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The return of the lucky draw in politics
Le retour du tirage au sort en politique
Inventory and critical prospectives between political sciences and philosophy
État des lieux et prospectives critiques entre sciences politiques et philosophie
Published on Wednesday, March 27, 2019
Abstract
Ce colloque international propose de dresser une nouvelle cartographie, près de dix ans après le constat d'un « retour du tirage au sort en politique », des enjeux et des difficultés à la fois pratiques et normatives qui se nouent autour du recours au tirage au sort en politique et de ses usages.
Announcement
Le colloque aura lieu les 10-11 octobre 2019
Argumentaire
Le tirage au sort fait, depuis quelques années, l’objet d’un intérêt croissant en sciences politiques comme en philosophie normative.
Des expérimentations sont menées dès les années 70 et 80 puis les usages consultatifs (jurys citoyens, conférences de consensus...) et participatifs (budgets participatifs) se multiplient dans les années 90 (Sintomer, 2011). Les sondages délibératifs (Fishkin, 1995) voient également le jour. Depuis les années 2000, des conventions et assemblées tirées au sort sont impliquées dans des processus de réformes constitutionnelles, par exemple en Colombie Britannique (Warren et Pearse (eds.) 2008), en Islande (Landemore 2015), en Irlande (Jane Suiter et Al, 2019 ; Courant, 2019) ou en Mongolie (Fishkin 2018). Cette évolution des prérogatives et de la légitimité accordées à des assemblées tirées au sort conduit à parler d’une troisième vague d’expérimentation (Sintomer 2018).
Parallèlement, l’association du tirage au sort à la démocratie a été ramenée au premier plan par des philosophes tels que Cornelius Castoriadis (Castoriadis 1986) et Jacques Rancière (Rancière 2005) mais également, de façon non intentionnelle, à la faveur du succès des Principes du gouvernement représentatif de Bernard Manin (Manin et Chollet, 2019). L’usage politique du tirage au sort a surtout fait l’objet de discussions au sein de la théorie politique normative (Goodin, 2008 ; Dowlen 2015, Gastil et Wright eds 2018). Celle-ci, toutefois, développe également des critiques sérieuses à l’égard d’un recours institutionnalisé au tirage au sort en substitut des élections (Malkopoulou 2015 ; Pourtois 2016 ; Lafont, 2017).
Plusieurs partis politiques débattent de la place à donner au tirage au sort, que ce soit dans leur fonctionnement interne ou dans leurs programmes. Le thème toutefois peine à s’imposer dans l’opinion publique, notamment en France (Pélabay et Sénac 2017). Un discrédit massif avait affecté la proposition de Ségolène Royal, candidate à l’élection présidentielle, d’introduire des « jurys citoyens » (Sintomer 2007). Le projet d’une chambre parlementaire tirée au sort, popularisé par l’ouvrage de David Van Reybrouck (Contre les élections), donne lieu à un accueil contrasté selon les variantes du dispositif envisagé (Vandamme et al, 2018).
Les journées ayant déjà eu lieu en France sur le tirage au sort se sont concentrées sur l'histoire des pratiques et les expérimentations récentes. Sans exclure l’histoire des idées, les interventions s’inscriront ici préférablement à l'intersection de la théorie politique et des sciences sociales.
Ce colloque international propose de dresser une nouvelle cartographie, près de dix ans après le constat d'un « retour du tirage au sort en politique » (Delannoi 2010), des enjeux et des difficultés à la fois normatives et pratiques qui se nouent autour de l'hypothèse d'un recours plus régulier, voire institutionnalisé, au tirage au sort en politique.
Nous nous proposons d'organiser ces journées autour de trois grands axes :
1° Un état des lieux des expérimentations récentes
- Comment expliquer le retour en grâce du tirage au sort en politique ?
- Quels sont les plafonds de verre que son usage n'a pas encore réussi à dépasser ?
- Comment les pratiques du tirage au sort interagissent-elles avec les espaces de compétition politique ?
- Quelles sont les perceptions des citoyennes et des citoyens quant à la pratique du tirage au sort en politique ?
2° Tirage au sort et démocratie
- Le tirage au sort est-il nécessairement lié à la démocratie ?
- Quels sont les différentes origines et usages du tirage au sort ?
- Jusqu’à la fin du xviiie siècle, le tirage au sort était associé à la démocratie (Manin, 1995). Dans le contexte moderne de sociétés de masse, complexes et pluralistes, cette association peut-elle être conservée ? La rotation des charges, même dans les modèles les plus optimistes, peut difficilement rendre possible une participation étendue. Est-il possible de justifier l’inégalité de participation qu’induit dans ce contexte l’accès par tirage au sort aux charges publiques ? Le tirage au sort peut-il fournir le moyen de l’émancipation politique et de la vérification de l’égalité des citoyens ? Peut-il se voir attribuer une fonction éducative en élargissant la possibilité d’accéder à certaines responsabilités collectives ?
3° Usages et cadres normatifs
- Les justifications normatives du recours au tirage au sort sont diverses. Certains auteurs mettent en avant le caractère impartial du tirage au sort et sa fonction assainissante (Dowlen 2015; Stone 2010), d’autres sa dimension radical-démocratique (Cervera-Marzal et Dubigeon 2013), l’exigence de justice distributive en matière de participation politique (Stone, 2016) la représentativité descriptive des échantillons (Sintomer 2011) ou son potentiel épistémique (Landemore 2013 ; Guerrero 2014). Ces différentes formes de justification ne sont pas nécessairement convergentes voire compatibles entre elles. Comment peuvent-elles et doivent-elles le cas échéant s’articuler ?
- Tirage au sort et élection semblent relever de logiques hétérogènes et potentiellement conflictuelles (Vandamme, 2018). Comment l’élection et le tirage au sort peuvent et, le cas échéant, doivent-ils se combiner ?
- L’objection massive d'une absence de responsabilité politique (accountability) des participants dans le tirage au sort peut-elle être surmontée ? Peut-on repenser l’idée de représentation à partir de processus alternatifs à l’élection ?
Modalités de soumission
Les propositions en science politique, sociologie politique et philosophie sont les bienvenues et peuvent s'appuyer sur des terrains de recherche français ou étranger.
La langue principale du colloque est le français, mais les communications en anglais et en espagnol sont également acceptées.
Les propositions de communication, de 4000 signes maximum (espaces compris) devront être envoyées aux trois adresses suivantes
avant le 1er juin 2019 :
Date de retour sur les propositions : 15 juillet 2019
Sélection des propositions
La sélection des propositions de communication sera opérée par les trois coordinateurs-trices du laboratoire junior MAAD (Mutations et Approches Actuelles de la Démocratie) à l'ENS de Lyon, qui est à l'initiative du colloque :
- Marie MONTAGNON, Centre Max Weber - UMR 5283, ENS de Lyon
- Lionel CORDIER, Triangle - UMR 5206, Sciences Po Lyon
- Théophile PENIGAUD, Triangle - UMR 5206, ENS de Lyon
Bibliographie
Castoriadis Cornelius (1986), « La polis grecque et l’invention de la démocratie », Le débat, 1, p. 126-144.
Cervera-Marzal Manuel et Dubigeon Yohan, 2013, « Démocratie radicale et tirage au sort », Raisons politiques, 27 juin 2013, no 50, p. 157‑176.
Courant Dimitri, 2019, « Tirage au sort et Constitution. Sociologie des assemblées citoyennes irlandaises (2010-2018) », Participations (numéro spécial à paraître).
Delannoi Gil, 2010, Le retour du tirage au sort en politique, Paris, Fondapol.
Dowlen Oliver, 2015, The Political Potential of Sortition: A Study of the Random Selection of Citizens for Public Office, Exeter / Charlottesville, Imprint Academic.
Fishkin James S., 2018, Democracy When the People Are Thinking: Revitalizing Our Politics Through Public Deliberation, Oxford, New York, Oxford University Press.
Fishkin James S., 1995, The Voice of the People: Public Opinion and Democracy, s.l., Yale University Press.
Gastil John et Wright Erik Olin (eds.), 2018, ‘Legislature by Lot: Transformative Designs for Deliberative Governance’, Politics & Society, sept. 2018, vol. 46, no 3, p. 299-451.
Goodin Robert E., 2008, Innovating Democracy: Democratic Theory After the Deliberative Turn, Oxford, Oxford University Press.
Guerrero Alexander A., 2014, Against Elections: The Lottocratic Alternative, Rochester, NY, Social Science Research Network.
Suiter Jane et al, 2019 (à paraître), La première Convention constitutionnelle irlandaise (2013-2014) : un dispositif délibératif à forte légitimité ?, Participations.
Lafont Cristina, « Can Democracy be Deliberative & Participatory? The Democratic Case for Political Uses of Mini-Publics », Daedalus, 29 juin 2017, vol. 146, no 3, p. 85‑105.
Landemore Hélène, 2015, « Inclusive Constitution-Making: The Icelandic Experiment », Journal of Political Philosophy, juin 2015, vol. 23, no 2, p. 166‑191.
Landemore Hélène, 2013, « Deliberation, cognitive diversity, and democratic inclusiveness: an epistemic argument for the random selection of representatives », Synthese, 1 mai 2013, vol. 190, no 7, p. 1209‑1231.
Malkopoulou Anthoula, 2015, « The Paradox of Democratic Selection: Is Sortition Better than Voting? » dans J.M. Rosales et K. Palonen (eds.), Parliamentarism and Democratic Theory: Historical and Contemporary Perspectives, Opladen-Toronto, Barbara Budrich Publishers, p. 229‑254.
Manin Bernard, 1995, Principes du gouvernement représentatif, Paris, Flammarion.
Manin Bernard et Chollet Antoine, 2019, « Les postérités inattendues des Principes du gouvernement représentatif », Participations (numéro spécial à paraître).
Pélabay Janie et Sénac Réjane, 2017, Figures du citoyen critique, Paris, Sciences Po CEVIPOF.
Peonidis Filimon, 2016, « On Two Anti-Democratic Uses of Sortition », Democratic Theory, 1 décembre 2016, vol. 3, no 2, p. 26‑45.
Pourtois Hervé, 2016, « Les élections sont-elles essentielles à la démocratie ? », Philosophiques, 2016, vol. 43, no 2, p. 411‑439.
Rancière Jacques, 2005, La haine de la démocratie, Paris, la Fabrique éditions.
Sintomer Yves, 2018, « From Deliberative to Radical Democracy? Sortition and Politics in the Twenty-First Century », Politics & Society, 1 septembre 2018, vol. 46, no 3, p. 337‑357.
Sintomer Yves, 2011, Petite histoire de l’expérimentation démocratique: tirage au sort et politique d’Athènes à nos jours, Paris, la Découverte.
Sintomer Yves, 2007, Le pouvoir au peuple, Paris, La Découverte.
Stone Peter, 2010, « Three arguments for lotteries », Social Science Information, juin 2010, vol. 49, no 2, p. 147‑163.
Vandamme Pierre-Etienne, 2018, « Le tirage au sort est-il compatible avec l’élection ? », Revue française de science politique, vol. 68, n°5, p. 873-894.
Vandamme Pierre-Etienne Jacquet Vincent Niessen Christophe Pitseys John Reuchamps Min (2018) « Intercameral Relations in a Bicameral Elected and Sortition Legislature », Politics & Society, vol. 46, n°3, p. 381–400.
Warren Mark E. et Pearse Hilary (eds.), 2008, Designing Deliberative Democracy: The British Columbia Citizens’ Assembly, Cambridge, Cambridge University Press (coll. « Theories of Institutional Design »).
Subjects
- Political studies (Main category)
- Mind and language > Thought > Philosophy
- Society > Political studies > Political science
- Mind and language > Thought
- Society > Political studies > Political history
- Society > Political studies > Political sociology
- Society > Political studies > Governance and public policies
- Society > Political studies > Political institutions
Places
- École normale supérieure de Lyon
Lyon, France (69)
Date(s)
- Saturday, June 01, 2019
Keywords
- tirage au sort, démocratie, citoyenneté, action publique, légitimité, théorie politique, philosophie politique, philosophie normative
Reference Urls
Information source
- Theophile Penigaud
courriel : theophile [dot] penigaud [at] ens-lyon [dot] fr
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To cite this announcement
« The return of the lucky draw in politics », Call for papers, Calenda, Published on Wednesday, March 27, 2019, https://calenda.org/586058