AccueilGénétique et temporalité

AccueilGénétique et temporalité

Génétique et temporalité

Genetics and temporality

Revue « Corps & Psychisme »

Corps & Psychisme journal

*  *  *

Publié le mercredi 03 octobre 2018

Résumé

Lors des trois dernières décennies, l’offre de la médecine s’est considérablement élargie en matière de génétique et notamment dans le domaine de la médecine prédictive.  La demande des patients est constamment façonnée par ces progrès et nous amène au constat suivant : ce qui est possible devient toujours objet de désir. En effet, nous pourrions avancer l’idée que la médecine détermine, crée, fait naître et amplifie la demande du patient.   Qu’en est-il de la demande du patient au XXIe siècle ? Il est certain que les progrès de la génétique induisent à la fois de la fascination et des craintes. Nous sommes aujourd’hui face à un changement considérable dans le registre symbolique, induit par les nouvelles technologies de la médecine, en particulier dans le champ de la génétique qui s’intéresse à un domaine qui était jusqu’ici impénétrable : test génétiques pré symptomatiques, test prénatal, préimplantatoire, séquençage à haut débit, lecture du génome.

Annonce

Argumentaire

Lors des trois dernières décennies, l’offre de la médecine s’est considérablement élargie en matière de génétique et notamment dans le domaine de la médecine prédictive.  La demande des patients est constamment façonnée par ces progrès et nous amène au constat suivant : ce qui est possible devient toujours objet de désir. En effet, nous pourrions avancer l’idée que la médecine détermine, crée, fait naître et amplifie la demande du patient.  

Dans les années 60, Jacques Lacan (1966, cité par Jacques Sédat (1987) attirait déjà notre attention sur le fait que la demande du patient est indissociable de l’environnement social dans lequel il évolue.  La société contemporaine véhicule une vision de l’homme qui a « droit » à la santé, qui a le droit de connaître son avenir, de l’anticiper et de le maîtriser. Tout se passe comme si, au nom des progrès scientifiques, le malade pensait pouvoir demander au médecin « son ticket de bienfait dans un but précis et immédiat » (voir Sédat, 1987).

Qu’en est-il de la demande du patient au XXIème siècle ? Il est certain que les progrès de la génétique induisent à la fois de la fascination et des craintes. Nous sommes aujourd’hui face à un changement considérable dans le registre symbolique, induit par les nouvelles technologies de la médecine, en particulier dans le champ de la génétique qui s’intéresse à un domaine qui était jusqu’ici impénétrable : test génétiques pré symptomatiques, test prénatal, préimplantatoire, séquençage à haut débit, lecture du génome…..

Avec les possibilités prédictives de la génétique, nous nous retrouvons devant ce que nous pouvons désigner comme une forme d’illusion informative, comme si le savoir génétique pouvait apporter une connaissance totale de l’être humain.  Cette illusion est d’autant plus prégnante lorsque l’on croit, par exemple, qu’un test génétique ne livre qu’une pure information scientifique sans tenir compte de la réalité psychique du sujet, de son histoire et de la dynamique transgénérationnelle dans laquelle il se trouve situé et impliqué.

Les avancées actuelles de la génétique bouleversent notre rapport au corps, à la temporalité et à la mort. Elles créent une forme de « vertige technologique », tel que décrit par François Ansermet (2015), lorsqu’il signale que « les avancées de la science amènent à de multiples inventions technologiques, mais celles-ci vont plus vite que nos possibilités de penser » (p.13). Pour lui, ce vertige peut nous conduire à basculer dans le vide d’un monde différent et inconnu. Plus le vertige provoqué par les avancées de la science est grand, plus le vide symbolique s’accentue, plus l’imaginaire et la fantasmatisation s’emballent, nous faisant basculer de la perplexité à l’angoisse.

Dans ce contexte, la demande et le désir vont s’infiltrer de plus en plus dans la relation médecin-malade en leur imprimant une dynamique nouvelle, puisqu’aux changements de repères correspondent toujours des représentations métamorphosées, notamment celles qui concernent la procréation, la sexualité, la mort, la temporalité et l’historicité. La médecine de demain promet encore d’incroyables découvertes qui changeront la face de l’humain. Ce processus est déjà en route et il sera difficile de revenir en arrière même si l’issue peut nous échapper.  

Depuis 2010, de nouveaux problèmes émergent avec l’arrivée du séquençage à très haut débit. Cette technique permet d’identifier de nouveaux gènes et d’appréhender certains facteurs génétiques modificateurs de l’expressivité et de la pénétrance. Les équipes de génétique se trouvent devant des problèmes éthiques inédits. Par exemple, que faire des altérations (mutations géniques, délétions génomiques de grande taille) associées à une maladie donnée non recherchée lors de l’exploration du génome réalisée dans un cadre de recherche ? Sous réserve de la valeur prédictive de l’altération identifiée et de l’existence de mesures de prévention ou de soin, il apparaîtrait déontologiquement nécessaire, voire même juridiquement exigible, de revenir vers la personne pour lui annoncer que l’analyse génétique a mis en évidence la mutation d’un gène responsable d’une telle maladie pour laquelle des mesures préventives pourraient être mise en place. Mais comment procéder pour ne pas donner des informations qui pourraient avoir un retentissement incommensurable ?

La notion de « données incidentes » tend à être remplacée par celle de données secondaires, c’est-à-dire secondairement et « volontairement » recherchées. En 2013, l’American College of Medical Genetics and Genomics, (Green R., et al. 2013) a proposé, lors du séquençage de l’exome, ou du génome, l’analyse systématique d’un certain nombre de gènes de maladies mendéliennes dont les mutations sont associées essentiellement à une augmentation des risques de cancers ou de maladies cardiovasculaires, situations pour lesquelles des mesures de prévention peuvent être mises en œuvre.

Cependant lorsque la personne n’a pas formulé la demande de connaître toutes les informations issues de cette analyse, elle peut se trouver, malgré elle, en possession d’un savoir qui la dépasse d’autant plus qu’elle n’a pas été préparée en amont à cette révélation. D’où la nécessité de développer de nouvelles recherches dans les années à venir pour mieux comprendre les conséquences, sur le plan subjectif, de telles situations pour le moins inédites.

François Ansermet (2015, p.133) évoque le « collapsus de la temporalité » provoqué par la médecine prédictive et les avancées de la génétique. Cet amalgame entre présent et futur, induit par la prédiction, arrête le temps et peut provoquer une sidération de la pensée. Dans ce sens, l’existence se résume à l’exécution d’un programme préétabli par les informations génétiques qui pourraient situer davantage le sujet du côté d’un destin implacable, non modifiable (le fatum). Le savoir prédictif peut donner à la mort le sens d’une réalité déjà entièrement déterminée au lieu d’un devenir que nous pourrions assumer librement.   La prédiction génétique inverse la temporalité parce qu’elle rend présente une donnée de l’avenir.  Et c’est à partir de là que nous postulons l’existence d’une psychopathologie de la temporalité engendrée par la médecine prédictive.

Le lecteur pourra apprécier dans les contributions de ce numéro qu’un changement est en train de se produire. Anthropologiquement parlant l’être humain est en train de modifier sa façon de vivre, de naître, de procréer mais aussi de modifier la manière d’habiter son corps, son rapport à la temporalité et à la mort.

Normalement ces processus sont étudiés a posteriori, une fois déjà passés et accomplis, mais ici nous sommes les témoins du changement en train de se faire et nous sommes invités à prendre part dans une réflexion dont la portée est éthique mais l’approche psychanalytique, anthropologique et sociologique pourront nous donner des éclairages importants.

Si l’inquiétante étrangeté est un sentiment qui apparaît quand quelque chose -depuis longtemps connue- mais qui aurait dû rester cachée refait surface, nous pouvons nous interroger si les progrès de la génétique ne nous confrontent pas à la perception inquiétante d’une ère ancienne qui est en train de disparaître … sous la promesse d’un avenir qui provoque fascination, attirance, effroi mais aussi des espoirs.

Conditions de soumission

Les articles soumis pour publication ne doivent pas être proposés simultanément à une autre revue. L’auteur s’engage à proposer un article original. Les articles soumis doivent compter entre 15000 et 30000 signes (espaces compris).

Ils sont envoyés sous format électronique (word rtf) à l’adresse électronique suivante:

revue.champpsy@gmail.com

avant le 31 janvier 2018

Chaque article fera apparaitre sur la première page les noms, adresse électronique, titre et institu-tion d’appartenance du ou des auteurs ainsi que le résumé et 5 mots clés.

Les articles sont publiés en français. Ils doivent être accompagnés:

1) d'un résumé en français et en anglais de 5 lignes environ présentant l’objet de la recherche et la problématique posée ainsi que la méthodologie/l’approche (l’article s’appuie-t-il sur des cas cliniques, les auteurs sont-ils psychanalystes, sociologues, thérapeutes, Quelques éléments de conclusion seront annoncés.

2) de 5 mots-clés en anglais et en français. Pour le choix des mots clés, se référer au thésau-rus : http://www.ascodocpsy.org/santepsy/Thesaurus/.

3) Pour les mots clés en anglais, vérifier qu’ils appartiennent au thesaurus de psycinfo, disponible sur le site de psycinfo (http://www.apa.org/pubs/databases/psycinfo )

4) d’une bibliographie.

Coordinateurs scientifiques

  • Marco Araneda
  • Marcela Gargiulo
  • Ouriel Rosemblum

Catégories


Dates

  • jeudi 31 janvier 2019

Mots-clés

  • génétique prédictive, désir, psychisme, psychopathologie

Contacts

  • Anne-Julia Manaranche
    courriel : revue [dot] champpsy [at] gmail [dot] com

Source de l'information

  • Anne-Julia Manaranche
    courriel : revue [dot] champpsy [at] gmail [dot] com

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Génétique et temporalité », Appel à contribution, Calenda, Publié le mercredi 03 octobre 2018, https://doi.org/10.58079/10yo

Archiver cette annonce

  • Google Agenda
  • iCal
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search