Comparative perspectives of fiscal justice (10th-21st centuries)
Regards croisés sur la justice fiscale (Xe-XXIe siècle)
Equality or special statuses?
Égalité ou statuts particuliers ?
Published on Wednesday, March 27, 2019
Abstract
Parce que l’impôt est un prélèvement contraint – ou, tout du moins, pouvant se dispenser de l’accord du contribuable –, la question de sa justice est un problème constant. Il est certes possible, sinon tentant, d’y répondre sommairement en le considérant comme intrinsèquement injuste – Taxation is theft– ou de juger la question vaine puisque, juste ou non, l’impôt devra être payé – Nothing is certain but death and taxes ! Pourtant, à l’heure où le gouvernement français s’apprête à engager plusieurs réformes de la fiscalité, la justice fiscale semble à questionner sur plusieurs plans. Dans ses aspects les plus concrets, elle se donne bien sûr immédiatement à voir dans l’organisation, le fonctionnement et les réformes successives du système fiscal. Cependant, l’incontestable technicité de la matière – souvent fantasmée comme forcément attentatoire aux intérêts particuliers – ne doit pas dissimuler l’importance des questions qui s’y jouent.
Announcement
Argumentaire
Parce que l’impôt est un prélèvement contraint – ou, tout du moins, pouvant se dispenser de l’accord du contribuable –, la question de sa justice est un problème constant. Il est certes possible, sinon tentant, d’y répondre sommairement en le considérant comme intrinsèquement injuste – Taxation is theft– ou de juger la question vaine puisque, juste ou non, l’impôt devra être payé – Nothing is certain but death and taxes !Pourtant, à l’heure où le gouvernement français s’apprête à engager plusieurs réformes de la fiscalité, la justice fiscale semble à questionner sur plusieurs plans. Dans ses aspects les plus concrets, elle se donne bien sûr immédiatement à voir dans l’organisation, le fonctionnement et les réformes successives du système fiscal. Cependant, l’incontestable technicité de la matière – souvent fantasmée comme forcément attentatoire aux intérêts particuliers – ne doit pas dissimuler l’importance des questions qui s’y jouent. En effet, à travers l’idée de justice fiscale, c’est toute une conception du monde – et aujourd’hui, particulièrement, une conception de l’État et de ses missions – qui apparaît derrière la technique juridique. Pour saisir l’ambiguïté de cette double dimension, l’analyse historique se révèle essentielle. Permettant d’envisager l’évolution du système fiscal en fonction des contextes, des inflexions politiques et des ambitions du temps, elle seule permet une analyse fine des enjeux les plus contemporains en leur offrant la mise en perspective qu’ils méritent. C’est donc à travers ces trois dimensions – fiscale, théorique et historique – profondément imbriquées que l’on se propose de questionner ici la justice fiscale.
Pour étudier la justice fiscale, la question de l’égalité dans la répartition de l’impôt est bien sûr classique entre toutes. L’idée que chacun doit payer l’impôt à raison de ses facultés nous est même si familière que nous peinons désormais à en reconnaître la part d’indétermination – de quelles facultés parle-t-on ? – et, plus encore, ce qu’elle porte en elle de révolutionnaire dans cette radicale indifférenciation des sujets devant l'État. Diverses inflexions devraient pourtant nous rappeler que l’histoire de la justice fiscale n’est guère linéaire. Ainsi, l’impôt a longtemps été pensé comme indissociable du privilège. Apparus en France – et plus largement en Europe – dès le Moyen Âge, d’abord au profit de la noblesse et de l’Église, les privilèges fiscaux seront ensuite développés tout au long de la période moderne, la monarchie ayant su en jouer pour composer avec une société d’ordres, à la fois frein et relais du pouvoir royal. D’un point de vue fiscal, la société d’Ancien Régime apparait dès lors comme un agglomérat de corps privilégiés et de statuts particuliers ne reconnaissant pas un principe d’égalité. Ce n’est que dans les dernières décennies de l’absolutisme que la royauté fit sienne une aspiration des Lumières à l’égalité civique, parce qu’elle estimait que le rétablissement des finances publiques passait par la réduction du nombre des privilégiés. Elle échouera pourtant à imposer ses réformes fiscales, la contradiction entre justification par le statut et justification par l’égalité constituant peut-être l’un des principaux écueils sur lesquels a sombré la légitimité royale. Par la suite, si la plupart des régimes proclamèrent, plus ou moins, l’égalité fiscale héritée de 1789 et de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ils n’hésitèrent cependant pas à aménager quantité de statuts fiscaux particuliers, ressuscitant ainsi les inégalités d’autrefois. Il s’agira d’interroger ici ces privilèges et ces statuts dans une vision historique et comparatiste.
Au-delà du contexte politique et social, dont dépend intimement la justice fiscale, doivent ainsi être envisagées les difficultés liées aux outils dont dispose l’État pour évaluer ses besoins, estimer les moyens des contribuables, répartir les impositions, les percevoir et juger leur contentieux, ces particularités techniques, juridiques et politiques de l’impôt donnant une dimension concrète à l’exigence de justice. Qui doit contribuer ? Selon quelle répartition ? Comment penser la relation entre équité et égalité dans le domaine de la fiscalité ? Peut-on imaginer une stricte égalité fiscale ? Comment la notion de justice fiscale a-t-elle évolué ? Quelle a été l’influence du contexte et du régime politique ? Comment a-t-elle été reçue par les contribuables et analysée par la doctrine ? Quelles conséquences a-t-elle entraînées sur les plans économique et social ? Quelles mesures a-t-elle servi à justifier ? Comment a-t-elle contribué à forger notre manière d’envisager le lien entre recettes fiscales et dépenses publiques ? Les questions sont nombreuses et peuvent être traitées selon plusieurs perspectives qui réclament de se pencher sur l’évolution de la justice fiscale à la fois dans son principe (égalité ou statuts particuliers ?) et dans sa mise en œuvre (quelle justice fiscale ?).
En dépassant la conception de l’impôt en tant que violence d’Etat, se pencher sur la justice fiscale revient à questionner, à partir de son expression fiscale, ce qui fonde la légitimité de l’État. Dans l’analyse des raisonnements qui valorisent la justice par l’égalité comme de ceux qui justifient au contraire l’inégalité par l’efficacité, c’est donc tout d’abord la souveraineté qui se trouve saisie à travers l’impôt, lequel s’envisage à la fois comme conséquence et comme condition de l'État.
La question de la légitimité peut toutefois également être saisie à travers les divers ressorts de l’adhésion du contribuable à un système fiscal. En effet, le contribuable est aujourd’hui – et de plus en plus, depuis un siècle – partie prenante de son bon fonctionnement, le rejet d’un impôt perçu comme injuste pouvant se traduire par des évitements, une inertie, voire une généralisation de la fraude. Les jeunes États savent d’ailleurs ce qu’il en coûte de ne pouvoir recourir aux formes les plus contemporaines du prélèvement fiscal, souvent considérées comme les plus efficaces.
Enfin, étudier la justice fiscale suppose d’examiner l’effectivité du principe d’égalité fiscale face à une multiplication des régimes fiscaux relevant davantage de l’exception à ce principe que d’une adaptation de sa mise en œuvre. La question se pose notamment avec une acuité particulière lorsque se multiplient aussi les pouvoirs fiscaux dont un même contribuable est susceptible de relever. Ainsi, les arbitrages auxquels l’investisseur ou le résident peut procéder (pudiquement euphémisés en « structuration de la dette fiscale ») ne lui ouvrent-ils pas l’accès à un régime fiscal sur mesure, a fortiorilorsque les souverains fiscaux plient eux-mêmes leur loi aux desideratade contribuables mondialisés, la revendication d’une égalité de traitement devenant ainsi une voie royale du régime fiscal privilégié ?
C’est aux confins de ces différentes problématiques et en croisant les perspectives disciplinaires que ce colloque se propose de saisir la justice fiscale, tant dans son principe même que dans ses évolutions.
Programme
Jeudi 4 avril 2019
9h00 – Accueil des participants
9h30 – Ouverture du colloque
- Allocution de Monsieur le Président de l’Université de Picardie Jules Verne (sous réserve)
- Mot d’ouverture du Président de la Société Française de Finances Publiques
- Mot d’ouverture des organisateurs du colloque
I — Concevoir la justice fiscale
Session 1 L’attente de justice fiscale
Sous la présidence de Jacques Chevallier Professeur émérite de droit public à l’Université de Paris-II Panthéon-Assas
- 10h00 – Damien Salles– Professeur d’histoire du droit, Université de Poitiers, « L’idéal de la justice fiscale dans les mazarinades »
- 10h20 – Céline Husson-Rochcongar– Maître de conférences en droit public, Université de Picardie Jules Verne, « Peut-on encore parler de "justice fiscale" ? »
- 10h40 – Discussion
11h00 – Pause
Session 2 Théories et représentations de la justice fiscale
Sous la présidence de Sébastien Kott Professeur de droit public à l’Université de Poitiers
- 11h20 – Thérence Carvalho, Maître de conférences en histoire du droit, Université de Lyon, « Les physiocrates et la justice fiscale »
- 11h40 – Anne-Sophie Chambost, Professeure d’histoire du droit, Université de Saint-Étienne, «La justice fiscale chez Proudhon : évolution d’un concept (1846-1861) »
- 12h00 – Fabrice Bin, Maître de conférences en droit public, Université Toulouse 1-Capitole, « À l'ombre du positivisme : quelle place pour une doctrine de la justice fiscale propre aux juristes fiscalistes (XIXe-XXesiècle) ? »
- 12h20 – Discussion
12h40 – Déjeuner
Session 3 L’émergence de la justice fiscale
Sous la présidence d’Albert Rigaudière, Professeur émérite d’histoire du droit à l’Université de Paris-II Panthéon-Assas Membre de l’Institut
- 14h00 – Nicolas Leroy, Professeur d’histoire du droit, Université de Nîmes, « Les privilèges fiscaux dans les chartes municipales du Midi au Moyen Âge »
- 14h20 – Simon Watteyne, Doctorant, Université Libre de Bruxelles, « L’État fiscal belge et la question de la justice dans l’impôt (1914-1921) »
- 14h40 – Katia Weidenfeld, Professeure d’histoire du droit, École des Chartes, « L’introduction de la publicité des rôles et la justice fiscale dans la réforme de 1926 »
- 15h00 – Hugues Rabault, Professeur de droit public, Université d’Évry, « La stabilisation du système fiscal par le droit »
15h20 – Discussion
15h40 – Pause
II — Mettre en œuvre la justice fiscale
Session 1 La justice fiscale comme indifférenciation
Sous la présidence d’Olivier Gaspon, Président de la chambre fiscale au Tribunal administratif d’Amiens (sous réserve)
- 16h00 – Cédric Glineur, Professeur d’histoire du droit, Université de Picardie Jules Verne, « Quelle justice fiscale dans la législation royale d’Ancien Régime ? »
- 16h20 - Clément Chevereau, Doctorant en histoire du droit, Université de Poitiers, « Le contentieux des vingtièmes et les catastrophes naturelles. L’exemple du Poitou (XVIIIesiècle) »
- 16h40 – Elena Danescu, Docteure en histoire, Université du Luxembourg, Centre for contemporary and digital history, « Competition, convergence, harmonisation – a comparative analyse of the taxation in Be-Ne-Lux States (1945-1992) »
- 17h00 – Discussion
17h30 – Conclusion des travaux de la journée
20h00 – Dîner
Vendredi 5 avril
9h00 – Accueil des participants
Session 2 Une justice fiscale ‘‘sur mesure’’
Sous la présidence de Michel Borgetto Professeur de droit public à l’Université de Paris II Panthéon-Assas
- 9h30 – Isabelle Rabault-Mazières, Maître de Conférences en histoire, Université Paris-Panthéon-Sorbonne, « La justice fiscale en temps de guerre : l’exemple de l’impôt de Solidarité Nationale de 1945 en France »
- 9h50 – Anaïs Vanel, Doctorante en droit privé, Université de Limoges, « Justice fiscale et relation conjugale »
- 10h10 – Valérie Varnerot, Maître de conférences HDR en droit privé, Université de Picardie Jules Verne, « Justice fiscale et surendettement »
- 10h30 – Discussion
10h50 – Pause
Session 3 Paradoxes et contradictions dans la justice fiscale
Sous la présidence de Frédérique Olivaux-Rigoutat Procureure de la République adjointe près le Tribunal de grande instance d’Amiens (sous réserve)
- 11h10 – Julie Bannier, Doctorante en droit public, Université de Paris-Panthéon-Sorbonne, « Impôt unique contre impôt spécifique : quelques paradoxes autour de l’assiette de l’impôt et de la justice fiscale »
- 11h30 – Christophe Farquet, Chercheur au Fonds national suisse de la recherche scientifique, « De l’insoutenable légèreté de la justice fiscale après la Première Guerre mondiale. Contournement de l’impôt, compétition fiscale, centres offshore »
- 11h50 – Edoardo Traversa, Professeur de droit public, Université de Leuven, « Égalité fiscale et neutralité fiscale : les inégalités générées par la neutralisation des situations transfrontalières »
- 12h10 – Discussion
12h30 – Déjeuner
Session 4 Quel avenir pour la justice fiscale ?
Sous la présidence de Marc Leroy Professeur de sociologie à l’Université de Reims Champagne-Ardenne Vice-président de la Société Française de Finances Publiques
- 14h00 – Céline Viessant, Professeure de droit public, Université d’Aix-Marseille, « Justice fiscale et Union européenne »
- 14h20 - Audrey Rosa, Maître de conférences en droit public, Université de Lille, « L’intérêt relatif des juristes pour la justice fiscale »
- 14h40 – Benoît Tine, Enseignant-chercheur en sociologie, Université Assane Seck, Sénégal, « L’incivisme fiscal au prisme du développement local en Casamance : sociologie des représentations sociales d’une forme de déviance »
- 15h00 – Emmanuel de Crouy-Chanel, Professeur de droit public, Université de Picardie Jules Verne, « De l’égalité des contribuables à la responsabilité du contribuable ? »
- 15h20 – Discussion
16h00 – Conclusions
- Michel Bouvier, Professeur émérite de droit public à l’Université de Paris II Panthéon Sorbonne Président de FONDAFIP Directeur de la Revue française de Finances Publiques
16h30 – Clôture du colloque
Subjects
- Law (Main category)
- Society > Law > Legal history
- Periods > Modern > Nineteenth century
- Society > Law > Sociology of law
- Periods > Middle Ages > High and Late Middle Ages
- Periods > Modern > Twentieth century
- Periods > Early modern > Eighteenth century
- Periods > Modern > Twenty-first century
Places
- Logis du Roy - Square Jules Bocquet
Amiens, France (80)
Date(s)
- Thursday, April 04, 2019
- Friday, April 05, 2019
Attached files
Keywords
- justice fiscale, privilège, statut particulier, exemption, exonération
Contact(s)
- Cédric Glineur
courriel : cedric [dot] glineur [at] u-picardie [dot] fr
Reference Urls
Information source
- Cédric Glineur
courriel : cedric [dot] glineur [at] u-picardie [dot] fr
License
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To cite this announcement
« Comparative perspectives of fiscal justice (10th-21st centuries) », Conference, symposium, Calenda, Published on Wednesday, March 27, 2019, https://doi.org/10.58079/12cb