AccueilThérapies innovantes, molécules onéreuses : seront-elles encore accessibles aux malades ?

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Thérapies innovantes, molécules onéreuses : seront-elles encore accessibles aux malades ?

Innovative therapy and expensive molecules and their accessibility to patients?

Un débat éthique pour la société et le système de santé

An ethical debate for society and the health system

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Publié le vendredi 19 avril 2019

Résumé

Cet appel à communications s’adresse aux chercheurs et doctorants en sciences sociales et humaines, en philosophie éthique et politique, en économie, en droit, en médecine et en pharmacie. Il s’adresse également aux soignants et aux représentants des patients et associations de patients. Ce colloque a pour vocation de confronter la diversité des approches et des perspectives sur les problèmes éthiques susceptibles d’être posés par l’accès des patients aux thérapies innovantes et notamment les molécules onéreuses.

Annonce

Les 14 et 15 janvier 2020

Argument

Contrairement aux questions touchant à la reproduction et au statut de l’embryon, aux techniques de séquençage et d’ingénierie génomique ou encore aux dons et aux transplantations d’organes, la question des thérapies innovantes ne semble pas s’inscrire au premier chef dans le cadre d’une réflexion de nature éthique, mais renvoie avant tout à des problématiques qui concernent la recherche fondamentale, l’économie, la fixation du prix des médicaments, et plus largement les politiques de santé.

Pourtant, dans sa pratique, le médecin prescripteur est susceptible de se trouver confronté à l’obligation de décider seul de l’opportunité ou non de prescrire un traitement onéreux. De fait, une telle prescription, outre la prise en compte du rapport complexe entre son coût pour la société et le bénéfice thérapeutique possible pour le patient, présuppose également, et de manière plus difficilement quantifiable, la nécessaire conciliation entre le bénéfice apporté au patient appréhendé comme une personne, dans une approche strictement égalitariste, d'une part, et l'impact économique de la prescription sur la collectivité de l’autre.

Ce qui est mis en balance, c’est le bien individuel et le bien de la collectivité, avec un conflit possible, par conséquent, entre le principe de bienfaisance (Beauchamp & Childress 2001) ; ou, plus largement, le devoir du soignant de viser le bien ou l’utile pour le patient qu’il est amené à traiter et le principe de justice : la nécessaire prise en compte de l’impact, sur la collectivité, de la décision de prescrire un traitement qui aura de facto pour conséquence que d’autres patients auraient pu bénéficier de l’argent public consacré au traitement onéreux, ou que d’autres choix auraient pu être opérés, par exemple : créer des emplois de soignants auprès des personnes âgées, acquérir des équipements biomédicaux innovants etc.

Il semble possible de parler ici de dilemme éthique auquel se trouve confronté le médecin qui devra décider, si, oui ou non, il prescrit telle ou telle molécule très coûteuse. Un tel état de fait peut rendre toute décision impossible ou conduire en définitive à laisser l'émotion décider : on ressent beaucoup plus de compassion pour une personne que l'on a en face de soi et qui souffre que pour la figure abstraite de tous ceux qui sont susceptibles de voir leur accès au soin réduit en raison de cette décision, mais que l'on ne rencontrera jamais.

La difficulté se redouble sans doute également dans la mesure où l'éthique ne fait traditionnellement pas bon ménage avec les questions économiques qui sont souvent vécues comme un frein au bon soin. L'attitude éthique souvent se positionne - à tort sans doute - dans un rapport d'opposition avec l'attitude « comptable »  ou économique : d'un côté l'éthique, désintéressée par définition, de l'autre l'économie qui raisonne en termes d'intérêt, de calcul d'efficacité.

Dans le cas des molécules onéreuses, cette opposition pourtant ne peut valoir, il appartient à l'éthique elle-même d'entrer de plain-pied dans la perspective économique – jusqu'à parler d' « éthique intéressée » (Thévenon & Batifoulier 2009) faute de quoi elle risque de rester curieusement aveugle au fait que les ressources dont disposent la structure hospitalière, le système de santé, ne sont pas infinies. Se contenter d'en appeler de manière unilatérale à une morale de type déontologique, qui considérerait que ce patient-ci, en tant que personne humaine, a une valeur absolue et ne peut être subordonné à une fin qui lui serait supérieure, même s'il s'agit de la fin du collectif, conduit de facto, même si aucune décision positive n'est prise en ce sens, de manière automatique, à priver un autre patient d'un soin et par conséquent à le subordonner à une autre fin que lui-même (Le Coz 2009 p. 40), une telle approche ne peut en effet qu'aboutir à une répartition des soins qui risque, en définitive, d’être défavorable aux plus vulnérables (CCNE 2008 p. 3).

Cet appel à communication s’inscrit dans le prolongement des activités d’un groupe de travail créé et dirigé par Emmanuèle Jeandet-Mengual, Présidente du Conseil de surveillance du CHU de Rouen et Présidente du Conseil d'Orientation de l'Espace de Réflexion Ethique de Normandie, groupe de travail portant sur les molécules onéreuses. Ce groupe, qui s’inscrit dans le cadre des activités de l’Espace de Réflexion Ethique de Normandie est constitué de professionnels de santé (soignants, administrateurs d’établissements hospitaliers), et d’universitaires en sciences sociales et humaines.

La nécessité de la tenue d’un colloque sur la question des thérapies innovantes, et plus particulièrement sur les problèmes éthiques posés par les molécules onéreuses et leur prescription, s’est imposée face à la diversité et l’ampleur des enjeux éthiques concernés.

L’augmentation continue et très importante du coût des nouvelles molécules, utilisées dans des maladies souvent mortelles (cancer notamment) où l’espérance de vie des patients est un des éléments majeurs de la décision, pose des problèmes de plus en plus cruciaux aux responsables politiques au plan national comme au plan régional et aux responsables d’établissements tenus par de très fortes contraintes budgétaires. A titre d’exemple, au Centre Henri Becquerel de Rouen, continuer de prescrire 5 molécules onéreuses dont les indications ne seront plus remboursées à partir de 2019 et ceci pour une quinzaine de patients seulement, aurait un coût non financé de 1,2m€ par an. Un tel engagement réduit fortement la marge d’arbitrage en faveur d’autres dépenses telles que les ressources humaines les équipements, les travaux…

Ce colloque a pour vocation de conserver la diversité d’approche et de points de vue qui était déjà celle du groupe de travail de Rouen. Dans cette perspective, il s’adresse aux chercheurs et doctorants en sciences sociales et humaines, en philosophie éthique et politique, en économie, en droit, en médecine, en pharmacie ; aux soignants qui souhaiteraient, dans le cadre de ce colloque, présenter leur expérience et leur analyse de la prescription de molécules onéreuses, témoigner aussi des difficultés qu’ils sont susceptibles de rencontrer, et de la manière dont ils résolvent les dilemmes auxquels ils sont confrontés dans leur pratique; aux représentants des patients ou des associations de patients, enfin, afin de témoigner de leur vécu, de leur expérience ainsi que de leurs attentes.

Les actes de ce colloque feront l’objet ultérieurement de la publication d’un ouvrage collectif.

Modalités de soumission

Les propositions de communication de 6000 signes maximum sont attendues

pour le 30 juin 2019.

Elles sont à adresser à Thierry GRENET, responsable de l’antenne rouennaise de l’EREN eren.antennederouen@chu-rouen.fr

Un comité scientifique sélectionnera les propositions de communication.

Eléments bibliographiques

Baertschi Bernard (2002), « Justice et santé. Chacun doit-il recevoir des soins en proportion de ses besoins ? », Revue de métaphysique et de morale, n° 33, p. 83-101. Beauchamp Tom, Childress James (2001), Les principes de l'éthique biomédicale, Paris, 2008 (2001).

Clément Valérie, Serra Daniel (2009), « L'équité en matière de santé : qu'en pense l'opinion publique ? Une revue de l'éthique empirique dans le champ de la santé »,Revue de philosophie économique, n° 10, p. 55-77.

Comité Consultatif National d’éthique pour les Sciences de la Vie et de la Santé (2005), « Refus de traitement et autonomie de la personne », « Santé, éthique et argent: les enjeux éthiques de la contrainte budgétaire sur les dépenses de santé en milieu hospitalier », Avis n° 87, 14 avril 2005.

Comité d''éthique et Cancer, « Du bon usage des molécules onéreuses en cancérologie et avis sur les choix inhérents aux contraintes imposées par le coût des médicaments », Saisine discutée lors de la 11e session plénière du Comité éthique et cancer du 18 avril 2011.

Fagot-Largeault Anne (2010),Médecine et philosophie, Paris

Fleurbaey Marc, Luchini Stéphane, Schokkaert Erik (2009), « Evaluation économique en santé : qui a peur de l'étalon monétaire ? », Revue de philosophie économique, n° 10, p. 19-34.

Foot Philippa (2002), « The Problem of Abortion and the Doctrine of the Double Effect » in Virtues and Vices and Other Essays in Moral Philosophy, Oxford, Clarendon Press, édition originale 1978, 19-32.

Gadreau Maryse (2009), « Economie et éthique en santé, du calcul au jugement de valeur », Revue de philosophie économique, n° 10, p. 3-17.

Jonsen Albert R., Siegler Mark, Winslade William J. (1982), Clinical Ethics: A Practical Approach to Ethical Decisions in Clinical Medicine, New York, McGraw-Hill, 2006 (6th ed.), édition originale 1982.

Le Coz Pierre (2009), « L'exigence éthique et la tarification à l'activité à l'hôpital », Revue de philosophie économique, n° 10, p. 35-53.

Moatti Jean-Paul (1996), « Priorités de santé publique. Les dangers d'une dérive utilitariste », Actualité et dossier en santé publique, n° 17, p. XXXVIII-XL.

Rameix Suzanne (2002), « Soins de santé et justice un point de vue philosophique », Gérontologie et société, n° 25, p. 19-35.

Rawls John (1987), Théorie de la justice, Paris.

Sen Amartya (1993), Ethique et économie, Paris.

Sen Amartya (2009), L'idée de justice, Paris.

Thevenon Olivier, Batifoulier Philippe (2003), « L'éthique (médicale) est-elle soluble dans le calcul économique ? », ISMEA, n° 2, p. 161-186.

Lieux

  • Centre Hospitalier Universitaire - 37 avenue Gambetta
    Rouen, France (76000)

Dates

  • dimanche 30 juin 2019

Mots-clés

  • éthique médicale, santé publique, économie, justice sociale

Contacts

  • Thierry Grenet
    courriel : eren [dot] antennederouen [at] chu-rouen [dot] fr

Source de l'information

  • Annie Hourcade Sciou
    courriel : annie [dot] hourcade [at] univ-rouen [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Thérapies innovantes, molécules onéreuses : seront-elles encore accessibles aux malades ? », Appel à contribution, Calenda, Publié le vendredi 19 avril 2019, https://doi.org/10.58079/12gu

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