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Il n’y a pas que la taille qui compte

Size isn't the only thing that counts

Revue Urbanités #14

Urbanités journal #14

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Publié le mercredi 22 mai 2019

Résumé

À l’occasion de son numéro #14, la revue Urbanités souhaite explorer la ville dans toutes ses dimensions, de la thématique du gigantisme urbain sous toutes ses formes à son revers, à savoir la revalorisation de villes « à taille humaine » et lance à cet effet un appel à propositions d'articles.

Annonce

Argumentaire

À Djeddah (Arabie Saoudite), l’achèvement du chantier de la Jeddah Tower, haute de 1 001 mètres, est annoncé pour 2020. Le gratte-ciel détrônera alors la Burj Khalifa (828 mètres) et deviendra la tour la plus haute du monde. Pour combien de temps ? Nombre d’équipements, monuments, infrastructures et projets urbains atteignant des proportions vertigineuses viennent de plus en plus bouleverser le paysage des grandes villes. Entre Hong Kong et Macao, c’est un pont maritime de 55 kilomètres de long qui a vu le jour en 2018. Aux Émirats Arabes Unis, le Dubaï Mall propose 800 000 m² de surface commerciale. À Las Vegas, c’est une grande roue qui s’érige à 168 mètres. Cette folie des grandeurs répond à un besoin de mise en scène, dans un contexte de compétition internationale qui pousse les métropoles mondiales à battre tous les records afin d’afficher leur puissance.

Au-delà de ces marqueurs spectaculaires, le processus de transition urbaine donne lieu à l’émergence de formes de villes inédites, appelées tantôt « mégavilles », « mégapoles » ou « mégacités ». Tokyo, Mexico, Lagos, Le Caire, Manille, Shanghai, Guangzhou, Mumbai, Delhi… ces villes géantes de plus de 10 millions d’habitants seraient plus de trente aujourd’hui à l’échelle mondiale. Ce culte de la performance ne peut cependant masquer l’acuité des enjeux qui entourent ces mastodontes urbains. Pour son #14, la revue Urbanités a décidé de revenir sur cette question de la taille, et notamment de se demander si, dans les villes, c’est seulement la taille qui compte.

À travers cette entrée, nous souhaitons dépasser le couple fascination/répulsion que des mégapoles « mangeuses d’hommes » ont pu susciter, comme le rappelle le terme de « monstruopole » forgé par Luis Gonzales pour décrire la croissance urbaine effrénée de Mexico dans les années 1980. Métropole, mégapole, mégalopole, mégaville, métapole, conurbation… les mots ne manquent pas pour tenter de décrire ces agglomérations de tous les excès. Cette inflation lexicale interpelle ; par ce numéro, Urbanités souhaite revenir sur la thématique des villes simplement très grandes, en s’interrogeant sur les spécificités fonctionnelles, organisationnelles, architecturales et sociales qui se cachent derrière ces superlatifs. Quelle urbanité dans ces vastes régions urbaines, ces territoires urbains qui se déploient sans fin sous l’effet d’un étalement urbain généralisé ? La croissance des villes se réalise dans toutes les dimensions. La démesure urbaine est de plus en plus verticale, avec la multiplication de tours de plus en plus hautes dans les paysages urbains. Au-delà des enjeux de visibilité, quel est le sens de cette course à la hauteur et quelles sont les qualités à reconnaître à ces villes « debout » ? Dans ce numéro, Urbanités souhaite donc explorer la thématique du gigantisme urbain sous toutes ses formes, et son revers, à savoir la revalorisation de villes « à taille humaine ».

Trois principaux axes de réflexion pourront être envisagés sur les problématiques des villes et de leur taille. D’abord, il s’agira de revenir sur la question de la mesure de ces villes qui se veulent, justement, incommensurables : qu’est-ce qu’une « grande » ville, quels sont les critères de « grandeur » mobilisés par les scientifiques, et par les acteurs urbains eux-mêmes ? Ensuite, ce numéro pourra aborder la question de la gouvernance des grandes villes et de la difficile irrigation de ces entités urbaines extravagantes par des services et des réseaux à la peine. Enfin, un axe sera consacré aux perceptions et résistances face à des espaces du grand urbain. Pour chacun de ces axes, nous souhaitons insister sur la dimension actorielle de la fabrique du (très) grand et du petit dans les villes. Comme pour tout appel, les réflexions que nous ouvrons ici ne sont que des pistes qui demandent à être saisies, transformées et prolongées par les auteur·e·s de propositions d’articles et de portfolios.

Mesurer la ville

  • Qu’est-ce qu’une « grande » ville ?

L’idée de grande ville est débattue dans le champ des études urbaines et de la géographie depuis plusieurs décennies. Quels seraient en effet les critères à retenir pour déterminer qu’une ville est grande ? Les classements internationaux de villes ont longtemps retenu le seul critère démographique, partant du principe que le « poids » démographique était corrélé à d’autres éléments (densité, fonctions), comme le rappelle la règle rang – taille de Zipf. D’autres classements dominent aujourd’hui la recherche urbaine, notamment celui du Global Power City Index ou celui du GaWC (Globalization and World Cities Research Network). Alors que ces classements s’appuient avant tout sur les fonctions métropolitaines des espaces urbains, ils interrogent les catégories de métropole, mégapole et mégalopole. Cela nous rappelle de fait les débats autour de la notion de « ville globale » et du statut de Paris, que Saskia Sassen n’avait pas considéré comme telle (Sassen, 1991 et 1994). Les difficultés à établir ces classements révèlent les enjeux de définition de ce qu’est une grande ville, tout en questionnant l’utilité même de hiérarchiser les espaces urbains. On peut alors s’intéresser à ce que disent et reflètent ces classements et ces notions à travers des articles qui interrogeraient ce statut de grande ville.

  • La ville sans fin

Au-delà de la question des critères de classement, nous considérons également que la notion de taille renvoie à la forme urbaine. Cette forme urbaine serait à concevoir aussi bien d’un point de vue horizontal que d’un point de vue vertical.

D’un point de vue horizontal, nous ouvrons avant tout la réflexion autour des questions d’étalement urbain et de ses processus souvent corollaires, la périurbanisation ou la suburbanisation. Ces processus urbains, par leur histoire et leur déploiement encore contemporain, nous semblent être au cœur des réflexions à mener dans ce numéro. Si l’étalement urbain et les espaces périurbains ou suburbains interrogent la taille des villes, elles donnent également lieu à des formes d’urbanités que nous souhaiterions voir interrogées dans ce numéro, du quartier de lotissement pavillonnaire, aux gated communities en passant par toutes les formes d’habitat informel. De plus, ne peut-on pas, à l’instar de Renaud Le Goix (2016), se demander si ces marges sont également devenues des lieux privilégiés de l’intégration métropolitaine ? En effet, au-delà de la question de l’étendue des espaces urbains, il nous semble intéressant de continuer les réflexions ouvertes sur les recompositions urbaines engendrées par cette extension a priorisans fin des espaces urbains et les enjeux de polycentrisme que cela ouvre (Garreau, 1991 ; Soja, 2014).

D’un point de vue vertical, nous aimerions ouvrir les réflexions aussi bien sur la prouesse architecturale que représente la verticalisation des espaces urbains que sur les processus urbains qui la sous-tendent. Qu’il s’agisse des conséquences de la verticalisation sur les paysages urbains (les « skylines »), les services urbains, en particulier de transport, ou encore la sécurité, dans un contexte post-11 septembre 2001, il nous semble également important de réfléchir au sens du geste. Si la verticalisation est ancienne et reflète une affirmation du pouvoir, elle rencontre désormais les processus de métropolisation et de financiarisation de la fabrique urbaine (Appert, Huré et Languillon, 2017), dans des villes où certaines classes aisées ont parfois fait sécession de façon verticale (Graham, 2016). Enfin, la verticalisation ouvre un champ de réflexion architectural, qu’il s’agisse de la place de la starchitecture dans les espaces urbains, ce que les débats autour de la Tour Triangle à Paris rappellent, ou encore d’une forme de masculinisme architectural que ces bâtiments révèlent.

Dans le même ordre d’idées, nous attendons également des réflexions sur le gigantisme dans les équipements urbains et les grandes infrastructures. Le gigantisme portuaire, aéroportuaire ou ferroviaire peuvent entrer dans ces considérations, notamment si leur construction et leur implantation transforment voire remettent en cause le lien à la ville, que ce soit par les potentielles coupures urbaines engendrées que par les conflits et nuisances liées à ces aménagements. Derrière ces grands équipements se pose également la question des acteurs à même de porter de tels projets, et des modalités de gestion de ces projets, entre présence de grands acteurs d’échelon national et emprise grandissante de consortiums privés hautement capitalisés.

Gouverner les grandes villes : des colosses aux pieds d’argile ?

Si les très grandes villes se situent au sommet de la hiérarchie urbaine, elles ne sont pas forcément dotées de fonctions métropolitaines significatives. La distinction désormais classique opérée entre « mégapole » et « métropole » rappelle qu’en termes de rayonnement, ce n’est pas la taille qui compte. Urbanités souhaite revenir sur ce découplage qui semble paradoxalement s’opérer entre la taille et la puissance.

  • Se voir trop grand, la ville mal ajustée

À l’heure d’un changement d’échelle dans l’ensemble du dispositif de production urbaine (extension des périmètres administratifs, compétition verticale, grandes opérations d’aménagement…), la grande dimension urbaine apparaît de fait souvent comme encombrante. Les exemples de villes en difficulté pour accompagner la croissance urbaine sont pléthoriques, et font peser sur les acteurs urbains la hantise de la prolifération de quartiers informels eux aussi sans limites. Cette thématique du sur-dimensionnement est aussi mise en évidence de manière plus ponctuelle mais emblématique dans le délicat entretien d’équipements de prestige disproportionnés, à l’instar des « éléphants blancs » hérités  de grands événements sportifs (piscine olympique à Athènes, stade olympique à Atlanta…) ou de périodes de frénésie immobilière (aéroport Montréal-Mirabel, villes espagnoles). Quelles sont les logiques à l’œuvre derrière ces problèmes de calibre (Lefebvre et Roult, 2017) ?

  • Gérer plus grand

Comment les outils de la gouvernance urbaine tentent-ils de s’adapter, voire d’accompagner ces ambitions débordantes ?Alors que la métropolisation passe par une affirmation économique, politique et sociale des grandes villes, nombre de mégapoles restent des « nains politiques ». Paris n’est-elle pas gouvernée par un maire élu seulement depuis 1977 ? Le modèle de cités-États telles que Singapour est-il voué à être une exception ? Pour Parag Khanna, des grandes villes comme Mumbai, Lagos ou Karachi sont aujourd’hui quasiment plus opérationnelles et plus robustes que des États. Ce numéro d’Urbanités souhaite ainsi revenir sur l’affirmation des grandes fonctions décisionnelles des grandes agglomérations. « Grand Paris », « Greater London », « Grand Caire »… Derrière une toponymie qui envisage des capitales dans leur version extensive se manifeste la volonté de mettre en adéquation les territoires institutionnels, fonctionnels et morphologiques des villes. Il s’agira aussi de s’intéresser au renouveau théorique du municipalisme libertaire appliqué au pouvoir des villes, à la faveur des travaux de Jonathan Durand Folco (2017).

  • Viser le grand, délaisser le petit ?

Pour l’heure, ce mouvement institutionnel semble en grande partie inachevé, et les villes géantes porter un costume trop grand pour elles. Ce numéro souhaite revenir sur les conséquences paradoxales du gigantisme urbain, à savoir, le délaissement des centres-villes des villes petites et moyennes, ou encore les problématiques de vacance foncière liées à la dilution des limites de la ville. Ce thème peut ainsi être l’occasion de revenir sur des dynamiques de « rétrécissement urbain », ne se traduisant pas, comme pourrait le suggérer le terme, par une rétraction, un « rapetissement » morphologique de villes en déclin, mais par une déprise démographique et ses conséquences sur des organismes urbains d’une taille devenue incommodante (Fol et Cunningham-Sabot, 2010).

Les démonstrations de puissance mégapolitaine font elles-mêmes l’objet de critiques croissantes. La transformation de la silhouette urbaine est ainsi de plus en plus remise en question, en particulier dans les villes européennes. Les contestations visent tant à défendre le patrimoine urbain qu’à rejeter la financiarisation de la fabrique urbaine incarnée par cette verticalisation et les acteurs publics et privés qui l’accompagnent. Les impacts paysagers et sociétaux du gigantisme urbain font ainsi l’objet de débats politiques, architecturaux et urbanistiques que ce numéro propose d’explorer. À l’inverse, la ville à taille humaine, le « village » urbain, n’a plus à souffrir d’un quelconque complexe d’infériorité.

Grand, vide, moche, petit : perceptions et résistances urbaines

Face à des processus urbains qui font du grand une valeur et un critère de définition, il nous semble intéressant de consacrer un troisième axe aux perceptions, mais aussi aux tentatives de redéfinition de l’urbanité et aux essais de résistance face au « grand » urbain.

Dans un premier temps, il nous semble que l’une des premières critiques soit celle de l’uniformisation des paysages urbains, qu’elle soit liée à la verticalisation des paysages ou à l’étalement urbain. Cette critique est souvent accompagnée de considérations sur l’absence d’urbanité de ces espaces, qu’il s’agisse des immeubles de bureau qui se vident le soir venu ou des quartiers périurbains, en particulier les zones commerciales, souvent accusées de « défigurer » les périphéries urbaines. Sans prôner une réhabilitation de ces espaces, nous encourageons des travaux qui s’interrogeraient sur le regard porté sur ces espaces du grand qui deviendraient des espaces du vide ou du « moche » pour rappeler la une polémique de Télérama de 2015.

Finalement, la forme de résistance la plus commune au grand ne serait-elle pas de (re)valoriser le petit, que l’on nomme souvent « compact » en termes urbains ? S’il est tout aussi délicat de définir ce qu’est le « petit » ou le « compact » pour un espace urbain, il nous semble intéressant de prendre en considération les actions visant à valoriser les logiques inverses d’urbanisation. Limiter la croissance démographique d’une commune, comme dans le périurbain lyonnais (Charmes et Rousseau, 2013), ou valoriser des logiques urbaines locales, à l’image des mouvements slow cities, sont autant de révélateurs des perceptions que les populations et acteurs urbains peuvent avoir de la taille d’une ville. S’interroger sur la « taille » idéale d’un espace urbain relèverait-il alors d’une utopie ou d’une réflexion nécessaire à entreprendre dans un contexte d’affirmation de l’Anthropocène ?

Pour ce #14, Urbanités attend donc des contributions issues de disciplines variées et des contributions originales, tant dans le domaine des sciences que des arts sont aussi les bienvenues. En termes de forme, notre appel peut aussi bien donner lieu à des propositions d’articles qu’à des propositions de portfolios (voir les modalités de soumission).

Modalités de soumission

La proposition comprendra un résumé́ d’une page maximum (notes comprises, Times New Roman 12, interligne simple). Elle devra énoncer une problématique de recherche claire, ainsi que les axes que l’article abordera s’il est retenu. La claire mention de quelques références bibliographiques que l’article utilisera s’il est retenu sera appréciée.

Pour les propositions de portfolio, veuillez joindre au moins 5 photos qui refléteront le travail final proposé s’il est retenu.

La proposition précisera les nom, prénom, statut et email de l’auteur·e.

La date limite de soumission des propositions est le lundi 24 juin 2019.

Elle est à renvoyer à l’adresse suivante : contact@revue-urbanites.fr

Rédactrices en chef du #14 / Il n’y a pas que la taille qui compte : Charlotte Ruggeri, charlotte.ruggeri@revue-urbanites.fret Frédérique Célérier, frederique.celerier@revue-urbanites.fr.

Calendrier prévisionnel

  • Retour des propositions : lundi 24 juin 2019

  • Acceptation du comité́ de rédaction : Mi-juillet 2019 au plus tard
  • Première version de l’article : 27 octobre 2019
  • Publication du #14 : septembre 2020

Coordination scientifique

  • Charlotte Ruggeri, docteure en géographie, rattachée au laboratoire LVMT de l’université Paris-Est Marne-la-Vallée
  • Frédérique Célérier, docteure en géographie, rattachée au laboratoire Passages – UMR 5319 de l’Université Bordeaux Montaigne

Bibliographie indicative

  • Appert M., Huré M. et Languillon R., 2017, « Gouverner la ville verticale : entre ville d’exception et ville ordinaire », Géocarrefour, 91/2, en ligne.
  • Charmes E. et Rousseau M., 2014, « Le pavillon et l’immeuble : géopolitique de la densification dans la région métropolitaine de Lyon », Géographie, économie, société, 2014/2, vol. 16, 155-181.
  • Durand Folco J., 2017, À nous la ville ! Traité de municipalisme, Ecosociété, 198 p.
  • Garreau J., 1991, Edge City, Life on the new frontier, New York, Doubleday, 548 p.
  • Graham S., 2016. Vertical: The City from Satellites to Bunkers, Verso, New York, 416 p.
  • Lefebvre S. et Roult R. , 2017, « Entendu / Entretien : des jeux et des villes, les liens ambigus entre urbanisme et olympisme », Urbanités, septembre 2017, en ligne.
  • Le Goix R., 2016, Sur le front de la métropole : une géographie suburbaine de Los Angeles,Paris, Publications de la Sorbonne, 320 p.
  • Sassen S., 1991, The Global City, London, New York, Tokyo, Princeton, Princeton University Press, 480 p.
  • Sassen S., 1994, « La ville globale, Éléments pour une lecture de Paris », Le Débat, 1994/3, n°80, pp. 137-153.
  • Soja E., 2014, My Los Angeles, From urban restructuring to regional urbanization, Berkeley, University of California Press, 294 p.

Dates

  • lundi 24 juin 2019

Fichiers attachés

Mots-clés

  • mégapole, mégalopole, étalement urbain, verticalisation, gouvernance métropolitaine

URLS de référence

Source de l'information

  • Frédérique Celerier
    courriel : frederique [dot] celerier [at] revue-urbanites [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Il n’y a pas que la taille qui compte », Appel à contribution, Calenda, Publié le mercredi 22 mai 2019, https://doi.org/10.58079/12wg

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