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Villes et commun(s)

Cities and communes

Atelier doctoral du Groupe transversal usages de l’histoire et devenirs urbains du Labex Futurs urbains

Doctoral workshop of the Transversal Group of the Usage of History and Urban Futures at the Labex Futurs urbains

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Publié le jeudi 06 décembre 2018

Résumé

Ces dernières années, de nombreux mouvements politiques et sociaux se sont structurés autour de la question des communs ou du commun, à l’image du « mouvement des places » à partir de 2011, en Tunisie, en Espagne, en Grèce, aux États-Unis ou en Turquie. La mobilisation de ces notions dans le champ de l’action politique a renouvelé l’attention des chercheurs : économistes, sociologues, politologues, géographes, urbanistes et historiens, entre autre. Nous souhaitons, lors de cet atelier doctoral, questionner cette généalogie de la recherche sur le/les commun(s) en études urbaines en réunissant les représentants de ces différentes disciplines des sciences humaines et sociales. Nous aimerions, par ce dialogue, travailler le rapport qui s’est instauré entre la réflexion sur l’espace public urbain et celle sur le/les commun(s).

Annonce

Dans le cadre du groupe de travail « Usages de l'histoire et devenirs urbains » du Labex Futurs urbains (Paris-Est), cet atelier doctoral est organisé par Pauline Guillemet (Doctorante UPE, Labex Futurs urbains, laboratoire ACP EA 3350) et Myriam Treiber (Architecte MSC EPFL, collaboratrice scientifique au sein du laboratoire ALICE, École polytechnique fédérale de Lausanne). Il aura lieu, à Champs-sur-Marne, le jeudi 4 avril 2019.

Argumentaire

Ces dernières années, de nombreux mouvements politiques et sociaux se sont structurés autour de la question des communs ou du commun, à l’image du « mouvement des places » à partir de 2011, en Tunisie, en Espagne, en Grèce, aux Etats-Unis ou en Turquie. La mobilisation de ces notions dans le champ de l’action politique a renouvelé l’attention des chercheurs : économistes, sociologues, politologues, géographes, urbanistes et historiens, entre autre. L’attribution, en octobre 2009, du prix Nobel d’économie à Elinor Ostrom pour ses travaux, datant des années 1980-1990, sur la gouvernance économique et les communs, illustre l’importance prise par ces concepts dans le champ académique.

En études urbaines, les relectures d’Henri Lefebvre et de son « droit à la ville » témoignent de la vitalité de cette nouvelle orientation[1] En 1968, quelques semaines avant mai, le géographe-sociologue, qui ancre son travail dans une perspective philosophiqueappelle à une réappropriation de l’espace urbain par les citoyens comme point de départ à une transformation démocratique de la société. Il insiste sur la nécessité de renouer avec une pensée de la ville comme « œuvre » collective[2].

En 1969, Sherry Phyllis Arnstein ouvre, quant à elle, un chantier de recherche sur la participation publique en urbanisme. Elle travaille sur les programmes fédéraux américains destinés à mettre en œuvre des dispositifs participatifs en matière de rénovation urbaine, de lutte contre la pauvreté et de cités modèles et conceptualise, à partir de ces programmes, une « échelle de la participation ». Son article fondateur, paru dans le Journal of the American Institute of Planners[3] fait également l’objet de relectures récentes[4].

Chez ces auteurs, il n’est pas question de « commun(s) » mais de « réappropriation » et de « participation » dans un contexte politique où la proximité lexicale entre commun(s) et communisme(s) est à interroger. Peut-on néanmoins envisager que ces différents travaux constituent une matrice de la réflexion actuelle sur le/les commun(s) en urbanisme ? Comment ces propositions théoriques ont-elles circulé jusqu’à nos jours et sont-elles venues nourrir cette réflexion ? Quelle rupture engendre l’émergence de la thématique du ou des commun(s) dans les études urbaines ? Comment penser le lien entre commun(s) et communisme(s) ?

Nous souhaitons, lors de cet atelier, questionner cette généalogie de la recherche sur le/les commun(s) en études urbaines en réunissant des représentants de différentes disciplines, celles des sciences humaines et sociales en particulier. Nous aimerions, par ce dialogue, travailler le rapport qui s’est instauré entre la réflexion sur l’espace public urbain et celle sur le/les commun(s).

Nous avons dégagé trois directions autour desquelles articuler cet atelier.

Il nous semble important, en premier lieu, de retracer l’histoire de ces concepts.

  • Nous souhaiterions interroger l’idée que leur conceptualisation, politique et juridique notamment, trouverait ses racines en contexte urbain, dans les cités grecques ou les républiques communales par exemple. Envisager une construction urbaine de ces notions implique de s’intéresser à la spécificité historique des contextes dans lesquels a été formulé un discours sur le bien commun et ont été élaborées des pratiques d’actions communes. Le « commun » peut-il être considéré comme une construction territoriale urbaine[5]? Peut-on dresser une typologie des expériences communales à partir des formes de mise en commun de l’espace public qu’elles ont instaurées ? Ces questions appellent une réflexion en histoire du droit et des constructions politiques sur la longue durée.
  • Nous aimerions également porter une attention particulière aux dispositifs de concertations publiques qui, depuis le XIXe siècle, ont été initiés par les acteurs urbains dans le processus de prise de décision concernant la ville. De quelle manière ces processus ont-ils participé à la diffusion de l’idée que la ville est un bien commun ? Quel rôle ont joué ces dispositifs dans l’identification d’intérêts communs spécifiques à la « communauté » urbaine [6]?
  • Nous aurons à réfléchir aux objets autour desquels s’est constitué, par la coordination d’actions individuelles et collectives, un gouvernement des communs[7]. Comment les enjeux, notamment écologiques et patrimoniaux, concernant les biens communs, ont-ils produit des innovations législatives ? Les cas des fleuves indiens et néo-zélandais ayant été reconnus comme des êtres vivants dotés d’une personnalité juridique pourront, par exemple, être discutés.

Nous souhaiterions également échanger sur la manière dont les représentants de différents champs académiques ou professionnels ont travaillé ces notions.

  • Une large place sera donnée aux discussions concernant la mobilisation de cette notion en urbanisme. Les politiques publiques en matière d’urbanisme, avant même la constitution disciplinaire du champ à la fin du XIXe siècle, témoignent-elles de la prise en compte, dans le domaine institutionnel, législatif et politique, de la question du ou des commun(s) ? Le commun devient-il l’objet d’un discours « scientifique » au sein des théories de l’urbanisme qui se constituent dans la seconde moitié du XIXe siècle ?
  • Par ailleurs, la réflexion autour du ou des commun(s) est partagée par différentes disciplines. En réunissant, lors de cet atelier, des historiens, des urbanistes, des géographes, des sociologues, des économistes ou des politistes, nous aimerions que soit analysée la manière dont ces concepts ont émergé au sein de ces différents champs et dont ils ont été articulés à un contexte urbain. Comment ont-ils ensuite circulé entre les différentes disciplines ? En quoi le passage de communs à commun est-il important en études urbaines[8]? Comment peut-on articuler la réflexion sur le commun urbain à celle qui s’est développée ces dernières années autour de la notion d’urbanité(s)[9].
  • Nous voudrions également interroger la manière dont l’utilisation de ces notions dans les mouvements sociaux et au sein des discours politiques – en particulier lors du mouvement des places et dans les débats actuels concernant les Zones à défendre (ZAD) et leur pérennisation – a revivifié l’intérêt pour ces concepts au sein des travaux académiques. Quels sont les conséquences, sémantiques notamment, de la (sur)mobilisation de ces concepts dans ces différents contextes ? De quelle manière les utilisations diverses qui en sont faites renforcent leur caractère polysémique ? Les travaux théoriques sur l’espace public et le commun urbain sont-ils mobilisés, en retour, dans ces mouvements de contestation ?

Nous aimerions, enfin, travailler sur la manière dont la question du ou des commun(s) est articulée à celle de la démocratie.

  • Certaines expériences d’autogestions urbaines montrent que l’affirmation du caractère public et commun de l’espace urbain passe par la revendication, de la part des citadins, de l’exercice d’un pouvoir effectif en ce qui concerne leur environnement proche. De telles initiatives sont à l’œuvre aussi bien dans les shrinking cities nord-américaine, comme Détroit, que dans les villes d’Amérique latine, comme Rio de Janeiro ou Porto Alegre, dont les habitants expérimentent des formes de mobilisations urbaines très novatrices. Dans quelle mesure ces expériences d’autogestions urbaines redéfinissent, plus largement, les limites des prérogatives municipales ou exécutives ? En quoi ces expériences sont-elles porteuses de nouvelles potentialités démocratiques ?
  • Les consultations citoyennes autour de projets urbains par le biais des réseaux sociaux constituent, pour leur part, des expériences d’urbanisme participatif qui se développent, en France par exemple, dans le sillage des expériences de Grenoble, Roubaix ou Rennes dans les années 1970 puis se systématisent suite aux préconisations du rapport Dubedout de 1983 et à la loi SRU de 2000. Il nous semble important de saisir la différence entre ces expériences d’urbanisme participatif et celles qui revendiquent une forme d’autogestion pour bien mesurer leurs limites. En recentrant l’engagement citoyen sur des échelles locales, dans la ville ou dans le quartier, ces initiatives ne cherchent-elles pas à palier le déficit démocratique à l’échelle nationale ? Quel est le niveau de participation de la société urbaine à ces expériences d’urbanisme participatif ? De quel commun est-il question quand s’exercent, à l’échelle infra-urbaine, des logiques de regroupement social et territorial ?
  • L’utilisation par les représentants de la classe politique et au sein des institutions publiques de l’idée de commun(s) sera également analysée. Comment les pouvoirs publics s’approprient ces notions dans la sphère législative ? À quelle récupération de l’idée de commun par les acteurs politiques assiste-t-on ? À quoi correspond ce virage discursif dans une société que certains qualifient de « post-démocratique »[10]?

Modalités de soumission

Les propositions de communication, d’une page maximum, sont à adressées,

avant le 25 janvier 2019,

à pauline.guillemet@u-pem.fr et myriam.treiber@epfl.ch

Comité scientifique

Groupe Transversal "Usages de l’histoire et devenirs urbains" du Labex Futurs urbains.

Références 

[1] Goonewardena, Kanishka ; Kipfer, Stefan ; Milgrom, Richard et Schmid, Christian. (dir.), Space, Difference, Everyday Life: Reading Henri Lefebvre, New York, Routledge, 2008 ou Costes, Laurence., « Le Droit à la ville de Henri Lefebvre : quel héritage politique et scientifique ? », Espaces et sociétés, vol. 140-141, no. 1, 2010, pp. 177-191.

[2] Lefebvre, Henri., Le Droit à la ville suivi de Espace et politique, Paris, Anthropos, [1968] 1972

[3] Arnstein, Sherry Phyllis., « A ladder of citizen participation », Journal of the American Institute of Planners, 35 (4), 1969, p. 216-224.

[4] Bacqué, Marie-Hélène, et Mario Gauthier. « Participation, urbanisme et études urbaines. Quatre décennies de débats et d'expériences depuis « A ladder of citizen participation » de S. R. Arnstein », Participations, vol. 1, no. 1, 2011, pp. 36-66.

[5] Comme le montre Hacker, Violaine., « Le bien commun comme construit territorial », Urbanisme, Mars 2015.

[6] Voir, sur ces questions, Moscovici, Serge et Doise, Wilhem., Dissensions et consensus : une théorie générale des décisions collectives, Paris, Presses universitaires de France, 1972.

[7] On peut penser par exemple aux systèmes irrigués autour desquels se sont constitués des discours sur le bon gouvernement des eaux dans les sociétés locales hydrauliques depuis la seconde moitié du XIXe siècle. Alice Ingold a montré qu’ils constituaient des modèles de réussite de coordination des actions individuelles et du bien commun (Ingold, Alice. « Les sociétés d'irrigation : bien commun et action collective », Entreprises et histoire, vol. 50, no. 1, 2008, pp. 19-35.)

[8] Ces dernières années, différents travaux ont affirmé la nécessité de penser cette notion au singulier. L’ouvrage de Pierre Dardot et Christian Laval intitulé Commun. Essai sur la révolution au XXIe siècle (La Découverte, 2014) propose ainsi une sociologie du commun plutôt que des communs.

[9] Depuis, notamment, les travaux de Lévy, Jacques., « « Vers le concept géographique de ville » », Villes en Parallèle, no 7,‎ 1983, p. 77-119 ou « Urbanité : à inventer. Villes : à décrire », Les Annales de la recherche urbaine, N°64, 1994. Parcours et positions. p. 11-16.

[10] Depuis, notamment, le travail de Crouch, Colin., Post-democracy, Polity Press, 2004.

Lieux

  • Champs-sur-Marne, France (77)

Dates

  • vendredi 25 janvier 2019

Mots-clés

  • communs, bien commun, espace public, ville

Contacts

  • Pauline Guillemet
    courriel : pauline [dot] guillemet [at] u-pem [dot] fr

Source de l'information

  • Pauline Guillemet
    courriel : pauline [dot] guillemet [at] u-pem [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Villes et commun(s) », Appel à contribution, Calenda, Publié le jeudi 06 décembre 2018, https://doi.org/10.58079/11jw

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