique de la revue consiste à encourager les auteurs, dont les papiers ne sont pas jugés publiables en l’état, à les reprendre à partir des pistes suggérées par les lecteurs de la revue.


Date(s)

  • Monday, November 05, 2018

Keywords

  • action collective, syndicat, conflit, travail, lutte, mouvement social, résistance

Contact(s)

  • Arnaud Chabrol
    courriel : nrtravail [at] gmail [dot] com

Information source

  • Arnaud Chabrol
    courriel : nrtravail [at] gmail [dot] com

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« Conflictualities and work », Call for papers, Calenda, Published on Monday, October 01, 2018, https://doi.org/10.58079/10x8

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