AccueilTuer les pères : femmes derrière la caméra dans les films de famille

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Tuer les pères : femmes derrière la caméra dans les films de famille

Killing the fathers: Women behind the camera on home movies

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Publié le mardi 18 juin 2019

Résumé

La journée d’études « Tuer les pères : Femmes derrière la caméra dans les films de famille » propose une réflexion collective autour des images d’amateur tournées en famille. En affirmant et en perpétuant l’institution familiale dans sa configuration patriarcale, nucléaire et hétérosexuelle, le film de famille a contribué à reproduire les codes et les hiérarchies de genre et de sexualité de la société bourgeoise. En concevant le cinéma d’amateur comme une « technologie de genre » (De Lauretis, 1987), nous invitons des communications portant sur les images réalisées par des femmes-amatrices afin de découvrir et décortiquer leur propre « regard familial ».

Annonce

9 décembre 2019, IRCAV, Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3

Organisée par Beatriz Rodovalho & Giuseppina Sapio

Argumentaire

En 1979, Roger Odin publie l’article « Rhétorique du film de famille » dans le numéro Rhétoriques, sémiotiques de la Revue d’Esthétique en proposant une définition du film de famille, à savoir « un film réalisé par un membre d’une famille, à propos d’objets ou d’événements liés d’une façon ou d’une autre à l’histoire de cette famille, et à usage privilégié des membres de cette famille » (1). La pratique familiale de la prise d’images a fait l’objet de nombreux travaux scientifiques au sein de plusieurs disciplines: de la sociologie (Bourdieu, 1965) à l’anthropologie (Chalfen, 1987), de l’histoire (Zimmermann, 1995) à la communication (Odin, 1995, 2011 ; Moran, 2002 ; Cati, 2009 ; Rascaroli, Young, Monahan, 2014; Sapio, 2016) en passant par les études cinématographiques (Turquety, Vignaux, 2016 ; Rodovalho, 2018). Les films de famille remplissent des fonctions essentielles au travers desquelles se trouvent mis en jeu la famille et ses membres, leur rôle et leur identité. Dans cette perspective, la réalisation et le visionnage en famille d’images privées contribuent à un processus de subjectivation et constituent des « espaces de communication » (Odin, 2011) caractérisés par de forts enjeux de pouvoir.

Quarante ans après la publication de l’article de Roger Odin, nous souhaitons proposer une réflexion collective autour des images d’amateur tournées en famille. Il s’agira alors de penser les manières de voir et de se voir qui existent au sein des groupes familiaux et que les dispositifs (caméras analogiques et numériques, téléphones mobiles) contribuent à façonner et permettent de matérialiser. En reprenant la notion de « regard familial » (familial gaze) (2) développée par Marianne Hirsch, nous considérons que les photographies et les films de famille se caractérisent par un coefficient idéologique important puisque, en construisant une certaine vision de la famille, ils cadrent et déterminent les regards (familial looks) des sujets qu’ils englobent (3). Pendant longtemps, le « familial gaze » a correspondu à un regard patriarcal, dans la mesure où, derrière la caméra, l’opérateur était généralement individuel et masculin, tandis que les femmes étaient les objets privilégiés de la représentation. Or, cette hyper- visibilité des femmes masquait, en réalité, leur absence en tant que productrices d’images et de regards. En affirmant et en perpétuant l’institution familiale dans sa configuration patriarcale, nucléaire et hétérosexuelle, le film de famille a ainsi contribué à reproduire les codes et les hiérarchies de genre et de sexualité de la société bourgeoise. En construisant des images oscillant entre le réel et l’imaginaire, il a normalisé et naturalisé la distribution des rôles genrés.

En concevant le cinéma d’amateur comme une « technologie de genre » (De Lauretis, 1987), nous invitons des communications portant sur les images réalisées par des femmes-amatrices afin de découvrir et décortiquer leur propre « regard familial » : ces films de famille, construisent-ils une autre archive, libre de la loi paternelle et patriarcale (Derrida, 1995) ? Comment défient-ils cette loi en proposant d’autres manières de voir ? Peut-on écrire une histoire du cinéma d’amatrices ou une histoire féministe du cinéma domestique ? Dans une perspective diachronique, tenant compte des transformations sociales, culturelles et juridiques ayant profondément redéfini les contours de la cellule familiale, nous nous intéressons aux productions filmiques et photographiques d’amateur – d’autrefois et d’aujourd’hui, analogiques et numériques – qui fabriquent un regard familial «marginal» et «non-hégémonique». Ainsi, nous attendons des propositions dans lesquelles les films de famille sont appréhendés comme des objets médiatiques sensibles, situés au croisement de complexes relations de genre, de classe et de race.

1. Roger Odin, « Rhétorique du film de famille », Rhétoriques, sémiotiques ; Revue d’Esthétique, n° 1-2, 1979, p. 345.

2. Marianne Hirsch (dir.), The Familial Gaze, University Press of New England, 1999.

3. Marianne Hirsch, Family Frames : Photography, Narrative, and Postmemory, Harvard University Press, 2012. p. 7.

Modalités de soumission

Les propositions de communication sont à envoyer conjointement aux coordinatrices, Beatriz Rodovalho et Giuseppina Sapio, à l’adresse :

filmsdefamille2019@gmail.com

Elles comporteront : le titre de la communication, un résumé de 500 mots (maximum), une bibliographie indicative, cinq mots clefs et une courte note bio-bibliographique (150 mots maximum).

La date limite de soumission des propositions est fixée au 5 juillet 2019.

Comité scientifique

  • Laurence Allard (Université de Lille 3) ;
  • Jean-Pierre Bertin-Maghit (Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3) ;
  • Alice Cati (Università Cattolica del Sacro Cuore) ;
  • Sébastien Layerle (Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3) ;
  • Roger Odin (Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3) ;
  • Beatriz Rodovalho (Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3) ; Giuseppina Sapio (Université Jean Jaurès - Toulouse 2) ;
  • Guillaume Soulez (Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3) ; Valérie Vignaux (Université de Caen).

Bibliographie

ALLARD Laurence, CRETON Laurent, ODIN Roger, Téléphone mobile et création, Armand Colin, 2014.

BARTHES Roland, La chambre claire : note sur la photographie, Éditions de l’Étoile, Gallimard, Éditions du Seuil, 1980.

BERTIN-MAGHIT Jean-Pierre, Lettres filmées d’Algérie (1954-1962). Des soldats à la caméra, Nouveau Monde Éditions, 2015.

BOURDIEU Pierre, Un art moyen : essai sur les usages sociaux de la photographie, Éditions de Minuit, 1965.

CATI Alice, Pellicole di ricordi. Film di famiglia e memorie private (1926-1942), Vita e Pensiero, 2009.

CHALFEN Richard, Snapshot versions of life, Bowling Green State University Popular Press, 1987.

CITRON Michelle, Home Movies and Other Necessary Fictions, University of Minnesota Press, 1999.

DE LAURETIS Teresa, Technologies of Gender : Essays on Theory, Film, and Fiction, Indiana University Press, 1987.

HIRSCH Marianne, Family Frames: Photography, Narrative, and Postmemory, Harvard University Press, 1997.

HIRSCH Marianne (dir.), The Familial Gaze, University Press of New England, 1999.

MORAN James, There’s No Place Like Home Video, University of Minnesota Press, 2002.

MOTRESCU-MAYES Annamaria, NORRIS NICHOLSON Heather, British Women Amateur Filmmakers : National Memories and Global Identities, Edinburgh University Press, 2018.

MULVEY Laura, Visual and Other Pleasures, Indiana University Press, 1989.

ODIN Roger, « Rhétorique du film de famille », Rhétoriques, sémiotiques; Revue d’Esthétique, n° 1-2, 1979, p. 345.

ODIN Roger (dir.), Le film de famille : usage privé, usage public, Méridiens Klincksieck, 1995.

ODIN Roger, Les espaces de communication. Introduction à la sémio-pragmatique, PUG, 2011.

RASCAROLI Laura, YOUNG Gwenda, MONAHAN Barry, Amateur Filmmaking. The home movie, the archive, the web, Bloomsbury, 2014.

RODOVALHO Beatriz, « Good Girls : The Deconstruction of the Male Gaze Through the Reappropriation of Home Movies », in BLANK Thaís, MACHADO Patrícia et al. (dir.), Archives in movement : International Seminar on Archive, Fundação Getúlio Vargas, 2018.

SAPIO Giuseppina, « Le film de famille. Représentations collectives, mise en récit et subjectivation », Psychanalyse, Socioanalyse ; Politiques de communication. La revue, n° 8, printemps 2017, pp. 27-47.

SAPIO Giuseppina, « Familles et caméras d’amateur : pourquoi a-t-on besoin de se filmer ? », Les Cahiers de la SFSIC, n° 13, 2017.

VIGNAUX Valérie, TURQUETY Bénoît (dir.), L’amateur en cinéma, un autre paradigme. Histoire, esthétique, marges et institutions, Association Française de Recherche sur l’Histoire du Cinéma (AFRHC), 2016.

ZIMMERMANN Patricia, Reel families: a social history of amateur film, Indiana University Press, 1995.


Dates

  • vendredi 05 juillet 2019

Mots-clés

  • cinéma amateur, film de famille, genre, femme

Contacts

  • Beatriz Rodovalho
    courriel : biarodovalho [at] gmail [dot] com

Source de l'information

  • Beatriz Rodovalho
    courriel : biarodovalho [at] gmail [dot] com

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Tuer les pères : femmes derrière la caméra dans les films de famille », Appel à contribution, Calenda, Publié le mardi 18 juin 2019, https://doi.org/10.58079/12xe

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