AccueilAutour du récit

AccueilAutour du récit

Autour du récit

Around narrative - tourism and immersion

Tourisme et immersion

*  *  *

Publié le vendredi 19 avril 2019

Résumé

Le colloque « tourisme et immersion » a pour objectif d’explorer les conditions de création des environnements immersifs dans leur dimension narrative et en tant qu’expérience émotionnelle. Le champ d’étude est plus spécifiquement dédié, pour cette édition, au tourisme, avec une attention particulière mais non exclusive au secteur de l’hôtellerie-restauration.

Annonce

Argumentaire

Le colloque “tourisme et immersion” a pour objectif d’explorer les conditions de création des environnements immersifs dans leur dimension narrative et en tant qu’expérience émotionnelle. Le champ d’étude est plus spécifiquement dédié, pour cette édition, au tourisme, avec une attention particulière mais non exclusive au secteur de l’Hôtellerie-Restauration.

Auparavant cantonnée au champ littéraire et esthétique, la notion de récit est désormais centrale pour de nombreuses disciplines au premier rang desquelles le marketing et la gestion (expérience client), les neurosciences (compréhension des structures comportementales et cognitives), l’architecture (scénographie et création d’ambiances), l’ingénierie numérique (création d’outils et de produits interactifs), le patrimoine (mémoire et médiation).

Les potentialités ouvertes par les technologies digitales nourrissent cet engouement. On peut se demander si cette diversification des approches permet un enrichissement de l’abord notionnel ou si, au contraire, elle cache une ambition commune de monétisation et d’exploitation du récit. Loin de se limiter à un simple storytelling, une telle logique autorise la transmutation de la séquentialité en valeur. L’un des enjeux actuels est évidemment de savoir dans quelle mesure cette tendance se trouve produite ou augmentée par l’intégration du récit aux nouveaux médias - dont la nouveauté, pour être justement pesée, doit être mise en perspective. On pense particulièrement à la proximité qui existe entre les dispositifs de réalité virtuelle et de simulation et les scénographies ambiantielles imaginées pour les lieux de loisir à l’orée du XXe siècle. L’histoire de l’attribution ambivalente des rôles d’acteur et de spectateur est déjà ancienne. En conséquence, la vraie nouveauté pourrait ne pas être de l’ordre d’un progrès technique mais relever plutôt de la promotion active de l’interactivité, de la participation et de la modulation. Autant de termes mis en avant dans le champ de la création et de la créativité dont on ne peut s’empêcher de remarquer la proximité avec des paradigmes politiques et économiques très actuels, selon un rapprochement qui invite à interroger plus avant les principes de monétisation et de valeur cités précédemment ainsi que leur inscription dans le monde digital.

Le récit touristique s’est très longtemps déployé autour de la notion de destination qui pourrait être donnée comme une évidence. Lorsque cette dernière est conçue comme générique (on peut aller à la mer ou la montagne), elle demande à chacun d’élaborer ses propres récits-souvenirs. Il s’agit de promouvoir une subjectivité qui, in fine, cherchera à être partagée, fût-ce au prix d’une interminable soirée “diapos”. Cette seule évocation témoigne immédiatement de l’obsolescence du modèle. Facebook nous a appris à écrire ce récit heure par heure et en direct, à un niveau de détail que la plus élémentaire pudeur aurait censuré à l’époque où les photos étaient projetées sur écran blanc et devant un public physiquement présent.

Ainsi, la destination “moderne” paraît moins donner à voir le récit que l’écriture du récit en tant que telle. Cette écriture est-elle pour autant “originale” ? N’est-elle pas plutôt le témoignage d’une “expérimentation” de destinations pour lesquelles des récits ont été préétablis. Nous serions dès lors face une objectivité construite qui servira d’identificateur à l’appui d’éléments de reconnaissance partagés entre celles et ceux qui ont vécu la même expérience. Ces destinations pré-mémorisées mobilisent à la fois des univers parfaitement calibrés et des processus d’adhésion à une expérience commune. Pour autant, il serait naïf de disqualifier ce phénomène à l’appui des catégories de l’authentique et du factice qu’on donnerait pour des “valeurs” absolues capables de témoigner de la sincérité d’une subjectivité parfaitement individuée. Au contraire, ainsi qu’Eva Illouz le développe dans son ouvrage Les marchandises émotionnelles, l’expérience émotionnelle est toujours le produit d’une fabrication.

Ainsi, si le Grand Tour avait, à la charnière des XVIIIe et XIXe siècles, la dimension d’un pèlerinage culturel dont les étapes, comme autant de stations, étaient parfaitement identifiées, l’avènement du modèle des clubs touristiques, à partir du milieu du XXe siècle, a transformé le paradigme. Il est maintenant question de rechercher, dans une destination artificielle et standardisée, une relaxation dont le principal objet consiste à faire le tour d’une sorte de “subjectivité sans intériorité”. Les récits préfabriqués suppléeraient ainsi à l’effort d’écriture qui serait lui-même réduit à une série de posts. Cette dimension fondamentalement opératoire, que les technologies digitales encouragent au premier chef, se cristallise dans l’expression maintes fois entendue : “on a fait Venise” ; “on a fait le Japon”. D’une certaine manière, au-delà même des comportements induits par l’usage des réseaux sociaux, la réalité virtuelle s’inscrit dans un registre similaire. Sa dimension performative traduit, à travers les dispositifs de captation en continu de type Gopro ou 360°, une expérience du spectacle qui supplante le récit mis en scène par le spectacle. Le modèle des sports extrêmes illustre parfaitement cette tendance: on efface “l’artifice” de la mise en scène au profit du live expérientiel.

Ces nouvelles formes de récits semblent donc promouvoir la mise en circulation d’expériences qui se veulent toujours nouvelles - ou pour le moins toujours “sensationnelles”. Si elles favorisent l’innovation, en lien ou non avec les technologies de communication, elles pourraient néanmoins manquer l’objet qui fait leur justification : le récit. Cette question doit être posée avec d’autant plus de sérieux qu’un tel abord engage des problématiques très concrètes qu’il s’agisse de massification touristique ou d’ubérisation des territoires. Les patrimoines, saturés de récits et pour exceptionnels qu’ils soient, risquent de devenir des “lieux communs”. Les espaces encore relativement vierges, pour préservés qu’ils soient, pourraient parallèlement, au nom de l’originalité d’un récit d’exception, être mis en danger. Les innovations touristiques les plus récentes visent ainsi à retrouver la dynamique du dépaysement, sans pour autant déserter les destinations constituées grâce aux infrastructures et au patrimoine. Lequel, matériel et immatériel, trouve dans les réalités augmentées et virtuelles de nouvelles potentialités de médiation et de pédagogie qui ne vont toutefois pas sans poser question dans les mécanismes d’appropriation des lieux d’histoire et de mémoire. La solution semble donc passer par la construction de parcours qui engagent un déroulement plus propice à la structuration traditionnelle du récit sans pour autant renoncer à la richesse émotionnelle de l’expérience. Faut-il y voir un retour de la philosophie du Grand Tour ?

En tout état de cause, l’idée même de parcours suppose une dimension initiatique qui est l’extrême pointe de la destination : soi-même. Elle réinvestit ainsi la morale du voyage et avec elle le processus de subjectivité dans une expérience forcément “unique”, de préférence premium, même s’il ne s’agit, au demeurant, que d’un produit de masse.  La transformation vise en effet toujours, pour être complète, une unité produite. Le récit touristique est-il condamné à exploiter la pseudo-capacité de l’individu à s’inventer, et/ou de se découvrir par lui-même ? Est-il concurrent ou complémentaire du récit à 360° qui, quoique mal maîtrisé au regard de la séquentialité narrative, promet, à travers un parcours immobile, une immersion entendue comme une expérience autant réalisée que distanciée ? Le Grand Tour devient ainsi le “grand tour de soi-même” quand “le temps pour soi” évoqué par Alain Corbin dans L’avènement des loisirs se trouve indéfiniment dupliqué et démocratisé.

La conférence propose à partir de cette base d’aborder les questions suivantes :

  1. Histoire vécue comme une expérience (utilisateur/client/touriste/urbain) : comment qualifier la notion de récit, le contenu de l’expérience touristique et patrimoniale ? Comment séquentialiser les vécus émotionnels pour leur donner sens?
  2. Histoire vécue en mode projet (émetteur/prescripteur) : Quelles sont les conditions managériales et entrepreneuriales permettant l’émergence de projets novateurs ? Comment articuler patrimoine culturel/patrimoine hôtelier/réhabilitation des espaces urbains et périurbains, modification de leur destination ?
  3. Quelles sont les conditions de l’adhésion au récit /récit interne, récit externe. (cycle de vie du récit) et comment articuler les dimensions virtuelles et réelles des environnements et des ambiances ?
  4. Comment élaborer des stratégies environnementales, patrimoniales et narratives ? comment les maintenir ou les faire évoluer dans le temps?
  5. Quel est le rôle et l’apport des outils numériques dédiés à la médiation culturelle, aux projets inclusifs et à l’articulation de l’histoire et des mémoires.
  1. Comment envisager la diffusion internationale d’un récit ? Est-il transposable, déclinable ? Comment envisager l’expérience narrative du touriste étranger ? Comment envisager le dépaysement de soi-même?

Modalités de soumission

Les propositions d’une page, accompagnées d’une courte notice biographique, doivent être envoyées à l’adresse suivante

pour le 15 juin 2019 :

autourdurecit@gmail.com

Responsables du projet de recherche pluridisciplinaire Potlatch et organisateurs du colloque

Public visé

Architectes, Gestionnaires, Linguistes, Historiens, Sociologues, Littéraires, Professionnels du patrimoine, Artistes, Institutions culturelles et touristiques

Date et lieu

Le 7 et 8 novembre 2019

À l’Institut d’Études Avancées de Nantes

Organisation

  • Université de Nantes – L’AMo
  • ENSA Nantes – CRENAU-AAU-UMR CNRS 1563
  • Université d’Angers ESTHUA Angers
  • ESSCA Angers

Lieux

  • Institut d'Études Avancées - 5 allée Jacques Berque
    Nantes, France (44)

Dates

  • samedi 15 juin 2019

Mots-clés

  • ambiance, univers, expérience, immersion, prospective, pratique, usage, récit, imaginaire, ville, architecture, patrimoine, mémoire

Contacts

  • Jacques Gilbert
    courriel : jacques [dot] gilbert [at] univ-nantes [dot] fr

Source de l'information

  • Jacques A. Gilbert
    courriel : jacques [dot] gilbert [at] univ-nantes [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Autour du récit », Appel à contribution, Calenda, Publié le vendredi 19 avril 2019, https://doi.org/10.58079/12h6

Archiver cette annonce

  • Google Agenda
  • iCal
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search