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Identités du chercheur et narrations en sciences humaines et sociales

Identities of the researcher and narrations in the humanities and social sciences

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Veröffentlicht am Freitag, 22. Februar 2019

Zusammenfassung

La question des identités alimente de multiples débats et controverses dans l’espace public et politique, faisant l’objet de nombreux essais et travaux en sciences sociales comme le souligne Nathalie Heinich dans son essai Ce que n’est pas l’identité (2018). Aussi, l'objectif de ce colloque est  d’explorer les modes et niveaux d’articulation entre postures de recherche et expression biographique pour en comprendre les enjeux cognitifs et symboliques. Il a pour ambition d’appréhender le sens et la portée du phénomène biographique dans les pratiques de communication des chercheur·e·s contemporains, ses spécificités et ses enjeux dans le contexte socioéconomique, politique et académique actuel.

Inserat

5-6 Juin 2019, Nancy

Argumentaire

La question des identités alimente de multiples débats et controverses dans l’espace public et politique, faisant l’objet de nombreux essais et travaux en sciences sociales comme le souligne Nathalie Heinich dans son essai Ce que n’est pas l’identité (2018).

Pourtant, si les sciences humaines et sociales se sont emparées de longue date de la notion d’identité pour en comprendre les ressorts et les enjeux dans l’espace social et politique (Brubaker, 2001), ou dans le monde professionnel au sens large (Sainsaulieu, 1988-2014 ; Dubar, 2001), les travaux focalisés sur l’identité du chercheur se sont déployés de manière très inégale au sein de ces disciplines. Quand elles l’ont fait, ce fut généralement à partir de l’interrogation fondatrice de la sociologie sur la posture du savant et de son engagement dans l’espace public (Weber, 1919). Les débats théoriques qui s’en sont suivis et qui restent d’actualité, ont été principalement articulés autour de la question demeurée cruciale du statut de l’enquêteur et de son rapport au terrain. Centrale pour les anthropologues (Malinowski, 1922 ; Lévi-Strauss, 1955), elle traverse l’ensemble des sciences humaines et sociales (SHS) au tournant des années 1980, en interrogeant le nécessaire réglage entre distance et engagement, pour reprendre ici le titre éponyme de l’ouvrage de Norbert Elias (1983). Ce réglage cristallise les controverses qu’incarne le débat récurrent et toujours très vif dans la communauté en SHS sur la fameuse question de la neutralité axiologique initiée par Max Weber (1919), reprise par Pierre Bourdieu (1992) à l’appui de sa défense de l’autonomie du champ scientifique, et discutée plus récemment dans la rubrique « Échanges » de la revue Questions de communication, notamment par Nathalie Heinich (2002) et Érik Neveu (2003) pour en proposer une nouvelle interprétation.

Parallèlement, afin de dépasser une forme d’aporie liée à ces débats et prendre quelques distances avec certaines formes de rationalisme scientifique, les tenants de l’ego-histoire, à la suite de Pierre Nora (1987), ont développé une approche qui vise à réintroduire de la subjectivité dans la pratique des historiens. Avec pour ambition « de saisir à la fois l’historicité des sociétés et d’un milieu particulier et l’historicité du regard scientifique » (Thébaud, 2009), ce courant historiographique va conduire ses travaux au double filtre de la carrière (Tréanton, 1960) et de la mémoire (Fleury & Walter, 2013-2015) donnant ainsi une nouvelle impulsion à la dimension narrative de la recherche. D’autres historiens, dans la suite des travaux de Paul Veyne (1971) ou encore de Michel de Certeau (2002), iront jusqu’à rediscuter les articulations entre histoire et littérature (Dosse, 2005), en faisant du récit une matrice heuristique à explorer et partager (Jablonka, 2014). Essaimant dans le champ de la littérature contemporaine avec l’émergence de l’autofiction moderne (Gasparini, 2016), l’attention portée à la narration non seulement de l’expérience vécue mais aussi de la trajectoire vient renouveler le genre autobiographique. En sociologie, la question biographique, qui jusque-là avait été envisagée du point de vue de l’enquêté, à travers la notion de « récit de vie » (Bertaux, 1997) très féconde sur le plan méthodologique, va s’inviter dans les pratiques de recherche des différentes disciplines pour y construire de nouvelles manières de produire des connaissances et de les partager, ce que poursuit et développe l’idée de réflexivité.

Ces débats théoriques, toujours d’actualité, sont-ils aujourd’hui suffisants pour éclairer les pratiques contemporaines de biographisation (Delory-Momberger, 2011), en particulier dans le monde de la recherche ? Les questions de l’appartenance sociale (Éribon, 2009), ou encore de l’engagement suffisent-elles à rendre compte de ce phénomène ? Le statut, la posture ne sont pas l’identité, loin s’en faut et c’est précisément à cette forme de réductionnisme que l’on souhaite aussi s’atteler.

L’objectif du colloque est donc d’explorer les modes et niveaux d’articulation entre postures de recherche et expression biographique pour en comprendre les enjeux cognitifs et symboliques. Il a pour ambition d’appréhender le sens et la portée du phénomène biographique dans les pratiques de communication des chercheur·e·s contemporains, ses spécificités et ses enjeux dans le contexte socioéconomique, politique et académique actuel.

L’hypothèse première est que ce travail de construction narrative de l’identité du chercheur s’élabore à la croisée de plusieurs mondes, académique, personnel, professionnel, dans lesquels les chercheur·e·s puisent des ressources d’action, cognitives et communicationnelles, diversement mobilisées selon les trajectoires, les temporalités ou encore les cultures techniques, narratives et visuelles qui leur sont propres. Pour comprendre les dynamiques à l’œuvre et tenter d’en restituer les modalités et spécificités, nous nous attacherons à étudier les figures de l’action (les prises de parole, productions de recherche de l’individu-chercheur) dans les situations et dispositifs qui leur donnent forme et sens (espace-temps consacré ou non consacré à la recherche). Les récits des chercheur·e·s prennent appui sur un usage spécifique des technologies de communication, une interprétation diverse des cadres sociaux d’interaction et de leur propre subjectivité. À travers ces investissements de forme (Thévenot, 2006), il s’agira de montrer comment l’expression biographique donne à voir et à explorer la fabrique de l’identité du chercheur contemporain. En effet, les pratiques narratives des chercheur·e·s se déploient aujourd’hui sur une diversité d’espaces et de formes : on observe un recours croissant (plus ou moins obligé) à l’écriture narrative et réflexive dans les prises de parole académiques (e.g. bilans et projets scientifiques, habilitations à diriger des recherches…) ; en parallèle, à la croisée d’autres domaines, ce sont les formats des récits qui se diversifient (e.g. Ma thèse en 180 secondes, Ma thèse en BD, conférences gesticulées…). Plus largement encore, les chercheur·e·s s’approprient les dispositifs de médiations socionumériques (e.g. chaînes Youtube, blogs, carnets de recherche…), investissent des espaces culturels (scènes de théâtre, galeries) pour faire récit de leurs recherches. En cela, ils partagent avec d’autres acteurs du monde social des objectifs de vulgarisation (e.g. Café des sciences, Science & You, The Conversation…). Et ces pratiques peuvent être fortement valorisées, a minima récompensées (e.g. Festival du film de chercheur devenu Festival Sciences en lumière). Comment ces « nouveaux » espaces narratifs permettent-ils aux identités d’apparaître, de se constituer ou encore se singulariser ?

Interdisciplinaire, le colloque entend faire dialoguer recherches exploratoires ou émergentes, travaux empiriques ou réflexions théoriques et méthodologies propres aux différentes disciplines des SHS.

Les propositions de communication pourront s’inscrire dans l’un des quatre axes suivants :

Axe 1. Les formes et types de récit contemporains de chercheur

Comment les chercheur·e·s se racontent-ils·elles ? Quels sont les modes d’énonciation, les registres de langue et de discours à travers lesquels les chercheur·e·s se racontent ? Quels sont les lieux, les espaces sociotechniques et sémiotiques, ainsi que les moments où les chercheur·e·s sont amenés à se raconter? Peut-on identifier, à travers les expériences formelles, l’émergence de nouvelles normes d’écriture scientifique ? Dans quelle mesure peut-on parler de l’émergence d’un « ordre de discours » (Foucault, 1970) à propos des récits biographiques de chercheur ?

Axe 2. Les enjeux professionnels et académiques des productions narratives 

Comment s’articulent les « savoirs scientifiques » et les « savoirs narratifs » (Peraya, 2012) ?  C’est-à-dire, comment s’articulent des formes différentes de production et de diffusion des travaux de recherche, de légitimisation et validation de ceux-ci ? Se raconter est-il devenu un impératif de la pratique scientifique ? Quelles sont les instances et les modalités de valorisation de cette nouvelle production de soi (Cardon & Delaunay-Téterel, 2006) ? La compétence narrative devrait-elle figurer dans le portfolio de tout apprenti·e-chercheur·e ? Est-elle un nouveau « rite de légitimation » (Bourdieu, 1982) dans le champ académique ?

Axe 3. Récit, posture et engagement dans l’espace public

Quelle(s) place(s) occupent les récits de recherche et de chercheur·e·s au sein de l’espace public ? Quels sont les modes de mise en visibilité des récits et de quelle(s) nécessité(s) relève-t-elle ? Comment s’y articulent différents types de connaissance (savante, experte, ordinaire) pour élaborer quel(s) type(s) de réflexivité ? En quoi l’engagement dans les écritures de soi contribue-t-il au parcours de la reconnaissance (Ricœur, 2005) du chercheur, de sa condition dans l’espace public, de son identité par autrui (Arendt, 1958/1983) ? Peut-on parler à propos du choix de l’écriture biographique du chercheur, de la quête et de la construction d’un style de vie (Macé, 2016) ?

Axe 4. Vulgarisation et médiation des savoirs

La vulgarisation est définie comme la mise à disposition des savoirs auprès du plus grand nombre ; si cela implique des éléments formels comme le changement de langage, les projets de vulgarisation contribuent à définir la position de la science et des chercheur·e·s dans la société. En quoi le récit de recherche fait-il médiation, et auprès de quel(s) public(s) ? Quels en sont les ressorts didactiques, cognitifs et idéologiques ? Comment s’opère le passage du je (le·a chercheur·e) au nous (la science) ? Quelles figures cela contribue-t-il à véhiculer ?

Modalités de soumission

Cet appel s’adresse à l’ensemble des disciplines en SHS. Les propositions (axe pressenti, titre + résumé, environ 2 000 signes + 4 mots clés) devront être envoyées aux organisatrices du colloque, Anne Piponnier (anne.piponnier@univ-lorraine.fr) et Céline Ségur (celine.segur@univ-lorraine.fr) avant le 23 mars 2019. Les auteur·e·s indiqueront leurs fonctions et rattachements institutionnels ainsi que leurs coordonnées (email).

Calendrier prévisionnel

  • 31 janvier : lancement de l’appel à communications
  • 23 mars : date limite pour l’envoi des résumes d’intention
  • 03 mai : réponse aux auteurs
  • 5 et 6 juin : colloque Identités et narrations du chercheur en SHS, Nancy

Comité scientifique prévisionnel

  • Pierre Delcambre, Geriico, Université Lille 3
  • Mélodie Faury, Lisec, Université de Strasbourg
  • Béatrice Fleury, Crem, Université de Lorraine
  • Luca Greco, Crem, Université de Lorraine
  • Philippe Hert, Centre Norbert Elias, Aix Marseille Université
  • Jean-Louis Jeannelle, CÉRÉdl, Université de Rouen
  • Muriel Lefebvre, Lerass, Université Toulouse Jean Jaurès
  • Jean-Matthieu Méon, Crem, Université de Lorraine
  • Angeliki Monnier, Crem, Université de Lorraine
  • Claire Oger, Céditec, Université Paris-Est Créteil-Val-de-Marne
  • Anne Piponnier, Crem, Université de Lorraine
  • Jean-Marie Privat, Crem, Université de Lorraine
  • Céline Ségur, Crem, Université de Lorraine
  • Christine Servais, Lemme, Université de Liège
  • Françoise Simonet-Tenant, CÉRÉdl, Université de Rouen
  • Jean-Yves Trépos, 2L2S, Université de Lorraine
  • Jacques Walter, Crem, Université de Lorraine

Références

Arendt H., 1958, Condition de l’homme moderne, Paris, Calmann-Lévy, 1983.

Bertaux D., 1997, Les Récits de vie. Perspective ethnosociologique, Paris, Nathan.

Bourdieu  P., 1982, « Les rites comme actes d’institution », Actes de la recherche en sciences sociales, 43, p. 58-63. DOI : 10.3406/arss.1982.2159.

Bourdieu P., 1986, « L’illusion biographique », Actes de la recherche en sciences sociales, 62-63, p. 69-72.

Bourdieu P., 1992, Réponses, Paris, Éd. Le Seuil.

Brubaker R., 2001, « Au-delà de l'”identité”», Actes de la recherche en sciences sociales, 139(4), p. 66-85. DOI : 10.3917/arss.139.0066.

Cardon D., Delaunay-Téterel H., 2006, « La production de soi comme technique relationnelle: Un essai de typologie des blogs par leurs publics », Réseaux, 138(4), p. 15-71. DOI : 10.3917/res.138.0015.

Certeau M. de, 2002, L’Écriture de l’histoire, Paris, Gallimard.

Delory-Momberger C., 2011, La Condition biographique. Essais sur le récit de soi dans la modernité avancée, Paris, Éd. L’Harmattan.

Dosse F., 2005, Le Pari biographique. Écrire une vie, Paris, Éd. La Découverte.

Dubar Cl., 2001, La Crise des identités, Paris, Presses universitaires de France.

Elias N., 1983, Engagement et distanciation. Contributions à la sociologie de la connaissance, trad. de l’allemand par M. Hulin, Paris, Fayard, 1993.

Éribon D., 2009, Retour à Reims, Paris, Fayard.

Fleury B., Walter J., dirs, 2002-2004, « L’engagement des chercheurs », Questions de communication, 2, 3, 4, 5.

Fleury B., Walter J., dirs, 2013-2015, Carrières de témoins, 3 vol., Nancy, Presses universitaires de Lorraine.

Gasparini P., 2016, Poétiques du je. Du roman autobiographique à l'autofiction, Lyon, Presses universitaires de Lyon.

Foucault M., 1970, L’Ordre du discours, Paris, Gallimard.

Heinich N., 2002, « Pour une neutralité engagée », Questions de communication, 2, p. 117-127. DOI : 10.4000/questionsdecommunication.7084.

Heinich N., 2018, Ce que n’est pas l’identité, Paris, Gallimard.

Jablonka I., 2014, L’Histoire est une littérature contemporaine. Manifeste pour les sciences sociales, Paris, Éd. Le Seuil.

Lévi-Srauss C., 1955, Tristes Tropiques, Paris, Plon.

Macé M., 2016, Styles de vie, Paris, Éd. de Minuit.

Malinowski B, 1922, Les Argonautes du Pacifique occidental, trad. de l’anglais et présenté par A. et S. Devyver, préface de Sir James Frazer, Paris, Gallimard, 1963.

Neveu É., 2003, « Recherche et engagement : actualité d’une discussion», Questions de communication, 3. DOI : 10.4000/questionsdecommunication.7469.

Nora P., éd., 1987, Essais d’ego-histoire, Paris, Gallimard.

Peraya D., 2012, « Quel impact les technologies ont-elles sur la production et la diffusion des connaissances ? », Questions de communication, 21, p. 89-106. DOI : 10.4000/questionsdecommunication.6590.

Ricœur P., 2005, Parcours de la reconnaissance, Paris, Gallimard.

Sainsaulieu R., 1988, L’Identité au travail. Les effets culturels de l’organisation, 4e éd., préf. de N. Alter, Paris, Presses de Sciences Po, 2014.

Thébaud F., 2009, « Entre parcours intellectuel et essai d’ego-histoire. Le poids du genre », Genre & Histoire, 4.  Accès : https://journals.openedition.org/genrehistoire/697.

Thévenot L., 2006, L’Action au pluriel. Sociologie des régimes d’engagement, Paris, Éd. La Découverte.

Tréanton J.-R., 1960, « Le concept de carrière », Revue française de sociologie, I, 1, p. 73-80.

Veyne P., 1971, Comment on écrit l'histoire. Essai d'épistémologie, Paris, Éd. Le Seuil, 1996.

Weber M., 1919, Le Savant et le politique, trad. par J. Freund, Paris, Plon, 1959.

Orte

  • Nancy, Frankreich (54)

Daten

  • Samstag, 23. März 2019

Schlüsselwörter

  • narration

Kontakt

  • Thibaut Monéger
    courriel : thibaut [dot] moneger [at] univ-lorraine [dot] fr
  • Laboratoire Crem
    courriel : crem-contact [at] univ-lorraine [dot] fr

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Informationsquelle

  • Thibaut Monéger
    courriel : thibaut [dot] moneger [at] univ-lorraine [dot] fr

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Zitierhinweise

« Identités du chercheur et narrations en sciences humaines et sociales », Beitragsaufruf, Calenda, Veröffentlicht am Freitag, 22. Februar 2019, https://doi.org/10.58079/122c

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