Embodiment
Embodiment
Published on Thursday, February 14, 2019
Abstract
L’épistémologie des sciences cognitives connait un profond bouleversement dans les années 1990. Depuis, les programmes de recherche autour de la cognition incarnée ou « embodiment » ont pris de la force, remettant en cause la nature de la cognition dans des disciplines comme la psychologie, la philosophie, l’intelligence artificielle, les neurosciences et la linguistique. La cognition est incarnée lorsque des aspects du corps de l’agent, au-delà du cerveau, jouent un rôle important dans les processus cognitifs : la cognition n’est plus conçue comme un processus de traitement symbolique de l’information, mais comme une intégration et une interaction d’un ensemble d’informations communiquant entre le cerveau, le corps et l’environnement.
Announcement
Cette journée d’étude du 15 Mai 2019 a pour but de clôturer le séminaire « Embodiment : le rôle du corps dans la cognition », tenu à Aix-Marseille Université depuis 2017 et labelisé Initiative Jeunes Chercheurs CRISIS depuis 2018.
Présentation du thème général
L’embodiment, ou cognition incarnée, a émergé au début des années 1980 comme un programme de recherche en sciences cognitives visant à réévaluer la place du corps dans l’ensemble des phénomènes cognitifs (perception, action, émotion, sentiment, langage, conceptualisation, mémoire, etc.). L’esprit n’est pas considéré de façon isolée, mais toujours à la fois « embodied », inscrit dans un corps, et « embedded », c’est-à-dire situé dans un environnement, que celui-ci soit naturel, culturel, social ou technique.
Mais avait-on vraiment déjà pensé la cognition de façon totalement désincarnée ? Comme l’explique A. Clark[1], aucun chercheur sérieux n’a jamais prétendu que le corps ne jouait aucun rôle dans la cognition. Mais de quelle manière ? et jusqu’à quel point ? Quel est le rôle exact du corps ? Quelle est son importance ? Comment le définir ? Comment l’aborder ?
L’embodiment se définit d’abord comme un mouvement d’émancipation par rapport au cognitivisme classique, qui identifie la cognition à des opérations de calcul formel sur des symboles et fait du cerveau le centre, voire le vecteur exclusif de la cognition, le rôle du corps se limitant au transfert d’informations. Pensé sur le modèle de l’intelligence artificielle, l’esprit humain est un outil computationnel réceptionnant les données des sens pour les structurer dans une représentation dont il s’agit de définir la logique d’organisation. La cognition est un système interne de traitement de l’information[2]. Contre cette approche classique, jugée trop abstraite, la cognition incarnée engage une rupture plus ou moins radicale.
Pour Clark[3] ou Damasio[4], la cognition incarnée reste compatible avec le cognitivisme classique. Mais le transfert de l’information se fait aussi dans l’autre sens : les spécificités du corps-propre contraignent les formes de nos représentations, il existe une continuité du schéma corporel aux structures abstraites de l’entendement, et même le corps doit être à l’origine des architectures d’organisation « de haut niveau ». Varela[5] ou Chemero[6] prônent quant à eux un embodiment radical, abandonnant l’idée même de représentation au profit de nouveaux instruments explicatifs, notamment fournis par la théorie des systèmes dynamiques.
L’épistémologie des sciences cognitives connait ainsi un profond changement dans les années 1990. Depuis, les programmes de recherche autour de la cognition incarnée ou « embodiment » ont pris de la force, remettant en cause la nature de la cognition dans des disciplines comme la psychologie, la philosophie, l’intelligence artificielle, les neurosciences et la linguistique. La cognition est incarnée lorsque des aspects du corps de l’agent, au-delà du cerveau, jouent un rôle important dans les processus cognitifs : la cognition n’est plus conçue comme un processus de traitement symbolique de l’information, mais comme une intégration et une interaction d’un ensemble d’informations communiquant entre le cerveau, le corps et l’environnement.
Enjeux du séminaire et orientation des communications
Notre thème a été retenu pour son caractère à la fois vaste et précis. Il permet de regrouper de nombreuses disciplines autour de la question des rapports existants entre le sujet et le monde extérieur.
Le premier enjeu du séminaire « embodiment » est de développer une recherche interdisciplinaire pour préciser les différentes positions et éclaircir les points de convergences et de divergences entre les différents théoriciens actuels. Notre but est de tenter de clarifier ce que chacun entend exactement lorsqu’il utilise la notion, trop souvent vague, d’embodiment. Les communications proposant l’analyse théorique d’un courant ou d’un penseur de la cognition incarnée entrent parfaitement dans ce cadre.
Le second est de proposer une approche historique et multiculturelle : de l’aveu même de ses théoriciens, la cognition incarnée réactualise le vieux débat du rôle du corps dans la formation des contenus de l’esprit. La question de la nature incarnée de la cognition a donc des bases historiques importantes que notre séminaire tente d’étudier en détail. Toute communication permettant de tisser des liens entre des éléments de l’histoire des sciences et de la pensée et les théories les plus actuelles de la cognition incarnée sera vivement appréciée.
Enfin, nous souhaitons garder une place importante à la recherche en cours la plus empirique et nous encourageons tout chercheur travaillant de façon appliquées en utilisant le cadre épistémologique et les outils de la cognition incarnée à venir présenter ses travaux lors de notre journée d’étude.
Format des propositions et communications
La journée d’étude se déroulera de la manière suivante :
- Matinée : communication de 2 chercheurs et 1 doctorant
- Pause déjeuner prise en charge
- Après-midi : communication de 2 doctorants et 1 chercheur
Les propositions comporteront un titre, un résumé d’environ 500 mots, ainsi qu’une brève présentation de l’auteur (nom, rattachement administratif, unité de recherche), et devront être envoyées à : pierre.leger-philo@outlook.fr
avant le 1er avril 2019.
Les intervenants prendront la parole une trentaine de minutes. Un vidéoprojecteur sera à leur disposition. Une discussion de 15 minutes avec le public suivra l’intervention.
Informations pratiques
La journée d’étude se déroulera à la Maison de la Recherche d’Aix-en-Provence, située au 29 avenue Robert Schuman - 13621 Aix-en-Provence.
Les éventuels frais de transport et d’hébergement pourrons, au moins en partie, être pris en charge selon les besoins de chaque intervenant.
Comité de sélection
- Marie-Charlotte CUARTERO, Unité de recherche : Laboratoire Parole et Langage, École doctorale : COGNITION, LANGAGE, EDUCATION, Aix-Marseille Univ, CNRS, Directeur de thèse : Serge PINTO, Co-directeur : Roxane BERTRAND
- Pierre LEGER, Unité de recherche : Centre Gilles Gaston Granger, École doctorale : COGNITION, LANGAGE, EDUCATION, Aix-Marseille Univ, CNRS, Directeur de thèse : Pascal TARANTO, Co-directeur : Giuseppe DI LIBERTI
- Ana Zappa, Unité de recherche : Laboratoire Parole et Langage, École doctorale : COGNITION, LANGAGE, EDUCATION, Aix-Marseille Univ, CNRS, Directeur de thèse : Cheryl FRENCK-MESTRE
Bibliographie indicative
Barsalou, L. W. (2010), « Grounded Cognition : Past, Present, and Future », Topics in Cognitive Science, 2, p. 716-724.
Bermúdez, J. L. (2003), Thinking Without Words, New York, Oxford University Press.
Crowther, P. (1993), Art and Embodiment: From Aesthetics to Self-consciousness, Oxford, Clarendon Press.
Dove, G. (2010), « On the need for embodied and dis-embodied cognition », Frontiers in Psychology, 1, 242.
Freedberg, D., Gallese, V. (2007), « Motion, emotion and empathy in esthetic experience », Trends in Cognitive Sciences, 11/5, p. 197-203.
Gallese, V., Lakoff, G. (2005), « The brain’s concepts : The role of the sensorimotor system in conceptual knowledge », Cognitive Neuropsychology, 21, p. 455-479.
Johnson, M. (2007), The Meaning of the Body. Aesthetics of Human Understanding, Chicago, University Of Chicago Press.
Krois J.M. et al., (2007) (eds.), Embodiment in Cognition and Culture, Amsterdam, Philadelphia, John Benjamins Pub. Co.
Lakoff, G., Johnson M. (1999), Philosophy in the Flesh : The Embodied Mind and Its Challenge to Western Thought, Basic Books, New York.
Lawrence, C., Shapin, S. (1998) (eds.), Science incarnate : historical embodiments of natural knowledge. Chicago, The University of Chicago Press.
Mahon, B. Z., and Caramazza, A. (2008), « A critical look at the embodied cognition hypothesis and a new proposal for grounding conceptual content ». Journal of Physiology-Paris, 102, 1-3, p. 59-70.
Mascia-Lees, F. E. (2011) (ed.), A Companion to the Anthropology of the Body and Embodiment, Oxford, Wiley-Blackwell.
Niedenthal, P. M., Wood, A., and Rychlowska, M. (2014), « Embodied Emotion Concepts », in L. Shapiro (2014) (ed.), The Routledge Handbook of Embodied Cognition, London, Routledge, p. 240-249.
Scarinzi, A. (2015) (ed.), « Aesthetics and the Embodied Mind: Beyond Art Theory and the Cartesian Mind-Body Dichotomy », Contributions To Phenomenology, Vol. 73, Dordrecht, Springer.
Shusterman, R. (2008), Body Consciousness: a Philosophy of Mindfulness and Somaesthetics, Leiden, Cambridge University Press.
Smith, J. E. H. (2017), Embodiment : a history, Oxford, Oxford University Press.
Sobchack, V. C. (2004), Carnal thoughts: embodiment and moving image culture, Berkeley, University of California Press.
Wolfe, Ch. T., Gal, O. (2010) (eds.), The Body as Object and Instrument of Knowledge, Dordrecht, Springer.
Notes
[1] Clark, Andy, « An Embodied Cognitive Science », in Trends in Cognitive Sciences, p.345-351, 1999.
[2] Fodor, Jerry, The Language of Thought, Harvard University Press, 1975 ; Pylyshyn Zenon, Computation and Cognition : Toward a Foundation for Cognitive Science, MIT Press, 1984
[3] Clark, Andy, Supersizing the Mind : Embodiment, Action ans Cognitive extension, Oxford University Press, 2010
[4] Damasio, Antonio, L’Erreur de Descartes : la raison des émotions, Paris, Odile Jacob, 1995
[5] Varela F., Thompson E., Rosch E., The Embodied Mind : Cognitive Science ans Human Experience, MIT Press, 1991
[6] Chemero, Anthony, Radical Embodied Cognitive Science, MIT Press, 2009
Subjects
Places
- Maison de la Recherche - 29 avenue Robert Schuman
Aix-en-Provence, France (13)
Date(s)
- Monday, April 01, 2019
Keywords
- embodiment, épistémologie, cognition incarnée, cerveau, corps
Contact(s)
- Pierre Leger
courriel : pierre [dot] leger-philo [at] outlook [dot] fr
Information source
- Pierre Leger
courriel : pierre [dot] leger-philo [at] outlook [dot] fr
License
This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.
To cite this announcement
« Embodiment », Call for papers, Calenda, Published on Thursday, February 14, 2019, https://doi.org/10.58079/1219