AccueilAudiovisuel et commentaires en ligne : nouveau champ, nouveaux paradigmes ?

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Audiovisuel et commentaires en ligne : nouveau champ, nouveaux paradigmes ?

The audiovisual world and online commentaries - new fields, new paradigms?

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Publié le mercredi 02 janvier 2019

Résumé

Cet appel à contribution thématique de la revue Communiquer, Revue de communication sociale et publique part de deux constats dont la prégnance va s’amplifiant depuis une bonne décennie et suivant la mise en place du web 2.0, dit aussi participatif. D’une part, notons l’importance des objets audiovisuels sur internet, particulièrement dans le cadre des plateformes de partage, de streaming et des réseaux sociaux numériques. Si les écrits d’écran sont toujours très présents (voir notamment les travaux d’Yves Jeanneret et d’Emmanuel Souchier) et que l’activité de commentaire est étudiée de manière générale (Reagle, 2016) ou plus particulière, par exemple concernant le journalisme (Shanahan, 2017), l’audiovisuel, ou plus précisément l’audio-logo-vision (Chion, 2000, 143 sqq.), règne sans véritable partage dans les univers connectés, eu égard aux volumes produits, partagés, visionnés et agis. D’autre part, l’abondance d’objets audiovisuels, de toutes natures, qui circulent en ligne, s’accompagne d’une profusion de signes d’appropriations et d’actions sur ces derniers : c’est-à-dire les commentaires en ligne.

Annonce

Présentation

Cet appel à contribution thématique de la revue Communiquer, Revue de communication sociale et publique part de deux constats dont la prégnance va s’amplifiant depuis une bonne décennie et suivant la mise en place du web  2.0, dit aussi participatif. D’une part, notons l’importance des objets audiovisuels sur internet, particulièrement dans le cadre des plateformes de partage, de streaming et des réseaux sociaux numériques. Si les écrits d’écran sont toujours très présents (voir notamment les travaux d’Yves Jeanneret et d’Emmanuel Souchier) et que l’activité de commentaire est étudiée de manière générale (Reagle, 2016) ou plus particulière, par exemple concernant le journalisme (Shanahan, 2017), l’audiovisuel, ou plus précisément l’audio-logo-vision (Chion, 2000, 143 sqq.), règne sans véritable partage dans les univers connectés, eu égard aux volumes produits, partagés, visionnés et agis. D’autre part, l’abondance d’objets audiovisuels, de toutes natures, qui circulent en ligne, s’accompagne d’une profusion de signes d’appropriations et d’actions sur ces derniers : c’est-à-dire les commentaires en ligne.

La pratique du commentaire en ligne d’objets audiovisuels, eux-mêmes en ligne (pouvant cependant exister en dehors d’internet), est un phénomène sans précédent ni équivalent à plusieurs égards. Le principe du commentaire est préexistant, bien entendu, mais le contexte sociotechnique contemporain le dote de qualités nouvelles. Avant le web 2.0, les commentaires, pris comme traces repérables, constructibles et exploitables par la recherche, pouvaient soit être recueillis dans des espaces dédiés (publications critiques, courrier des lecteurs [voir par exemple Pasquier, 1999], quelques émissions radiophoniques ou télévisuelles dédiées, notices de publics tests, journaux intimes puis blogues), soit être produits pour et dans le cadre de la recherche (enquêtes par entretien, questionnaire, voire éventuellement par observation [voir Éthis, 2006]). Dans le premier cas, les commentaires existant de manière normée et éditée fonctionnaient en relative autonomie matérielle, que cela soit en termes de support (par exemple le papier), de temps et de lieu ; donc de pratique. Dans le deuxième cas, à l’autonomie matérielle s’ajoutait une forme d’autonomie symbolique car, produits à l’initiative de la recherche, les commentaires n’avaient pas vocation à une existence vernaculaire associée aux objets audiovisuels. L’effet constatable ou la simple interaction entre le commentaire, recueilli par entretien par exemple, et l’objet concerné ne pouvait, au mieux, qu’être anecdotique.

Par conséquent, aujourd’hui, les commentaires dans leur modus vivendi en ligne présentent des qualités notables. Accolés à l’objet, ils se présentent potentiellement en même temps à la perception spectatorielle. Voir une vidéo sur YouTube, c’est aussi possiblement voir l’espace des commentaires, que l’on « choisisse » d’y prêter attention ou pas, de lire ou pas, d’en faire ou pas, de visionner en fonction de ces derniers ou pas. Si toutes les vidéos partagées ne sont pas commentées, celles qui le sont n’existent pas en ligne sans leurs commentaires, là où il était à tout le moins possible de voir un film sans avoir les Cahiers du Cinéma ou Télérama, en France, voire La Semaine, au Québec, sur les genoux. Cette simultanéité de perception est aussi une simultanéité de création : que cela soit le texte de présentation de la vidéo ou d’éventuels commentaires, le temps entre l’apparition publique de l’objet audiovisuel et son commentaire diminue drastiquement, proposant potentiellement de nouvelles temporalités communicationnelles (Domenget, 2015 ; Domenget, Pélissier et Miège, 2017). Enfin, concernant le temps toujours, paradoxalement peut-être, le commentaire en ligne se trouve doté d’une longévité existentielle (au sens de présentielle) sans précédent. On peut voir des vidéos « vieilles » de plusieurs années avec leurs commentaires associés quand, en toute logique commerciale, les commentaires éditorialisés sont remplacés par les suivants, étant soumis aux calendriers des objets commentés (les numéros spéciaux de publications critiques sur le Festival de Cannes sortent rarement en janvier). Les commentaires en ligne deviennent potentiellement, par sédimentation, des éléments durables constitutifs des objets en ligne. Celui qui a déjà travaillé sur ces derniers a d’ailleurs pu constater des chaînes de discussion qui se déploient sur des mois, voire des années ; un phénomène qui était auparavant réservé à quelques correspondances ou échanges de critiques établis et reconnus.

Ici réside aussi une nouvelle qualité majeure : les commentaires en ligne, pas ou faiblement soumis à l’éditorialisation, sont produits par une variété de sujets sans précédent. Les contributeurs, quand bien même ne représentant que 10 % des utilisateurs (Guibert, Rebillard et Rochelandet, 2016), dépassent largement le cercle des critiques autorisés, ou mêmes, des courriers des lecteurs ou des appels des auditeurs et téléspectateurs (Pasquier, 2014), pour des raisons d’accessibilité et de simplicité technique évidente (une page web n’a pas une limite d’édition comparable à une émission de télévision ou aux colonnes d’une publication, entre autres exemples).

Enfin, et corollairement, les spécificités de fonctionnement du commentaire en ligne en font un objet beaucoup plus ubiquiste qu’auparavant, car potentiellement mondial. Si les écarts de langues, de maîtrise et d’accès aux technologies ne sont pas abolis (Granjon, 2012), le spectateur d’un vidéoclip de Michael Jackson sur YouTube peut être en contact avec une variété inédite d’origines de commentaires. Ou encore, il peut être comparé à son alter ego devant MTV ou toute autre chaîne musicale nationale ou locale.

Tous ces éléments, et sans doute bien d’autres encore, font du commentaire en ligne, d’objets audiovisuels aussi en ligne, un champ d’investigation privilégié pour la recherche. De fait, les entrées possibles sur le sujet sont multiples, et cette multiplicité même est nécessaire pour tenter de circonscrire un phénomène à la propension totalisante. Ce dossier thématique a donc pour objectif d’engager la réflexion sur le commentaire en ligne sous l’ère du web 2.0. Les propositions peuvent s’inscrire dans les axes suivants qui, sans prétendre à l’exhaustivité, constituent des pistes de réflexion.

Axe 1 — Les objets et les situations

Il peut convenir de se questionner sur l’aspect inductif des items audiovisuels eux-mêmes ; de par leurs caractéristiques et leurs usages socialement construits, les objets en ligne infèrent-ils des volumes, des types ou encore des régimes de commentaires particuliers ? Et de manière complémentaire, la question peut être abordée par l’angle des situations d’interactivité entre les sujets. Dès lors, de nombreuses interrogations émergent :

Existe-t-il des « objets à commentaires » et/ou des objets « acommentés » ? Une vidéo publiée par un pure-player fonctionne-telle à cet égard de la même manière que des publications en lignes issues de journaux télévisés ? Les objets typiquement « web 2.0 » comme les streamings des jeux vidéo (type Twitch) doivent-ils être dissociés, au prisme de l’activité de commentaire, d’un replay d’une chaîne de télévision, d’un clip, d’une bande-annonce cinématographique, d’un colloque filmé et mis en ligne, d’un extrait de film ?

Ou encore, qu’en est-il des notices sur un tracker BitTorrent, d’une vidéo de campagne politique sur un compte Facebook institutionnel, d’un tutoriel bricolage sur le site d’une enseigne d’outillage ? Les commentaires d’un film de famille ou de vacances partagé sont-ils comparables à ceux d’une Chatroulette, sinon quelles sont leurs spécificités ? Que nous disent les commentaires de leurs objets, les déterminent-ils (Sinclair, 2014 ; Huang, Boh et Goh, 2017), et si oui dans quelle mesure ?

Puis, partant des espaces numériques interactifs (réseaux sociaux numériques, plateformes de partage, sites de types institutionnels, forums, blogues et vlogs, sites de streaming « de flux » ou « de stock », ENT [espaces numériques de travail] internes, publicités animées interactives via un code QR, visites « virtuelles » de musées, etc.), est-il possible d’identifier des formes de commentaires en ligne propres à un contexte de communication numérique ? Inversement, comment l’activité de commentaire en ligne peut-elle renseigner sur la situation qui les a vu naître (Mendenhall, 2017) ? Qu’est-ce que révèle la temporalité d’une situation ou de l’activité de commentaire ? Renseignent-elles l’une sur l’autre ? Est-il possible d’identifier des mouvements (une transférabilité) du commentaire en ligne, d’un objet ou d’un contexte à l’autre ?

Axe 2 — Les acteurs

Suivant une autre approche, il est tout aussi pertinent de s’intéresser à ceux qui commentent : pourquoi et pour quoi, quand, comment et, bien entendu, qui ne commente pas. Et, se positionnant dans un axe inverse, qui est commenté, qui cherche à être commenté, qui ne l’est pas, qui cherche à ne pas l’être, quelle est la part de maîtrise des commentaires et la part de détournement inévitable (Walther et alii, 2010) ? Partant, d’autres sous-questionnements se posent. Tels que les questions de présentation et de (co-)construction de soi de même que de présentation et de (co-)production des objets (voir entre autres les travaux de Allard 2007 ; Georges et Auray 2011, 2012a, 2012 b ; Granjon 2012), de mise en réseau aboutissant à la solidification ou la création de communautés interprétatives (Fish, 1980) pourront être abordées dans ce cadre. Dans le même ordre d’idée, comment ces jeux des acteurs du commentaire en ligne agissent-ils sur la création, la diffusion, la réception, l’interprétation, la production de sens, etc. ? Enfin et de manière plus large, comment les grandes déterminations sociales classiques des sujets interagissent-elles (ou pas) avec les particularités techniques, communicationnelles, textuelles (au sens générique du terme) ? D’autres faisceaux de détermination sont-ils prépondérants ?

Axe 3 — Méthode, épistémologie et regard critique

Compte tenu de la nouveauté du sujet, le travail de recherche sur/avec les commentaires mérite d’être ausculté. Même s’il est communément admis que ces objets sont un matériau riche pour la recherche, il convient de s’interroger sur les outils disponibles pour ce champ de recherche. Y a-t-il des méthodologies à privilégier, qui auraient été mises à l’honneur jusqu’à présent, ou qui devraient être développées ? Car, au-delà de la dichotomie du « quanti-quali » faut-il envisager une approche spécifique pour ces objets particuliers ? La théorie et l’épistémologie doivent aussi s’emparer du sujet : l’étude des commentaires en ligne, pris comme traces d’énonciations, n’est-elle pas une invitation aux postures les plus pragmatiques, étudiant les objets audiovisuels via leurs interprétations, leurs « effets » (Peirce, 1905), voire n’étudiant que cela et prétendant se passer des objets audiovisuels eux-mêmes ? Peut-on reconstituer, à partir de ses commentaires, l’existence d’un objet ; au travers de postures sémiotique, sociologique, historique ou esthétique ?

En somme, est-ce que ne résiderait pas, dans le commentaire en ligne, un élément maîtrisable de preuve de la communication comme processus ne pouvant s’analyser ou se résumer par la somme de ses constituants (le fameux émetteur-message-récepteur) ? Le commentaire en ligne est-il un nouveau phénomène de communication et/ou un élément nouveau de définition de la communication, siège « open source » où la recherche pourrait révéler des mécanismes présents ailleurs, mais dissimulés par le limon des habitudes institutionnalisées ?

Dates importantes (calendrier prévisionnel)

  • Soumission des articles : 31 mars 2019
  • Retour aux auteurs : 15 juin 2019
  • Renvoi des révisions par les auteurs : 15 août 2019
  • Parution : 4e trimestre 2019

Directives

Les articles complets seront soumis à Communiquer, Revue de communication sociale et publique en sélectionnant le dossier « Article – Sur appel », veuillez préciser dans les notes aux rédacteurs que le dépôt concerne l’appel à articles du dossier « Audiovisuels et commentaires en ligne ».

Le processus et les exigences de soumission sont indiqués à l’adresse : http://communiquer.revues.org/1275

Les consignes de mise en forme d’un article sont consultables sur la page : http://communiquer.revues.org/1276

Afin d’éviter les conflits d’intérêts potentiels, les personnes qui soumettent des manuscrits peuvent, si elles le souhaitent, transmettre à la revue une liste des personnes évaluatrices ou responsables de manuscrit qui pourraient occasionner de tels conflits.

Les propositions de communication feront l’objet d’une évaluation en « double aveugle » par les membres du comité scientifique.

Contacts

Julien Péquignot, Laboratoire CIMEOS, Université de Franche-Comté, Francejulien.pequignot@univ-fcomte.fr

Comité de rédaction de Communiquer

Références

Allard, L. (2007). Émergence des cultures expressives, d’internet au mobile. Médiamorphoses, n° 21. Paris: Armand Colin/INA.

Chion, M. (2000). L’audio-vision. Paris: Nathan.

Domenget, J.-C. (2005). Reconnaissance et temporalités. Une approche communicationnelle. Paris, France, L’Harmattan.

Domenget, J.-C., Pélissier N. et Miège, B. dir. (2017). Temps et temporalités en information-communication. Des concepts aux méthodes. Paris: L’Harmattan.

Esquenazi, J.-P. (2007). Sociologie des œuvres. De la production à l’interprétation. Paris: Armand Colin.

Éthis, E. (2006). Les spectateurs du temps. Pour une sociologie de la réception au cinéma. Paris: L’Harmattan.

Fish, S. (1980). Is there a text in this class? The authority of interpretive communities. Cambridge: Harvard University Press.

Georges, F. et Auray, N. (2011). Pratiques créatives issues du jeu vidéo. Les séries machinima. Metz: H2PTM.

Georges, F. et Auray N. (2012a). Approche sémiopragmatique de l’espace de communication des machinima (vidéos réalisées par les joueurs de jeux vidéo). Revue des Interactions Humaines Médiatisées, Europia.

Georges, F. et Auray, N. (2012 b). Les productions audiovisuelles des joueurs de jeux vidéo : entre formation professionnelle et apprentissages esthétiques autodidactes. Réseaux, 175, 145-173.

Granjon, F. (2012). Reconnaissance et usages d’Internet. Une sociologie critique des pratiques de l’informatique connectée. Paris: Presse de Mines.

Guibert, G., Rebillard, F. et Rochelandet F. (2016). Médias, culture et numérique. Paris: Armand Colin.

Huang, J., Boh, W.F. et Goh, K. H. (2012). Online Media Comments Influence on Cinematic Movie Sales: Exploring When Online Comments Matter. Proceedings for the Academy of Management Meeting. Boston, Massachussetts, États-Unis.

Mendenhall, D. (2017). My oh Miley Cirus: Analysing Online Comments from Television Performances in 2009, 2013, and 2015. Celebrity Studies, Royaume-Uni.

Odin, R. (2011). Les espaces de communication. Introduction à la sémio-pragmatique. Grenoble: PUG.

Pasquier, D. (1999). La culture des sentiments. L’expérience télévisuelle des adolescents. Paris: Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme.

Pasquier, D. (2014). Évaluations profanes. Le jugement en ligne. Réseaux, 183, 9-25.

Peirce, C. S. (1905). What Pragmatism is. The Monist, 2(XV), 161-181.

Reagle, J. M. (2016). Reading the Comments: Likers, Haters, and Manipulators at the Bottom of the Web. Boston: The MIT Press.

Shanahan, M. (2017). Journalism, Online Comments, and the Future of Public Discourse. Londres: Routledge.

Sinclair, A. J. (2014). Predicting Music Genre Preferences Based on Online Comments. Faculty of California Polytechnic State University, San Louis Obispo, Californie, États-Unis.

Walther, J. B., DeAndrea, D., Kim, J. et Anthony, J. C. (2010). The Influence of Online Comments on Perceptions of Antimarijuana Pubic Service Announcements on Youtube. Human Communication Research, 36(4), 469-492.


Dates

  • dimanche 31 mars 2019

Mots-clés

  • audiovisuel, communication, réseaux sociaux numériques, pratique en ligne

Contacts

  • Marie-Claude Plourde
    courriel : plourde [dot] marie-claude [at] uqac [dot] ca

Source de l'information

  • Marie-Claude Plourde
    courriel : plourde [dot] marie-claude [at] uqac [dot] ca

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Audiovisuel et commentaires en ligne : nouveau champ, nouveaux paradigmes ? », Appel à contribution, Calenda, Publié le mercredi 02 janvier 2019, https://doi.org/10.58079/11m3

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