AccueilL’animation comme industrie culturelle ? Concevoir et produire le dessin animé

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L’animation comme industrie culturelle ? Concevoir et produire le dessin animé

Animation as Cultural Industry? Designing and Making Cartoons

Revue RFSIC - N°18

RFSIC Journal - #18 CFP

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Publié le vendredi 10 mai 2019

Résumé

La Revue Française des Sciences de l'Information et de la Communication (RFSIC) est heureuse de solliciter des contributions pour son futur dossier « L’animation comme industrie culturelle ? Concevoir et produire le dessin animé » (n°18). Ce dossier voudrait par conséquent apporter à son tour une pierre à la compréhension des processus de mise en production de l’animation, en rassemblant des recherches engagées dans une telle perspective. Quels sont les travaux en cours abordant la situation des professionnels de l’animation, si nombreux et variés, ainsi que leurs conditions de travail ? Comment rendre compte de l’organisation d’un secteur dont les projets, souvent très longs à mettre en œuvre, nécessitent des « chaînes de coopération » (Becker, 1982) particulièrement étendues et complexes ?

Annonce

Argumentaire

Si l’intérêt scientifique pour l’animation et les dessins animés reste encore marginal en comparaison des recherches sur d’autres médias et industries culturelles, celui-ci s’est toutefois considérablement affirmé depuis son émergence dans les années 1980 (Crafton, 1982 ; Pilling, 1997 ; Lamarre, 2008 ; Wells, 2012). Porté par le développement des animation studies dans le contexte anglo-saxon, avec notamment l’impulsion de la Society for Animation Studies (SAS), créée en 1987, le mouvement s’étend aujourd’hui à d’autres aires linguistiques dont la France. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il faille se réjouir de l’état actuel du champ de recherche, toujours relativement morcelé et marqué par certains tropismes. Ainsi, souvent tributaires de projets ou d’événements ad hoc, les travaux sur l’animation – entendue ici dans toute la diversité de ses formats et de ses techniques – ont été menés au sein d’espaces disciplinaires variés (études cinématographiques et audiovisuelles, sciences de l’information et de la communication, histoire, sociologie, etc.), et dans une certaine ignorance les uns des autres (Pilling, 1997 ; Denis, 2011). Surtout, les questions d’esthétique et de contenus (et dans une certaine mesure de réception) ont jusqu’à présent largement prédominé, faisant passer les conditions concrètes de la fabrication des œuvres animées pour un enjeu secondaire, voire absent.

Il est vrai que divers making-of (via des ouvrages, des documentaires et autres bonus DVD) se proposent régulièrement de lever le voile sur les coulisses de l’animation, mais l’on comprend aisément les limites de ces discours pro domo. Quelques travaux historiques et généralistes (Furniss, 2016), sur les studios majeurs tels Disney ou Pixar (Wasko, 2001) ou encore sur les chaînes télévisions dédiées au dessin animé (Hendershot, 2004) ont quant à eux déjà fourni des premières pistes d’analyse. Cependant, les sciences sociales sont encore loin d’avoir traité de façon systématique les processus de conception et de production des œuvres animées, ainsi que le fonctionnement socioéconomique du secteur : les recherches sont rares, et pas seulement parce qu’il s’agit d’explorer la production d’un contenu médiatique. L’animation semble en effet toujours pâtir de différentes formes d’illégitimité, redoublant par-là certains angles morts académiques : dépréciation vis-à-vis cinéma en prise de vue réelle, liens forts avec une télévision elle-même sous-étudiée, réduction souvent naturalisée aux « produits pour enfants », etc. Dans ce contexte, l’enquête ethnographique de Ian Condry sur l’anime japonais et ses studios (Condry, 2013) ou le travail de Dana Lemish sur le genre dans les dessins animés, réalisée à partir d’entretiens auprès de producteurs d’animation du monde entier, font figure d’exception (Lemish, 2010). Plus récemment, la journée d’étude « La fabrique de l’animation  », organisée en juin 2017, qui cherchait à mettre en visibilité de ce type de recherche et à développer le dialogue entre chercheurs, a moins été un aboutissement qu’une première étape. Cet état de la littérature, où l’on voit qu’il reste beaucoup à faire, pourra d’ailleurs sembler assez paradoxal dans des pays où, à l’image de la France, l’industrie de l’animation est en relative bonne santé et où les formations en animation sont internationalement reconnues (Mérijeau & Roffat, 2015).

Ce dossier voudrait par conséquent apporter à son tour une pierre à la compréhension des processus de mise en production de l’animation, en rassemblant des recherches engagées dans une telle perspective. Quels sont les travaux en cours abordant la situation des professionnels de l’animation, si nombreux et variés, ainsi que leurs conditions de travail ? Comment rendre compte de l’organisation d’un secteur dont les projets, souvent très longs à mettre en œuvre, nécessitent des « chaînes de coopération » (Becker, 1982) particulièrement étendues et complexes ? Sans ignorer l’apport des travaux déjà réalisés à propos d’autres domaines connexes, l’enjeu sera dès lors de réfléchir aux approches théoriques et empiriques possibles pour appréhender la « conception » de l’animation au sens large, depuis les premiers moments de sa création jusqu’à sa réalisation et sa diffusion, afin de cerner leurs spécificités et discuter sa propre nature d’industrie culturelle.

Pour commencer à répondre ces questionnements, contributeurs et contributrices pourront par exemple s’inscrire au sein des trois axes de recherche suivants :

L’animation et ses modes de collaboration

Dans le sillage des travaux sur les industries culturelles (Hesmondhalgh, 2012 ; Johnson et al., 2014) et le nouvel essor des production studies (Mayer & al., 2009 ; Arsenault et Perren, 2016), il est essentiel de réfléchir aux façons d’étudier le travail des professionnels de l’animation au plus près de leurs pratiques. Ainsi, comment suivre et documenter les multiples étapes de production de l’animation, où se croisent des professions artistiques variées (auteurs, dessinateurs, réalisateurs, storyboarders, animateurs, doubleurs, etc.), dont certaines, spécifiques au domaine, sont particulièrement mal connues ? Pour appréhender les modes de collaboration entre tous ces acteurs (Holian, 2015), les recherches sur d’autres créations éminemment collectives comme le cinéma (Rot & de Verdalle, 2013) ou celles sur les intermédiaires de la culture (Maguire & Matthews, 2014 ; Jeanpierre & Roueff, 2014) pourront s’avérer utiles. Les tensions qui traversent le secteur, qu’elles touchent à des enjeux de genre, de générations, d’écoles, etc., ou bien lorsqu’elles s’expriment jusque dans les techniques utilisées – autour d’oppositions comme artisanat vs. industrialisation, analogique vs. numérique (Noesser, 2016), etc. –, pourront aussi être au cœur des contributions.

Le secteur de l’animation : organisation, distribution et financements

La mise en production des longs métrages et des séries d’animation dépend en grande partie de modes de financement et des modèles économiques dont il semble important de saisir la spécificité (Creton, 2014). Les recherches qui tentent de mieux connaître le « petit » milieu de producteurs engagés dans l’animation et leurs éventuelles spécificités par rapport au reste de la profession (Creton et al., 2011) pourraient éclairer ces questions. De la même façon, seront bienvenues les contributions s’intéressant aux dispositifs institutionnels et financiers liés à l’animation, eux qui ont permis à l’animation française et plus généralement européenne d’exister à côté des produits anglo-saxons et japonais, ce qui n’a pas toujours été le cas (Mousseau, 1982). La diffusion apparaît également comme un enjeu central, des festivals aux distributeurs en passant par les diffuseurs proprement dits, notamment les chaînes de télévision, au regard de leur implication décisive dans le processus de production (Stabile & Harrison, 2003 ; Jost & Chambat-Houillon, 2003). Enfin les contraintes morales et réglementaires qui s’appliquent à ces contenus audiovisuels pourront également être interrogées, avec en particulier le rôle de certaines institutions, associations ou dispositifs ad hoc : le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel en France, les Parents-Teachers Associations au Japon, ou les départements « Standards and Practices » des chaînes de télévision américaines (Cohen, 2004) n’en sont que quelques exemples.

Animation et circulations médiatiques

Dans la perspective d’une étude plus intégrée des industries culturelles et de leurs frontières (Bouquillion et al., 2013), seront mis en avant les travaux qui s’intéressent à l’élaboration des phénomènes de circulation médiatique, en l’occurrence lorsque l’animation y joue un rôle central, ce qui est souvent le cas. Comment, par exemple, se transforme le travail de fabrication de l’animation lorsqu’il s’inscrit dans des démarches de licensing (Johnson, 2013) ou des stratégies cross- ou transmédia (Kinder, 1991 ; Steinberg, 2012) ? Quels sont surtout les « nouveaux » supports sur lesquels se déclinent aujourd’hui l’animation (jeux vidéo, web, applications, etc.) et quelles en sont les implications pour les professionnels ? Ces aspects conduiront à réinterroger les interactions entre industries culturelles, ainsi que le travail de construction des mondes fictionnels contemporains (Brougère, 2008 ; Condry, 2013 ; Besson, 2015).

Coordination

Sébastien François et Marie Pruvost-Delaspre 

Articles attendus pour le 15 juillet 2019

(parution du numéro : fin 2019/début 2020)

Modalités de soumission

Les articles de 40 000 signes maximum (espaces compris) sont à adresser aux coordinateurs du dossier : sebastien.francois@rocketmail.com et marie.pruvost-delaspre@univ-paris8.fr.

Les textes seront évalués en double aveugle par un comité scientifique.

Les consignes de rédaction sont disponibles à l’adresse : https://journals.openedition.org/rfsic/401

Calendrier

Date de rendu des articles : 15 juillet  2019

Numéro 18, à paraître en décembre 2019/début 2020

Bibliographie

BECKER Howard, 1982, Les Mondes de l’art, Paris, Flammarion, 379 p.

BESSON Anne, 2015, Constellations : Des mondes fictionnels dans l’imaginaire contemporain, Paris, CNRS, 560 p.

BOUQUILLION Philippe, MIEGE Bernard & MOEGLIN Pierre, 2013, L’Industrialisation des biens symboliques : Les industries créatives en regard des industries culturelles, Grenoble, PUG, 252 p.

CRAFTON Donald, Before Mickey : The Animated Film, 1898-1928, Boston, MIT Press, 1982.

CRETON Laurent, 2014, Économie du cinéma, Paris, Armand Colin, 295 p.

CRETON Laurent, DEHEE Yannick, LAYERLE Sébastien & MOINE Caroline, 2011, Les Producteurs : Enjeux créatifs, enjeux financiers, Paris, Nouveau Monde Éditions, 392 p.

COHEN Karl, 2004, Forbidden Animation. Censored Cartoons and Blacklisted Animators in America, Jefferson, McFarland, 230 p.

CONDRY Ian, 2013, The Soul of Anime : Collaborative Creativity and Japan’s Media Success Story, Durham, Duke University Press, 241 p.

DENIS Sébastien, 2017, Le Cinéma d’animation, Paris, A. Colin (3ème éd.), 320 p.

FURNISS, Maureen, 2016, A New History of Animation, New York, Thames & Hudson, 464 p.

HENDERSHOT Heather (dir.), 2004, Nickelodeon Nation. The History, Politics, and Economics of America’s Only TV Channel for Kids, New York, New York University Press, 304 p.

HESMONDHALGH David, 2012, The Cultural Industries, Londres, SAGE Publications Ltd, 480 p.

HOLIAN Heather, 2013, « Art, Animation and the Collaborative Process », Animation Studies Journal, volume 8, disponible sur https://journal.animationstudies.org/heather-holian-art-animation-and-the-collaborative-process/, consulté le 11 janvier 2019.

JEANPIERRE Laurent & ROUEFF Olivier, 2014, La Culture et ses intermédiaires, Paris, Archives contemporaines, 267 p.

JOHNSON Derek, 2013, Media Franchising : Creative License and Collaboration in the Culture Industries, New York, New York University Press, 300 p.

JOHNSON Derek, KOMPARE Derek & SANTO Avi, 2014, Making Media Work : Cultures of Management in the Entertainment Industries, New York, New York University Press, 336 p.

JOST François & CHAMBAT-HOUILLON Marie-France, 2003, « Parents-enfants : regards croisés sur les dessins animés », Informations sociales, 111. 62-71.

LAMARRE Thomas, 2008, « Animation Studies », The Semiotic Review of Books, 17 :3. 1‑5

LEMISH Dafna, 2010, Screening Gender on Children’s Television : The Views of Producers around the World, Londres/New York, Routledge, 240 p.

MAGUIRE Jennifer Smith & MATTHEWS Julian, 2014, The Cultural Intermediaries Reader, Londres/New York, SAGE Publications Ltd, 256 p.DOI : 10.4135/9781473912281

MAYER Vicky, BANKS Miranda & CALDWELL John Thornton (dir.), 2009, Production Studies : Cultural Studies of Media Industries, New York, Routledge, 255 p.

MERIJEAU Lucie & ROFFAT Sébastien (2015), « L’animation à l’université française, un enseignement en quête d’identification », Mise au point. Cahiers de l’association française des enseignants et chercheurs en cinéma et audiovisuel, no 7, disponible sur https://journals.openedition.org/map/1972, consulté le 11 janvier 2019.

MOUSSEAU Jacques, 1982, « Plaidoyer pour une industrie française du dessin animé », Communication et langages, 52 : 1. 82‑89.DOI : 10.3406/colan.1982.1466

NOESSER Cécile, 2016, La Résistible ascension du cinéma d’animation : socio-genèse d’un cinéma-bis en France (1950-2010), Paris, L’Harmattan, 308 p.

PILLING Jayne (dir.), 1997, A Reader In Animation Studies, Londres, John Libbey Publishing, 283 p.

ROT Gwenaële & DE VERDALLE Laure (dir.), 2013, Le Cinéma : travail et organisation, Paris, La Dispute, 236 p.

STABILE Carol & HARRISON Mark (dir.), 2003, Prime Time Animation : Television Animation and American Culture, Londres/New York, Routledge, 254 p.

STEINBERG Marc, 2012, Anime’s Media Mix : Franchising Toys and Characters in Japan, Minneapolis, University of Minnesota Press, 314 p.

WASKO Janet, 2001, Understanding Disney : The Manufacture of Fantasy, Cambridge, Polity, 261 p.

WELLS Paul, 2012, « Animation and the Animated Film », Oxford Bibliographies, disponible sur http://www.oxfordbibliographies.com/view/document/obo-9780199791286/obo-9780199791286-0076.xml, consulté le 11 janvier 2019.


Dates

  • lundi 15 juillet 2019

Mots-clés

  • animation,dessin animé,dessin,animé,production,studies,conception,dessins,dessins animés,animés,cinéma,télévision

Contacts

  • Sébastien FRANCOIS
    courriel : sebastien [dot] francois [at] rocketmail [dot] com
  • Marie Pruvost-Delaspre
    courriel : marie [dot] pruvost-delaspre [at] univ-paris8 [dot] fr

Source de l'information

  • Sébastien FRANCOIS
    courriel : sebastien [dot] francois [at] rocketmail [dot] com

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« L’animation comme industrie culturelle ? Concevoir et produire le dessin animé », Appel à contribution, Calenda, Publié le vendredi 10 mai 2019, https://doi.org/10.58079/12m8

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